reconquérir l'étang de berre : un grand dessEin
L'action des pouvoirs publics
La reconquête de l'étang de Berre en tant qu'espace naturel remarquable procède de la volonté des citoyens riverains, des élus locaux et de l'État.
Les communes riveraines de l'étang ont créé, en 1991 le syndicat intercommunal pour la sauvegarde de l'étang de Berre (SISEB), doté d'une présidence tournante, signe du consensus existant entre les élus.
Sensible aux revendications des élus locaux et des associations de protection de l'environnement, le Gouvernement a lancé un plan de reconquête ambitieux, qui a connu trois temps forts en 1993, 1995 et en 1996.
• Le plan Barnier de septembre 1993
Le plan lancé à l'occasion de la visite du Ministre de l'Environnement sur le site de l'étang de Berre tendait à :
- poursuivre la réduction des pollutions d'origine domestique et industrielle, en continuant le programme de réhabilitation doté de 410 millions de francs lancé en 1992, et en renforçant le traitement des rejets polluants provenant des PME-PMI ;
- diminuer les apports en eau douce provenant de la centrale de Saint-Chamas de 15 % (soit 500 millions de m3 sur 3 milliards) dans l'étang, en limitant spécialement les rejets durant les mois d'été ;
- diminuer les apports en limons, par l'abaissement du seuil de turbidité des eaux de 3 grammes à 2 grammes par litre d'eau ;
- réduire les pollutions atmosphériques , de 20 à 30 % sur le site, spécialement pour les émissions de souffre des sites industriels pétroliers d'ici à l'an 2000 ;
- rétablir le droit de pêche dans l'étang ;
- étendre la superficie des terrains possédés par le Conservatoire du littoral ;
- créer une structure permanente de concertation destinée à jouer un rôle d'observation et de suivi écologique et de concertation. C'est ainsi que vit le jour la mission pour la reconquête de l'étang de Berre , actuellement placée sous la tutelle du sous-préfet d'Istres.
• Décisions du Premier ministre d'avril 1995
- La principale des mesures annoncées par le Premier ministre à l'occasion de son déplacement à Istres fut la réduction des rejets d'eau douce de 30 % pendant sept mois, d'octobre à avril, et de 50 % de mai à septembre, qui correspond à une limitation annuelle de 2.100 millions de m3 d'eau par an ;
- La limitation des apports en limon à 200.000 tonnes par an ;
- L'abandon du projet de bassin de décantation de Beaumont ;
- L'accord de principe sur la création d'un établissement public industriel et commercial de sauvegarde de l'étang de Berre.
• Les mesures présentées par Mme Corinne Lepage le 25 novembre 1996
A l'occasion d'une réunion de travail tenue à Istres, le Ministre de l'Environnement a fait part de son désir de voir la reconquête de l'étang de Berre revêtir un caractère exemplaire en tant qu'opération de développement durable.
Le ministre a également souhaité qu'un établissement public spécifique chargé de rendre à l'étang son caractère marin voie le jour, avec le soutien financier du ministère de l'environnement.
Il a enfin annoncé la mise en place d'un système d'aide aux pêcheurs doté d'un budget de 1,2 million de francs, alimenté pour moitié par des crédits issus de la réserve parlementaire et pour moitié par des fonds versés par les collectivités locales.
Les premiers résultats positifs
La lutte contre la pollution vise aussi bien les pollutions industrielles et domestiques que les rejets d'eau douce par la centrale EDF de Saint-Chamas. Elle se double de mesures en faveur des activités maritimes et d'une politique active de suivi écologique et de conservation de la nature.
• La lutte contre les pollutions industrielles
La Direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE) s'est donné pour but de lutter contre la pollution de l'air et contre la pollution de l'eau. L'amélioration de la qualité des eaux de l'étang procède de la suppression des flux polluants de DCO, de la création d'équipements tels que des bassins de confinement des eaux accidentellement polluées et des eaux d'extinction d'incendies, ainsi que le développement de l'équipement des zones industrielles en bassin d'orage destinés à prévenir les pollutions accidentelles. Elle passe enfin par la création d'une station d'épuration collective au Rousset.
Au surplus, la surveillance des émissions polluantes s'est accélérée depuis 1995, grâce à l'auto-surveillance des industriels, à la réalisation de contrôles de l'azote et du phosphore et grâce à la multiplication des contrôles inopinés.
De son côté, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a poursuivi son aide en accordant au total plus de 30 millions de francs afin de lutter contre les pollutions industrielles.
• La lutte contre les pollutions domestiques
Un programme ambitieux a été lancé afin de réduire de 35 à 40 % le flux des matières oxydables et décantables, et de 50 % les flux d'azotes et de phosphore déversés dans l'étang par les eaux usées d'origine domestique insuffisamment traitées.
Les communes de plus de 10.000 habitants situées dans le bassin versant des affluents de l'étang de Berre, à savoir Aix-en-Provence, Bouc- Bel-Air, Gardanne, Vitrolles et Salon-de-Provence sont soumises aux dispositions du décret du 3 juin 1994 relatif à la collecte et au traitement des eaux usées urbaines. Elles sont donc, en principe -car des retards sont envisagés- dans l'obligation de mettre leurs installations d'assainissement en conformité avec le décret précité d'ici au 31 décembre 1998.
En outre, deux syndicats intercommunaux ont d'ores et déjà été créés, l'un sur la Touloubre, le Syndicat d'étude du bassin versant de la Touloubre, l'autre sur l'Arc, le syndicat d'aménagement du bassin versant de l'Arc, signe que les collectivités territoriales sont sensibles aux problèmes posés par la pollution.
• Réduction des rejets d'eau douce
Comme le montre le tableau ci-dessous, les objectifs fixés par le plan de reconquête ont été globalement respectés. En 1995, les apports d'eau douce ont atteint 2,1 milliards de m3 tandis que les apports de limons étaient limités à 85.000 tonnes. Du fait de la réalisation de travaux dans la Durance, il a cependant été nécessaire de limiter les restitutions dans cette rivière, si bien que 0,3 milliards de m3 d'eau et 7.500 tonnes de limons ont été déversés, de surcroît dans l'étang, entre le 24 juin et le 20 septembre 1996. Le régime normal d'exploitation a été repris après la fin des travaux dans la Durance, conformément aux objectifs du plan de reconquête.
Au total, le coût pour EDF s'est élevé à 54 millions de francs de manque à gagner du fait du rejet des eaux dans la Durance sans qu'elles alimentent la Centrale de Saint-Chamas et produisent de ce fait du courant, et de 11 millions de francs destinés au financement de la mission de reconquête, aux travaux de modification des ouvrages et aux études sur les modalités d'application du plan de reconquête.
Votre rapporteur observe cependant que l'accroissement des restitutions dans la Durance, s'il semble favorable à l'équilibre de l'étang de Berre pose de nouveaux problèmes pour la vallée de la Durance elle-même et pour son équilibre écologique.
Selon certains observateurs, l'accroissement des restitutions d'eau à la Durance pourrait s'avérer extrêmement nuisible pour les 50 kilomètres de rivière situés entre Mallemort et le Rhône. La variabilité du débit de la Durance, lorsqu'elle n'est pas régulée par les centrales de Salon et de Saint-Chamas pose de nouveaux problèmes en terme de sécurité et de perturbation des sites écologiques de la Durance.
On constate donc que la solution du problème posé à l'étang de Berre passe par une prise en compte globale des rejets de l'eau de la Durance aussi bien dans l'étang que dans le cours de la rivière.
La solution à ce problème pourrait consister dans le renvoi de l'eau soit vers le Rhône, soit vers la mer. Selon les études réalisées par EDF, le coût des infrastructures permettant de dévier les eaux de la Durance oscillerait entre un plancher de 3,8 milliards de francs permettant de réaliser une galerie dans l'étang de Berre et un canal dans la Crau afin de jeter les eaux dans la mer, et le rejet au Rhône à partir de la Chute de Barbentane, qui remplacerait les installations EDF de Salon-de-Provence et de Saint-Chamas, pour un coût estimé, en 1992-1993 à 8 milliards de francs.