3. Un dispositif de contrôle perfectible
En même temps que le régime transitoire de TVA intracommunautaire, un dispositif de contrôle spécifique a été mis en place.
Les États membres ont mis en place un système d'échange d'informations sur leurs transactions commerciales qui comporte une base informatique européenne des assujettis à la TVA, consultable tant par les administrations que par les entreprises, et un réseau informatisé de recoupement des acquisitions communautaires dit VIES (pour VAT information exchange system ), à l'usage des administrations.
Chaque État membre enregistre sur le système VIES les déclarations de livraisons intracommunautaires de ses entreprises. Les administrations fiscales peuvent alors recouper les données de VIES avec les montants des acquisitions intracommunautaires déclarées par leurs opérateurs nationaux pour identifier les discordances éventuelles. En cas d'anomalie, elles peuvent demander l'assistance de leurs homologues des autres États membres, dans le cadre d'une coopération administrative élargie.
En France, un instrument juridique de contrôle supplémentaire a été mis à la disposition des administrations fiscales. Il s'agit du droit d'enquête, qui permet à la DGI et aux douanes d'effectuer des contrôles de facturation inopinés, en matière de TVA intracommunautaire uniquement. Par ailleurs, les contrôles à la circulation pratiqués par les douanes contribuent au contrôle des échanges intracommunautaires, sans leur être réservés.
Un service commun à la douane et à la DGI a été créé pour développer les échanges d'informations entre les deux administrations, assurer l'assistance administrative due aux services fiscaux des autres États membres, et exploiter systématiquement les données intracommunautaires disponibles.
Ce dispositif de contrôle des échanges intracommunautaires apparaît encore très perfectible.
Tout d'abord, il reste difficile pour l'administration fiscale de faire la preuve de la fraude, une simple discordance entre les données VIES et les données nationales ne suffisant pas. Il est alors nécessaire de faire appel à l'assistance administrative internationale, dont la durée apparaît peu compatible avec les délais enserrant l'intervention sur place du vérificateur. Dans le cas des livraisons intracommunautaires, l'administration fiscale doit expertiser un faisceau d'indices pour contrôler la sortie effective du bien du territoire, ce qui aboutit en pratique à faire peser sur elle la charge de la preuve. Sur ce point, l'instauration d'un document d'accompagnement de la marchandise constituerait une amélioration notable.
D'autre part, la fréquence des contrôles apparaît faible au regard de la masse des transactions intracommunautaires. En 1996, il a été procédé en France à 800 droits d'enquête par les douanes et 1.500 par la DGI, à 6.000 contrôles de DEB, et à 12.000 contrôles à la circulation. Ces contrôles sont en outre beaucoup plus axés sur les acquisitions que sur les livraisons (dans un rapport de un à cinq). Or, les contrôles sur acquisitions sont largement des contrôles "pour ordre", puisque la TVA intracommunautaire redressée reste déductible. Ce sont les livraisons intracommunautaires non déclarées ou fictives qui alimentent les circuits occultes hors TVA ou les demandes de remboursement indues.
Au-delà des contrôles nationaux, les instruments de recoupement communautaires présentent des faiblesses constitutives.
D'une part, les données enregistrées sur le système VIES ne sont pas suffisamment stables dans le temps pour être correctement exploitables. Elles font l'objet de rectifications de la part des États membres sur des périodes trop longues et pour des montants trop importants. Ces corrections tardives et répétées sont de nature à décourager les administrations fiscales de vérifier des discordances qui se révéleraient seulement apparentes. Il serait donc souhaitable que la Commission européenne fixe des dates butoirs plus contraignantes aux services chargés d'alimenter le système VIES.
D'autre part, le système VIES souffre d'avoir été conçu sur un mode unilatéral. En effet, il n'enregistre que les déclarations d'acquisitions intracommunautaires alors que pour permettre des recoupements vraiment efficaces, il faudrait qu'il enregistre systématiquement les déclarations de livraisons intracommunautaires. Mais ce "bouclage" du système VIES a été rejeté lors de sa création, car une majorité d'États membres a souhaité ne pas imposer trop d'obligations déclaratives à leurs entreprises. En effet, pour être accepté et efficace, le régime de TVA intracommunautaire doit rester simple et économique.