2. Une correction destinée à rétablir la neutralité fiscale
La solution qui a été ainsi mise en oeuvre par voie de dérogation aux règles classiques de la sixième directive TVA permet de rétablir une égalité des conditions fiscales de concurrence entre les opérateurs européens de télécommunications et les opérateurs de pays tiers.
L'article 19 de la loi de finances pour 1997 a classé les prestations de télécommunications parmi les prestations énumérées à l'article 259 B du code général des impôts, c'est-à-dire les prestations qui sont soumises à la TVA au lieu d'établissement du preneur et non pas du prestataire, par dérogation à l'article 259 du CGI. L'article 259 B ne s'applique qu'aux preneurs assujettis à la TVA, mais l'article 259 C en étend le champ d'application aux preneurs non-assujettis, dès lors que le service est utilisé en France. La combinaison des articles 259, 259 B et 259 C du CGI permet ainsi de distinguer trois cas de figures.
Prestataire établi en France
- Les prestations de télécommunications sont taxables en France en application des dispositions des articles 259 et 259 B du CGI lorsqu'elles sont rendues à un preneur établi en France, qu'il soit assujetti ou non, ou à un preneur établi dans un autre État membre sans être assujetti. Dans ces situations, les règles de territorialité n'ont pas été modifiées et la TVA due doit être acquittée par le prestataire conformément à l'article 283-1 du CGI.
- Les prestations de télécommunication ne sont pas soumises à la taxe en France lorsqu'elles sont rendues à un preneur établi dans un pays tiers ou à un preneur assujetti dans un autre État membre, en application de l'article 259 B. L'égalité des conditions de concurrence est donc rétablie à "l'exportation" depuis la France.
Prestataire établi dans un autre État membre
- Les prestations de télécommunications effectuées par un prestataire qui n'est pas établi en France au sens de l'article 259 du CGI sont taxables en France lorsque le preneur est assujetti à la TVA en France, en application de l'article 259 B du CGI. La TVA doit être acquittée par le preneur conformément à l'article 283-2 du CGI. L'égalité des conditions de concurrence est donc également rétablie à "l'importation" depuis un autre État membre.
- Lorsque le preneur établi en France n'est pas assujetti à la TVA, la prestation n'est pas taxable en France (mais elle l'est dans l'État membre d'établissement).
Prestataire établi hors de la Communauté européenne
- Les prestations de télécommunications rendues à un preneur assujetti à la TVA en France sont soumises à la taxe, en application de l'article 259 B du CGI. Le redevable est le preneur, conformément à l'article 283-2 du CGI.
- Les prestations de télécommunications rendues à un preneur établi ou domicilié en France sans y être assujetti sont soumises à la taxe dès lors que le service est utilisé en France, en application de l'article 259 B du CGI. Le redevable est l'entreprise étrangère, conformément à l'article 283-1 du CGI.
L'égalité des conditions de concurrence est donc rétablie à "l'importation" depuis un pays tiers à la Communauté européenne.
Le tableau ci-après résume les différents cas de figure.
Nouvelles règles de taxation des prestations de télécommunication |
||||
Lieu d'établissement du prestataire |
Lieu d'établissement et qualité du preneur |
Lieu de taxation |
|
|
France ou non-assujetti État membre |
France |
Prestataire |
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Articles |
France |
Assujetti État membre |
État membre |
Preneur |
259 |
Pays tiers |
Pas de taxation en France |
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et |
Assujetti France |
France |
Preneur |
|
259 B |
État membre |
Non-assujetti France |
État membre |
Prestataire |
Pays tiers |
Assujetti France |
France |
Preneur |
|
Article 259 C |
|
Non-assujetti France et service utilisé en France |
|
Représentant fiscal du prestataire |
|
Non-assujetti France et service non utilisé en France |
|
Pour être complète, cette présentation du nouveau régime d'imposition à la TVA des prestations de télécommunication appelle encore quelques précisions.
Dans le cas des prestations rendues à des assujettis par des opérateurs établis dans des pays tiers ou d'autres États membres, celles-ci sont facturées hors TVA, les assujettis européens étant autorisés à autoliquider la TVA, sous réserve de leurs droits à déduction. Ce mécanisme, dit de "reverse charge", constitue un gain de trésorerie appréciable pour les entreprises concernées, qui n'ont plus à décaisser les sommes dues au titre de la TVA dans l'attente d'un remboursement ultérieur.
Pour les prestations rendues à des non-assujettis par un opérateur établi dans un pays tiers, celui-ci devra se faire connaître à l'administration fiscale française et désigner obligatoirement un représentant fiscal.
Enfin, il convient de souligner que la modification des règles de taxation n'assure une parfaite égalité de concurrence entre les opérateurs européens que pour les prestations rendues à des assujettis.
Dans cette hypothèse, la TVA est due dans le pays du preneur. Ainsi, une prestation fournie par Deutsche Telekom à un assujetti français est soumise à la TVA au taux de 20,6 %, et non plus au taux allemand de 15 % comme dans le régime antérieur.
Mais, dans l'hypothèse d'une prestation rendue à un non-assujetti, la TVA reste due dans le pays de l'opérateur. Ainsi, Deutsche Telekom peut offrir aux non-assujettis français des prestations au taux de 15 %, ce qui lui donne un avantage compétitif sur France Télécom. Néanmoins, cette distorsion de concurrence, qui ne joue que sur les écarts de taux de TVA et à l'égard des non-assujettis, reste bien moins grave que celle qui résultait de la non-imposition des prestations fournies depuis des pays tiers.
Ainsi, la solution qui a été mise en place dans l'urgence pour réduire les distorsions de concurrence résultant du régime de TVA applicable aux prestations de télécommunications apparaît globalement satisfaisante. Il n'en reste pas moins que des difficultés s'annoncent encore pour l'avenir.