ARTICLES 6 et 6 BIS (nouveau)
Institution d'un nouveau
prélèvement sur les revenus du patrimoine par regroupement et
extension de prélèvements existants
Commentaire : l'article 6 fusionne les deux
prélèvements sociaux perçus sur les produits du patrimoine
au profit de la CNAF et de la CNAVTS et aligne l'assiette du nouveau
prélèvement ainsi créé sur celle de la contribution
sociale généralisée ; l'article 6 bis, introduit à
l'initiative de l'Assemblée nationale, relève le seuil de non
recouvrement des prélèvements sociaux.
I. LA SITUATION ACTUELLE
Outre la contribution sociale généralisée (CSG) et la
contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), il existe
actuellement trois prélèvements "sociaux" ou assimilés
s'appliquant aux revenus du patrimoine :
A. LE PRÉLÈVEMENT CNAF
La contribution sociale de 1 % prévue à l'article 1600-0 A du
code général des impôts (CGI) au profit de la Caisse
nationale d'allocation familiale (CNAF). Cette contribution était, lors
de son institution par la loi de finances pour 1984, applicable à
l'ensemble des revenus. Depuis sa pérennisation par la loi de finances
pour 1985, elle ne s'applique plus qu'aux revenus de capitaux mobiliers soumis
à un prélèvement libératoire.
Le champ d'application de cette contribution est identique à celui du
prélèvement libératoire de l'impôt sur le
revenu : elle n'est donc pas due lorsque les revenus du patrimoine
financier en sont exonérés.
Elle est retenue à la source en addition du prélèvement
libératoire et n'est pas déductible de l'impôt sur le
revenu.
B. LE PRÉLÈVEMENT CNAVTS
Le prélèvement social de 1 % prévu à l'article
1600-0 F du CGI est perçu au profit de la Caisse nationale d'allocation
vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS). Il a été
institué de façon temporaire en 1987 et reconduit à
différentes reprises, et en dernier lieu jusqu'au 31 décembre
1997.
Il s'applique à l'ensemble des revenus du patrimoine, à
l'exception des comptes sur livrets défiscalisés, ainsi que des
comptes d'épargne logement et plans d'épargne logement, c'est
à dire :
- aux revenus de capitaux mobiliers soumis au barème progressif de
l'impôt sur le revenu et aux plus-values de cession de valeurs
mobilières et assimilés imposées à l'impôt
sur le revenu à un taux proportionnel, ainsi qu'aux revenus fonciers,
rentes viagères à titre onéreux, plus-values
immobilières et plus-values professionnelles à long terme ;
- aux revenus de capitaux mobiliers soumis au prélèvement
libératoire prévu à l'article 125 A du CGI.
Le champ d'application de ce prélèvement est identique à
celui de l'impôt sur le revenu de sorte qu'il n'est pas dû lorsque
les revenus du patrimoine en sont exonérés.
Il est mis en recouvrement par voie de rôle en même temps que
l'impôt sur le revenu ou est retenu à la source en addition du
prélèvement libératoire. Il n'est pas déductible de
l'impôt sur le revenu.
C. LE PRÉLÈVEMENT ÉTAT
La contribution complémentaire à l'impôt sur le revenu
perçue au profit de l'État, qui n'est donc pas à
proprement parler un prélèvement social, a été
instituée par la loi de finances pour 1985. Elle a pris la forme :
- d'une contribution de 1 % complémentaire à l'impôt sur
le revenu en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers soumis au
barème progressif de l'impôt sur le revenu (article 204 A du CGI)
;
- d'une augmentation de 15 % à 16 % du taux d'imposition proportionnel
des plus-values de cession de valeurs mobilières et assimilées
(il en est de même pour les plus-values professionnelles à long
terme).
Pour les revenus considérés, le champ d'application de cette
contribution est le même que celui de l'impôt sur le revenu :
elle n'est donc pas exigible lorsque les revenus sont exonérés.
Cette contribution est mise en recouvrement par voie de rôle en
même temps que l'impôt sur le revenu. Elle n'est pas
déductible de l'impôt sur le revenu.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT ET LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. LE PROJET DU GOUVERNEMENT
L'article 6 du présent projet de loi prévoit de fusionner les
actuels prélèvements de 1 % CNAF et 1 % CNAVTS en un
prélèvement unique de 2 %, dont le produit serait
affecté pour une moitié à la CNAF et pour l'autre à
la CNAVTS. On observera que le projet de loi laisse en revanche inchangé
le prélèvement de 1 % au profit de l'État.
Par ailleurs,
l'assiette du nouveau prélèvement de 2 % serait
sensiblement élargie, puisqu'elle serait alignée sur celle de la
CSG,
notamment en ce qui concerne les revenus de placements
exonérés d'impôt sur le revenu.
L'article 6 du projet comprend trois paragraphes :
- le paragraphe I prévoit les règles d'assiette et de mise en
recouvrement, ainsi que le taux et l'affectation du nouvel impôt. On
observera que, à l'instar de la CSG, ce regroupement s'opère par
l'insertion de trois articles nouveaux (L. 245-14 à L. 245-16) dans
le code de la sécurité sociale et non pas dans le code
général des impôts ;
- le paragraphe II précise les règles d'entrée en vigueur
;
- enfin, le paragraphe III prévoit la mise en extinction des
prélèvements CNAF et CNAVTS existants.
1. Règles d'assiette
Elles sont fixées par les nouveaux articles L. 245-14 et L. 245-15 du
code de la sécurité sociale, par simple renvoi aux articles
fixant les règles d'assiette de la CSG. On rappelle que l'assiette de
cette cotisation comprend une part perçue par voie de rôle et une
part prélevée au moment du prélèvement
libératoire. De la même façon, le nouveau
prélèvement s'appliquerait :
- d'une part, aux
revenus
du patrimoine financier
soumis à
prélèvement libératoire
prévu à
l'article 125 A du CGI, qui sont actuellement assujettis à la
contribution sociale de 1 % CNAF et au prélèvement 1 %
CNAVTS ;
- d'autre part, aux
revenus
du patrimoine soumis au
barème
progressif de l'impôt sur le revenu
, actuellement assujettis au
prélèvement 1 % CNAVTS et, s'agissant des revenus de
capitaux mobiliers, à la contribution complémentaire
d'État de 1 %, mais qui sont en dehors du champ d'application de la
contribution sociale 1 % CNAF. Pour ces revenus, l'institution du
prélèvement social de 2 % - s'il ne s'agit pas d'une erreur ou
d'une omission - entraînerait un point de prélèvement
supplémentaire par rapport à la situation actuelle ;
Entrent également dans cette catégorie, les
revenus de
placement actuellement exonérés d'impôt sur le revenu
et des actuels prélèvements CNAF et CNAVTS. Tel est le cas
notamment des produits des comptes et plans d'épargne logement (CEL et
PEL), des plans d'épargne populaire (PEP) de plus de huit ans, des
produits des contrats d'assurance-vie de plus de huit ans, des plans
d'épargne en actions de plus de cinq ans, ainsi que des dividendes et
produits de parts sociales exonérés d'impôt sur le revenu
du fait de l'application de l'abattement de 8.000 F ou 16.000 F prévu
à l'article 158-3 du CGI.
Les intérêts des livrets A et assimilés (CODEVI, LEP,
livrets-jeunes) ne seraient en revanche pas visés.
2. Fait générateur et modalités de recouvrement
Le
fait générateur
et les
modalités de
recouvrement
du nouveau prélèvement social de 2 % seraient
identiques à ceux de la CSG telle qu'elle s'applique depuis le
1
er
janvier 1997.
D'après les déclarations du gouvernement, ce
prélèvement ne serait pas déductible de l'impôt sur
le revenu.
3. Entrée en vigueur
Ce nouveau prélèvement social s'appliquerait pour la
première fois en 1998, lors de l'imposition des revenus de 1997, en ce
qui concerne les revenus du patrimoine pour lesquels l'impôt sur le
revenu est mis en recouvrement par voie de rôle.
Il s'appliquerait à compter du 1
er
janvier 1998 en ce qui
concerne les revenus de placement soumis au prélèvement
libératoire. Il en irait de même du prélèvement
dû au titre des revenus de placement exonérés d'impôt
sur le revenu ou de prélèvement libératoire.
Corrélativement, les prélèvements CNAF et CNAVTS
cesseraient de s'appliquer à compter de cette même date.
Pour les produits d'épargne exonérés d'impôt sur le
revenu qui seraient soumis au prélèvement social de 2 % lors du
retrait, du rachat ou du dénouement d'un plan ou d'un contrat (PEA, PEL,
assurance vie en unités de compte...), l'assiette du nouveau
prélèvement social serait constituée, comme pour la CSG,
des produits acquis ou constatés sur ces plans ou contrats depuis le
1
er
janvier 1997.
4. Affectation
Le produit de ce nouveau prélèvement serait affecté pour
moitié à la CNAVTS et pour moitié à la CNAF. Cette
dernière bénéficierait ainsi d'une substantielle
augmentation de ses ressources.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE
L'Assemblée nationale n'a que peu modifié cet article. Outre une
rédaction plus précise des dispositions concernant l'affectation
de ce prélèvement (article L. 214-16), les députés
ont décidé de préciser et d'étendre les
règles relatives à la franchise d'impôt.
En effet, l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale
prévoit que la CSG n'est pas mise en recouvrement lorsque le montant
total par rôle est inférieur à 80 francs.
Le simple renvoi aux règles de mise en recouvrement de la CSG, aurait
conduit à faire entrer le nouveau prélèvement dans cette
limite, et donc à limiter le montant de la franchise par article de
rôle. Afin d'éviter cela, le projet du gouvernement
prévoyait une franchise spécifique de 80 francs pour le nouveau
prélèvement de 2 %.
De façon "élégante", les députés ont
préféré supprimer toute disposition spécifique et
faire passer la franchise d'impôt de la CSG à 160 francs.
C'est
l'objet de l'article 6 bis (
nouveau
)
qui, en outre, aligne sur ce
même montant la franchise qui s'appliquera à la contribution pour
le remboursement de la dette sociale.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Cet article poursuit un triple objectif :
En premier lieu,
il pérennise des recettes qui jusqu'à
maintenant devaient être soumises à l'autorisation du Parlement
à échéances régulières.
En second lieu,
il harmonise les assiettes de ces
prélèvements avec celles de la CSG.
Enfin,
il fait plus que doubler le produit de ces
prélèvements
. Comme le montre en effet le tableau ci-dessous,
le
surcroît d'imposition qui résulterait de l'adoption du
présent article représente près de 4,5 milliards
de francs, qui seront prélevés sur les revenus de
l'épargne.
Votre commission des finances accepte le principe du
regroupement et de la pérennisation de ces deux
prélèvements qui vont dans le sens de la simplification et de
l'unification des prélèvements sociaux sur l'épargne.
Elle confirme ce faisant sa doctrine constante en faveur de
prélèvements à assiette large et à taux
réduits.
Néanmoins, elle ne peut accepter une mesure qui se traduirait par un
prélèvement supplémentaire sur les revenus de
l'épargne de l'ordre de 4,5 milliards de francs.
Elle vous propose donc de réduire le taux de ce
prélèvement à 1,5 %, ce qui limitera le rendement de la
mesure à 2 milliards de francs. Par ailleurs, elle vous proposera,
lors de l'examen de la loi de finances, de rendre le nouveau
prélèvement fusionné déductible de l'impôt
sur le revenu et de supprimer le prélèvement de 1 % au profit de
l'Etat, dans la mesure où il introduit une distorsion fiscale
injustifiée entre les revenus d'actions et ceux d'obligations.
Décision de la commission : votre commission des finances vous
propose d'accepter la fusion et l'extension de l'assiette des
prélèvements sociaux, à un taux moindre de 1,5 %.