TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DE M. LE PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES
Le jeudi 30 octobre 1997, sous la présidence de
M. Christian Poncelet, la commission a procédé à
l'audition
de M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour
des Comptes, de M. Gabriel Mignot, président de la 6e chambre, et
de Mme Anne-Marie Boutin, conseiller-maître
.
M. Pierre Joxe, premier président à la Cour des Comptes, a
rappelé que ce troisième rapport sur la sécurité
sociale mettait fin à une période de transition puisque
l'année prochaine, le rapport présenté par la Cour des
Comptes portera, pour la première fois, sur la mise en oeuvre d'une loi
de financement de la sécurité sociale, celle de 1997.
Il a déclaré que, pour remplir la mission que lui avait
confiée le Parlement, à l'initiative de M. Jacques Oudin, la
Cour des Comptes avait réorganisé ses structures et
réparti les affaires sociales entre deux chambres, la 1e et la 6e, cette
dernière étant chargée de la santé publique, de la
sécurité sociale et de l'élaboration du rapport sur la
mise en oeuvre de la loi de financement. Il a estimé qu'il s'agissait
d'un tournant majeur dans l'histoire de la Cour des Comptes.
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a ensuite
souligné que le partage des dispositions relatives aux
prélèvements obligatoires entre le projet de loi de finances et
le projet de loi de financement de la sécurité sociale
aboutissait à un débat parlementaire fractionné. A cet
égard, il a insisté sur l'interpénétration
croissante des finances sociales et des finances publiques, notamment en raison
du développement de la contribution sociale
généralisée, et a plaidé pour une collaboration
plus étroite entre, d'une part, les commissions des finances et des
affaires sociales des assemblées, et, d'autre part, la Cour des Comptes
sur le thème du financement de la sécurité sociale.
Puis Mme Anne-Marie Boutin, conseiller-maître, rapporteur du rapport sur
la sécurité sociale, a présenté successivement les
six parties du rapport.
Elle a indiqué que la première partie était
consacrée au nouveau cadre juridique et comptable dans lequel devait
désormais s'exercer l'évaluation de l'application de la loi de
financement. A cet égard, elle a plaidé pour une modernisation de
la comptabilité des organismes de la sécurité sociale et
pour une clarification des concepts utilisés. Elle a également
insisté sur les difficultés rencontrées pour
l'élaboration de l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie et la mise en place d'outils de suivi.
Ensuite, Mme Anne-Marie Boutin
a évoqué les
problèmes de financement de la sécurité sociale
traités dans la deuxième partie. Après s'être
inquiétée de l'opacité des règles régissant
les exonérations de cotisations et les compensations entre
régimes, elle a annoncé que la Cour des Comptes n'avait
relevé aucune anomalie dans le fonctionnement de la caisse
d'amortissement de la dette sociale. Elle a ajouté que la Cour
s'était par ailleurs intéressée à la politique de
recouvrement menée par les URSSAF et avait conclu à un manque
d'harmonisation dans les pratiques.
Evoquant la troisième partie du rapport Mme Anne-Marie Boutin,
conseiller-maître, a indiqué que celle-ci était
consacrée à la régulation et à la maîtrise
des dépenses d'assurance maladie à travers trois sujets :
l'encadrement des dépenses hospitalières, la régulation
des dépenses ambulatoires et la tarification par une analyse du cas des
prothèses internes.
A propos de l'encadrement des dépenses hospitalières, elle a
indiqué que la Cour des Comptes avait analysé la mise en place
des agences régionales de l'hospitalisation et l'activité
libérale des praticiens hospitaliers à temps plein, qui
apparaît insuffisamment contrôlée. Evoquant le programme de
médicalisation des systèmes d'information (PMSI)
débuté en 1982, dont le coût total d'investissement s'est
élevé à 3 milliards de francs, avec un coût
annuel de fonctionnement estimé à 600 millions de francs,
elle a mis en garde contre une utilisation intempestive de cet outil
statistique et comptable, en rappelant qu'il ne pouvait pas se substituer
à l'évaluation qualitatives des services hospitaliers, ni aux
études épidémiologiques.
Concernant la régulation des dépenses ambulatoires, elle a
insisté sur le caractère opposable des références
médicales, sur la nécessité de recentrer le contrôle
médical exercé par les caisses sur l'offre de soin, et sur le
caractère obsolète du dispositif du ticket modérateur en
raison du développement de l'aide médicale et des assurances
complémentaires.
A propos des prothèses internes, elle a constaté que le
système actuel de tarification entraînait des coûts
très importants et estimé que la longueur des délais
d'élaboration des tarifs n'était pas acceptable. Elle s'est par
ailleurs alarmée des problèmes de sécurité
médicale posés par certaines prothèses.
Abordant la quatrième partie consacrée aux dépenses de la
branche famille, Mme Anne-Marie Boutin, conseiller-maître
,
a
estimé que la politique familiale se caractérisait par une
insuffisance de l'expertise préalable à la décision et une
mauvaise articulation entre les prestations familiales et les incitations
liées à la politique fiscale ou à la politique de l'emploi.
Traitant ensuite de la cinquième partie du rapport consacrée aux
régimes spéciaux Mme Anne-Marie Boutin,
conseiller-maître
,
a relevé que la comparaison entre
ceux-ci et le régime général était difficile. Elle
a indiqué que la Cour des Comptes avait pu évaluer le coût
supplémentaire des avantages d'assurance maladie spécifiques du
régime de la SNCF à 1,4 milliard de francs.
En conclusion, elle a rappelé que la sixième partie, assez
technique, regroupait les principales constatations faites par les
comités départementaux d'examen des comptes des organismes de
sécurité sociale (CODEC) en 1996. Elle s'est
félicitée du fait que l'animation du réseau des CODEC par
la Cour des Comptes se soit traduite par une plus grande motivation et une
meilleure efficacité des comités.
M. Alain Lambert, rapporteur général, constatant le
caractère encore très approximatif des comptes sociaux, s'est
demandé si le Parlement disposait réellement des
éléments d'information suffisants pour se prononcer en
connaissance de cause sur l'équilibre de la sécurité
sociale. Il s'est inquiété du télescopage entre la loi de
finances et la loi de financement de la sécurité sociale, sur
lesquelles le Parlement était appelé à débattre
simultanément. Il a enfin souhaité connaître l'analyse de
la Cour des Comptes sur les dispositifs de garde des enfants financés
par la branche famille
En réponse, M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des
Comptes, a considéré que les modalités de discussion de la
loi de finances et de la loi de financement de la sécurité
sociale relevaient de l'organisation interne du Parlement. Concernant la
seconde, il a souligné qu'elle n'avait pas la même valeur
juridique que la loi de finances. Il a observé qu'elle constituait un
acte de prévision, contenant à la fois des orientations et des
hypothèses dont le degré de précision n'était pas
très élevé, en raison de l'insuffisance des instruments de
mesure. Il a toutefois considéré que la tendance spontanée
au déficit de la sécurité sociale n'était pas
douteuse, et posait le problème du poids croissant de la dette sociale.
Mme Anne-Marie Boutin, conseiller-maître
,
a alors salué
l'effort d'harmonisation mené par la direction de la
sécurité sociale et la direction du budget concernant les
données économiques communes aux lois de finances et aux lois de
financement. Elle a, toutefois, regretté qu'au moment du vote de la loi
N+1, le Parlement ne dispose toujours pas des comptes N-1 de nombreuses caisses.
Concernant le coût de la garde des enfants, Mme Anne-Marie Boutin,
conseiller-maître, a déclaré qu'il existait des
études sur les trois formes de garde (garde à domicile, garde par
une nourrice agréée, et crèche) mais a reconnu qu'un
nombre important de questions restait sans réponse, comme par exemple le
nombre d'emplois réellement créés par l'allocation de
garde d'enfants à domicile. En outre, elle a mis en garde contre les
dysfonctionnements du dispositif actuel.
M. Christian Poncelet, président, s'est enfin interrogé sur
les conséquences du transfert massif des cotisations sociales vers
l'impôt pour le principe de gestion paritaire des organismes de
sécurité sociale.