ARTICLE 6
Suppression de l'avantage fiscal lié à la
provision
pour fluctuation des cours
Commentaire : le présent article tend à
supprimer la provision pour fluctuation des cours et à prévoir la
réintégration dans le résultat imposable, sur une
durée de trois ans, des provisions déjà constituées.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA RAISON D'ÊTRE DE LA PROVISION POUR FLUCTUATION DE COURS
Les industries qui transforment des matières premières acquises
sur les marchés internationaux ou le territoire national sont
exposées aux fluctuations permanentes des cours de ces matières
qui affectent le coût de renouvellement des stocks nécessaires
à leur exploitation.
Or, bien que les stocks de ces entreprises doivent être renouvelés
à un volume constant ou croissant, la différence entre la valeur
comptabilisée du stock à la clôture d'un exercice et la
valeur du même stock à l'ouverture de l'exercice fait partie
intégrante du résultat imposable. Le profit sur stock ainsi
constaté est soumis à imposition alors même qu'il est
affecté d'une obligation de remploi et ne constitue donc pas un profit
disponible susceptible d'être distribué aux actionnaires.
Dans de nombreux pays, cette difficulté est résolue par la
valorisation des stocks selon la méthode " dernier entré,
premier sorti " (DEPS ou LIFO). En effet, les stocks sont consommés
à une valeur proche de leur coût de remplacement et l'augmentation
de la valeur des stocks ne touche pas le stock comptable tant que le stock
outil reste stable. Cette méthode permet donc de neutraliser la
quasi-totalité des variations de prix affectant les stocks de base
indispensables à la poursuite de l'exploitation.
Cette méthode, bien que prévue par la 4
ème
directive comptable européenne, n'est jusqu'à présent pas
admise par la législation fiscale française, qui,
conformément à la législation comptable, prévoit
l'évaluation des stocks selon le prix d'acquisition historique.
En effet, aux termes du 3 de l'article 38 du code général des
impôts, "
les stocks sont évalués au prix de
revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice si ce cours est
inférieur au prix de revient
".
Par ailleurs, en vertu de l'article 12 du code du commerce, "
les
biens
fongibles sont évalués soit à leur coût moyen
pondéré d'acquisition ou de production, soit en
considérant que le premier bien sorti est le premier bien
entré
" (PEPS). Les produits sont ainsi réputés
vendus dans l'ordre chronologique de leur comptabilisation. Sans
mécanisme correcteur, les entreprises françaises paieraient donc
d'avantage d'impôt que leurs concurrentes tenant leur comptabilité
en LIFO.
Pour éviter que ces règles restrictives compromettent
l'activité des entreprises qui effectuent la première ou la
deuxième transformation de matières dont les prix sont
liés aux variations des cours internationaux, la législation
française permet depuis 1948 à ces entreprises de constituer, en
franchise d'impôt, une provision représentative de la
dérive des coûts d'un stock de base strictement défini.
B. LE MÉCANISME DE LA PROVISION POUR FLUCTUATION DE COURS
Encadrée par des dispositions relativement complexes, la provision pour
fluctuation de cours (PFC) a pour effet de détaxer, dans une certaine
mesure, les bénéfices " virtuels " correspondant aux
augmentations des cours mondiaux de certaines matières premières,
et de faciliter l'autofinancement, en franchise fiscale, du coût de
réapprovisionnement des stocks.
Sa création remonte à un
décret n° 48-1986 du
9 décembre 1948
qui renvoie à un autre décret la
fixation "
des règles d'après lesquelles des provisions
pour fluctuation des cours peuvent être retranchées des
bénéfices des entreprises dont l'activité consiste
essentiellement à transformer directement des matières
premières acquises sur les marchés internationaux
".
Cette disposition est codifiée au 5° du 1 de l'article 39 du code
général des impôts.
Les conditions d'application de cette disposition ont été
fixées par le décret n° 49-708 du 28 mai 1949. Elles
sont codifiées aux articles 3 à 10
septies
de l'annexe III
du CGI.
La loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959, portant réforme
du contentieux fiscal et divers aménagements fiscaux, a étendu la
possibilité de constituer de telles provisions aux entreprises dont
l'activité consiste principalement à transformer directement
"
des matières premières acquises sur le territoire
national et dont les prix sont étroitement liés aux variations
des cours internationaux
". Ces matières sont limitativement
énumérées par l'article 4 de l'annexe III du CGI et
figurent dans l'encadré ci-après.
Liste des matières premières pouvant donner lieu à PFC
Liste fixée par l'article 2 du décret
n° 49-708 du 28 mai 1949
- des minerais et métaux : minerai d'antimoine et antimoine,
minerai de cuivre et cuivre, minerai d'étain et étain, minerai de
magnésium, minerai de molybdène, minerai de plomb et plomb,
minerai de Tungstène, minerai de vanadium, minerai de zinc et zinc,
cadmium, minerai de chrome, platine et métaux de la mine de
platine ;
- textiles : chanvre, coton, jute, laine, lin et étoupe de lin,
schappe, sisal et fibres dures d'importation, soie ;
- graines oléagineuses : graines de coprah, graines de lin, graines
de soja ;
- divers : amiante, caoutchouc, coke de pétrole, os des Indes,
pâtes de bois d'origine étrangère, pétrole brut.
Liste complémentaire fixée par le décret
n° 60-871 du 6 août 1960
- fèves de cacao, graines de palmiste, graines de ricin, ferrailles,
grumes et sciages bruts, pâtes de bois ou de végétaux
annuels d'origine française, peaux brutes de bovins,
équidés, ovins et caprins, poils fins et grossiers
utilisés dans l'industrie textile.
Le décret n° 68-720 du 2 août 1968
y a
ajouté l'argent métal ;
Le décret n° 72-695 du 20 juillet 1972
y a
ajouté l'or.
Constituée au passif des entreprises, la PFC permet de compenser le
coût, constaté à l'actif, de l'intégration dans le
résultat fiscal imposable des plus ou moins-values latentes
consécutives à la valorisation des stocks selon la méthode
" premier entré, premier sorti " ou selon celle du coût
moyen pondéré.
Lorsque les cours augmentent, les entreprises provisionnent, puis elles
rapportent ces provisions à leurs résultats imposables lorsque le
mouvement s'inverse. Ainsi, elles diminuent leur bénéfice
des profits nominaux réalisés en période de hausse. En
revanche, ces profits deviennent imposables en cas de baisse des cours, puisque
la provision est alors réintégrée dans la base imposable.
La PFC a ainsi pour conséquence de " lisser " les
résultats des entreprises dans le temps, et d'éviter des
" à-coups " sur leur trésorerie
.
Le montant maximal de la PFC susceptible d'être constitué par les
entreprises est égal à la différence entre la valeur
d'inventaire du stock de base à la clôture de l'exercice et la
valeur de ce même stock calculée par référence
à des exercices de référence
5(
*
)
, ajustée pour tenir compte
des variations du dollar.
Pour les entreprises dont l'objet principal est de faire subir en France la
première transformation du pétrole brut, le montant de la
provision pour fluctuation des cours ne peut, depuis 1976, excéder 69 %
de la limite maximale de la provision calculée conformément aux
dispositions ci-dessus.
La dotation qui peut être prélevée sur les résultats
d'un exercice est égale à la différence entre la limite
maxima de la provision et le total des provisions déjà
constituées au titre des précédents exercices. En outre,
le montant de la dotation annuelle doit, en tout état de cause,
être limité au montant du bénéfice de l'exercice
considéré. Lorsque la provision antérieurement
constituée est supérieure au montant de la limite maxima de la
provision calculée à la clôture d'un exercice, la
différence est rapportée au bénéfice imposable de
cet exercice.
Cette provision s'apparente à un LIFO réservé au seul
stock outil des entreprises. Elle ne peut se cumuler, pour un même bien,
avec la provision pour hausse des prix (cf. infra).
II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE
A. LE DISPOSITIF INITIAL
Le présent article prévoit la suppression de la provision pour
fluctuation des cours pour la détermination des résultats des
exercices clos à compter du 31 décembre 1997, ou, en d'autres
termes, des exercices ouverts à compter du 1
er
janvier 1997.
En outre, l'article prévoit la
réintégration aux
résultats imposables des dotations déjà pratiquées
et inscrites au bilan à l'ouverture de l'exercice. Afin de ne pas
accroître de façon excessive le résultat imposable des
entreprises dès le premier exercice d'application de cette mesure, la
réintégration serait
étalée par parts
égales sur trois ans
. Les entreprises devront donc, dès cette
année, rapporter à leurs bénéfices imposables une
fraction égale à un tiers du montant des provisions
constatées au 1
er
janvier 1997.
Le tableau ci-après récapitule le nombre d'entreprises ayant
constitué des provisions pour fluctuation des cours à la fin des
exercices clos en 1993 par secteur d'activité, et le montant des
provisions correspondant. On y constate que 317 entreprises seraient
touchées par la disposition du présent article pour un montant
total de 9 milliards de francs.
Stock de provisions pour fluctuation des cours
Secteur d'activité |
Nombre d'entreprises ayant constitué une PFC |
Montant cumulé de la PFC
à la fin de l'exercice
|
Raffinage de pétrole |
7 |
4.017 |
Production de métaux précieux |
7 |
1.105 |
Préparation de la laine |
16 |
627 |
Fabrication de papier et carton |
25 |
461 |
Première transformation du cuivre |
12 |
436 |
Fabrication de fils et câbles isolés |
9 |
422 |
Autres activités |
241 |
2.021 |
Total |
317 |
9.089 |
Néanmoins, des chiffres plus récents font
état d'un montant de 8,2 milliards de francs de PFC dans le seul
secteur du raffinage du pétrole d'après les bilans de 1996.
Il est donc permis de penser que le montant total des PFC constituées
par les entreprises est plus élevé que les 9 milliards de
francs indiqués dans le tableau ci-dessus.
B. LES AMÉLIORATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE
L'adoption de cet article dans sa rédaction initiale aurait eu pour
conséquence, non seulement d'accroître très
considérablement le montant de l'impôt à acquitter par de
nombreuses entreprises, mais aussi de fragiliser leur structure de bilan. En
effet, la provision pour fluctuation des cours peut représenter
jusqu'à 80 % des fonds propres des entreprises de transformation
des matières premières, et parfois davantage.
Pour limiter le nombre d'entreprises touchées par la mesure et renforcer
leurs fonds propres, les députés ont institué une
franchise de 60 millions de francs
: seul le montant des PFC
qui excède ce seuil devra être rapporté au résultat
des entreprises sur trois exercices, le reste étant porté
à une
réserve spéciale destinée à
être incorporée au capital
.
La réserve spéciale des provisions pour fluctuation des cours
Le mécanisme de la réserve est calqué sur
celui de la réserve spéciale des plus-values à long terme
prévue à l'article 209 quater du CGI. Ainsi, il prévoit
que les sommes prélevées sur cette réserve sont
rapportées au résultat, sauf :
- si la société est dissoute,
- si la réserve est incorporée au capital,
- en cas d'imputation de pertes sur la réserve spéciale.
De plus, en cas de réduction de capital avant la fin de la
cinquième année suivant celle au cours de laquelle est intervenue
l'incorporation au capital de la réserve, les sommes incorporées
au capital sont rapportées aux résultats de l'exercice au cours
duquel intervient cette réduction. Le montant de la reprise est
néanmoins, le cas échéant, limité au montant de
cette réduction. Cette dernière disposition s'inspire du f du I
de l'article 219
bis
du CGI, relatif au taux réduit d'imposition
des bénéfices des PME qui incorporent la fraction de leurs
bénéfices taxée à 19 % à leur capital.
Initialement fixé à 40 millions de francs, le seuil de la
franchise a été porté à 60 millions de francs pour
englober le plus grand nombre d'entreprises.
Il a pour conséquence de porter de 1 milliard à
700 millions
de francs
le rendement budgétaire de la mesure instituée par
le présent article. Sur trois ans, le rendement total
s'élèvera à 2,1 milliards de francs contre
3 milliards de francs anticipés au départ par le
Gouvernement.
Votre rapporteur général ne peut que se féliciter d'une
mesure qui exonère des dispositions du présent article la quasi
totalité des petites et moyennes entreprises,
ne laissant dans son
champ que 22 entreprises
, selon les informations apportées à
l'Assemblée nationale par le secrétaire d'Etat au budget.
Néanmoins, il importe de noter que la fixation d'une franchise de 60
millions de francs ne repose sur aucun fondement économique objectif et
institue un traitement différencié entre les entreprises.
En effet, le montant des PFC constituées dépend du prix de base
des matières premières concernées qui sont sans commune
mesure les uns avec les autres. Ainsi, des chiffres d'affaires variant du
simple au quintuple peuvent recouvrir des réalités
économiques et sociales identiques.
Il convient également d'observer que cette franchise laisse dans le
champ du présent article, outre les raffineurs de pétrole,
plusieurs entreprises dont le montant des PFC excède le seuil de 60
millions de francs. Dans le secteur des minerais et métaux, 7
entreprises sur 37 au total, possèdent des montants de PFC compris entre
70 et 360 millions de francs. Dans l'industrie textile, quatre entreprises
restent concernées pour un montant cumulé de 550 millions de
francs. Ces entreprises devront donc acquitter un impôt
supplémentaire que leurs concurrentes, plus petites, n'auront pas
à acquitter, et sont donc parfaitement fondées à invoquer
une rupture de concurrence.
Votre rapporteur général s'est déjà
prononcé contre l'institution de mesures créant une
discrimination entre entreprises. Il ne peut donc, sur le principe, que
regretter cette disposition, qui ne constitue qu'un pis-aller pour contrer
l'impact extrêmement préjudiciable d'une mesure de rendement qu'il
n'approuve pas.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
A. L'INOPPORTUNITÉ D'UNE MESURE DE RENDEMENT DONT L'IMPACT N'AVAIT
PAS ÉTÉ ÉVALUÉ
Votre rapporteur n'approuve pas les dispositions initiales du présent
article qui apparaissent uniquement motivées par la
nécessité de trouver des ressources budgétaires. Non
seulement, une telle mesure aurait eu, sans les assouplissements
apportés par les députés, des conséquences
catastrophiques pour la plupart des entreprises de transformation des
matières textile, des métaux non ferreux, de l'argent et de l'or
ou du bois, mais elle prive d'un mécanisme nécessaire des
entreprises les plus exposées à une concurrence internationale
sévère.
De surcroît, en prélevant aujourd'hui un impôt sur les PFC
rapportées aux résultats des entreprises,
l'Etat se prive
d'une ressource équivalente pour l'avenir
. En effet, les provisions
présentent un caractère provisoire : elles n'occasionnent
pour l'Etat qu'un
décalage de recettes en trésorerie
car
toute provision dotée doit être un jour rapportée aux
résultats, soit que l'événement anticipé se
réalise, soit, en l'occurrence que les cours baissent après avoir
augmenté. De ce point de vue, les provisions réglementées
sont des " aides fiscales " remboursables. Sur le plan de
l'analyse
financière, elle se présentent comme des réserves
provisoirement affranchies d'impôt.
Il est enfin piquant de constater que l'Assemblée nationale propose
aujourd'hui la suppression d'un dispositif qu'elle approuvait hier, en refusant
un amendement de la commission des finances tendant à porter de
69 % à 50 % la limite maximale de la provision que les
entreprises de raffinage du pétrole peuvent pratiquer
6(
*
)
.
B. LA NÉCESSITÉ D'ALLÉGER LE COÛT DE LA
RÉINTÉGRATION DES PFC DANS LE RÉSULTAT DES
ENTREPRISES
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale a certes
exonéré de l'impôt les provisions de la plupart des petites
et moyennes entreprises. Néanmoins, comme indiqué ci-dessus, il
en resterait 22 dont le montant des PFC excède le seuil de 60
millions de francs. Elles se répartissent comme suit :
Secteur d'activité |
Nombre d'entreprises touchées |
Métaux non ferreux |
7 |
Pétrole |
7 |
Textile |
4 |
Papeterie |
1 |
Bijouterie |
1 |
Divers |
2 |
Or, la PFC, en vigueur en France depuis cinquante ans, a
façonné les bilans des sociétés autorisées
à l'utiliser
. En gommant les conséquences fiscales des
variations de prix, elle a simultanément neutralisé les hausses
de prix résultant de l'inflation générale des prix qui a,
sur cette période, été très forte. Ainsi, des
provisions très importantes ont pu être constituées au
passif des entreprises, le rapport entre les prix actuels et les prix d'origine
pouvant remonter jusqu'à 1946.
Au total, la PFC est assimilable à des
quasi capitaux propres
qui
se trouveraient, en vertu du présent article, amputés d'un
montant égal à l'impôt sur le profit exceptionnel
dégagé. La provision comptabilisée peut en effet, dans
certaines entreprises, représenter jusqu'à 80 % des fonds
propres.
Ainsi, comme indiqué plus haut, dans le secteur des minerais et
métaux, sept entreprises restent concernées par l'obligation de
rapporter à leurs résultats la fraction de leur PFC
supérieure à 60 millions de francs. Il s'agit des entreprises les
plus importantes du secteur qui concentrent 60 % des emplois. Le fait
qu'elles aient " capitalisé " des PFC supérieures
à 60 millions de francs ne préjuge en rien de leur opulence, mais
démontre simplement que la matière que ces entreprises
transforment est coûteuse.
Contraintes aujourd'hui de réintégrer ces sommes dans leur
résultat imposable, et ne disposant pas d'une trésorerie
suffisante pour leur permettre de faire face à la charge fiscale
supplémentaire immédiatement, ces entreprises sont
confrontées aux trois possibilités suivantes :
- réduire leurs investissements sur fonds propres, ce que votre
rapporteur ne peut accepter dans la situation actuelle d'atonie des
investissements ;
- vendre une partie du stock pour réaliser des plus-values, ce qui
induirait une perte de surface de l'entreprise et des licenciements ; cela
est évidemment exclu ;
- accroître leur endettement, déjà très
élevé pour certaines, au détriment de leur
équilibre financier ; cette solution serait d'autant plus
coûteuse que la Banque de France ne manquerait pas de déclasser
ces entreprises.
Placées devant un accroissement considérable de leurs frais
financiers, voire devant l'impossibilité d'obtenir de nouveaux
prêts, un certain nombre de ces entreprises seraient, sans un
assouplissement, probablement conduites à déposer leur bilan. La
plupart verraient leurs ressources ponctionnées, au détriment de
l'investissement et de l'emploi. Elles seraient incitées à se
délocaliser à l'étranger.
Dans l'industrie pétrolière, l'importance des stocks
pétroliers est amplifiée par la nécessité de
constituer des stocks stratégiques imposée par la loi
n° 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du
régime pétrolier. Le montant des provisions constituées
s'élève ainsi à 8,3 milliards de francs d'après les
bilans de 1996, ce qui porte à 3,4 milliards de francs la facture
fiscale des sept entreprises de raffinage implantées sur le territoire
français.
Pour ces entreprises, la franchise de 60 millions de francs
instituée par les députés ne diminue leur assiette
imposable que de 4 % en moyenne.
Or cette industrie est confrontée à des besoins d'investissements
massifs dictés par des considérations environnementales, dans un
contexte de restructuration du raffinage européen surcapacitaire.
A défaut de supprimer le présent article, ce qui aggraverait
le solde budgétaire prévu par le présent projet de loi de
finance, il convient donc d'allonger la période au cours de laquelle les
entreprises pénalisées par son dispositif devront rapporter
à leurs résultats le montant de leurs provisions pour
fluctuations des cours. Votre commission des finances vous proposera un
amendement en ce sens.
C. LA NÉCESSITÉ D'UN MÉCANISME DE SUBSTITUTION
PERMETTANT D'AMORTIR L'EFFET DE L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
Si l'amendement de l'Assemblée nationale a pris en compte le coût
qui aurait été insupportable à court terme de la
réintégration des provisions pour fluctuation de cours dans les
comptes des entreprises, il ne résout pas le problème que
suscite, pour l'avenir, l'absence d'un mécanisme permettant
d'atténuer l'impact de l' "enrichissement sans cause".
En effet, comme le Gouvernement l'écrit lui-même dans son
exposé des motifs, la PFC
" permet aux entreprises
d'atténuer les incidences des variations des cours internationaux des
matières premières comprises dans un stock de base indispensable
à la poursuite de l'exploitation. "
De même, le rapporteur général de la commission des
finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, conclut son
commentaire de l'article 6
7(
*
)
par la mise en garde suivante :
"
La provision pour fluctuation des cours a pour effet d'éviter
la taxation d'une plus-value latente enregistrée par le système
comptable FIFO. On peut donc s'interroger sur l'impact de la suppression de la
provision pour fluctuation des cours, en l'absence de mesure d'accompagnement
ou d'ajustement
"
En effet, les fluctuations des cours de matières premières n'ont
rien perdu de l'ampleur et de la fréquence qu'elles avaient en 1948
quand fut créée la PFC. En l'absence d'un mécanisme
identique dans ses effets, les résultats des entreprises fluctueraient
au gré des variations des cours et les entreprises afficheraient des
bénéfices ou des pertes uniquement dus à la valorisation
de leurs stocks au coût historique.
Le graphique ci-après illustre les fluctuations comparées des
cours du cuivre et du zinc depuis 1982 :
Le graphique ci-après retrace l'évolution du cours du plomb (en
cts/kg) depuis 1982.
Le prélèvement d'impôt sur les ressources des
entreprises pourrait faire obstacle au renouvellement des stocks des
entreprises de transformation des matières premières et donc
à la poursuite de leur exploitation.
Exemple
Soit une entreprise réalisant un chiffre d'affaires de 100 MF et un
bénéfice de 1,5 MF. Elle dispose d'un stock acquis au prix
historique de 2 MF. Supposons que le prix de cette matière augmente
brutalement de 50 %.
En méthode LIFO, le stock se trouve automatiquement revalorisé de
1 MF et le bénéfice fiscal réduit d'autant.
L'entreprise peut donc financer le renouvellement de son stock sur le
bénéfice de l'exercice.
En revanche, en méthode française, le stock n'est pas
revalorisé, ce qui laisse le bénéfice fiscal
inchangé et l'entreprise ne peut financer le renouvellement de son stock.
Sans un mécanisme d'effet équivalent à la PFC, la
France serait le seul pays d'Europe à faire payer à ses
entreprises le coût de l'enrichissement sans cause. Il en
résulterait une dégradation de la compétitivité des
entreprises françaises de transformation des matières, une chute
des investissements, des licenciements et des délocalisations.
Pour le pétrole brut, dont les prix internationaux sont
éminemment variables, la PFC neutralise à hauteur de 69 % les
conséquences fiscales et comptables propres à la variation des
cours du brut, en permettant aux sociétés de raffinage d'affecter
en franchise d'impôt, la plus-value constatée sur les stocks
à leur reconstitution, en cas de hausse du pétrole. En d'autres,
termes, la PFC donne à ces sociétés la possibilité
de disposer des moyens de trésorerie nécessaires au financement
permanent de leurs approvisionnements, en évitant de soumettre à
l'impôt, des profits qui ne sont pas économiquement disponibles.
Un rapport rédigé en 1980 par le ministre du budget et le
ministre de l'industrie à l'attention du premier ministre, concluait de
la façon suivante :
"
Encore que les mécanismes de la provision soient passablement
complexes, celle-ci répond à une évidente
nécessité et il n'est pas proposé de modifier ce
mécanisme qui a fait l'objet, après une discussion parlementaire
approfondie, d'une révision dans la loi de finances pour 1976 ;
c'est en effet cette loi qui a plafonné la provision pour les
entreprises dont l'objet principal est de faire subir en France la
première transformation du pétrole brut, à 69 % de la
limite antérieure
. "
Le graphique ci-après illustre l'évolution du cours du
pétrole (arabian light depuis 1972, en $/baril).
Les professionnels interrogés par votre rapporteur s'accordent cependant
pour dire que la PFC mérite d'être " toilettée "
afin, d'une part, d'actualiser les valeurs de référence des
stocks, dont certaines remontent à 1946, et d'autre part de simplifier
son mécanisme et son mode de calcul.
Deux pistes sont par conséquent envisageables :
La première consisterait à s'orienter vers un LIFO fiscal,
c'est-à-dire une
valorisation fiscale des stocks selon la
méthode " dernier entré, premier sorti "
. A
l'exception de la Grande-Bretagne
8(
*
)
et de la Norvège, tous les
pays européens valorisent leurs stocks selon cette méthode.
Encore la Norvège permet-elle de différer la taxation.
Ce changement de méthode n'aurait d'impact que fiscal, les entreprises
continuant, sur le plan comptable, à évaluer leurs stocks selon
la méthode PEPS ou selon le coût moyen pondéré. Elle
devrait, en tout état de cause, être précédée
d'une large concertation et son coût devrait être soigneusement
évalué.
La seconde, plus immédiatement applicable, consisterait à
assouplir le dispositif de la provision pour hausse des prix
pour la
rendre exploitable par les entreprises soumises à des fluctuations
erratiques des cours des matières premières.
A l'appui de la suppression de la provision pour fluctuation de cours, le
Gouvernement fait en effet valoir que les entreprises pourront recourir
à la provision pour hausse des prix (PHP).
Le dispositif de la provision pour hausse des prix (art. 39, 1-5° du CGI)
Les entreprises peuvent, lorsque pour une matière ou un
produit donné, il est constaté, au cours d'une période ne
pouvant excéder deux exercices successifs, une hausse de prix
supérieure à 10 %, pratiquer une provision correspondant
à la fraction de cette hausse excédant 10 %.
Sont susceptibles de donner lieu, le cas échéant, à la
constitution d'une PHP, les matières, produits et approvisionnements de
toute nature existant en stock à la clôture de l'exercice,
à l'exception toutefois, de ceux pouvant donner lieu à la
constitution de PFC.
L'exonération d'impôt dont bénéficient les PHP n'est
pas définitive. En effet, la provision pratiquée à la
clôture d'un exercice est rapportée de plein droit aux
bénéfices imposables de l'exercice en cours à l'expiration
de la sixième année suivant la date de cette clôture.
Toutefois, dans le cas des entreprises dont la durée normale de rotation
des stocks est supérieure à trois ans, la
réintégration est seulement effectuée dans un délai
correspondant au double de cette durée.
Enfin, à la différence de la PFC, la PHP peut être
constituée même si les résultats de l'exercice sont
déficitaires.
Or, la PHP laisse à la charge des entreprises les conséquences
des hausses de prix inférieures à 10 % très
fréquentes dans certains secteurs industriels (transformation des
métaux notamment). Ainsi, dans le secteur de la transformation du
cuivre, les années 1991, 1992, 1993 et 1997 ont connu des fluctuations
inférieures à 10 %, d'une année sur l'autre.
Or, si à cinq hausses annuelles successives de 10 % succède
une chute des prix de 50 %, les entreprises se retrouvent dans la
situation initiale, mais la PHP ne les aura pas exonérées du
paiement d'un impôt sur 50 % du stock outil.
Par ailleurs, la PHP fait obligation aux entreprises de
réintégrer la provision au cours du sixième exercice, ce
qui peut constituer une charge très lourde pour les entreprises si la
hausse de départ a été élevée.
Il convient donc, à tout le moins, d'exonérer les entreprises de
première transformation de ce seuil de 10 % et de modifier la date
de réintégration de la provision.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi amendé, dans l'attente que le gouvernement
mette en place dans les plus brefs délais un dispositif similaire
à la PFC permettant d'atténuer l'impact de la variation des cours
des matières premières sur les résultats des entreprises
transformatrices de ces matières.
ARTICLE 6 BIS
Suppression de la
déductibilité de la provision
pour indemnités de
licenciement
Commentaire : introduit par l'Assemblée
nationale, à l'initiative du président de sa commission des
finances, cet article tend à supprimer la déductibilité de
la provision pour indemnités de licenciement.
En principe, les indemnités de licenciement constituent une charge de
l'exercice au cours duquel elles sont payées et ne peuvent être
déduites que des bénéfices de cet exercice.
Toutefois, une provision peut valablement être constituée afin de
tenir compte des indemnités qui seront versées
ultérieurement à raison de licenciements non encore
prononcés mais que des événements en cours à la
clôture de l'exercice rendent
probables
(perte de parts de
marché, baisse continue du chiffre d'affaires, résultats
déficitaires...).
A défaut d'éléments propres à l'entreprise, le
risque de licenciement est simplement éventuel et ne saurait être
provisionné.
C'est la déductibilité de cette provision que le présent
article propose de supprimer. L'Assemblée nationale a
évalué la dépense fiscale correspondante à 1,9
milliard de francs, en se fondant sur un taux de provisionnement des
indemnités de 20 %.
Selon le rapport de la commission des finances de l'Assemblée
nationale
9(
*
)
, le montant
total d'indemnités de licenciement versé en 1996 s'est
élevé à 56,5 milliards de francs. En estimant le taux
moyen d'imposition des entreprises à 16,89 %
10(
*
)
, le rapporteur
général de la commission des finances de l'Assemblée
nationale évalue le gain fiscal à :
- 950 millions de francs en cas de provisionnement de 10 % des
indemnités ;
- 1.425 millions de francs en cas de provisionnement de 15 % des
indemnités ;
- 1.900 millions de francs en cas de provisionnement de 20 % des
indemnités.
C'est cette dernière estimation que les députés ont
retenue pour fixer le solde de la loi de finances pour 1998.
Si l'on retient un taux de provisionnement de 20 %, ce serait en effet une
somme de 11,3 milliards de francs que les entreprises devraient rapporter
à leurs résultats imposables du premier exercice clos à
compter du 15 octobre 1997.
En effet, contrairement à l'article précédent, l'article 6
bis
ne prévoit pas de mécanisme de lissage pour
étaler dans le temps le coût fiscal de la
réintégration aux résultats imposables des entreprises de
la provision antérieurement constituée.
Votre commission vous propose de ne pas adopter cet article pour quatre
raisons :
Les entreprises ont déjà été
pénalisées, dans la loi portant mesures urgentes à
caractère fiscal et financier du 10 novembre 1997, par l'augmentation du
taux de l'impôt sur les sociétés et par le doublement du
taux de l'imposition des plus-values à long terme. En outre le
présent projet de loi prévoit un certain nombre de mesures
défavorables à leur égard (modification de la provision
pour fluctuation des cours, augmentation de l'imposition forfaitaire annuelle,
des droits d'enregistrement, de la taxe sur les véhicules de
société...).
Il convient de ne pas aggraver encore le poids de leurs impôts.
Au demeurant,
les entreprises qui constituent une provision pour
indemnités de licenciement sont par définition les plus
fragiles
puisqu'elles anticipent une contraction de leur activité.
Il n'est donc pas opportun de diminuer leur trésorerie en accroissant le
montant de leur impôt. Il faudrait alors craindre qu'un certain nombre
d'entre elles déposent leur bilan ou désinvestissent pour
acquitter leur dette fiscale.
Les provisions ne constituent pas une dépense fiscale pour l'Etat
puisque toute provision dotée doit être rapportée au
résultat comptable lorsque l'événement prévu ou
anticipé se réalise. Elles ne procurent aux entreprises qu'un
avantage de trésorerie en leur permettant d'anticiper des charges ou des
pertes prévisibles. En conséquence, les 1,9 milliard de francs de
recettes escomptées pour 1998 seront autant en moins pour l'année
suivante.
La suppression de la provision pour licenciements dégraderait de
nouveau l'image de la France auprès des investisseurs internationaux.
Par ailleurs, votre commission estime qu'il faut assortir de réserves
l'évaluation du gain budgétaire attendu de la présente
mesure. En effet, d'après les informations recueillies par votre
rapporteur général, la masse des indemnités de
licenciement versée en 1996 a été beaucoup moins
élevée que les chiffres précités ne le laisseraient
supposer.
Décision de votre commission : votre commission vous propose de
supprimer le présent article.
ARTICLE 7
Normalisation du régime fiscal des
produits de placement
des compagnies d'assurances
Commentaire : le présent article a pour objectif de
soumettre les entreprises d'assurances au régime de droit commun pour
l'imposition de leurs produits de placement, à l'exclusion de ceux
correspondant à des opérations d'assurance sur la vie ou de
capitalisation.
I. LA SITUATION ACTUELLE
Placés dans le champs de l'impôt sur les sociétés au
taux de droit commun par l'article 11 de la loi de finances pour 1992, les
gains ou pertes en capital réalisés sur les OPCVM étaient
à l'époque pris en compte dans le résultat imposable au
moment de leur réalisation, et donc lors de la cession des parts.
Toutefois, et conformément aux règles comptables, si à la
clôture d'un exercice, la valeur liquidative de certaines parts
s'avérait inférieure à leur valeur de bilan, l'entreprise
constatait une provision pour dépréciation, fiscalement
déductible.
L'article 14 de la loi de finances pour 1993 a modifié ce dispositif
pour les parts détenues par des entreprises autres que celles
régies par le code des assurances. Ce nouveau régime d'imposition
figure sous l'article 209-0 A du CGI. Il s'agit d'une règle distincte de
la règle comptable et dont la portée est uniquement fiscale.
A. LE RÉGIME DE DROIT COMMUN
L'objectif de cette modification était d'appréhender les
produits non distribués, et notamment ceux des OPCVM de capitalisation.
Toutefois, le texte a un champ plus large puisqu'il concerne tous les OPCVM
-français ou étrangers-, qu'ils soient de capitalisation ou de
distribution, détenus par l'entreprise, à l'exception :
- des OPCVM français ou européens dont l'actif est
composé, pour 90 % au moins, d'actions, ou de certificats
d'investissement de sociétés ayant leur siège en France ou
en Europe, et passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un
impôt comparable.
- des parts de fond commun de placement à risques (FCPR) investis pour
plus de 50 % en titres à risques, et pour lesquels l'entreprise prend un
engagement de conservation de 5 ans (sous les mêmes conditions, ces parts
de FCPR continuent d'ailleurs à bénéficier du
régime des plus ou moins values à long terme).
Sous réserves de ces cas particuliers, l'imposition des parts d'OPCVM
détenues par les entreprises soumises à l'IS s'effectue
désormais "au fil de l'eau". Concrètement, l'entreprise doit
intégrer dans son résultat imposable de chaque exercice,
l'écart de valeur liquidative -positif ou négatif-
constaté sur ces titres au cours de cet exercice (ou depuis
l'acquisition des parts, si celle-ci a eu lieu après l'ouverture de
l'exercice).
Corrélativement :
- lors de la cession des parts, l'écart de valorisation à prendre
en compte devient résiduel ; (plus ou moins value de cession
corrigée des écarts déjà pris en compte, ce qui en
"régime de croisière" doit être égal à la
différence entre le prix de cession et la valeur liquidative à
l'ouverture de l'exercice considéré) ;
- les provisions pour dépréciation comptabilisées à
raison de ces titres ne sont plus déductibles ( la
dépréciation est fiscalement prise en compte par le biais de
l'écart de valorisation).
Un dispositif de "rappel" permet d'éviter que ce régime
d'imposition soit contourné en logeant les parts d'OPCVM dans une
structure étrangère dont l'entreprise française est
actionnaire (troisième alinéa du 1° de l'article 209 OA).
B. L'EXCEPTION : LES ENTREPRISES D'ASSURANCE
A l'époque, les entreprises d'assurance avaient été
maintenues hors du champ d'application de ce dispositif et les gains ou pertes
sur leurs parts d'OPCVM sont restés, jusqu'à présent, pris
en compte lors de la cession des titres.
Pour les entreprises d'assurance-vie ou de capitalisation, cette exemption
était, et reste, justifiée par les règles de participation
aux bénéfices. En effet, l'essentiel de leurs produits financiers
- revenus ou plus-values - revient aux assurés.
Pour les entreprises d'assurance-dommages, l'exception prévue en 1992
était liée à la situation économique du secteur. Il
n'en reste pas moins vrai que leurs actifs financiers n'ont pas le même
rôle que dans les entreprises industrielles classiques, notamment dans
les branches assurant des risques "longs", telle l'assurance
construction. Pour
ces entreprises, les OPCVM ne sont pas le simple vecteur de placement d'un
excédent de trésorerie mais représentent la contrepartie
des engagements pris. Les plus-values qu'ils recèlent ont
essentiellement pour objet de faire face aux aléas de la
sinistralité.
II. LE PROJET DU GOUVERNEMENT ET LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article prévoit de mettre fin à l'exception de
l'article 209-0 A et donc de prendre fiscalement en compte, année
après année, les variations de valeur des parts d'OPCVM
détenus par certaines entreprises d'assurances.
Dans son principe, cette disposition tend essentiellement à soumettre
les entreprises d'assurance dommages au régime "de droit commun".
Techniquement, deux dispositions conduisent à restreindre le champ de
l'actuelle exception :
- le paragraphe 1.
du présent article supprime la
dérogation générale prévue pour les entreprises
régies par le code des assurances ;
- le paragraphe 2.
réintroduit une exception pour les parts
d'OPCVM mises en représentation d'engagements réglementés
relatifs à des opérations d'assurance-vie ou de capitalisation
réalisées par des entreprises exerçant majoritairement
leur activité dans ce secteur.
La rédaction complexe du 2. vise donc le cas des titres détenus
par les entreprises-vie ou de capitalisation et les entreprises mixtes,
celles-ci effectuant en réalité l'essentiel de leur
activité dans le domaine de l'assurance-vie.
Le paragraphe 3
. prévoit le dispositif transitoire pour
l'entrée en vigueur de cette mesure. Le principe est que le nouveau
régime s'applique dès la détermination du résultat
de l'exercice 1997.
Toutefois, pour ce premier exercice d'application, et par analogie avec la
solution retenue en 1992, les entreprises concernées devront
intégrer dans leur résultat l'écart de valorisation
constaté au cours du second semestre, c'est-à-dire depuis le
1
er
juillet 1997.
Toujours par analogie au précédent de 1992, cette règle
souffre une exception si l'écart de valorisation constaté au
cours du second semestre est de sens inverse de celui enregistré pour le
premier semestre. Dans cette hypothèse, il faut alors prendre en compte
l'écart constaté sur l'ensemble de l'exercice.
Dans l'ensemble, les titres d'OPCVM détenus par les entreprises
d'assurance dommage représentaient, fin 1996, environ 66 milliards de
francs.
Même s'il faut tenir compte de la situation fiscale effective des
entreprises concernées, et des fluctuations de taux
d'intérêts, le rendement estimé de la mesure, soit
100 millions de francs en 1997 et 200 millions en rythme de
croisière, ne paraît pas correspondre totalement à
l'importance de ce stock.
L'Assemblée nationale n'a apporté qu'une légère
modification rédactionnelle à cet article.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission n'a pas d'objection de principe à ce que les
entreprises d'assurance-dommages réintègrent le droit fiscal
commun des parts d'OPCVM.
Toutefois, elle vous soumet un amendement de simplification visant à
maintenir hors du champ d'application de l'article 209-0 A du code
général des impôts la totalité des parts ou actions
d'OPCVM détenues par les entreprises exerçant majoritairement
leur activité dans le secteur de l'assurance-vie ou de la
capitalisation.
En effet, la rédaction actuelle du
paragraphe 2.
du
présent article conduirait à distinguer les parts
représentatives d'engagements et celles adossées aux fonds
propres, appelant ainsi une ségrégation qui n'existe pas au plan
comptable.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article, sous réserve de l'amendement qu'elle vous
soumet.
ARTICLE 8
Suppression du régime fiscal des
quirats de navire
Commentaire : le présent article propose de ne plus
accorder d'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de
copropriété de navires de commerce aux navires qui n'auront pas
fait l'objet d'une demande d'agrément avant le 15 septembre 1997.
I. LA SUPPRESSION DU RÉGIME FISCAL DES QUIRATS AURAIT DES
CONSÉQUENCES TRÈS LOURDES POUR L'EMPLOI ET L'AVENIR DE LA FLOTTE
DE COMMERCE FRANCAISE
A. LA SUPPRESSION DU DISPOSITIF QUIRATAIRE EST UNE DECISION RADICALE ET
INJUSTIFIÉE
1. Présentation du dispositif des quirats de navires
La loi n° 96-607 du 5 juillet 1996 relative à l'encouragement
fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de
navires de commerce, mise en application par le décret n° 96-843 du
23 septembre 1996, autorise les personnes physiques à déduire de
leur revenu imposable les sommes investies dans les navires de commerce
français, dans la limite annuelle d'un plafond de 500.000 francs pour
une personne seule et 1 million de francs pour un couple marié.
L'article 163
unvicies
du code général des impôts
dispose que les personnes physiques peuvent procéder à de telles
opérations directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise
unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), d'une
société à responsabilité limitée (SARL) ou
d'un fonds de placement quirataire.
Les
sociétés sont quant à elles autorisées
à déduire de leur bénéfice imposable
l'intégralité des sommes investies (article 217
nonies
du
C.G.I).
Cette mesure d'encouragement fiscal à la flotte de commerce
française est encadrée par une
procédure
d'agrément
. Le deuxième alinéa de l'article 238
bis
HN du CGI dispose en effet que "
le projet de
copropriété quirataire doit avoir fait, préalablement
à sa réalisation, l'objet d'un agrément
délivré par le ministre du budget après avis du ministre
chargé de la marine marchande et du ministre chargé de
l'équipement naval. L'agrément est accordé lorsque
l'investissement, effectué à un coût financier normal,
permet de renforcer la flotte de l'armateur et présente, au regard
notamment des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce, un
intérêt économique justifiant l'avantage fiscal
demandé
. "
Certaines contraintes sont par ailleurs imposées telle que le maintien
sous pavillon français du navire pendant 5 ans.
Enfin, l'incitation fiscale est limitée dans le temps puisque la
souscription doit avoir été effectuée avant le 31
décembre 2000.
2. L'argumentation du Gouvernement
Le présent article prévoit de supprimer l'encouragement fiscal
à l'acquisition de parts de copropriété de navires de
commerce pour les dossiers n'ayant pas fait l'objet de demande
d'agrément avant le 15 septembre 1997.
Cette mesure de suppression repose sur l'argumentation suivante :
- le dispositif serait trop coûteux (2 milliards de francs) et peu
créateur d'emplois (400 emplois soit 5 millions de francs par
emploi) ;
- il bénéficierait aux chantiers navals étrangers (6
navires seulement ont été construits en France, sur 25 navires
agréés) ;
- enfin, le Gouvernement estime qu'il s'agit d'une "niche fiscale",
réduisant indûment les revenus imposables des plus gros
contribuables.
3. Une argumentation critiquable
Tous les motifs invoqués à l'appui de la décision de
supprimer brutalement le système d'encouragement fiscal à
l'acquisition de parts de copropriété de navires peuvent
être nuancés, voire écartés.
Le
coût
du dispositif doit être
apprécié au regard de son impact économique global.
Le gain budgétaire de la suppression du système quirataire est
évalué par le Gouvernement à 1,5 milliards de francs en
1998, soit une somme bien supérieure à celle envisagée
lors de la mise en place du dispositif, puisque la dépense fiscale
était évaluée à 400 millions de francs par an.
S'il est vrai que la dépense fiscale s'est élevée à
2 milliards de francs depuis la mise en place du dispositif, c'est d'abord en
raison de l'effet d'attente provoqué par l'annonce de la loi portant
incitation fiscale à l'acquisition de parts de copropriété
de navires.
En effet, sur les trois derniers mois de 1996, l'investissement s'est
élevé à 2,7 milliards de francs contre 2,9 milliards de
francs sur les huit premiers mois de 1997, ce qui traduit déjà un
ralentissement certain.
La première année d'utilisation d'un dispositif d'incitation
fiscale révèle inévitablement une montée en charge,
qui devrait s'estomper au fur et à mesure que l'objet de l'incitation
est atteint.
Mais si cette dépense fiscale a été près de 5 fois
plus élevée que prévu
11(
*
)
,
c'est surtout parce que
l'investissement réalisé dans la flotte de commerce
française a été multiplié par 5,6 témoignant
de l'efficacité du dispositif.
Le système quirataire a en effet connu un succès important depuis
sa mise en place, qui ne date que du dernier trimestre 1996.
Au total, 25 navires ont fait l'objet d'un agrément pour un
investissement de 5,6 milliards de francs, dont 16 navires neufs sur lesquels 6
ont été construits en France. Ce nombre de 25 navires doit
être rapproché du nombre d'unités de la flotte de commerce
française, qui s'élève à 210 : l'équivalent
de 12 % de la flotte a ainsi été concerné.
Le volume d'investissement dans la flotte de commerce française a
été plus de deux fois supérieur au volume annuel moyen
constaté de 1992 à 1995.
Il paraît logique qu'un dispositif d'incitation fiscale fortement
efficient ait un coût relativement important.
Si tel n'avait pas été le cas, l'investissement n'aurait pas
correspondu à l'ambition du projet, à savoir renforcer
significativement la flotte de commerce française, au moyen d'un
avantage fiscal temporaire (le régime doit prendre fin au 31
décembre 2000) et ciblé en faveur du pavillon français.
L'investissement réalisé dans la flotte de commerce
française a donc permis un véritable renouvellement du pavillon
français, conformément à l'objectif poursuivi.
C'est d'ailleurs le constat du Conseil économique et social qui observe,
dans un avis du 24 septembre 1997
12(
*
)
, que " l
es
résultats actuels (qui dépassent les prévisions et les
espérances des promoteurs avec plus d'une quarantaine de navires
à l'achat) montrent qu'une telle disposition permet de dynamiser le
processus de renouvellement avec l'apport de capitaux neufs extérieurs,
quand les fonds propres des entreprises sont insuffisants ou
taris
. "
Il propose de s'en inspirer pour créer une incitation fiscale en faveur
des navires de pêche. La récente loi d'orientation pour la
pêche a ainsi créé des "sofica-pêche" : ce
dispositif d'aide à la construction de bateaux bénéficie
aux jeunes patrons pêcheurs pour un coût unitaire de l'ordre de 15
millions de francs.
Le dispositif des quirats bénéficie pour une part non
négligeable à la construction navale française
.
Les navires, dont le dossier a été agréé, et qui
ont été construits dans un chantier naval français,
représentent un montant total investi de 2,4 milliards de francs
soit 42 % de l'investissement total et 50 % de l'investissement en
navires neufs.
Ce sont des unités spécialisées dans la construction
desquelles les chantiers français peuvent faire valoir un savoir-faire
et des prix compétitifs : il s'agit d'un paquebot, d'un catamaran de
croisière, d'un navire sismique, d'un sablier, d'une vedette à
passagers et d'un ravitailleur de plate-forme pétrolière.
Il apparaît donc qu'au-delà d'un effet volume sur la flotte de
commerce française, le dispositif des quirats a un rôle dans la
modernisation de la flotte de commerce française et le
développement des nouvelles technologies.
Les autres unités construites à l'étranger
représentent des navires qui n'auraient pu de toute manière
être construits en France à un coût compétitif et
pour lesquels l'avantage fiscal a joué en faveur du renforcement de la
flotte sous pavillon français.
L'analyse des agréments montre que pour les navires neufs, 6 sont
construits en France, 4 en Europe (2 en Espagne et 2 aux Pays-Bas) et 6 en Asie
(4 en Corée et 2 au Japon). Aucun investissement pour un navire
d'occasion ne concerne la France, mais 5 navires d'occasion sur 9 concernent
l'Union Européenne (Allemagne notamment).
Enfin, il convient de souligner que dans le dispositif fiscal allemand dont
s'est inspiré le système quirataire français et qui a
permis de renforcer la flotte de commerce sous pavillon allemand, seuls 43 %
des navires neufs ont été construits en Allemagne
13(
*
)
.
L'impact sur l'emploi
est manifestement plus important que
l'évaluation donnée par le ministère de l'Economie et des
Finances, même s'il est difficile à préciser.
Le Gouvernement ne tient compte que des seuls emplois de navigants à
l'exclusion des emplois induits à terre, notamment dans les chantiers
navals. Or, l'impact sur la construction navale représenterait plusieurs
milliers d'emplois en France, notamment à Nantes-Saint-Nazaire, mais
également dans de petits chantiers de construction navale.
Lors de la mise en place du dispositif, l'étude d'impact
réalisée avait permis de montrer que chaque investissement
réalisé entraînait en moyenne la création de 30
emplois de navigants et au moins autant d'emplois à terre.
Plusieurs milliers d'emplois seraient par conséquent
fragilisés par la suppression du dispositif des quirats
, dans la
flotte de commerce française, dans les chantiers navals et au sein de
certaines professions (banquiers, assureurs, agents maritimes, courtiers ...).
Dans un récent rapport concernant les aides à la construction
navale
14(
*
)
, le
député Patrick Rimbert observe qu'au delà des effectifs
des chantiers navals français "
on peut (...) considérer
que
le total des emplois indirects chez les fournisseurs et sous-traitants
reste de l'ordre du triple des seuls effectifs des
chantiers
".
Le député ajoute : "
pour la construction d'un grand
paquebot de croisière, le chantier de Saint-Nazaire fait appel à
des entreprises situées dans près de soixante-dix
départements...
".
Peut-on croire que les nouveaux navires construits grâce à
l'encouragement fiscal des quirats, pour un investissement de plus de
2 milliards de francs, dans des unités de haute technologie,
échapperaient à cette règle et n'engendreraient que 400
emplois de navigants ?
Enfin, l'argument relatif à l'existence d'une " niche
fiscale " doit être relativisé.
Il est abusif de qualifier le dispositif quirataire de " niche
fiscale " alors qu'il n'a jusqu'à présent
bénéficié, pour la quasi-totalité des navires
financés, qu'aux seules personnes morales.
Les personnes physiques n'ont pas eu le temps de faire aboutir leurs projets,
dont l'investissement est plus modeste (7 à 20 millions de
francs, pour des sabliers ou des remorqueurs par exemple) mais pour lesquels
l'incitation fiscale joue le rôle d'un véritable "effet de levier".
B. UNE DÉCISION NÉFASTE POUR L'AVENIR DE LA FLOTTE DE
COMMERCE FRANCAISE ET POUR L'EMPLOI DANS LA MARINE MARCHANDE
1. La priorité reste d'enrayer le déclin de la marine marchande
en France
Il faut rappeler la finalité de la mesure dont le Gouvernement envisage
la suppression, à savoir redynamiser la flotte de commerce
française qui est passée du 7ème au 28ème rang
mondial depuis 1970, et dont les effectifs ont été divisés
par sept.
La population active maritime a fortement décru depuis 1970 : ainsi, le
taux de chômage dans ce secteur d'activité atteint 14,4 % en
1997 soit un taux supérieur de 2 points au taux de chômage moyen
français.
Depuis 1992, le taux d'inemploi dans la marine marchande a
considérablement progressé alors que le nombre de navires sous
pavillon français diminuait.
Le renforcement de la flotte sous pavillon français créerait donc
les conditions d'un débouché professionnel dans le secteur de la
marine marchande.
Il faut rappeler également que ce dispositif s'inspire de plusieurs
exemples étrangers, notamment ceux de Allemagne, du Danemark et de la
Norvège, pays qui ont connu un renouveau impressionnant de leur flotte
de commerce.
La France, dont la flotte de commerce est dans une situation très
défavorable au niveau mondial comme au niveau européen, pourrait
voir sa position se renforcer grâce à la commande de navires neufs.
2. Les effets pervers de l'instabilité fiscale
La loi du 5 juillet 1996, mise en application à partir de l'automne
1996, est très récente et sa remise en cause apparaît comme
une condamnation symbolique avant même que l'ensemble de
l'intérêt du dispositif ait pu être mesuré.
En tout état de cause, il convient, avant toute décision
définitive, d'évaluer soigneusement le rapport
coût/avantages du dispositif. C'est la mission de
l'audit
demandé au Commissariat au Plan par l'Office Parlementaire
d'évaluation des politiques publiques. Cet audit devrait certainement
apporter des éléments de réflexion sur le régime
des quirats.
Il apparaît donc pour le moins inopportun de supprimer un dispositif
existant, dont le seul critère d'appréciation indiscutable est
son efficacité manifeste à renforcer la flotte de commerce
française, au motif que son coût serait supérieur aux
prévisions, en raison même du nombre de nouveaux navires
commandés.
Cette suppression est d'autant plus discutable qu'un nouveau plan d'aide
à la marine marchande est annoncé pour la fin 1997 : il aurait
mieux convenu de procéder à une transition acceptable qui ne
rompe pas la continuité du dispositif.
L'intérêt d'une telle procédure est évidemment
d'aboutir à un "bouclage" du budget de l'Etat grâce au gain de 1,5
milliards de francs.
Si le dispositif comporte certaines imperfections, il aurait été
tout à fait envisageable de s'appuyer sur une évaluation
complète et indiscutable et de modifier la loi fiscale dans le courant
de 1998.
Les déclarations du secrétaire d'Etat au budget devant
l'Assemblée Nationale plaident d'ailleurs en ce sens. Il a
indiqué que le ministre de l'Equipement, des transports et du logement
et le ministre de l'Economie et des Finances "
travaillaient ensemble
à une évaluation complète du système des
quirats
" et que le résultat de cette réflexion commune serait
connu d'ici la fin de l'année.
Comment est-il possible de condamner
un dispositif quelques mois avant d'en faire une "évaluation
complète"
?
Au total, la suppression du dispositif quirataire apparaît d'autant plus
inopportune que les aides budgétaires, déjà très
réduites, sont appelées à disparaître en vertu des
dispositions européennes.
II. UNE DÉCISION INUTILE ET A CONTRE-TEMPS DES ORIENTATIONS
EUROPEENNES
A. UNE DÉCISION INUTILE
L'Etat a la maîtrise de l'agrément
: il lui appartient donc de
sélectionner les projets favorables à l'armement français.
En effet, aux termes de la loi, l'agrément est accordé lorsque
l'investissement, effectué à un coût financier normal,
permet de renforcer la flotte de l'armateur et présente, au regard
notamment des besoins du secteur concerné de la flotte de commerce, un
intérêt économique justifiant l'avantage fiscal
demandé.
Une plus grande sélectivité de l'agrément fiscal aurait
également pu contribuer à modérer la dépense
fiscale.
Or, l'analyse du fonctionnement de la procédure d'agrément montre
que la sélection des projets n'a pas permis de jouer un rôle
modérateur de la dépense fiscale puisqu'elle a davantage
pénalisé les investissements de faible importance.
Dossiers traités au 1er septembre 1997
(en millions de francs)
Le pourcentage de rejet est particulièrement faible si
l'on considère le critère du montant total de l'investissement
(7 % de rejet) alors que le pourcentage de dossiers rejetés est
plus important (19 % de rejet). Cela signifie que les dossiers
rejetés étaient des dossiers d'un coût moindre que le
coût moyen des dossiers acceptés.
(en millions de francs)
Une conception plus stricte de la procédure d'agrément aurait pu
suffir à modérer le coût fiscal du dispositif des quirats.
B. UNE DÉCISION À CONTRE-TEMPS DE L'ÉVOLUTION DE
L'UNION EUROPÉENNE
1. Les orientations de l'Union européenne et de l'OCDE en matière
de politique maritime commandent la disparition des aides directes au profit
des incitations fiscales
Il est d'autant plus inopportun de supprimer le dispositif quirataire qu'il
n'existe pas de véritable alternative à l'incitation fiscale et
que tout système de remplacement serait fortement contraint par la
position de l'Union Européenne.
En effet, dans le domaine des aides à l'investissement, la Commission
Européenne a récemment modifié ses "orientations
communautaires en matière d'aides d'Etat au transport maritime" (JOCE,
5 juillet 1997) : elle propose l'abandon de la notion de subvention
d'investissement assise sur la valeur du navire au profit d'une
égalisation des charges pesant sur les armements (impôts et
charges sociales).
Cette prise de position s'oppose au développement d'aides directes
à l'investissement dans la marine marchande, alors même que le
plan "Marine marchande" arrive à son terme et doit être
renégocié.
Le plan "Marine marchande" 1990-1994 a été reconduit de 1995
à 1997 inclus. Il comprenait trois volets essentiels :
-
l'aide à l'investissement
: en 1996, 79,9 millions de
francs ont été consacrés à 12 navires, dont
3 unités neuves et 9 d'occasion. En 1997, 120 millions de
francs devaient être consacrés à 5 navires.
-
l'aide à la consolidation et à la modernisation (ACOMO)
: 90 millions de francs devaient y être consacrés en 1997
après 107 millions de francs en 1996.
- le
remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle
.
Le plan pluriannuel de soutien à la marine marchande s'achevant le
31 décembre 1997, les modalités de renouvellement de ce
dispositif réglementaire devront bientôt être fixées
mais le ministère de l'Equipement, des transports et du logement
reconnaît que les orientations de l'Union européenne devront
être prises en compte dans la définition d'un nouveau dispositif.
Rappelons que le dispositif actuel des quirats présente
a
contrario
l'avantage d'avoir été agréé par
Bruxelles.
La prise de position de l'Union européenne s'inscrit dans le champ plus
vaste de la suppression des aides directes au secteur industriel. En effet,
l'accord OCDE
15(
*
)
du 21
décembre 1994 sur " les conditions normales de concurrence dans
l'industrie de la construction et de la réparation navales
marchandes " a pour objet de supprimer les aides directes à
l'investissement.
Avant son entrée en vigueur définitive, les participants sont
notamment convenus de ne pas :
- accroître le niveau des subventions dans les mesures d'aides actuelles,
- instituer de nouvelles mesures d'aides qui accroîtraient le niveau des
subventions.
Si tous ces éléments sont pris en considération, il faut
constater que la disparition des aides directes à la marine marchande
comme à la construction navale, permet d'envisager de lier ces deux
secteurs stratégiques dans une même politique d'incitation fiscale
menée dans le domaine maritime. Une récente communication de la
Commission européenne va d'ailleurs dans ce sens.
2. Les récentes prises de position de la commission européenne
encouragent à assortir les systèmes d'incitation fiscale d'une
"exigence européenne"
Une communication de la commission européenne en date du
1
er
octobre 1997 précise que :
" Les Etats-membres devraient envisager de lier une taxation
préférentielle ou des garanties d'Etat pour l'acquisition de
nouveaux navires
à une exigence "européenne"
(...) qui serait compatible avec l'accord de l'OCDE en matière de
construction navale
".
La Commission ajoute : "
cette mesure pourrait entrer dans le
cadre de la politique communautaire sur la sécurité maritime, si
l'aide n'est octroyée qu'aux navires construits dans l'Union
européenne, selon des normes de sécurité très
strictes "
.
Cette proposition constitue un élément nouveau par rapport au
contexte dans lequel a été adoptée la loi du 5 juillet
1996. Elle permet en effet d'instituer une discrimination en faveur des
chantiers navals européens et donc
in fine
, des chantiers navals
français.
Dans sa communication, la commission européenne note que le secteur de
la construction navale japonaise bénéficie d'un système
national de crédit qui offre des prêts à taux
d'intérêt réduit et privilégie exclusivement la
construction navale nationale. Elle remarque que la Corée a
réussi à orienter vers les chantiers coréens la demande
publique de navires neufs et a exclu les chantiers européens concurrents.
Il est donc parfaitement envisageable d'apporter des modifications au
régime actuel d'incitation fiscale à l'acquisition de parts de
copropriétés de navires, de manière à encourager la
construction de navires dans les chantiers navals européens.
M. Patrick Rimbert, au cours de l'examen de la proposition de règlement
du Conseil concernant les aides à la construction navale (n°E 936)
confirme cette analyse en déclarant :
" O
n constate que la Commission européenne, elle-même,
apparemment consciente de l'impossibilité de laisser les chantiers
européens sans un soutien significatif à court et moyen termes,
prône l'instauration d'aides fiscales sectorielles qui d'ailleurs ne sont
nullement prohibées par l'accord OCDE
".
III. LES AMÉLIORATIONS POSSIBLES DE LA LOI AU PROFIT DE L'EMPLOI ET
DE L'AMBITION MARITIME DE LA FRANCE
A. UN ENCADREMENT DU DISPOSITIF QUIRATAIRE EST INDISPENSABLE
Un certain nombre d'arguments plaident pour une réforme
limitée du système quirataire.
S'il appartient à l'Etat de sélectionner les projets favorables
à l'armement et à la construction navale français, il
apparaît clairement que le système de l'agrément n'a pas
joué le rôle discriminant qu'il aurait dû avoir. Il semble
donc essentiel de traduire dans la loi les contraintes qui auraient dû
s'imposer d'elles-mêmes.
Les propositions suivantes sont destinées à encadrer l'avantage
fiscal procuré par les quirats, dans le souci de donner le maximum
d'efficience à la dépense fiscale, sans pour autant freiner le
développement de la flotte de commerce française.
B. LES MODALITÉS D'AMÉLIORATION DU DISPOSITIF DES
QUIRATS
1. La primauté à l'emploi dans les chantiers navals
français
La priorité donnée à la construction navale
française pourrait se traduire par un
taux de
déductibilité des sommes investies différencié
selon que le navire est construit dans un chantier européen ou dans un
chantier hors Europe.
Le taux pourrait être de :
- 100 % pour les navires construits dans l'Union européenne ;
- 50 ou 80 % pour les navires construits hors de cette zone.
L'octroi d'un avantage aux chantiers navals européens, sous la forme
d'un taux de déductibilité variable des sommes investies, ou
éventuellement d'une sélection grâce à des
critères législatifs du même ordre encadrant la
procédure d'agrément (aujourd'hui peu discriminante), pourrait se
justifier par des contraintes spécifiques imposées à la
construction des navires, notamment en termes de respect des normes de
sécurité européenne.
Cette proposition s'inspire directement des nouvelles orientations de la
Commission européenne en matière de construction navale,
prônant une "préférence européenne".
2. Une volonté de renforcer l'armement sous pavillon
français
Par ailleurs, l'allongement de l'obligation de maintenir le navire sous
pavillon français de 5 à 8 ans, permettrait de favoriser
l'emploi français dans la flotte de commerce.
Il est vrai que la contrainte de maintien sous pavillon français s'est
traduite par l'immatriculation de nombreux navires dans le registre des terres
australes et antarctiques françaises (TAAF) qui impose un minimum de 35%
d'effectifs français et des officiers français.
Mais cette tendance n'est pas propre au dispositif des quirats car
désormais, le registre TAAF concerne 42 % de la flotte
française en unités et 92 % de sa capacité de
transport au 1
er
juillet 1997 (88 % au 1er janvier 1997). Ce
registre présente en particulier l'avantage d'alléger les
cotisations patronales de l'armateur.
3. Un encadrement de l'avantage fiscal
Pour réduire son coût, l'avantage fiscal pourrait être
plafonné pour les personnes physiques comme pour les personnes morales.
Pour les personnes morales, la part déductible de l'impôt sur les
sociétés pourrait ainsi être portée à
50 % du bénéfice imposable.
Pour les personnes physiques, le plafond de l'investissement déductible
du revenu imposable pourrait être réduit de 500.000 francs pour
une personne seule et 1 million de francs pour un couple, à 250.000
francs et 500.000 francs.
Dans les mois à venir, le dispositif pourrait favoriser les caboteurs et
permettre ainsi le développement des petits ports maritimes, avec des
trafics côtiers potentiels. Le maintien des quirats doit correspondre
à la volonté d'afficher une véritable politique maritime,
favorable autant aux petits projets qu'aux grands investissements.
Toutes ces propositions visent à ajuster le régime d'incitation
fiscale en faveur de la flotte de commerce française afin de donner
à la dépense fiscale son maximum d'efficacité.
Votre commission des finances se propose donc de réfléchir
activement, dans les délais qui lui sont impartis, à une
amélioration du dispositif des quirats.
Dans cette attente, et pour
montrer sans ambiguïté son attachement à un dispositif
fiscal de modernisation de la flotte de commerce française, elle vous
propose de supprimer cet article ayant pour objet d'abroger purement et
simplement le système quirataire en vigueur.
Décision de votre commission : votre commission vous propose de
supprimer cet article.