b) La politique communautaire d'aide au développement
L'Union européenne représente contribue, à elle seule, à 50 % de l'APD mondiale. Nous envisagerons successivement les instruments dont elle dispose et l'évolution de la politique communautaire.
(1) Les instruments d'intervention de l'aide publique communautaire
Les aides communautaires sont gérées par la
Commission et la Banque européenne d'investissement (BEI). Elles se
répartissent entre
l'aide programmée
qui est celle
accordée par l'intermédiaire du
Fonds européen de
développement (FED)
aux pays ACP, dans le cadre de la convention de
Lomé, et
l'aide non programmée
qui regroupe les actions
extérieures de la Communauté inscrite à la
sous-section B (ex-titre 9) du budget général.
Comme on peut le constater, les crédits transitant par
l'intermédiaire du FED ne représentent plus qu'environ 20 % de
l'aide communautaire en 1997 contre 53,6 % en 1988.
(a) L'aide communautaire liée aux accords de Lomé
La politique de Lomé a été successivement
définie par trois conventions quinquennales depuis 1975. La Convention
de Lomé IV, signée le 15 décembre 1989, est
entrée en vigueur le 1er décembre 1991 et à vocation
à s'appliquer jusqu'en l'an 2000.
Elle comporte deux grands objectifs :
1. aider les pays ACP, par l'intermédiaire de subventions ou de
capitaux à risques du FED et de prêts de la BEI, à
réaliser des programmes de développement régionaux (voir
infra).
Quatre instruments relevant spécifiquement du FED
contribuent également à mettre en oeuvre cette politique :
- le
Stabex
a été instauré dans le but de donner
aux pays ACP des fonds leur permettant de compenser les pertes de recettes
imputables aux fluctuations de prix ou de quantités des produits
agricoles exportés vers les Etats membres de la Communauté. Le
Stabex a été doté de 1,7 milliards d'écus aux
termes des accords de Lomé IV (99 % ont été
consommés) et de 1,8 milliards d'écus aux termes des accords de
Lomé V.
- le
Sysmin
est une facilité de financement spéciale,
créée sou la convention de Lomé II dans le but d'aider les
pays ACP fortement tributaires de leurs exportations minières vers la
Communauté à compenser les effets néfastes sur leurs
revenus des graves perturbations temporaires affectant le secteur minier. Au
titre de Lomé IV, le Sysmin a été doté de 482,5
millions d'écus. Fin 1996, les engagements cumulés
s'élevaient à 60 % de la dotation.
-
l'aide à l'ajustement structurel
: depuis l'entrée en
vigueur de Lomé IV, et jusqu'à fin 1995, la Commission a pris des
décisions de financement dans le domaine de l'ajustement structurel pour
un montant total de 1.601 millions d'écus.
-l'aide d'urgence pour les catastrophes naturelles et les
réfugiés.
Dans le cadre de Lomé IV, l'Union
européenne a disposé de 46 millions d'écus pour 1995 et de
3 millions d'écus pour 1996. L'essentiel de l'aide passe
désormais par le budget général (653 millions
d'écus en 1996).
2. favoriser le commerce avec les pays ACP à travers certains
arrangements commerciaux
:
- l'accès en franchise et hors contingent au marché de la
Communauté européenne pour presque toutes les exportations ACP ;
- l'achat garanti par la Communauté européenne d'un volume de
sucre ACP aux prix en vigueur dans la Communauté ;
- la mise en place de moyens financiers destinés à la promotion
et au développement du commerce.
(i) Le Fonds européen de développement
Le
Fonds européen de développement
(FED)
accorde des aides non remboursables
6(
*
)
pour financer des actions
s'intégrant dans les plans et programmes de développement
économique et social des Etats ACP.
Le montant du FED est négocié pour la durée de chaque
convention ACP/CEE. Pour 1990 à 1995, c'est-à-dire
Lomé IV, le VII
ème
FED s'élève
à 12 milliards d'écus. Pour 1995 à 2000, c'est
à dire Lomé V, le VIII
ème
FED
s'élève à 13,3 milliards d'écus.
Les tableaux ci-après donnent une répartition par pays et par
secteur des aides accordées par le FED. On observera en particulier
l'importance des programmes généraux, multisectoriels et
d'ajustement structurels, qui à eux trois représentent plus de la
moitié des programmes du FED.
(ii) La Banque européenne d'investissement
Dans le cadre de la convention de Lomé IV, la BEI a
été chargée un montant de 825 millions d'écus
réservés au financement de capitaux à risque. Par
ailleurs, au titre de ce protocole, la BEI, sur ces ressources propres, dispose
de 1,2 milliards de crédits assortis de bonifications
d'intérêts.
En 1995 et en 1996, la BEI a pu octroyer des prêts (capitaux à
risque ou prêts bonifiés sur ressources propres) uniquement sur
l'enveloppe de ce protocole et sur les reliquats des protocoles
précédents, les crédits du protocole financier 1995-1999
de la quatrième convention de Lomé n'étant pas encore
disponibles.
La répartition géographique des crédits accordés
en 1995 et 1996 par la BEI s'établit comme suit :
1995 1996
Afrique : 73 % 47 %
Caraïbes : 14 % 50 %
Pacifique : 13 % 1 %
Autres : 1 % 2 %
Les financements concernent pour les deux tiers les infrastructures de base
nécessaires au développement économique des pays
concernés. Le secteur industriel a bénéficié
également de crédits conséquents, d'autant plus importants
que la BEI a accordé plusieurs prêts globaux, conclus avec des
instituts financiers locaux, pour le financement de petites entreprises.
(b) L'aide non programmée
Le tableau ci-après donne le détail des aides
regroupées sous la section "actions extérieures" de la
Communauté.
Au-delà de ces modes de coopération spécifiques, la
Communauté a développé des instruments dont peuvent
bénéficier tous les PVD.
-le
système des préférences
généralisées (SPF)
: introduit en 1971, il offre
à tous les PVD des extensions ou des réductions de droit de
douane pour tous les produits industriels et pour de nombreuses denrées
alimentaires transformées ;
- le
COMPEX
: système de compensation des pertes sur recettes
d'exportation, calquée sur le STABEX, au bénéfice exclusif
des pays les moins avancés non signataires de la convention de
Lomé.
(2) Les évolutions récentes de l'aide
communautaire
(a) Une extension progressive du champ géographique
Si on analyse la situation dans une perspective historique, on constate une érosion progressive de la préférence pour les pays ACP et une mondialisation de l'aide communautaire. En effet, on assiste à une augmentation considérable de l'aide au pays de l'est, de l'aide aux pays du bassin méditerranéen et, dans une moindre mesure de l'aide aux pays d'Amérique Latine et d'Asie. Les pays ACP qui bénéficiaient de 65 % des financements extérieurs de l'Union (budget plus FED) sur les trois dernières années du VIème FED (1988-1990) n'en attirent plus que 42 % au cours du VIIème FED et 33,5 % en 1996 et moins de 30 % sur la base du projet de budget 1998. Cette évolution devrait se poursuivre d'ici la fin de la décennie.
(b) Une coopération de plus en plus ambitieuse
Comme on a pu le voir sur les tableaux qui
précèdent, les volumes des interventions extérieures de la
Communauté européenne ont considérablement augmenté.
Par ailleurs, au fur et à mesure de son accroissement, l'aide
communautaire est devenue de plus en plus diversifiée. Elle utilise des
instruments nombreux
: subventions à des programmes
nationaux ou régionaux, aide à l'ajustement structurel,
systèmes stabex et sysmin, aide d'urgence, aide aux
réfugiés, bonifications d'intérêt, capitaux à
risques, prêts de la BEI pour des projets nationaux et régionaux.
(c) Une coopération de plus en plus "politisée"
L'aide au développement est devenue l'un des éléments de la "politique extérieure" de l'Union européenne et l'un des moyens d'affirmer l'existence de l'Europe. Elle est de ce fait de plus en plus souvent conditionnée au respect des droits de l'homme et des grands principes démocratiques.
(d) Un vieillissement prématuré de la convention de Lomé
La convention de Lomé constituait un système
novateur et précurseur. Novateur, parce que reposant sur une gestion
paritaire et un partenariat porteur d'un véritable dialogue Nord-Sud,
voire Sud-Sud. Précurseur, parce qu'elle anticipait sur les
recommandations actuelles qui tendent au développement des
capacités institutionnelles des pays en développement.
Cependant, elle n'a pas su éviter les écueils bureaucratiques
d'un système fondé sur des procédures complexes et parfois
rigides, mal adapté pour prendre en compte la diversité de 70
pays aux intérêts parfois divergents.
Surtout, la convention souffre d'une perte de singularité. Les
préférences commerciales subissent une érosion continue
due aux accords de Marrakech sur l'organisation mondiale du commerce et
à la multiplication des accords passés par l'Union avec les pays
tiers. Les pays ACP n'ont plus la primeur d'une relation commerciale
privilégiée avec l'Union européenne.