C. OBSERVATIONS
1. L'Etat ne parvient pas à maîtriser la dépense de fonction publique
Entre 1980 et 1996
, les effectifs budgétaires de
l'Etat ont progressé, à champ constant, de 11,3 % hors
Défense -et de 6,6 % y compris Défense-, soit de
+ 115.700 emplois
.
Ce n'est qu'
en
1997
qu'a été marqué
l'arrêt souhaitable de cette évolution, avec une diminution de
0,4 % hors Défense -soit
- 5.499 emplois
- et une
quasi stabilité si l'on prend en compte les emplois militaires :
cette diminution a permis une économie de 0,8 milliard de francs en
1997.
En 1998
, cette orientation, pourtant la seule possible pour amorcer une
modernisation de l'Etat et une diminution de la dépense publique, est
abandonnée : le mouvement de créations reprend avec un solde
positif de
490 emplois civils
, et de 6.533 emplois en prenant
en compte la Défense.
L'abandon de la politique de réduction d'effectifs, qui avait permis
d'économiser 0,8 milliard de francs en 1997, et 1,1 milliard
de francs en 1998, renforce la difficulté évidente pour l'Etat de
maîtriser ses coûts de personnel : au poids des effectifs
s'ajoute en effet celui du "GVT" positif, reflétant les mesures
catégorielles des années passées.
Par ailleurs, cette absence de maîtrise naît également de
l'impossibilité actuelle de scinder la négociation salariale, qui
se déroule cette année encore sous sa forme traditionnelle avec
l'ensemble des syndicats de fonctionnaires. Ses répercussions touchent
non seulement l'ensemble des agents de l'Etat
3(
*
)
mais au total l'ensemble de la
dépense induite de fonction publique, soit plus de 39 % des
dépenses du budget : ainsi, une revalorisation d'1 % du
point d'indice coûte 6,2 milliards de francs au budget de l'Etat.
Les bases introuvables de la négociation salariale dans la fonction publique
Le caractère massif de cette négociation, qui
concerne plusieurs millions d'agents, pose à l'évidence un
problème de calcul de base.
Ainsi, à l'heure actuelle, les fédérations de
fonctionnaires réclament un rattrapage salarial pour l'année
1996, où toute augmentation générale avait
été gelée. Ce rattrapage serait basé sur la hausse
des prix hors tabac constatée sur l'année
considérée, soit + 1,6 %.
Mais, sur quelle base apprécier l'augmentation du pouvoir d'achat des
fonctionnaires en 1996 ? L'INSEE vient de fournir des
éléments de calcul avec son étude annuelle sur les
salaires des agents de l'Etat :
- Le salaire moyen, calculé en incluant
les mesures
générales et catégorielles, ainsi que toutes les formes de
primes
, a augmenté de 2,6 % en francs courants entre 1995 et
1996, soit 0,6 % en francs constants
Cette progression doit toutefois être corrigée de l'effet de
structure qui retrace les changements de répartition des effectifs entre
catégories, la catégorie A ayant progressé en 1995 de
42,8 % de l'ensemble des titulaires à 44,7 % en 1996.
Par ailleurs, le salaire doit être corrigé des
prélèvements effectués : au total, le salaire net a
reculé de 1 % en pouvoir d'achat en 1996.
-
La rémunération moyenne des personnes en place
est
un autre indicateur, plus proche des calculs effectués dans le secteur
privé : sa progression mesure l'évolution de la fiche de
paye moyenne des fonctionnaires en place. L'INSEE évalue cette
augmentation à 1,2 % en francs constants en 1996.
- Enfin, le salaire moyen net par catégorie
a
évolué de manière différenciée selon les
effets de structure : ainsi, le salaire moyen est abaissé dans les
corps où les entrants -moins rémunérés- sont plus
nombreux que les sortants ; c'est le cas pour les cadres enseignants
où le salaire moyen a baissé de 2,4 %.
Ces problèmes d'évaluation illustrent la difficulté pour
l'Etat à vouloir mener une seule négociation salariale pour
plusieurs millions d'agents.
2. Les contours de l'emploi public sont flous
a) Le champ d'application de la négociation salariale
Au-delà des 2,2 millions d'agents de l'Etat, il
faut comptabiliser dans l'emploi public :
- les 200.000 emplois des établissements publics nationaux (hors
entreprises nationales) ;
- les 165.000 agents de France Télécom et les
280.000 agents de La Poste
4(
*
)
;
- les 1,4 million d'agents de la fonction publique territoriale ;
- les 845.000 agents de la fonction publique hospitalière.
Au total, on recense donc plus de 5 millions d'agents publics pour une
population active de 22,4 millions,
soit plus d'un actif sur cinq
.
C'est la totalité de cette population qui est concernée par la
négociation salariale dans la fonction publique, ce n'est donc qu'une
seule partie de ses effets qui apparaît dans le budget de l'Etat.
b) La vraie nature de l'emploi public
Les agents employés par l'Etat, les
collectivités territoriales et les établissements hospitaliers ne
le sont pas sous le même statut :
- le "noyau dur" de la fonction publique est constitué des
titulaires
, soit à peu près les quatre-cinquièmes
des agents publics ;
- le solde, soit environ un million de personnes, est constitué de
non titulaires
: contractuels, auxiliaires, vacataires... Leur
proportion est beaucoup plus grande dans les établissements publics
(plus de 60 %) et dans la fonction publique territoriale (plus de
30 %) que dans la fonction publique d'Etat où ils
représentent toutefois plus de 13 % des effectifs.
Répartition entre titulaires et non titulaires
1990 |
1995 |
|||||
Total titulaires et non titulaires |
Non titulaires |
|
Total titulaires et non titulaires |
Non titulaires |
|
|
Ministères (1) |
2.168.900 |
328.100 |
15,1 % |
2.214.400 |
294.000 |
13,3 % |
Etablissements publics (2) |
188.500 |
117.100 |
62,1 % |
208.000 |
126.500 |
60,8 % |
Total Fonction Publique de l'Etat (1) |
2.357.400 |
445.200 |
18,9 % |
2.422.400 |
420.500 |
17,4 % |
FPT (1) (2) (3) |
1.326.400 |
448.900 |
33,8 % |
1.442.700 |
504.900 |
34,7 % |
FPH (personnel non médical) (1) |
667.100 |
35.700 |
5,4 % |
689.900 |
37.500 |
5,4 % |
Total des 3 fonctions publiques (1) |
4.386.900 |
929.900 |
21,2 % |
4.575.000 |
962.900 |
21,0 % |
(*) % de non titulaires par rapport à l'effectif
total
(1) Effectifs non compris les bénéficiaires de contrat emploi
solidarité (CES)
(2) Y compris assistantes maternelles
(3) Les effectifs de 1995 sont une estimation
Source : Direction générale de la Fonction publique
- un troisième cercle d'agents est constitué de personnes bénéficiaires de contrats emploi solidarité, qui ne sont pas des contrats de droit public, et qui ne peuvent pas être directement conclus par les services de l'Etat : toutefois de nombreux CES sont conclus par les collectivités territoriales et par les établissements publics, ce qui aboutit à les considérer comme des CES "Fonction publique", dont le nombre est supérieur à 200.000 :
Répartition des CES "fonction publique"
|
Total CES fonction publique (1) |
Collectivités territoriales |
EPA et EPIC hors enseignement |
Etablissements publics d'enseignement |
Etablissements de santé |
1993 |
219.073 |
94.175 |
64.611 |
37.426 |
22.861 |
1994 |
254.094 |
107.451 |
70.086 |
47.117 |
29.440 |
1995 |
250.416 |
105.645 |
64.127 |
49.983 |
30.661 |
(1) Le total des bénéficiaires de CES fin
1995 est de plus de 400.000 ; les autres bénéficiaires de
CES, hors fonction publique, sont classés en "associations" et
"mutuelles".
Enfin, les "emplois-jeunes" prévus ans le projet de loi de finances
pour 1998 peuvent être considérés comme des emplois
publics, puisque l'Etat prendre en charge 80 % de leur
rémunération, et même 100 % pour les jeunes
recrutés par l'Intérieur ou par l'Education nationale : il y
aura là encore quelque 100.000 emplois publics (350.000 en 1999)
relevant du droit privé.
L'Etat emploie donc une proposition non négligeable d'agents dans des
conditions non statutaires.
Certes des progrès ont été réalisés
grâce à la loi du 16 décembre 1996 relative à
l'emploi dans la fonction publique qui comporte un plan de résorption de
l'emploi précaire s'adressant à environ 20.000 agents du niveau
de la catégorie C et près de 18.000 agents assurant des
fonctions d'enseignement ou d'éducation (contractuels vacataires,
auxiliaires...).
Les premiers concours ont été organisés au printemps 1997
par les ministères de l'éducation nationale (2.700 postes) et de
l'agriculture (370 postes) : toutefois cette résorption de
l'emploi précaire ne concernera que 38.000 agents sur
1 million ; par ailleurs, le problème demeure -et
s'accroît en 1998- pour les CES "fonction publique" et les emplois
jeunes, dont le total pourrait atteindre 500.000 en période de
croisière.