D. AFFECTER (ET SIMPLIFIER) LES TAXES PERÇUES EN FAVEUR DE LA PRESSE
On pourrait ajouter à ce nouveau fonds, dans un souci
de simplification et d'efficacité, les deux autres fonds existants
d'aide aux quotidiens nationaux et locaux à faibles ressources
publicitaires. La dotation de ces fonds a été erratique ; de
plus, elle est aléatoire puisque ceux-ci sont alimentés par le
budget de l'État et non par la taxe spéciale sur la
publicité télévisée de l'article 302 bis KA du code
général des impôts, pourtant créée en 1982
pour alimenter le fonds de soutien aux quotidiens à faibles ressources
publicitaires.
Pour réduire l'écart, qui va croissant entre son rendement et
l'aide de l'État aux entreprises de presse cette taxe devrait être
affectée par le Gouvernement (puisque l'article 18 de l'ordonnance
organique du 2 janvier 1959 interdit l'affectation d'initiative parlementaire)
E. LA SUPPRESSION DE L'ABATTEMENT DE 30% POUR LES JOURNALISTES DOIT ÊTRE REPLACÉE DANS LE CONTEXTE DE LA RÉFORME FISCALE GÉNÉRALE
La loi de finances pour 1997 avait tout à la fois
prévu l'allégement du barème de l'impôt sur le
revenu et la suppression de toutes les déductions forfaitaires
supplémentaires pour frais professionnels
. En effet, ces
déductions, instituées à l'origine pour prendre en compte
la situation des membres de professions supportant des frais plus
élevés sont aujourd'hui sans rapport avec la
réalité des frais professionnels supportés par les
intéressés ; ils ont donc perdu leur justification
légale.
La suppression de ces déductions - par abaissement progressif du plafond
de déduction jusqu'en 2000 - était une mesure de simplification
et d'équité, qui n'est aucunement propre aux
journalistes
2(
*
)
. Elle
visait à appliquer le droit commun à l'ensemble des
salariés, quelle que soit leur profession. Les journalistes gardaient en
effet leur droit à déduction des frais réels.
L'abandon de cette réforme avait logiquement conduit le Gouvernement
de M. Lionel Jospin à rétablir les abattements dans l'attente
d'une réforme d'ensemble,
car la suppression de l'avantage fiscal
était en effet liée à la réduction
générale de l'impôt sur le revenu.
La suppression des dispositions de l'article 9 du projet de loi de finances
pour 1998, rétablissant les abattements pour les 109 professions en
dépit du maintien du barème actuel par l'Assemblée
nationale,
déséquilibre le dispositif résultant de la
loi de finances pour 1997 et qui devait s'appliquer à partir du 1er
janvier 1998.
Cohérente avec la position prise en octobre et novembre 1996,
la
commission des finances du Sénat rétablit les allégements
du barème.
Il est logique qu'elle
propose,
corrélativement, la suppression des abattements exceptionnels
.
Toutefois, une analyse globale de la situation a conduit votre rapporteur
à s'interroger sur la réalité des choses. Trois logiques
sont possibles :
·
une logique fiscale
, qui s'inspire - de façon
différente, il est vrai - des positions actuelles de
l'Assemblée nationale et de la commission des finances du
Sénat ; elle se fonde sur la nécessité de rendre
à notre système fiscal sa cohérence en éliminant
des avantages fiscaux aujourd'hui injustifiés ;
·
une logique sociale
, qui consiste à prendre en
considération pour certaines catégories - en l'occurrence pour
les journalistes - le fait que cet avantage est si ancien qu'il fait partie
intégrante de la rémunération des uns et des coûts
des autres. Dans cette perpective, on cherche à compenser la perte de
rémunération.
Ces deux logiques aboutissent en fait au même résultat :
- Dans un premier temps, on supprime l'abattement ;
- Dans un second temps, on le compense au franc le franc, mais au risque d'une
surcharge de travail administratif.
Le maintien par l'Assemblée Nationale de
l'article 88 de la loi de
finances pour 1997
créant le
fonds de compensation
concrétise cette volonté de neutraliser les effets
négatifs de la suppression des déductions supplémentaires.
Le 23 octobre, le Gouvernement a tiré les conséquences de ce vote
et proposé d'augmenter de
100 millions le chapitre 41-10 des services
généraux du premier ministre.
Supprimer un abattement et le rétablir par un autre moyen, c'est, d'une
certaine façon, reconnaître que l'on avait tort de le supprimer.
De cette volonté contradictoire, résultent des
complications
administratives importantes
.
Il faut, pour les mesurer, se reporter à la note signée par
MM. Alain Badré, inspecteur des finances, et Jacques Bonnet,
président de chambre à la cour des comptes, adressée fin
décembre 1996 à l'intersyndicale des journalistes, qui avait
précisé la procédure.
Parmi les trois solutions étudiées
3(
*
)
, seule la
compensation au
franc le franc
a été considérée comme
techniquement possible : "
à réception de son avis
d'imposition, [le journaliste] adresserait celui-ci accompagné d'une
copie de sa déclaration de revenus à l'organisme instructeur
chargé de calculer la perte . Cet organisme qui pourrait être le
SJTI, ressaisirait la déclaration de l'année N en utilisant le
barème de la loi de finances ajusté (revenus 1995)
dernière année avant la réforme ".
Sur
28000 journalistes, 19000 sont imposables
. Dans le système
prévu par le projet de loi de finances pour 1997, on ne comptait que 8
à 9000 " perdants ", soit essentiellement des
célibataires, étant donné la baisse du barème. A
l'heure actuelle, dès lors que l'on renonce à l'allégement
du barème,
le problème change de dimension
. Il ne s'agit
plus de compenser l'effet de la mesure pour une minorité mais pour
l'ensemble de la profession. La perte globale à compenser pourrait
être donc supérieure au 50 millions de francs et excéder
les 100 millions inscrits à l'initiative du secrétaire
d'état au budget, le 23 octobre dernier à l'Assemblé
nationale .
Ce n'est plus 8 à 9000 dossiers qu'il faudra faire traiter par le SJTI
mais plutôt 20 000 ! Combien de fonctionnaires ce service va-t-il
devoir engager pour traiter et vérifier les dossiers - en a-t-il les
pouvoirs d'ailleurs ? On doit donc se demander s'il ne vaudrait pas mieux,
dans ces conditions, conserver la ligne dans le formulaire de la
déclaration d'impôt et maintenir, sans hypocrisie, la
déduction supplémentaire des journalistes.
En rétablissant l'abattement de 30% -plafonné à 50
000 francs-, votre rapporteur s'inspire d'une logique qui est celle
du
bon sens
, simple et économe des deniers publics. On éviterait
bien des discussions, des contestations, bien des erreurs, aussi, bref, toute
une bureaucratie, au moment où l'on souhaite, au contraire, simplifier
notre système fiscal.
Cette solution aurait, en outre, l'avantage
d'assurer la
pérennité de l'abattement dont bénéficient
actuellement les entreprises de presse pour le calcul de l'assiette des
cotisations sociales
. L'arrêté du 30 décembre 1996 a
figé la situation jusqu'en l'an 2000 ; mais il est clair qu'au
delà, cet avantage de cotisations dont bénéficiaient les
entreprises de presse, va disparaître alourdissant du même coup les
charges sociales pesant sur elles.