CHAPITRE III
POUR ALLER AU-DELA DU BUDGET...
Désigné par votre commission des finances comme
rapporteur pour avis du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de
l'énergie, votre rapporteur a eu l'occasion de développer la
réflexion engagée à l'occasion de la discussion de ce
texte et note l'introduction au sein du présent projet de loi de
finances, d'un ensemble de dispositions complémentaires de cette loi.
Abordant une problématique complexe, la loi sur l'air apporte, en effet,
un début de réponse à un sujet qui touche de près
à la vie quotidienne des Français.
La poursuite de cette démarche doit s'insérer dans le cadre d'une
réflexion globale sur l'origine de cette pollution atmosphérique
et sur les moyens de prévenir son développement. Cette
réflexion ne doit pas avoir pour conséquence de multiplier les
prélèvements fiscaux et parafiscaux pesant sur les ménages
et sur les entreprises, mais au contraire de favoriser par des incitations
" positives " le développement des technologies
" propres ".
I. LE CONTEXTE GÉNÉRAL DE LA LOI SUR L'AIR.
A. UNE POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE URBAINE TRES LARGEMENT DUE À LA CROISSANCE DU PARC AUTOMOBILE
Les nombreuses alertes de pollution atmosphérique qui
ont été déclenchées, tant à Paris que dans
certaines grandes villes de province, sont à l'origine d'une forte
sensibilisation du public.
Une telle préoccupation apparaît justifiée dans la mesure
où, s'il existe un large débat sur les effets de cette pollution
sur la santé, il est d'ores et déjà admis que celle-ci
aggrave, voire provoque, des maladies cardio-vasculaires ou respiratoires ainsi
que des allergies.
Potentiellement à l'origine d'un problème de santé
publique, la pollution atmosphérique urbaine génère en
outre une dépense médicale et hospitalière accrue et
comporte donc un important coût indirect pour la société.
La pollution atmosphérique urbaine globale a pourtant diminué en
vingt ans grâce - notamment - à la loi du 2 août 1961 et
à la loi du 19 juillet 1976. Cette réduction du niveau de
pollution globale est essentiellement due à la
diminution de la
pollution atmosphérique d'origine industrielle
, car dans le
même temps, les émissions de polluants dues aux transports ont
augmenté de 25 %. Ces polluants sont responsables avec le chauffage de
près de 75 % de la pollution atmosphérique urbaine actuelle.
Les
très importants progrès réalisés par les
constructeurs automobiles pour réduire l'émission unitaire de
polluants par véhicule
sont en effet plus que compensés
par la forte croissance de l'usage de la voiture individuelle.
Cet essor du
parc automobile (un doublement en vingt ans pour atteindre actuellement 25
millions de voitures particulières dans un parc total de plus de 30
millions de véhicules) est largement à l'origine du
problème des oxydants (dioxyde d'azote - NOx - et ozone - 03 -) ainsi
que de celui des particules fines (dites "fumées noires").
Aussi, les efforts du gouvernement pour encourager le renouvellement du parc automobile, ainsi que ceux des constructeurs pour réduire le caractère polluant des véhicules, doivent ils être salués et poursuivis. |
A ces polluants liés à la circulation automobile
peuvent s'ajouter le dioxyde de soufre. Ce polluant, qui a largement
régressé depuis vingt ans, est émis notamment par les
installations de chauffage au charbon ou au fioul : sa "production"
peut en
conséquence augmenter fortement lors d'une vague de froid.
Ainsi, les dépassements des seuils d'alerte, qui suscitent l'émoi
médiatique, sont en général liés à une
conjoncture météorologique défavorable à la
dispersion des polluants émis sur une agglomération.
B. L'ASPECT GLOBAL DE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE
Si la mesure de la pollution atmosphérique à l'échelle locale est aussi sensible, c'est en raison de la perception immédiate qui peut être faite de ses inconvénients. Mais cette échelle locale de la pollution atmosphérique est complétée par des échelles régionales et planétaires. C'est un des éléments qui ressort du rapport de M. Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin, demandé par M. Edouard Balladur et de M. Michel Barnier en octobre 1994 sur "La surveillance de la qualité de l'air" dont ce tableau est extrait.
Les diverses formes de la pollution atmosphérique
Echelle d'espace |
Echelle de temps |
Problèmes rencontrés |
Principaux polluants concernés |
locale |
minutes
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jours
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années
|
· amincissement de
la couche d'ozone
|
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Légende : SO2 dioxyde de soufre, Nox oxydes d'azote,
CO monoxyde de carbone, O3 Ozone, COV composés organiques volatils, CFC
Chlorofluocarbures, N2O protoxyde d'azote, CO2 dioxyde de carbone, CH4
méthane
Le caractère global de ces problèmes ne doit cependant pas
dissuader la volonté d'agir. L'extension des dispositifs de surveillance
ainsi que les dispositifs d'alerte et d'information du public tel que celui qui
existe en Ile de France (Airparif), contribuera assurément à
favoriser une prise de conscience dans ce domaine.
La surveillance de la qualité de l'air et le constat de son
éventuelle dégradation ne peuvent cependant tenir lieu de
politique
. Une action à la source constitue la seule solution
véritable, mais dans un tel domaine, il s'agit à
l'évidence d'une démarche techniquement complexe et
financièrement onéreuse. La loi sur l'air constitue à cet
égard une tentative louable.
Votre rapporteur souhaite cependant formuler les plus expresses réserves
sur le caractère tendanciellement dirigiste d'approches visant à
instituer des obligations réglementaires qui font peser des charges
financières nouvelles sur les collectivités locales ou sur les
agents économiques.
Les incitations ou les encouragements en faveur d'actions positives pour
l'environnement, jointes à un message responsable des pouvoirs publics
en faveur d'un civisme écologique doivent être les principaux
vecteurs de l'action en faveur de l'environnement.
C. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 :UN COMPLÉMENT GLOBALEMENT CONTESTABLE A LA LOI SUR L'AIR
La discussion du projet de loi de finances pour 1998 a vu " surgir " un ensemble de dispositions fiscales et parafiscales concernant directement ou indirectement la fiscalité de l'environnement .
1. Le rappel des principes de la commission des finances
A l'occasion de la discussion de la loi sur l'air, votre
commission avait indiqué sa " philosophie " dans le domaine
de
la fiscalité de l'environnement.
A cet égard, elle avait relevé que le principe du
" pollueur-payeur " ne pouvait justifier qu'une recette
fiscale du
budget de l'Etat puisse être, conformément à l'article 18
de l'ordonnance du 2 janvier 1959, affectée, même partiellement,
à une politique particulière. Votre commission avait en revanche
admis que principe du " pollueur-payeur " était parfaitement
légal dans le cadre de la parafiscalité dont l'objet est de
prévoir l'affectation d'une ressource donnée à un objet
donné. Il avait cependant été relevé que
l'application de ce principe ne devait pas conduire à un accroissement
des prélèvements pesant en réalité sur les
particuliers et les entreprises.
En conséquence, votre commission avait approuvé, dans la loi sur
l'air, le choix du Gouvernement de l'époque de ne prévoir que des
incitations " positives ", c'est à dire qui allégeaient
la fiscalité en faveur des technologies " propres ".
Au regard de ces orientations, il apparaît que le projet de loi de
finances pour 1998, tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée
nationale, comporte des dispositions nouvelles, résultant d'amendements,
dont certaines sont contestables.
2. Un ensemble de mesures renforçant le prélèvement sur les entreprises
Au sein des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1998, il convient tout d'abord d'étudier les aspects positifs, qui constituent des prolongements logiques de la loi sur l'air, à savoir :
-
· l'allégement de la taxe intérieure sur les produits
pétroliers (TIPP) en faveur du GPL (gaz de pétrole
liquéfié) et du GNV (gaz naturel véhicule) ;
· l'admission pour les assujettis de la déductibilité de la TVA afférente à l'électricité consommée par les véhicules de société fonctionnant exclusivement à l'électricité.
Votre rapporteur spécial tient à signaler qu'à cette mesure contestable s'ajoute un relèvement des tarifs de la taxe sur les véhicules de société (TVS) qui passent de 5.880 francs à 6.800 francs pour les véhicules de moins de 7 CV et de 12.900 francs à 14.800 francs pour les véhicules de plus de 7 CV, dont le Gouvernement attend une recette supplémentaire de 430 millions de francs. Sur ce point, il faut rappeler que les sommes versées au titre de la TVS ne sont pas déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
Le cumul de ces deux dernières mesures représente donc un prélèvement supplémentaire de 780 millions de francs sur les entreprises.
Face à cet ensemble de ponctions supplémentaires sur les entreprises, votre rapporteur souhaite rappeler, qu'en application de l'article 1010 A du code général des impôts, les entreprises peuvent éviter les effets de cette hausse en utilisant, dans leur parc de véhicules de société, des voitures électriques qui bénéficient d'une exonération complète de TVS ou des véhicules dits bimodes (fonctionnant alternativement au moyen de supercarburants et de gaz de pétrole liquéfié - GPL), qui sont exonérés du quart du montant de cette taxe.