IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR
Votre rapporteur spécial approuve certaines
orientations du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur,
notamment la volonté de développer la formation continue et de
promouvoir les échanges internationaux.
En effet, l'Etat dépense chaque année plus de 35 milliards
de francs en actions de formation continue, mais seulement 4 % sont
consacrés à l'université. Il est donc prévu,
dès la fin de cette année, d'organiser un concours auprès
des établissements, à l'issue duquel dix universités ayant
proposé les projets les plus ambitieux en matière de formation
continue seront sélectionnées pour mener des opérations
expérimentales, notamment de mise en place de cursus de diplômes
en formation continue ou de sessions de recyclage pour diverses professions.
En outre, les échanges internationaux, et en premier lieu
européens, doivent être favorisés : c'est pourquoi
votre rapporteur sera attentif aux mesures visant à rendre plus
compatibles les formations universitaires dans l'Union européenne, et
à favoriser la mobilité des enseignants comme des
étudiants.
Cependant, votre rapporteur spécial est amené à formuler
six observations :
Il regrette l'augmentation de près de 4,5 % des
dépenses ordinaires. Les dépenses en personnel augmentent trop
fortement : les rémunérations croissent de plus de
4,10 % (le chapitre 31-96 "rémunérations de personnels
divers et vacations" connaît une croissance de 60 %).
Surtout, elles progressent alors même que les crédits qui engagent
l'avenir, c'est-à-dire les dépenses en capital, diminuent, quant
à elles, de près de 7 % (le chapitre 56-10, article 10
"Investissements consacrés à l'enseignement supérieur"
décroît de 28 %).
Une telle orientation budgétaire -gonflement des crédits de
fonctionnement et contraction des dépenses d'investissement- ne saurait
préparer efficacement l'avenir de l'enseignement supérieur.
Non seulement, les dépenses de fonctionnement sont plus importantes,
mais leur progression est contestable au regard des priorités et des
enjeux de l'enseignement supérieur.
En effet, malgré cette augmentation globale des dépenses
ordinaires, l'aide au pré-recrutement d'enseignants-chercheurs
(chapitre 43-11) reste inchangée, de même que les oeuvres
sociales en faveur des étudiants (chapitre 46-11).
Votre rapporteur déplore également la réduction de la
subvention de fonctionnement destinée aux établissements
d'enseignement supérieur privés.
Votre rapporteur spécial craint que la réforme du premier
cycle, entérinée par l'arrêté du 9 avril 1997,
ne soit dans une phase de ralentissement et d'incertitude.
Certes, le nouveau Gouvernement en a repris les principes essentiels
(orientation, semestrialisation, capitalisation et compensation) mais il tarde
à les mettre en pratique.
En matière de tutorat, aucun bilan n'a été dressé.
L'organisation des séances de soutien et de rattrapage destinées
aux étudiants en difficulté paraît assez aléatoire,
ces séances étant parfois confiées à des
chargés de cours ou à des vacataires. De même, la charte du
tutorat, prévue par la réforme, est toujours à
l'étude.
La semestrialisation et la réorientation sont mises en place
progressivement, mais les pouvoirs publics font souvent preuve d'attentisme en
la matière : aucune directive n'a précisé le contenu
des unités de méthodologie ; de même, la
procédure d'évaluation, de validation des acquis et de
réorientation à la fin du premier semestre, pour les
étudiants en erreur d'orientation ou en échec, n'est encore
qu'à l'état d'ébauche. Le Comité national
d'évaluation (CNE) a d'ailleurs récemment préconisé
le développement des études de "suivi" des étudiants, tant
au plan national qu'au niveau de l'établissement, de telles
études facilitant une véritable politique d'orientation.
Quant au contrôle des connaissances, point le plus sensible de la
réforme, il semble se heurter non seulement à des
problèmes techniques de mise en oeuvre dans le temps, mais
également à la résistance des mentalités.
Surtout, il semble que la réforme entre en vigueur de manière
très hétérogène selon les filières
universitaires : les facultés scientifiques et de lettres sont
ainsi beaucoup plus avancées que les facultés juridiques et que
la grande majorité des facultés de sciences économiques et
d'administration économique et sociale (AES).
L'année dernière, votre rapporteur spécial avait
souhaité disposer d'un bilan des aides actuellement attribuées
aux étudiants et de leur coût global pour les finances publiques.
A cet égard, il prend note des conclusions du rapport de M. Bernard
Cieutat, sur l'état précis de l'effort de la Nation en direction
des étudiants, effort évalué à 26,6 milliards
de francs.
Le rapport a mis en exergue deux principaux faits :
- d'une part, les aides attribuées par le ministère en
charge de l'enseignement supérieur (bourses diverses, prêts
d'honneur, financement des oeuvres universitaires, aides aux associations
étudiantes, compensation aux établissements de
l'exonération des droits d'inscription accordée aux boursiers) ne
représentent que 35 % du total ; les étudiants
bénéficient en effet d'aides directes accordées par
d'autres ministères, essentiellement les aides au logement (APL, ALS et
ALF) et les aides fiscales (réduction d'impôt et majoration du
quotient familial) ;
- d'autre part, les prestations versées sous condition de
ressources (bourses, APL et exonérations des droits d'inscription pour
les boursiers) ne représentent que 30 % de l'ensemble, les autres
aides profitant soit à l'ensemble des étudiants (ALS, oeuvres
universitaires), soit aux foyers imposables, c'est-à-dire davantage aux
revenus élevés (aides fiscales).
Pour remédier à ces iniquités, le précédent
ministre avait proposé, à l'issue des Etats
Généraux de l'Université, la mise en place progressive
d'une allocation sociale d'études pouvant se substituer aux aides
existantes, cela dans le cadre de l'élaboration d'un "statut social de
l'étudiant".
Or, il semble que ce projet ait été reporté, alors
même qu'un nombre important d'étudiants connaissent une situation
difficile. Votre rapporteur sera attentif au texte qui devrait être
déposé au printemps sur ce sujet.
De la même façon, votre rapporteur spécial ne peut
que regretter le retard pris dans la mise en route du plan de restructuration
et du désamiantage de la faculté de Jussieu.
Ce plan avait été annoncé par François Bayrou le
30 septembre 1996 : il devait mobiliser 1,2 milliard de francs
sur trois ans.
Or, plus d'un an après, les travaux n'ont toujours pas commencé,
et les appels d'offre nécessaires à leur réalisation n'ont
même pas été lancés. Seuls des travaux de
confinement ont été réalisés, pour un montant de
10 millions de francs.
A l'heure actuelle, le nouveau plan n'en est qu'à une phase virtuelle
et, à ce titre, n'est ni évalué, ni chiffré.
Les problèmes techniques sont certes considérables, notamment en
ce qui concerne le déménagement des étudiants et des
enseignants pendant les travaux, mais la volonté politique semble
manquer.
Votre rapporteur constate que le débat relatif au degré de
toxicité de l'amiante à Jussieu se poursuit, et restera attentif
aux mesures prises pour garantir aux 50.000 personnes qui
fréquentent ce campus une protection sanitaire optimale.
Votre rapporteur spécial prend acte de la décision du
ministre de ne pas créer une filière technologique
supérieure, mais, tient, surtout à exprimer son inquiétude
face aux réserves émises sur les stages des étudiants en
entreprises et sur les unités de première expérience
professionnelle (UPEP), à une époque où une insertion
professionnelle réussie des jeunes passe souvent par le rapprochement
entre les établissements d'enseignement supérieur et les
entreprises.
L'UPEP, créée par l'arrêté du 9 avril 1997,
devrait néanmoins se mettre en place, à titre
expérimental, pendant deux ans : elle s'adresse aux étudiants
volontaires du deuxième cycle, et sera alors intégrée dans
le cursus de l'étudiant, après évaluation et validation.
Votre rapporteur sera attentif aux conclusions du groupe de travail devant
aboutir à la rédaction d'une charte des stages. Il adhère
aux principes qui devraient présider à l'élaboration de
cette charte :
- la rémunération de tout stage,
- l'absence de substitution à un emploi,
- la tenue du stage hors des horaires d'enseignement.
Enfin, votre rapporteur spécial demande, comme l'année
dernière, une clarification du statut des professeurs
agrégés de l'enseignement supérieur (PRAG).
La création de 1.200 emplois de PRAG est prévue dans le
projet de budget pour 1998, ce qui contribue à "secondariser"
l'enseignement supérieur.
Votre rapporteur sera vigilant quant aux dispositions mises en oeuvre pour
permettre aux PRAG d'accéder au statut d'enseignant-chercheur,
grâce à la préparation d'une thèse doctorale.