CHAPITRE III -

LES QUESTIONS D'ACTUALITÉ POUR L'URBANISME

Comme chaque année, votre rapporteur pour avis a choisi, parmi les thèmes d'actualité intéressant l'urbanisme, ceux qui lui apparaissent susceptibles de retenir l'attention de la Haute Assemblée.

Parmi eux figurent la question de l'urbanisme en montagne, l'utilisation des nouvelles technologies dans l'urbanisme opérationnel, et enfin la situation financière des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) qui n'a toujours pas trouvé de solution satisfaisante.

I. L'URBANISME ET LA MONTAGNE

A titre liminaire, votre rapporteur pour avis tient à rappeler son attachement au respect de l'environnement montagnard et à sa préservation. Il considère en effet que bon nombre de réalisations des années passées visant à établir des activités en montagne n'ont eu pour effet que de détruire des sites qui auraient mérité d'être protégés.

Cependant votre rapporteur pour avis estime également qu'il convient de prêter attention aux doléances des élus locaux qui, bien souvent désireux de protéger le cadre de vie de leurs concitoyens, n'en ont pas moins le souci légitime d'assurer le développement économique de leurs communes.

A. UN SUJET AU COEUR DES PRÉOCCUPATIONS DES ÉLUS...

Deux initiatives parlementaires ont rappelé, en 1997, la nécessité de mieux prendre en compte les besoins du développement économique en zone de montagne :

Dans une question écrite au ministre de l'équipement, M. René Trégouët relevait, par exemple, " les conséquences négatives pour le développement rural, de l'interprétation administrative excessivement restrictive des dispositions relatives à l'urbanisme prévues par la loi " montagne " n° 85-30 du 9 janvier 1985 ". La même question écrite soulignait également que, malgré l'adoption de la loi d'orientation n° 95-115 du 4 février 1995, pour l'aménagement et le développement du territoire : " le grave problème du contrôle excessif de l'urbanisation n'a pas trouvé de solution satisfaisante et constitue pour un nombre croissant d'élus locaux en milieu rural un véritable obstacle à la revitalisation et au développement de leur commune. " 3( * )

Une analyse analogue est également à l'origine du dépôt d'une proposition de loi n°45 tendant à modifier l'article L.145-7 du code de l'urbanisme par M. Pierre Laffitte, soumise à l'examen de votre Commission des Affaires économiques.

Observant qu'" il est nécessaire que les documents d'urbanisme comportent des dispositions propres à préserver les caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard " et qu' " il n'est pas souhaitable que cette réglementation paralyse la création d'activités innovantes et susceptibles d'assurer le développement de l'espace montagnard ", l'exposé des motifs de cette proposition de loi indiquait qu': " il n'est actuellement pas possible d'installer en zone de montagne des installations quelles que soient leur nature, hors des villages existants, ou sans continuité avec ceux-ci. [...] à côté des activités traditionnelles évoquées par la loi " montagne " comme susceptibles d'y être promues : activités agricoles, pastorales et foncières, activités touristiques, commerce et artisanat, pluriactivité et travail saisonnier, il convient de permettre à la montagne de recueillir le bénéfice de l'apparition de la société de l'information [... or] actuellement l'installation de petites zones d'activité consacrées à la recherche, aux téléactivités et au développement économique local n'est pas possible. "

Sans émettre de jugement sur le fond de cette proposition de loi, votre rapporteur pour avis ne peut manquer de considérer son dépôt comme l'un des signes des difficultés rencontrées dans l'application des règles d'urbanisme en zone de montagne.

Deux exemples, tirés de son expérience de terrain lui permettront de confirmer ce diagnostic : ils ont trait aux problèmes posés par les granges de montagne dans les Pyrénées, et par la question, non encore résolue, de la complexité de la procédure d'autorisation des unités touristiques nouvelles (UTN) en montagne.

B. ...DONT DES EXEMPLES CONCRETS MONTRENT L'IMPORTANCE

1. La conservation des granges de montagne

Les problèmes posés par la conservation des granges de montagne situées dans les Pyrénées montrent les difficultés existant pour valoriser le patrimoine ancien et pour lui permettre de contribuer au développement local.

Implantées dans les prés de fauche des massifs, souvent en partie encastrées dans la pente, les granges de montagne ont servi dans le passé à abriter le berger, le foin, et le troupeau. Elles sont souvent bâties dans des matériaux de qualités (pierres de taille, couvertures de tuiles et d'ardoises ...) qui en font un élément du patrimoine montagnard. Certaines d'entre elles sont encore utilisées par les agriculteurs à titre résiduel. D'autres, en revanche, ne sont plus entretenues.

Or, la législation actuellement en vigueur prévoit que l'obtention d'un permis de construire est nécessaire changer leur destination agricole et les rendre habitables. En pratique, les communes n'ont pas les moyens d'assurer leur desserte en voirie et réseaux divers (VRD), si bien qu'elles ne sont pas favorables à la délivrance de permis de construire qui, finalement, occasionnent un coût pour la collectivité (entretien des VRD, déneigement ...). En conséquence, bon nombre de granges tombent en ruine, tandis que d'autres sont rénovées de façon illégale.

Pour résoudre le problème de l'entretien de ces bâtiments, il convient d'éviter deux écueils :

- l'abandon des granges et leur écroulement ;

- une transformation qui en dénaturerait les caractéristiques.

Votre rapporteur pour avis juge souhaitable d'envisager, le cas échéant avec le ministère chargé du tourisme, les modalités d'une politique qui permettrait de transformer a minima ces bâtiments, en autorisant leurs propriétaires à les rénover sous réserve de disposer d'une alimentation en eau et d'un système de traitement individuel des eaux usées, ce qui permettrait d'assurer l'entretien des bâtiments sans pour autant occasionner de charges nouvelles pour les communes.

D'une façon générale, votre Commission des Affaires économiques souhaiterait qu'une réflexion soit lancée pour examiner les conditions dans lesquelles l'entretien du patrimoine foncier construit en montagne pourrait être mieux assuré, afin de le valoriser.

2. Les lourdeurs de la procédure d'autorisation des unités touristiques nouvelles (UTN)

La procédure de création d'unités touristiques nouvelles en montagne, régie par l'article L.155-9 du code de l'urbanisme, est destinée à éviter le développement d'activités touristiques incontrôlées.

Elle s'applique notamment en cas de création d'un équipement sur un site vierge, ou lorsque cette création suscite une modification de l'économie locale, ou encore si elle entraîne un accroissement de la capacité d'hébergement de plus de 8.000 mètres carrés.

Une UTN ne peut être réalisée que dans les communes qui disposent d'un plan d'occupation des sols, quelle que soit leur taille.

Votre Commission des Affaires économiques constate que la règle selon laquelle toutes les communes doivent être dotées d'un plan d'occupation des sols (POS) dans le périmètre visé par une UTN est susceptible d'empêcher la délivrance de toute autorisation. Elle n'est pas sans expliquer le fait que 20 % des autorisations délivrées ne donnent finalement lieu à aucun projet concret.

En effet, bien des petites communes comprenant quelques dizaines d'habitants ne disposent pas des moyens financiers pour élaborer un POS : comme on l'a vu au chapitre II du présent rapport pour avis, le coût de l'élaboration d'un tel document varie de 60.000 à 150.000 francs ! Autant dire que les très petites communes qui désirent élaborer un POS n'en ont pas les moyens, puisque le prix d'un POS dépasse parfois le montant de leur budget annuel.

Est-ce une raison pour empêcher ces communes et celles qui les environnent, et avec lesquelles elles peuvent souhaiter coopérer, de recevoir une UTN ?

Votre Commission des Affaires économiques estime qu'il serait souhaitable que l'Etat apporte une aide financière spécifique aux petites communes de montagne désireuses d'élaborer un plan d'occupation des sols afin de pouvoir bénéficier d'une UTN.

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