D. LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS : UNE QUESTION DÉLICATE
En sélectionnant les caractéristiques
génétiques des êtres vivants dont on contrôle la
reproduction, on obtient un nouvel organisme mieux adapté aux besoins de
productivité ou de commercialisation de l'agriculture et de
l'élevage. Jusqu'à présent, une longue sélection
était nécessaire à l'obtention d'une plante ou d'un animal
conforme.
La transgenèse permet d'ajouter immédiatement
à un organisme un caractère supplémentaire alors que la
sélection classique
(chaque parent apporte 50 % de ses
caractères)
introduit en même temps des caractères
indésirables qu'il faudra éliminer par des opérations
longues et fastidieuses.
Ainsi, les chercheurs utilisent les recherches fondamentales des biologistes
qui, dans les années 1970, ont mis en évidence les
propriétés de certains enzymes capables de couper et de ressouder
les molécules d'ADN (acide désoxyribonucléique),
constituant du noyau de la cellule et support des gènes qui, en quelque
sorte, " programment " le fonctionnement de l'être vivant.
Ces gènes, qui sont aujourd'hui lisibles pour les plantes, pour certains
animaux et, demain, pour l'homme, peuvent être modifiés. Une
information sur un gène d'ADN constituant de l'espèce peut
être annulée ou corrigée, ou inversée. Il suffit si
l'on peut dire d'y introduire les corrections nécessaires, celles-ci
étant reproductibles. Une fois modifiée
génétiquement, l'ADN fait le reste.
L'enjeu, dans un premier temps, c'est la mise en culture des plantes
génétiquement modifiées, le plus souvent, pour
résister aux herbicides ou à certains insectes ravageurs.
Testées depuis une dizaine d'années des deux côtés
de l'Atlantique, elles ont pour la première fois l'an dernier
été semées à grande échelle aux
États-Unis, et exportées. C'est le cas au moins pour le soja
" transgénique " résistant aux herbicides. Une
première livraison en vrac, donc anonyme puisque mélangée
à d'autres graines de soja, a été effectuée
à Anvers l'automne dernier.
C'est l'arrivée sur le marché américain en 1994 de la
tomate Mac Gregor, modifiée génétiquement pour
retarder sa maturation, qui a ouvert la première brèche. Ces
tomates d'outre-Atlantique, mises en conserves, dûment
estampillées " tomates génétiquement
modifiées " sont, depuis, en vente en Grande-Bretagne où
elles bénéficient d'un succès commercial.
Actuellement une trentaine de plantes transformées sont
déjà sur le marché nord-américain
alors qu'en
Europe quelques dossiers sont en attente d'autorisation. Les procédures
d'évaluation du risque alimentaire sont toujours l'objet de discussions
au plan international afin d'aboutir à une harmonisation. Elles
correspondent à la mise en oeuvre du principe de précaution en
raison du risque lié à la construction génétique,
du danger provoqué par la dissémination de ces produits dans
l'environnement et du risque potentiel en terme de sécurité
alimentaire.
Récemment, si la France a autorisé l'importation du maïs
transgénétique sous condition d'étiquetage, elle a
cependant interdit jusqu'à présent la culture de ce maïs, et
ce en raison des incertitudes qu'elle fait peser sur l'environnement.
Le 15 mai 1997, le règlement européen sur les nouveaux
aliments et les nouveaux ingrédients alimentaires (novel food) est
entré en vigueur. Celui-ci prévoit l'étiquetage des
nouveaux aliments qui, sur la base d'une évaluation scientifique, n'est
pas l'équivalent de produits existants.
Cette réglementation devait être transposée au niveau des
États membres avant le 31 juillet.
L'objectif est de permettre au consommateur de disposer de son libre choix et
de déterminer s'il accepte de manger des OCM.
A première vue, le raisonnement adopté par le droit
européen est simple. Il se situe à l'inverse de la
réglementation européenne qui considère qu'à partir
du moment où un aliment est autorisé par les autorités, il
n'est plus nécessaire de le signaler. Le législateur
européen n'a cependant pas précisé ce qu'il entend par
" équivalent ".
Il n'en reste pas moins que, devant les questions que suscitent les OGM, non
seulement de la part des agriculteurs mais aussi de la part des scientifiques,
des industriels et des consommateurs, un suivi est nécessaire, sous
peine d'aboutir un jour ou l'autre à des crises de confiance comparables
à celle vécue par les éleveurs de bovins.
Votre commission a d'ailleurs créé au mois de septembre dernier
un groupe de travail consacré aux conséquences économiques
des OGM qui devrait rendre ses conclusions dans le courant de
l'année 1998.