INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
En annonçant une hausse des crédits de la santé de
10,4 % en 1998, le Gouvernement entend affirmer le caractère
prioritaire d'une "politique ambitieuse de santé publique".
Pourtant, si de réels efforts sont engagés, réalité
que le présent rapport ne tentera pas de dissimuler, cette affirmation
gouvernementale suscite malheureusement beaucoup de réserves.
Ainsi, malgré la hausse des crédits de la santé, ils ne
représentent toujours que moins d'un quart de point du budget de l'Etat,
ce qui ne correspond certainement pas aux attentes des Français.
La protection de la santé publique constitue en effet, au même
titre que la sécurité et la justice, un élément
à part entière des fonctions régaliennes de l'Etat. Elle
aurait donc dû bénéficier de redéploiements plus
importants en sa faveur.
Ensuite, cette hausse importante des crédits de la santé repose
essentiellement sur trois opérations importantes, à savoir la
provision destinée à financer la mise en oeuvre de la
réforme, d'origine sénatoriale, de la veille et de la
sécurité sanitaires, l'installation d'un fonds d'investissement
pour la modernisation des hôpitaux et le retour vers le ministère
des affaires sociales de la mission interministérielle de lutte contre
la drogue et la toxicomanie, dont les crédits étaient
précédemment rattachés à ceux des services du
Premier ministre.
Si l'on exclut ces trois opérations, le budget de la santé stagne
à structure et en francs constants.
Enfin, et c'est le point qu'entend démontrer ce rapport, le
budget de
la santé pour 1998 manque de ligne directrice
: votre rapporteur
regrette ainsi que presque chacun de ses points positifs soit
contrebalancé par une grave lacune.
A cet égard, il examinera successivement trois volets majeurs de ce
budget, qui révèlent tous un manque de cohérence qui doit
être souligné.
Ainsi :
- le Gouvernement provisionne des crédits pour financer la
réforme d'origine sénatoriale de la sécurité et de
la veille sanitaires, mais les crédits de la veille sanitaire sont en
baisse ;
- un effort est engagé pour accentuer la lutte contre la
toxicomanie mais la lutte contre les autres dépendances (tabagisme,
alcoolisme) est négligée ;
- un fonds de restructuration hospitalière est mis en place, mais
les conditions de l'adaptation du tissu hospitalier ne sont pas réunies ;
C'est pourquoi votre commission a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits de la santé pour 1998.
I. LE GOUVERNEMENT PROVISIONNE DES CRÉDITS POUR FINANCER LA MISE EN OEUVRE DE LA RÉFORME SÉNATORIALE DE LA VEILLE ET DE LA SÉCURITÉ SANITAIRES, MAIS LES CRÉDITS DE LA VEILLE SANITAIRE RÉGRESSENT
La politique en faveur de la sécurité et de la veille sanitaires manque de cohérence : si les établissements publics nationaux bénéficient d'un soutien actif et si la réforme proposée par le Sénat bénéficie d'un financement satisfaisant, les crédits des actions de veille sanitaire régressent.
A. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CHARGÉS D'UNE MISSION DE SÉCURITÉ SANITAIRE ET LE RÉSEAU NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE BÉNÉFICIENT D'UN EFFORT BUDGÉTAIRE SIGNIFICATIF
Depuis le début des années quatre-vingt-dix,
l'Etat a institué des établissements publics chargés d'une
mission de sécurité sanitaire pour différents produits de
santé : le médicament, le sang et les greffes. Ces institutions
sont appelées à se fondre en une Agence de sécurité
sanitaire des produits de santé qui aura en charge l'ensemble de ces
produits : ce sera chose faite dès que la proposition de loi, d'origine
sénatoriale, relative au renforcement de la veille et de la
sécurité sanitaires sera définitivement adoptée par
le Parlement.
Dans cette attente, les crédits destinés à l'Agence du
médicament, l'Agence française du sang, l'Etablissement
français des greffes et au Réseau national de santé
publique, bénéficient d'un effort particulier dans le projet de
loi de finances pour 1998.
1. L'Agence du médicament
a) Missions, structures et budget
L'Agence du médicament, établissement public
administratif, a été créée, comme l'Agence
française du sang, par la loi du 4 janvier 1993 relative à la
sécurité en matière de transfusion sanguine et de
médicament. Elle s'est vu confier par la loi des missions
exercées jusqu'alors par des services du ministère chargé
de la santé, le laboratoire national de la santé et la direction
de la pharmacie et du médicament, qui ont été
supprimés par un décret du 26 mars 1993.
Les compétences de l'Agence du médicament sont définies
par l'article L. 567-2 du code de la santé publique qui
prévoit qu'elle est chargée de participer à l'application
des lois et règlements relatifs aux médicaments à usage
humain, aux produits de thérapie génique, aux produits
contraceptifs, aux substances stupéfiantes ou psychotropes et aux autres
substances vénéneuses utilisées en médecine ainsi
qu'aux réactifs de laboratoire.
En revanche, l'Agence ne possède pas de compétences en
matière tarifaire, la fixation du prix du médicament relevant du
comité économique du médicament. Elle n'a pas non plus
à connaître des questions de distribution, de pharmacie d'officine
ou d'exercice professionnel, qui sont de la compétence de la Direction
générale de la santé.
L'installation de l'Agence sur le site de Saint-Denis s'est
opérée progressivement au cours de l'année 1993, à
l'exception de la direction des laboratoires et des contrôles, dont les
laboratoires ont été réimplantés à Lyon en
juillet 1996. Elle s'est poursuivie par la réimplantation des
laboratoires de Montpellier à Vendargues en septembre 1997, et
s'achèvera par l'installation des derniers laboratoires à
Saint-Denis en 1998.
A ces implantations nouvelles, il convient d'ajouter la création d'un
bureau de représentation à Londres, siège de l'Agence
européenne du médicament, qui a été inauguré
au mois de mars 1997.
L'Agence comptait au 1er juillet 1997 un effectif de 594 personnes. Si la
gestion de la majorité de celles qui relèvent du ministère
chargé de la santé (262 personnes) est assurée par
l'Agence, 46 personnes demeurent toutefois gérées et
rémunérées par le ministère.
Le budget de l'Agence du médicament repose, pour l'essentiel, sur les
crédits budgétaires d'Etat et sur des ressources propres,
c'est-à-dire des droits, taxes et redevances directement
rattachés au budget de l'Agence et acquittés par les industriels
à l'occasion de l'autorisation de mise sur le marché des
médicaments ou de l'enregistrement des réactifs de laboratoires.
L'Agence bénéficie également de subventions des
collectivités locales en vue de la réinstallation de ses
laboratoires de contrôle, et de produits divers correspondant à
des prestations de service qu'elle assure.
Les moyens financiers de l'Agence se sont établis, sur la base des
budgets primitifs, à 465 millions de francs en 1997 (dont
124,8 millions de francs d'emprunt) contre 316 millions de francs en
1996, 273 millions de francs en 1995 et 161 millions de francs en
1994.
Après décisions modificatives ajustant le niveau des recettes et
des dépenses avec l'activité constatée de
l'établissement, les budgets de l'Agence du médicament
étaient de 208 millions de francs en 1994, de 238 millions de
francs en 1995, de 305 millions de francs pour 1996 et de
488 millions de francs pour 1997.
La part des droits, taxes et redevances versés par l'industrie et les
laboratoires d'analyse de biologie médicale dans les ressources globales
de l'Agence représentaient, en 1996,
58 %
du budget total de
l'établissement.
Pour 1998, les crédits destinés à la subvention de l'Etat
à l'Agence s'élèvent à 81,4 millions de
francs, dont 810.000 francs de subvention de recherche. Cette subvention de
l'Etat, qui est exclusivement une subvention de fonctionnement, est en
progression de 7 millions de francs, soit un taux d'augmentation d'environ
10 %.
b) Les relations avec l'Agence européenne du médicament
L'Agence européenne pour l'évaluation des
médicaments, comme l'Agence du médicament, ont été
créées récemment ; elles ont une même mission, la
protection de la santé publique.
* Comme l'Agence française, l'Agence européenne du
médicament est de création récente :
Le nouveau système d'évaluation et de surveillance a
été mis en place par le règlement CEE n° 2309/93
du Conseil du 22 juillet 1993 et les trois directives (93/39, 93/40 et 93/41)
du Conseil du 14 juin 1993 qui ont modifié en conséquence le
droit européen du médicament. Et c'est par une décision
des chefs d'Etat et de Gouvernement du 29 octobre 1993 qu'a été
décidée l'implantation à Londres de l'Agence
européenne.
Cette Agence est devenue opérationnelle en février 1995.
* Alors que l'Agence européenne a une compétence
d'attribution, l'Agence française bénéficie d'une
compétence de droit commun :
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est
chargée de l'évaluation des médicaments issus de l'un des
procédés de biotechnologie cités dans la partie A de
l'annexe du règlement 2309/93 et des médicaments innovants tels
que définis dans la partie B de cette même annexe et qui suivent
la procédure centralisée.
Dans le cadre de la procédure de reconnaissance mutuelle, elle est
compétente en cas d'arbitrage ; elle peut également être
saisie de tout autre sujet d'intérêt communautaire et de demandes
d'avis. Elle exerce enfin, un rôle de coordination pour la
pharmacovigilance et l'inspection.
Le succès de la procédure centralisée est
indéniable : en effet, près des deux tiers des médicaments
pour lesquels elle a été utilisée sont des
médicaments innovants pour lesquels elle n'est pas obligatoire. Ce
succès est dû à la qualité de l'évaluation
effectuée par le Comité des spécialités
pharmaceutiques qui s'appuie sur l'expertise des Etats membres et
bénéficie donc des connaissances scientifiques européennes
les plus poussées. La procédure de reconnaissance mutuelle est
également bien acceptée, même si des difficultés
subsistent en raison de l'inégalité des dossiers entre les Etats
membres, notamment pour les dossiers les plus anciens.
Le système d'évaluation de l'Agence européenne est
basé sur les capacités d'évaluation des Etats membres qui
sont mises à sa disposition dans l'intérêt de la
communauté européenne : il s'agit donc d'un dispositif
d'évaluation externe.
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est
un organisme à vocation scientifique chargé de formuler des
recommandations pour la Commission européenne ; les décisions
exécutoires, telles que les autorisations de mise sur les marchés
communautaires, sont toujours prises par la Commission, qui conserve son
rôle d'élaboration et d'interprétation de la
législation communautaire.
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments
disposait en 1996 d'un effectif de 100 agents et d'un budget de
22,55 millions d'écus dont 13,75 millions proviennent d'une
subvention communautaire et 8,6 millions des redevances versées par
les industriels.
Au cours de cette même année, elle a reçu 35 demandes
correspondant à la procédure centralisée et elle a
formulé 24 avis scientifiques.
L'Agence française du médicament a un champ de compétences
plus large, puisqu'elle constitue le service public d'évaluation et de
contrôle des médicaments à usage humain, des
réactifs de laboratoire ainsi que des produits de thérapies
cellulaire et génique. Elle est compétente sur toute la
chaîne médico-technique des produits depuis les essais cliniques
jusqu'à la vigilance. De plus, elle assure non seulement
l'évaluation des produits mais aussi les fonctions d'inspection et de
contrôle en laboratoire qui s'y attachent. Elle est enfin chargée
de l'évaluation pharmaco-économique du médicament.
* La participation de l'Agence française du médicament au
système européen :
Le système de coopération entre l'Agence européenne pour
l'évaluation des médicaments et les Etats membres appelle une
participation active de l'Agence française du médicament à
ses travaux. La France est ainsi représentée au conseil
d'administration par le directeur général de l'Agence
française du médicament ; l'Agence française est
également membre de groupes de travail constitués au sein de
l'Agence européenne.
Elle prend en charge l'expertise de nombreux dossiers en tant que rapporteur ou
corapporteur, notamment dans le domaine de la pharmacovigilance.
Des groupes de travail
ad hoc
ont également été mis
en place sur différents problèmes de santé publique : des
experts de l'Agence du médicament y participent aussi.
Enfin, l'Agence européenne pour l'évaluation des
médicaments et les agences nationales participent aux discussions
organisées par la Commission européenne afin de trouver des
solutions aux divers problèmes soulevés par la mise en place des
nouvelles procédures européennes.