III. LES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
Réunie le jeudi 20 novembre 1997 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la
commission a procédé, sur le rapport de M. Paul Girod, à
l'examen de la proposition de loi n° 27 (1997-1998) adoptée par
l'Assemblée nationale, relative au fonctionnement des conseils
régionaux.
M. Paul Girod, rapporteur, a tout d'abord souligné que, comme le
montrait son intitulé, cette proposition de loi n'avait pas seulement
pour objet de modifier le mode de vote des budgets régionaux mais
opérait une véritable et profonde réforme du mode de
fonctionnement des conseils régionaux.
Après avoir indiqué que le mode de scrutin avait eu pour effet un
éparpillement de la représentation au sein des conseils
régionaux, M. Paul Girod, rapporteur, a établi un bilan de
l'activité des régions douze ans après leur
érection comme collectivités territoriales de plein exercice.
Il a ainsi souligné le caractère assez flou de leurs attributions
sauf en matière d'aménagement du territoire, d'interventions
économiques et pour la gestion des lycées.
S'agissant de l'aménagement du territoire, il a fait observer que
l'interprétation de leurs compétences par les régions
avait été très variable, certaines d'entre elles
n'hésitant pas à développer des actions de
proximité logiquement dévolues à d'autres
collectivités.
Le rapporteur a en outre souligné le rôle original exercé
par les conseils économiques et sociaux régionaux qui avaient
souvent une vue plus globale de la situation des régions.
Puis s'interrogeant sur les difficultés rencontrées par les
conseils régionaux, M. Paul Girod, rapporteur, a tout d'abord
relevé que dans de nombreuses régions les présidents
n'avaient été élus qu'au troisième tour de scrutin
par une majorité fragile. Il a néanmoins fait valoir qu'en
dépit de ces difficultés, les conseils régionaux avaient
pu dans l'ensemble fonctionner.
Le rapporteur a par ailleurs considéré qu'il convenait de ne pas
surestimer les obstacles rencontrés pour l'adoption des budgets. Il a
ainsi indiqué qu'au total seulement trois budgets dans deux
régions n'avaient pu être adoptés.
Il a relevé que ce faible taux d'échec était
confirmé si l'on prenait en compte, outre les budgets primitifs, les
décisions modificatives.
M. Paul Girod, rapporteur, a néanmoins fait valoir que le
règlement d'office du budget par le préfet à défaut
de son adoption dans les délais légaux n'était pas
conforme à l'esprit de la décentralisation. Rappelant les
conditions de mise en oeuvre de cette procédure, il a souligné
que la chambre régionale des comptes était appelée
à formuler des propositions qui devaient être suivies par le
préfet sauf décision motivée.
Le rapporteur a en outre estimé que le fait que les budgets des
régions soient pour l'essentiel des budgets d'investissement pouvait
aggraver les conséquences d'un défaut d'adoption dans les
délais prévus par la loi.
Il a néanmoins fait observer que les décisions d'investissement
étant souvent des décisions prises pour une longue
période, la continuité nécessaire pouvait être
assurée par l'autorité administrative. En revanche, il a
noté que le budget traduisait également des orientations
générales, telles que celles relatives au contrat de plan, que le
préfet pouvait difficilement mettre en cause.
Enfin, il a indiqué que le préfet de région
représentant en même temps l'Etat pour l'exécution du
contrat de plan, la procédure de règlement d'office du budget
régional le mettait dans une position paradoxale.
Rappelant ensuite les réflexions menées à ce jour pour
tenter de remédier à ces difficultés, M. Paul Girod,
rapporteur, a indiqué que le précédent Gouvernement, de
même que le Gouvernement actuel, s'était interrogé sur une
réforme du mode de scrutin régional.
Il a également souligné que le groupe de travail de la commission
des lois présidé par M. Lucien Lanier -et dont lui-même
était rapporteur- avait procédé en 1996 à de
nombreuses auditions sur ce sujet.
Après avoir résumé les différentes
difficultés mises à jour par les réflexions du groupe de
travail, il a relevé que celui-ci avait, à l'unanimité de
ses membres, préconisé de ne pas modifier le mode de scrutin
régional d'ici aux prochaines élections régionales.
Puis après avoir précisé que le Gouvernement actuel avait
également considéré qu'il ne serait pas possible de
modifier ce mode de scrutin à l'approche des élections
régionales, M. Paul Girod, rapporteur, a indiqué que la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale
procédait de quatre propositions de loi déposées
respectivement par Mme Marie-Hélène Aubert, par
M. Jean-Marc Ayrault, par MM. Pierre Mazeaud et Robert Pandraud et
par M. Jacques Blanc.
Il a indiqué que la proposition de loi de M. Jacques Blanc
prévoyait l'élection au suffrage universel direct du
président du conseil régional et que les propositions de loi
respectives de M. Jean-Marc Ayrault et de MM. Pierre Mazeaud et
Robert Pandraud, s'inspirant de la motion de défiance constructive
prévue dans le système institutionnel allemand et du
mécanisme de mise en cause de l'exécutif par l'assemblée
de Corse, prévoyaient que l'adoption d'une motion avait pour effet la
mise en oeuvre d'un nouveau budget et le remplacement du président du
conseil régional.
Présentant ensuite le dispositif adopté par l'Assemblée
nationale, M. Paul Girod, rapporteur, a tout d'abord estimé qu'il
était peu satisfaisant sur le plan formel. Il a ensuite indiqué
que l'article 6 alignait, en matière de démission d'office, le
régime des conseillers régionaux sur celui des conseillers
municipaux et des conseillers généraux.
Il a par ailleurs noté que l'article 3 faisait obligation aux candidats
à la fonction de président de transmettre au doyen d'âge
une déclaration précisant les grandes orientations de leur action
pour la durée du mandat ainsi que le nom des membres du conseil
régional auxquels ils donneraient délégation en vue de la
constitution du bureau.
Le rapporteur a souligné qu'une telle disposition faisait du doyen
d'âge à la fois le dépositaire et le garant de la
déclaration présentée par les candidats à la
fonction de président. Il a noté qu'aucun texte n'obligeait le
président du conseil régional pas plus que celui du conseil
général à donner des délégations.
Rappelant en outre la procédure applicable lors de l'installation du
conseil régional, M. Paul Girod, rapporteur, a fait observer que les
délégations ne pouvaient être données qu'aux
vice-présidents qui étaient membres de la commission permanente,
laquelle n'était désignée qu'après
l'élection du président.
Puis exposant le dispositif de l'article 4 de la proposition de loi
tendant à établir une nouvelle procédure d'adoption du
budget régional, M. Paul Girod, rapporteur, a constaté que la
proposition de loi n'aboutissait pas à une mise en cause de la
responsabilité du président du conseil régional. Il a
indiqué qu'elle ne permettait le déclenchement de cette
procédure qu'à compter du 31 mars, soit la date limite
d'adoption du budget. Il a précisé que le président du
conseil régional devait obligatoirement soumettre un nouveau projet de
budget modifié au bureau, lequel était pourtant composé de
membres choisis par lui et auxquels il pouvait retirer à tout moment ses
délégations.
Le rapporteur a fait valoir que cette disposition remettait en cause le droit
des délégations et qu'elle contribuait à la mise en place
d'un exécutif de type collégial.
Tous les présidents de conseil régional qu'il avait
consultés lui ayant fait part de leur hostilité à la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, M. Paul
Girod, rapporteur, a reconnu qu'il avait été tenté dans un
premier temps de proposer à la commission de rejeter purement et
simplement ce texte.
Il a indiqué qu'en définitive il suggérait de refondre le
dispositif en prévoyant que la nouvelle procédure aboutirait
à la mise en jeu de la responsabilité du président du
conseil régional. Il a en outre jugé nécessaire de faire
intervenir dans la procédure le conseil économique et social
régional, lequel était consulté sur les orientations
générales du document budgétaire élaboré par
le président.
Enfin, il a ajouté que cette procédure lui paraissait devoir
être étendue à d'autres actes sur lesquels le conseil
économique et social régional exerçait une
compétence consultative.
M. Jacques Larché, président, a remercié le rapporteur
pour le caractère très complet et pertinent de son analyse.
M. Charles Jolibois, après avoir également remercié le
rapporteur pour la clarté de son exposé, a souhaité avoir
des précisions sur la notion de refus d'exercer des fonctions qui, selon
l'article 6, pourrait provoquer la démission d'office d'un conseiller
régional.
En réponse, M. Paul Girod, rapporteur, se référant au
régime déjà applicable aux conseillers municipaux, a
cité le cas de l'adjoint au maire refusant de présider un bureau
de vote. Il a estimé que le refus d'exercer les fonctions pourrait
concerner les vice-présidents du conseil régional refusant de
présider les débats de l'assemblée
délibérante.
Un débat s'est alors engagé sur les conditions d'examen de cette
proposition de loi par le Sénat, dans lequel sont intervenus M. Jacques
Larché, président, M. Paul Girod, rapporteur, ainsi que MM.
Robert Pagès, Michel Dreyfus-Schmidt et Guy Allouche.
A l'issue de ce débat, M. Jacques Larché, président, a
estimé difficile d'achever l'examen de la proposition de loi avant le
début de la discussion budgétaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a objecté que cette position lui paraissait
soulever un problème constitutionnel, le Gouvernement se voyant dans
l'impossibilité de faire examiner un texte inscrit à l'ordre du
jour prioritaire.
M. Christian Bonnet, se référant à l'audition par le
groupe de travail sur le mode de scrutin régional de Mme Marie-Christine
Blandin, présidente de la région Nord-Pas-de-Calais, a
souligné le très faible nombre de cas de blocages dans l'adoption
des budgets régionaux. Il a en conséquence estimé que
cette situation ne justifiait pas un dispositif qui aurait pour effet de
modifier très profondément le cadre institutionnel des
régions.
M. Jacques Larché, président, a fait observer que les conseils
régionaux demeuraient juridiquement des assemblées
administratives, bien qu'elles fussent " teintées de
politique ". Il a estimé que la proposition de loi tendait à
transposer aux conseils régionaux un mécanisme institutionnel
inventé en Allemagne et auquel on avait périodiquement mais
vainement réfléchi pour tenter de remédier aux
dysfonctionnements de la IVème République.
M. Paul Masson, tout en reconnaissant que seulement un petit nombre de budgets
n'avaient pu être adoptés, a néanmoins souligné les
" marchandages " auxquels contraignait l'existence de
majorités simplement relatives. Il a considéré que cette
situation était le résultat d'un mode de scrutin inadapté
et qu'elle n'était pas satisfaisante. Il a fait part de ses craintes
qu'après les prochaines élections régionales, les facteurs
de blocage s'aggravent avec des oppositions disposées à jouer la
politique du pire.
Indiquant qu'il n'approuvait pas la nouvelle procédure proposée
pour l'adoption du budget régional, M. Paul Masson a
considéré que la seule réforme valable serait celle du
mode de scrutin.
Il a enfin relevé que le dépôt d'une proposition de loi sur
le fonctionnement des conseils régionaux quelques mois avant le
déroulement du scrutin n'était pas de bonne méthode et que
si le Conseil d'Etat avait été saisi d'un semblable projet de
loi, il aurait vraisemblablement fait part de ses réserves sur un grand
nombre des dispositions proposées.
M. Jacques Larché, président, s'est lui aussi
déclaré convaincu que le Conseil d'Etat aurait probablement
désapprouvé le texte. Il a imputé les difficultés
du fonctionnement des conseils régionaux avant tout à la
proportionnelle, cette proposition de loi lui paraissant " poser un
cautère sur une jambe de bois ".
M. Paul Girod, rapporteur, a fait observer que des difficultés de
même nature pouvaient aussi se rencontrer dans certains conseils
généraux dont le président, en l'absence de
majorité, avait été désigné au
bénéfice de l'âge.
M. Guy Allouche a tout d'abord rappelé que le groupe de travail de la
commission sur le mode de scrutin régional avait été
unanime pour préconiser de ne pas modifier ce mode de scrutin d'ici aux
prochaines élections régionales.
Fort de sa propre expérience de conseiller régional depuis quinze
ans, il a considéré que la majorité absolue ne
garantissait pas en soi un fonctionnement correct du conseil régional et
qu'à l'inverse, une majorité relative permettait de susciter des
débats utiles. Il a estimé que dans un contexte de
majorité relative, un accord demeurait possible entre tous les
élus républicains pour peu qu'ils fassent preuve de bonne
volonté.
Il a cependant fait valoir que la proposition de loi permettait de se
prémunir contre les risques d'absence de majorité dans beaucoup
de régions à l'issue des prochaines élections.
Rappelant que le préfet signait les contrats de plan au nom de l'Etat,
il a estimé qu'il n'était pas de bonne procédure qu'il
puisse parallèlement régler le budget régional.
Après avoir souligné que la proposition de loi n'avait pas pour
objet de favoriser telle ou telle formation politique, il s'est personnellement
prononcé pour qu'en l'absence de majorité absolue la formation
républicaine ayant le plus grand nombre de sièges puisse diriger
la région.
M. Guy Allouche a enfin souligné que le premier ministre avait
respecté un principe admis par tous, à savoir qu'en l'absence de
consensus, il ne fallait pas changer un mode de scrutin à
proximité des élections. Il a fait valoir qu'une modification
éventuelle ne pouvant dans ces conditions s'appliquer qu'à
compter du scrutin de 2004, il fallait s'interroger sur le fonctionnement des
conseils régionaux pendant la période intermédiaire.
M. Robert Pagès, après avoir souscrit aux analyses
présentées par M. Guy Allouche, a fait observer que si les
membres du groupe de travail avaient été unanimes pour
suggérer de ne pas modifier le mode de scrutin, leurs motivations
respectives, elles, avaient été très différentes.
Il a souligné qu'il était personnellement favorable à
l'application de la représentation proportionnelle pour toutes les
élections mais que d'autres étaient parvenus à la
même conclusion mais seulement " par défaut ".
Il a alors jugé souhaitable, tout en maintenant ce mode de scrutin, de
le conforter par un dispositif permettant d'améliorer le fonctionnement
actuel des conseils régionaux. Il a estimé que la proposition de
loi allait dans ce sens.
M. Jacques Larché, président, a souligné que le groupe de
travail avait surtout fondé sa décision sur le fait qu'il ne lui
avait pas paru possible de modifier ce mode de scrutin en l'absence de
consensus.
M. Patrice Gélard a considéré qu'au-delà de toutes
ces discussions, la véritable motivation des auteurs des propositions de
loi était d'empêcher des " alliances dans l'ombre avec le
Front national ", ajoutant qu'il s'agissait donc bien d'une loi de
circonstance.
A l'issue de ce débat, la commission a procédé à
l'examen des articles de la proposition de loi.
Aux
articles premier et 2
(coordinations), la commission a adopté
des amendements de suppression.
A l'
article 3
(obligation pour les candidats à la
présidence du conseil régional de présenter une
déclaration écrite), après un débat dans lequel
sont intervenus M. Jacques Larché, président, MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Paul Masson, Christian Bonnet, Philippe
de Bourgoing, Guy Allouche et M. Paul Girod, rapporteur, la commission a
adopté un amendement de suppression.
A l'
article 4
(nouvelle procédure d'adoption du budget
régional), après les interventions de M. Jacques Larché,
président, et de M. Patrice Gélard, la commission a adopté
un amendement tendant à permettre le déclenchement de la nouvelle
procédure dès le 20 mars de l'exercice auquel s'applique le
budget ou au 30 avril de l'année de renouvellement des conseils
régionaux ou encore dès le vote de rejet du budget si ce vote est
antérieur à l'une de ces dates.
Après l'intervention de M. Paul Masson, la commission a adopté un
amendement supprimant l'intervention du bureau dans la procédure
d'élaboration du nouveau projet de budget et permettant la
présentation d'une motion par un tiers des membres du conseil
régional.
Après les interventions de M. Patrice Gélard et de
M. Paul Masson, la commission a également adopté un
amendement précisant que la motion devrait comporter le nom d'un
candidat à la fonction de président pour le cas où elle
serait adoptée et prévoyant l'avis, dans un délai de sept
jours, du conseil économique et social régional.
A la suite des interventions de M. Guy Allouche, M. Patrice Gélard et M.
Jacques Larché, président, la commission a adopté un
amendement fixant à sept jours à compter de l'avis du conseil
économique et social régional le délai maximum pour
l'organisation du vote sur la motion et fixant des conditions de quorum.
Puis la commission a adopté un amendement précisant que
l'adoption de la motion aurait pour effet non seulement l'adoption du budget
qui lui était annexé mais aussi le changement de président
et le renouvellement de la commission permanente.
Elle a enfin adopté, au même article, trois amendements de
coordination.
A l'
article 5
(coordination), la commission a adopté un
amendement de suppression.
A l'
article 6
(démission d'office d'un membre du conseil
régional), la commission a adopté un amendement d'ordre formel.
A l'
article 7
(publicité et entrée en vigueur du budget),
la commission a tout d'abord jugé préférable de ne pas
étendre la nouvelle procédure aux autres actes soumis à la
consultation du conseil économique et social régional, M. Jacques
Larché, président, ayant souligné qu'une telle extension
risquait de compliquer encore un peu plus le fonctionnement des conseils
régionaux.
Elle a enfin adopté un amendement donnant une nouvelle rédaction
à cet article afin de regrouper les dispositions de coordination
prévues par les articles premier, 2 et 5 supprimés par ailleurs
et de prévoir les coordinations rendues nécessaires par ses
amendements à l'article 4.