N° 293
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 février 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , portant ratification et modification de l' ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l' amélioration de la santé publique à Mayotte,
Par M. Jean-Louis LORRAIN,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
190
,
497
et T.A.
55
.
Sénat
:
195
(1997-1998).
|
|
DOM-TOM. |
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le jeudi 12 février 1998 sous la
présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président puis de M.
Jean-Pierre Fourcade président
, la commission a
procédé à l'
examen du rapport
de
M. Jean-Louis
Lorrain
sur le
projet de loi n° 195
(1997-1998) portant
ratification et modification de l'ordonnance n° 96-1122 du 20
décembre 1996 relative à
l'amélioration
de la
santé publique à Mayotte
.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a indiqué que ce projet de loi
avait pour objet de faire ratifier par le Parlement l'ordonnance n°
96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de
la santé publique à Mayotte et qu'il proposait, en outre,
d'apporter des précisions nécessaires à certains articles
de l'ordonnance et des modifications permettant de rectifier des erreurs
matérielles.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a rappelé que cette ordonnance
avait été prise sur le fondement de la loi d'habitation n°
96-1075 du 11 décembre 1996 qui autorisait le Gouvernement à
légiférer par ordonnance, avant le 31 janvier 1997, pour
étendre et adapter, à la collectivité territoriale de
Mayotte, les dispositions du code de la santé publique sur les
établissements de santé, en donnant à l'hôpital de
Mayotte un statut proche du droit commun et pour réformer l'actuelle
caisse de prévoyance sociale, afin d'instituer un financement des soins
hospitaliers.
Il a indiqué que le projet de loi de ratification avait
été déposé sur le bureau de l'Assemblée
nationale le 5 mars 1997 mais qu'il était devenu caduc en raison de la
dissolution de de cette assemblée, intervenue le 21 avril 1997. Le
nouveau Gouvernement avait donc été contraint de déposer
sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 23 juillet 1997, un nouveau
projet de loi, identique au précédent, qui constituait le texte
aujourd'hui soumis au Parlement.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a souligné que le recours aux
ordonnances était, s'agissant de Mayotte, une pratique courante depuis
que le statut particulier de la collectivité territoriale avait
été défini par la loi n° 76-1212 du 24
décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte. Il a
considéré que le recours aux ordonnances permettait aux
compétences respectives de l'Etat et de la collectivité
territoriale de Mayotte d'évoluer sans difficulté et avec
souplesse, dans le sens d'un alignement progressif sur le droit commun
départemental.
Il a ensuite indiqué qu'il évoquerait tout d'abord le contenu de
l'ordonnance avant d'examiner le projet de loi de ratification, tel qu'il avait
été adopté par l'Assemblée nationale.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a souligné que l'ordonnance du
20 décembre 1996 visait à améliorer le système
sanitaire de Mayotte et la santé de sa population.
Après avoir rappelé que Mayotte présentait des
caractéristiques démographiques et sociales tout à fait
particulières -une progression démographique soutenue, un taux de
natalité élevé, un taux de chômage de 50 % et
la présence sur le territoire de plus de 20.000 étrangers en
situation irrégulière, venus pour l'essentiel des Comores-,
M.
Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a jugé que la situation sanitaire de
l'île restait aujourd'hui extrêmement préoccupante,
malgré une amélioration sensible au cours des dernières
années.
Il a expliqué que le taux de mortalité infantile avait fortement
chu entre 1978 et 1994 mais qu'il restait encore trois fois supérieur au
taux enregistré en métropole. Il a également relevé
que d'inquiétants problèmes de malnutrition persistaient, tandis
que sévissaient de graves pathologies infectieuses (paludisme,
lèpre, tuberculose...).
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a indiqué que, pour faire face
à cette situation, il n'existait à Mayotte qu'un hôpital,
représentant au total 130 lits, et 17 dispensaires correspondant
à 57 lits. Avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le
personnel était composé, en grande partie, de médecins
volontaires de l'aide technique et d'un nombre important d'infirmières
et d'aides soignantes ne disposant pas du niveau de formation exigé en
métropole.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a ajouté que l'absence de
certaines spécialités et que l'insuffisance du plateau technique
de l'hôpital contraignaient à de coûteuses
évacuations sanitaires vers La Réunion : la collectivité
territoriale de Mayotte, seule, n'avait plus les moyens de financer ce
système de santé pourtant modeste.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a indiqué que l'ordonnance du
20 décembre 1996 érigeait l'hôpital de Mayotte en
établissement public de santé territorial et modifiait, en
conséquence, le statut de son personnel. Sur la base des articles 10 et
29 de l'ordonnance, le représentant du Gouvernement avait donc pris un
arrêté en date du 8 mars 1997 érigeant l'hôpital de
Mayotte -qui n'était jusqu'alors qu'un service non personnalisé
de la collectivité territoriale- en établissement public de
santé territorial.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a précisé que les
dispositions du titre premier du livre VII du code de la santé publique,
relatif aux établissements de santé et modifié par
l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation
publique et privée, lui étaient en conséquence
applicables, sous réserve de mesures d'adaptation rendues
nécessaires par le caractère particulier de la
collectivité territoriale de Mayotte.
Il a ajouté que l'ordonnance définissait le statut du personnel
de l'hôpital et qu'elle reprenait le statut général des
fonctionnaires, en l'aménageant, pour favoriser l'accueil de personnels
médicaux et non médicaux de métropole ou des
départements d'outre-mer et pour maintenir le statut et l'emploi des
personnels non médicaux de la collectivité territoriale.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a indiqué que l'ordonnance du
20 décembre 1996 réformait également le statut de la
caisse de prévoyance sociale de Mayotte et qu'elle instituait une
contribution sociale.
Il a expliqué que la caisse de prévoyance sociale était,
avant l'ordonnance, un établissement public local géré par
le représentant du Gouvernement et assurant le versement de certaines
prestations familiales, notamment les allocations familiales, des rentes
d'accidents du travail et des avantages vieillesse. Il n'existait pas de
régime d'assurance maladie, la collectivité territoriale
garantissant la gratuité des soins à l'ensemble des personnes
résidant à Mayotte.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a précisé que
l'ordonnance réformait le statut de la caisse de prévoyance
sociale et qu'elle rapprochait celui-ci du droit applicable en métropole
: la caisse était dissoute à compter du 1er janvier 1997 et se
voyait remplacer par un organisme de droit privé doté de la
personnalité morale et de l'autonomie financière prenant le nom
de " Caisse de prévoyance sociale de Mayotte ".
Il
a souligné que cette caisse se voyait dotée de
règles de fonctionnement identiques à celles d'une caisse
primaire de sécurité sociale de métropole et fixées
en référence au code de la sécurité sociale, sous
réserve d'adaptations de portée minime. La nouvelle caisse
couvrait la gestion des risques traditionnellement pris en charge par
l'ancienne caisse et assurait, de surcroît, la gestion du nouveau
régime d'assurance maladie-maternité institué par
l'article 19 de l'ordonnance.
Après avoir précisé que toute personne majeure
résidant régulièrement à Mayotte serait
affiliée à la Caisse de prévoyance sociale,
M.
Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a
relevé que l'ordonnance instituait, en contrepartie, une contribution
sociale assise sur tous les revenus d'activité et de remplacement, ainsi
que sur les revenus du patrimoine. Le taux de cette contribution
prélevée à partir du 1er janvier 1998 était
fixé à 2 %.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a souligné que les soins
restaient toutefois totalement gratuits, sans forfait hospitalier ni ticket
modérateur.
Il a expliqué que l'établissement public de santé
territorial était désormais financé par une dotation
globale constituée par le produit de la nouvelle contribution sociale et
par un versement de régimes métropolitains d'assurance maladie.
Après avoir indiqué qu'un financement spécifique à
la charge de l'Etat et de la collectivité territoriale était
prévu pour les soins des personnes non affiliées à la
caisse de prévoyance sociale et démunies de ressources,
c'est-à-dire essentiellement les étrangers en situation
irrégulière venus de l'île voisine d'Anjouan,
M.
Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a considéré que l'ordonnance
se traduisait au total par un effort financier considérable en faveur de
Mayotte, à la charge essentiellement des régimes d'assurance
maladie de métropole.
Evoquant le projet de loi de ratification,
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur,
a estimé que le travail considérable accompli par
l'Assemblée nationale souffrait cependant du choix discutable de la
création d'un titre spécifique consacré à Mayotte
dans le code de la santé publique.
Il a observé que l'Assemblée nationale avait apporté au
texte de l'ordonnance, en accord avec le Gouvernement, un certain nombre de
modifications et de précisions utiles et pertinentes, qu'il a
rappelées brièvement : fixation d'une date limite -le 31
décembre 1998- pour les mesures réglementaires d'application du
titre premier bis du livre VII du code de la santé publique, institution
d'un système de ticket modérateur pour les consultations à
l'hôpital de médecins libéraux et fixation à 12,5
millions de francs en 1998 et 1999 de la contribution de l'Etat et de la
collectivité territoriale de Mayotte aux dépenses de
fonctionnement de l'établissement public de santé territorial.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a indiqué que
l'Assemblée nationale avait également prévu le
dépôt par le Gouvernement, avant le 30 septembre 1999, d'un
rapport sur la situation sanitaire et sociale de Mayotte et qu'elle avait en
outre simplifié le titre de l'ordonnance du 20 décembre 1996.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a en revanche estimé que le
choix effectué par l'Assemblée nationale d'une codification des
dispositions relatives à Mayotte apparaissait très discutable. Il
a expliqué que l'Assemblée nationale avait procédé
à une véritable réécriture in extenso du droit
applicable à Mayotte dans le code de la santé publique.
Il a considéré qu'il s'agissait là probablement d'une
" fausse bonne idée " : si le droit relatif à Mayotte
allait être incontestablement plus lisible après codification, le
code de la santé publique perdrait certainement, quant à lui, en
cohérence. Il a ajouté que le titre premier bis nouveau introduit
par l'Assemblée nationale n'était pas fondamentalement
différent du titre premier qui le précédait : à
l'exception de quelques modifications découlant des
caractéristiques propres à Mayotte, les différences entre
les deux titres présentaient un caractère essentiellement formel.
Par bien des aspects, le titre premier bis apparaissait extrêmement
redondant par rapport au titre premier.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a considéré que le
choix d'une codification pour les dispositions relatives à Mayotte
soulevait, en outre, un véritable problème de principe : il
accréditait l'idée d'un droit autonome propre à Mayotte,
qui serait fondamentalement distinct du droit commun métropolitain.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a rappelé que l'objectif
poursuivi par l'ordonnance consistait précisément à
rapprocher le droit applicable à Mayotte du droit en vigueur dans les
départements de métropole. Il a considéré que la
création d'un titre spécifique propre à Mayotte
n'était pas le signe le plus évident d'une évolution vers
le droit commun, c'est-à-dire vers la départementalisation.
Il a ajouté que le choix effectué par l'Assemblée
nationale ne permettait plus de distinguer les dispositions de droit commun des
dispositions réellement spécifiques, dans la mesure où
l'ensemble du titre premier bis était désormais propre à
Mayotte.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a estimé que le
précédent ainsi créé à l'occasion de
l'ordonnance relative à Mayotte permettrait de justifier, par la suite,
la création dans le code de la santé publique de titres
spécifiques à d'autres collectivités territoriales
d'Outre-mer à statut particulier. Il a jugé que le risque
était alors grand de voir grossir démesurément ce code, ce
qui rendrait son utilisation particulièrement malaisée.
Ces réserves formulées,
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a considéré qu'il ne s'agissait pourtant pas là d'un
motif suffisant pour s'opposer à l'adoption définitive de ce
projet de loi. Il a en effet estimé, compte tenu de l'importance de ce
texte pour Mayotte, que les considérations de fond devaient l'emporter
sur les considérations de forme.
Il a souligné que ce texte était attendu avec une certaine
impatience dans l'île et que la ratification de l'ordonnance du 20
décembre 1996 avait pris déjà un retard important, retard
qu'il convenait de ne pas prolonger, au risque de créer une situation
juridique inconfortable pour l'ensemble des administrations et des personnes
intéressées.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a enfin ajouté que le titre
premier bis introduit, par l'Assemblée nationale, dans le code de la
santé publique n'aurait vraisemblablement qu'une durée de vie
limitée, dans la mesure où ce code était en voie
d'être complètement refondu. Il a observé que la commission
supérieure de codification avait, en effet, achevé
l'élaboration d'un nouveau code de la santé publique,
radicalement différent de l'ancien, actuellement examiné par le
Conseil d'Etat et qui devrait être déposé au Parlement
avant l'été 1998.
Après avoir souligné qu'il s'agissait d'un texte essentiel pour
Mayotte, qui permettrait d'améliorer de manière significative
l'état sanitaire de nos compatriotes mahorais,
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur,
a proposé à la commission d'adopter ce projet de
loi sans modification.
M. Jacques Machet
a insisté sur le caractère particulier
de Mayotte, caractérisée par une très forte
natalité, et il a souligné les difficultés qu'il y aurait
à amener progressivement cette collectivité au niveau sanitaire
de la métropole.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur,
a considéré que la
réorganisation de l'hôpital et du système sanitaire de
Mayotte découlant de l'ordonnance aurait vraisemblablement des
conséquences profondes sur la société mahoraise.
Après avoir souligné l'apport structurant de ce texte, il a
déclaré qu'il convenait de faire en sorte que cette
collectivité territoriale évolue à terme vers la
départementalisation.
La commission a ensuite
approuvé le projet de loi à
l'unanimité.