N° 353

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural ,

Par M. Bernard SEILLIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 397 (1996-1997)

Code rural.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 25 mars 1998 sous la présidence de M. Louis Souvet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Seillier sur le projet de loi n° 397 (1997-1998) relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que le projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural avait pour objet de rassembler en un seul instrument juridique l'ensemble des textes relatifs aux dispositions sociales applicables au monde agricole. Il a précisé que le projet de loi procédait à une refonte très importante du livre VII du code rural selon le principe de la codification à droit constant.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé que les nouvelles règles applicables dans le domaine de la codification des textes législatifs conféraient au Parlement un rôle essentiel : celui-ci n'était plus chargé, comme avant l'intervention du décret du 12 décembre 1989, de procéder à une validation législative de textes réglementaires antérieurs mais d'examiner directement les projets de loi de codification présentés par le Gouvernement.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a considéré que la codification par voie législative présentait l'avantage de donner immédiatement force de loi au nouveau code et d'abroger simultanément les dispositions auxquelles celui-ci se substituait.

Après avoir souligné que la codification par voie législative permettait un véritable contrôle par le législateur du texte ainsi codifié, M. Bernard Seillier, rapporteur , a rappelé que le rôle du Parlement en matière de codification demeurait cependant limité. Il a expliqué que la codification devait en effet s'effectuer à droit constant et ne saurait servir de prétexte à une modification du droit en vigueur.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que le livre VII (nouveau) s'inscrivait dans le plan du nouveau code rural arrêté par la Commission supérieure de codification le 6 mars 1990. Le Parlement avait ainsi déjà donné force de loi aux livres premier, II, III, IV, V et VIII (nouveaux). Après avoir rappelé que le livre VI (nouveau) était actuellement en cours d'examen devant le Parlement et que le livre IX (nouveau) devait, quant à lui, être bientôt examiné par le Conseil d'Etat, M. Bernard Seillier, rapporteur , a estimé que les travaux de rénovation du code rural devraient ainsi être achevés avant l'an 2000.

Il a souligné que ce projet de loi, même s'il ne comprenait pas de dispositions nouvelles sur le fond, était néanmoins particulièrement bienvenu : le livre VII (nouveau) du code rural contribuait en effet à clarifier le droit social applicable au monde agricole et facilitait la compréhension des règles juridiques par les citoyens, les praticiens et l'administration.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a considéré que l'ancien livre VII du code rural était devenu au fil du temps particulièrement illisible et, de l'avis de tous les utilisateurs, parfois difficile à interpréter. L'ancien livre VII comportait en outre nombre de dispositions obsolètes ou caduques qui n'avaient pourtant jamais été abrogées tandis que certaines dispositions sociales applicables au monde agricole avaient parallèlement vu le jour sans être intégrées dans l'ancien livre VII.

M. Bernard Seillier, rapporteur , s'est donc félicité du dépôt de ce nouveau livre VII du code rural, résultat d'une oeuvre utile de clarification et de rationalisation du droit social applicable au monde agricole.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ensuite évoqué le contenu du projet de loi, lequel comporte six articles : l'article premier donne force de loi aux dispositions contenues dans la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural annexée à la loi ; l'article 2 prévoit la substitution de nouvelles références contenues dans le livre VII (nouveau) aux références abrogées par l'article 3 ; les articles 3 et 5 abrogent les dispositions législatives auxquelles se substituait le nouveau livre VII ; enfin, l'article 4 procède au déclassement des dispositions législatives de nature réglementaire.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a relevé que le nouveau livre VII, intitulé « Dispositions sociales » comme l'ancien livre VII, comporte sept titres organisés selon un plan clair et nettement structuré qui permet de distinguer désormais aisément les dispositions applicables aux non salariés et les dispositions applicables aux salariés.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a ajouté que le nouveau livre VII traitait, de manière très opportune, dans des titres différents, des organismes de mutualité sociale agricole (MSA) et des assurances mutuelles agricoles (AMA) auparavant regroupés sous l'appellation d'organismes de mutualité agricole.

Il a précisé que les travaux du rapporteur, sur ce projet de loi, avaient consisté en une vérification de l'application du principe de codification à droit constant et de la cohérence des dispositions contenues dans le livre VII nouveau.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a déclaré qu'il proposerait donc 72 amendements portant pour l'essentiel sur la forme. Ces amendements corrigent des erreurs matérielles, des erreurs de renvoi ou de référence, rectifient des appellations ou des intitulés et, d'une manière générale, améliorent, clarifient et précisent la rédaction.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a cependant souligné que certains amendements comportent des dispositions de fond. Il a expliqué qu'il avait ainsi fallu intégrer dans le nouveau livre VII du code rural les dispositions intervenues depuis le dépôt du projet de loi, en juillet 1997. Plusieurs amendements tirent ainsi les conséquences de dispositions adoptées dans la loi du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines et dans la loi de finances pour 1998.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a enfin souhaité attirer l'attention de la commission sur la question des incompatibilités de fonctions au sein des caisses de mutualité sociale agricole (MSA) et d'assurances mutuelles agricoles, qui a suscité une inquiétude légitime au sein du monde agricole.

Il a expliqué que la suppression de la référence, aujourd'hui en vigueur, à la notion d'organismes de mutualité agricole englobant à la fois la MSA et les assurances mutuelles agricoles entraînait la disparition des dispositions communes concernant les incompatibilités de fonctions qui se trouvaient dès lors dans des articles séparés et opposés. Le texte initial du nouveau livre VII créait donc une incompatibilité entre les fonctions d'administrateur, de directeur et d'agent comptable de caisse de MSA et les mêmes fonctions au sein des caisses d'assurances mutuelles agricoles.

Après avoir souligné qu'un administrateur de caisse de MSA n'aurait dès lors pas pu être administrateur d'une caisse d'assurance mutuelle agricole, M. Bernard Seillier a considéré qu'une telle rédaction, d'ailleurs contraire aux principes de la codification à droit constant, eût été dangereuse pour l'avenir du monde agricole.

M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué qu'il proposerait, sous la forme de deux amendements et après concertation avec les différentes parties intéressées, Groupama et les services du ministère de l'agriculture, une solution de compromis qui recueillait l'assentiment général : le cumul des fonctions d'administrateur de caisses de MSA et de caisses d'assurances mutuelles agricoles resterait possible ; toutefois, le cumul de fonctions exécutives (directeur ou agent comptable) dans les deux organisations serait quant à lui prohibé, sauf dérogation expresse accordée par le ministre de l'agriculture.

M. Jean Madelain s'est étonné du nombre élevé d'amendements corrigeant les décomptes d'alinéas et a également souligné le travail considérable accompli par le rapporteur.

M. Guy Fischer s'est demandé si les relations particulières unissant la MSA et Groupama n'avaient pu parfois conduire à une certaine confusion des genres entre ces deux organismes. Il a interrogé le rapporteur sur les dispositions du projet de loi portant sur cette question.

En réponse à M. Jean Madelain, M. Bernard Seillier, rapporteur, a expliqué que la pratique parlementaire du décompte d'alinéas différait en effet de la pratique du Conseil d'Etat, ce qui rendait nécessaire un certain nombre d'amendements.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Bernard Seillier a estimé que la crise traversée par la MSA en 1997 venait d'une insuffisante surveillance, par le conseil d'administration, des autorités gestionnaires de la caisse centrale de MSA et non d'une confusion des genres entre Groupama et la MSA. Il a ajouté que le nouveau livre VII du code rural distinguait très nettement, dans des titres différents, les dispositions applicables à la MSA et les dispositions applicables à Groupama et que les amendements qu'il proposerait empêcheraient le cumul de toute fonction exécutive dans les deux branches de la mutualité agricole.

La commission a ensuite adopté 59 amendements au livre VII (nouveau) du code rural annexé à l'article premier du projet de loi, corrigeant des erreurs matérielles, des erreurs de renvoi ou de référence, rectifiant des appellations et des décomptes d'alinéas, améliorant la rédaction et intégrant dans le nouveau livre VII des dispositions issues de la loi de finances pour 1998 et de la loi du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, intervenues depuis le dépôt du projet de loi en juillet 1997.

M. Bernard Seillier a attiré l'attention de la commission sur l'adoption d'un amendement à l'article L. 723-42 et d'un amendement à l'article L. 771-4 du livre VII (nouveau) du code rural, annexé à l'article premier du projet de loi, portant sur les incompatibilités de fonctions exécutives au sein des caisses de MSA et des caisses d'assurance mutuelles agricoles. En réponse aux questions des commissaires qui s'étonnaient de ce que les incompatibilités s'étendent seulement au conjoint des personnes concernées et non à leur concubin, M. Bernard Seillier, rapporteur , a indiqué que seule la notion de conjoint figurait dans le texte antérieur et a déclaré qu'il interrogerait le Gouvernement sur cette question en séance publique.

A l'article 3 , la commission a adopté cinq amendements qui, d'une part, abrogent certains articles de l'ancien livre VII du code rural désormais intégrés dans le nouveau livre VII et, d'autre part, restaurent certains articles de lois abrogés par erreur.

A l'article 4 , la commission a adopté huit amendements corrigeant des erreurs matérielles et des décomptes d'alinéas.

La commission a ensuite approuvé le projet de loi ainsi amendé à l'unanimité .

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à la partie législative du livre VII (nouveau) du code rural a pour objet de rassembler dans un seul instrument juridique l'ensemble des textes relatifs aux dispositions sociales applicables au monde agricole. Il procède à une refonte très importante du livre VII du code rural, selon le principe de la codification à droit constant.

Les nouvelles règles applicables depuis 1989 en matière de codification des textes législatifs confèrent au Parlement un rôle essentiel : celui-ci n'est plus chargé comme auparavant de procéder à une validation législative de textes réglementaires antérieurs mais examine directement les projets de loi de codification présentés par le Gouvernement.

La codification par voie législative présente l'avantage de donner immédiatement force de loi au nouveau code et d'abroger simultanément les dispositions auxquelles celui-ci se substitue. Elle permet également un véritable contrôle par le législateur du texte ainsi codifié.

Le rôle du législateur en matière de codification demeure cependant limité. La codification doit en effet s'effectuer à droit constant, de manière à éviter, autant que possible, que l'adoption d'un code, qui constitue une procédure essentiellement formelle, ne puisse donner lieu à une réouverture du débat sur le fond du droit.

Même s'il ne comprend donc pas de dispositions nouvelles sur le fond, ce projet de loi est particulièrement bienvenu : il contribue en effet à clarifier le droit social applicable au monde agricole et facilite la compréhension des règles juridiques par les citoyens, les praticiens et l'administration.

L'ancien livre VII du code rural était devenu, au fil du temps, particulièrement illisible et, de l'avis de tous les utilisateurs, parfois difficile à interpréter. Il comportait en outre nombre de dispositions obsolètes ou caduques qui n'avaient pourtant jamais été abrogées. Enfin, certaines dispositions sociales applicables au monde agricole avaient parallèlement vu le jour sans être intégrées ou mentionnées dans l'ancien livre VII du code rural.

Il faut donc se féliciter du dépôt de ce nouveau livre VII du code rural, qui constitue le résultat d'une oeuvre utile de clarification et de rationalisation du droit social applicable au monde agricole.

Après avoir rappelé brièvement les fondements de la codification et l'avancement des travaux de rénovation du code rural, votre rapporteur analysera les dispositions du projet de loi et présentera la position de votre commission.

I. LES FONDEMENTS DE LA CODIFICATION ET L'AVANCEMENT DES TRAVAUX DE RÉNOVATION DU CODE RURAL

A. LES FONDEMENTS DE LA CODIFICATION

1. L'utilité de la codification

Exercice généralement très technique, la codification consiste à rassembler le droit existant, en le classant après l'avoir recensé. L'objectif est de rendre les règles de droit applicables plus claires et plus accessibles aux citoyens.

Comme le soulignait récemment notre excellent collègue Michel Rufin 1 ( * ) , « La démocratie exige la clarté affichée des règles de droit.... Devant cette multiplicité de textes, et surtout des sources du droit, l'utilité de la codification paraît certaine pour l'usager... La codification est donc utile à la démocratie. Dans notre société, à une époque où l'on craint la perte de repères, la codification donne l'occasion d'un accès plus facile à la norme. Elle pourrait donc, bien exploitée, contribuer à une perception plus claire de la norme chez les citoyens et notamment chez les jeunes. La clarification de la norme est une des voies vers son plus grand respect et sa meilleure application. »

En facilitant l'accès au droit, la codification vient conforter le principe selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi ».

Dans la mesure où elle permet de regrouper l'ensemble du droit applicable sur un sujet donné, elle répond en outre à une volonté de simplification et de rationalisation de notre droit.

2. La codification à droit constant

La codification s'effectue aujourd'hui en France à droit constant : elle consiste donc à rassembler et à ordonner des normes existantes sans créer de règles nouvelles. Les opérations de codification ne peuvent comporter que des modifications de forme.

Ce principe permet de séparer l'examen au fond des problèmes de celui de la codification qui, par elle-même, suscite toujours des questions délicates. Il évite que chaque projet de loi de codification ne puisse donner lieu à un éventuel bouleversement de la législation existante.

Si des modifications de fond doivent être apportées au droit applicable, elles le seront après publication du nouveau code.

Dans un souci de simplification, la codification peut être toutefois l'occasion de procéder à certaines harmonisations ou clarifications, qui sont parfois autant d'entorses au principe du droit constant. Celles-ci ne sont sont acceptables que si elles sont dûment signalées au législateur.

Enfin, comme le rappelait notre collègue Michel Rufin 2 ( * ) , « la présentation ordonnée du droit fait ressortir les contradictions, les ambiguïtés ou les redondances et prépare sa simplification qui, plus que la codification, est un exercice politique. »

Il ajoutait : « Même élaborée à droit constant, la codification permet de préparer une simplification et une amélioration ultérieures de la législation car la codification, qui s'appuie sur une consolidation du droit en vigueur, sert de révélateur. Elle oblige à une réflexion périodique et globale sur l'ensemble de la matière législative appliquée quotidiennement dans un domaine donné et ce n'est pas le moindre de ses mérites. »

3. La codification : une volonté politique

L'initiative de la codification est venue en France du plus haut sommet de l'Etat. Tous les Premiers ministres successifs, depuis la relance de la codification par le décret du 12 septembre 1989, créant la Commission supérieure de la codification, ont marqué leur intérêt pour cette entreprise.

L'actuel Président de la République lui-même a jugé bon, dès son message au Parlement, lu au Sénat le 19 mai 1995, de rappeler que « les citoyens doivent connaître leurs droits et leurs devoirs » et que « quant aux dispositions existantes, une remise en ordre s'impose par un exercice général de codification et de simplification des textes, afin qu'ils soient rendus accessibles, et que, dans leur partie législative, ils se bornent à régler l'essentiel » ; il a invité le Parlement à s'atteler à cette tâche dont il lui revenait de définir les voies et les moyens.

Le discours de politique générale du Premier ministre, lu au Sénat le 25 mai 1996, mentionnait « la codification du droit pour rendre la règle commune plus accessible, plus claire et plus juste » , faisant appel au « concours du Parlement et (au) travail des parlementaires qui sont les premiers (...) à vouloir légiférer autrement ». Dans sa présentation des voeux aux Corps constitués, le 7 janvier 1997, le Président de la République a souligné à nouveau que « pour que les règles de droit soient compréhensibles et respectées, nous (devions) nous astreindre à un effort de codification et de simplification des textes applicables ».

4. L'association du Parlement à la codification

Le système mis en place en 1989 associe très étroitement le Parlement à la démarche de codification : en amont, par la participation de celui-ci aux travaux de la Commission supérieure de codification consacrés à l'élaboration des projets de codes, en aval avec le vote de la partie législative des codes sous forme d'annexe à une loi de codification.

Le principe de cette nouvelle méthode de codification a été fixé par le décret du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieure de codification. Siègent en effet dans cette commission, à titre permanent, un membre titulaire et un membre suppléant désignés au sein de la commission des lois de chacune des deux Assemblées ainsi que, en fonction du code examiné, un membre de la ou des commissions compétentes de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

Ce travail aboutit à l'élaboration d'un avant-projet de loi dont l'objet essentiel est de conférer valeur législative au code annexé, et d'abroger expressément les dispositions codifiées, procédure qui garantit la sécurité juridique.

L'expérience de la codification au cours de ce siècle puis, plus particulièrement, dans les années suivant la deuxième guerre mondiale, a en effet montré les inconvénients et les limites de la procédure de codification définie par le décret du 10 mai 1948, créant la première commission supérieure de codification . Selon cette procédure, les codes élaborés par l'administration étaient, en un premier temps, adoptés par décret en Conseil d'Etat puis, par la suite, par ordonnances, en vertu d'une loi d'habilitation. Or, l'absence de validation législative d'un certain nombre de codes adoptés sur loi d'habilitation, ou le retard pris par cette validation avaient conduit à une incertitude juridique génératrice de contentieux.

La participation du Parlement se justifie d'autant plus que bien qu'effectuée, en principe, « à droit constant », toute codification, dans la présentation du droit qu'elle comporte, dans le choix de ne pas codifier certaines dispositions, dans les réécritures qu'elle entraîne parfois, suppose un travail sur la loi que seul le Parlement a la capacité de valider 3 ( * ) . En matière de codification, les options formelles recouvrent généralement des choix importants sur le fond. En outre, la réorganisation des dispositions doit prévoir l'évolution prévisible du droit.

Les projets de codes, élaborés au sein des ministères compétents, puis mis au point par des groupes de travail réunis sous l'autorité d'un rapporteur par projet de code, sont donc soumis à la Commission supérieure de codification. Cette dernière adopte successivement le plan des codes, puis les codes eux-mêmes. Ces derniers sont ensuite transmis au Conseil d'Etat, suivant la procédure applicable aux projets de loi.

Les travaux de rénovation du code rural ont permis, pour certains livres, à cette nouvelle procédure de fonctionner avec succès.

B. L'AVANCEMENT DES TRAVAUX DE RÉNOVATION DU CODE RURAL

1. Le code rural de 1955

Dès le XVIIe siècle, la nécessité de rassembler en un corps de règles unique les dispositions régissant le monde rural s'était manifestée. Sous l'Empire, des projets furent élaborés mais ne parvinrent jamais à leur terme. Le code rural est ainsi le seul code napoléonien prévu qui n'ait pas vu le jour. La IIIe République fit voter un certain nombre de grandes lois agricoles, destinées à être codifiées, mais qui ne le furent jamais.

C'est seulement en 1955 que la codification des textes intéressant l'agriculture est réalisée par le premier code rural 4 ( * ) .

Les décrets n° 55-433 du 16 avril 1955 portant codification des textes législatifs concernant l'agriculture et n° 55-1265 du 27 septembre 1955 portant révision du code rural établissent ainsi le premier code rural. Ce code, qui comprend 1.336 articles répartis en huit livres, se « substitue » à plus de deux cents textes pris ou votés entre 1790 et 1955. Les travaux ont débuté en application de la loi n° 53-185 du 12 mars 1953 qui prescrit la codification et dont l'article premier prévoit la codification, sous le nom de code rural, des textes législatifs concernant l'agriculture et notamment de ceux relatifs au régime du sol et des biens ruraux, aux baux ruraux, au statut du fermage et du métayage, au régime des eaux non domaniales, aux animaux domestiques et autres, à la chasse et à la pêche, à l'équipement rural et aux divers institutions et organismes agricoles.

Cette codification s'est effectuée « par décret en Conseil d'Etat, pris sur le rapport du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, du Ministre de l'Agriculture et du Secrétariat et du Secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil, chargé de la réforme administrative, après avis de la Commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires » (article premier de la loi précitée).

Il était prévu que ce décret apporte « aux textes en vigueur les adaptations de forme rendues nécessaires par le travail de codification, à l'exclusion de toute modification de fond » (article 2) et qu'il « serait procédé tous les ans et dans les mêmes conditions à l'incorporation dans le code rural des textes législatifs modifiant certaines dispositions de ce code sans s'y référer expressément » (article 3).

La loi n° 58-346 du 3 avril 1958 relative aux conditions d'application de certains codes 5 ( * ) a donné force de loi aux dispositions contenues dans ces codes et a abrogé les textes législatifs auxquels les codes s'étaient substitués.

2. Le « nouveau » code rural

L'évolution accélérée du droit rural à partir des lois d'orientation de 1960 et 1962, la mise en place de la politique agricole commune, la redéfinition des champs respectifs de la loi et du règlement par la Constitution de 1958 ont rendu nécessaire la révision du code établi en 1955, considéré très vite comme un code dépassé et fixant un cadre trop étroit.

Cette révision a été entreprise sur la base de la loi de 1955 précitée, livre par livre, par décrets en Conseil d'Etat.

C'est ainsi qu'ont été révisés :

- le livre VIII (ancien) « Formation professionnelle et recherche », devenu le livre VIII (nouveau) « Enseignement, formation professionnelle et développement agricoles. Recherche agronomique » (décret n° 80-560 du 11 juillet 1980) ;

- le livre IV (ancien), consacré aux « Institutions et groupements professionnels agricoles » devenu le livre V (nouveau) - « Chambres d'agricultures, organismes professionnels agricoles, jardins familiaux » (décret n° 81-276 du 18 mars 1981) ;

- le livre VI (ancien) « Baux ruraux » devenu le livre IV (nouveau) « Baux ruraux » (décret n° 83-212 du 16 mars 1983) ;

- le livre III (ancien) « La chasse et la pêche » devenu le livre II (nouveau) « Protection de la nature » (décret n° 89-804 du 27 octobre 1989).

L'état du code rural a été donc pendant très longtemps très hétérogène. Il comprenait quatre livres anciens du code de 1955 validé en 1958 (livre I « Régime du sol » ; livre II « Des animaux et des végétaux » ; livres V « Crédit agricole » et VII « Dispositions sociales »), les livres nouveaux II, IV, V et VIII issus de décrets portant révision du code rural, sans validation parlementaire, et un livre V bis « De l'exploitation agricole entre les époux » créé par la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980.

De plus, la trentaine de lois et leurs textes d'application pris dans les matières qui ne rentrent pas dans le cadre du code, n'y étaient pas intégrés et n'y figuraient qu'en annexes.

La volonté manifestée en 1987 de relancer le processus de codification a donc intéressé, au premier chef, le code rural. La commission supérieure de codification, instituée par le décret du 12 septembre 1989 et se substituant à la commission mise en place par le décret du 10 mai 1948, a accéléré les travaux de révision du code rural.

La Commission supérieure de codification a ainsi arrêté le 6 mars 1990 un plan du nouveau code rural.

Elle a demandé au législateur de donner force de loi aux dispositions de la partie législative des livres du code rural ayant déjà fait l'objet d'une révision. Il s'agit des livres II, IV et V (nouveaux), validés par la loi n° 91-363 du 15 avril 1991.

Puis le livre I « Régime du sol » est devenu le livre I (nouveau), « Aménagement et équipement de l'espace rural » qui rassemble les dispositions relatives au développement rural, notamment dans les zones défavorisées, à l'aménagement foncier rural, aux infrastructures et équipements nécessaires à la mise en valeur de l'espace rural (les chemins ruraux, l'utilisation et l'évacuation des eaux), ainsi qu'aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (loi n° 92-1283 du 11 décembre 1992).

Le livre III (nouveau) « L'exploitation agricole » a permis de combler une lacune du code actuel en rassemblant un ensemble de dispositions éparses, pour la plupart non codifiées, et relatives à l'exploitation agricole, aux limitations apportées au droit d'exploiter, aux différentes formes d'exploitation, familiales ou sociétaires, à la création et à la transmission de l'exploitation, aux différentes formes d'aides à l'installation, à la modernisation des exploitations (loi n° 93-934 du 22 juillet 1993).

Le livre VIII (nouveau) « Enseignement, formation professionnelle et développement agricoles - Recherche agronomique » a été adopté par la loi n° 93-935 du 22 juillet 1993.

Sur les neuf livres prévus, seuls trois livres restent encore à adopter par le Parlement pour achever la refonte complète du code rural. Outre le livre VII (nouveau) « Dispositions sociales », qui fait l'objet du présent projet de loi, restent en effet à codifier :

- le livre VI (« Production et marchés ») , adopté en première lecture par le Sénat le 18 septembre 1997 et par l'Assemblée nationale le 3 mars 1998, qui devrait être examiné par le Sénat en deuxième lecture avant la fin de la session ordinaire 1997-1998 ;

- le livre IX (« La santé publique vétérinaire et la protection des végétaux ») , déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 juillet 1994, puis repris par le Gouvernement et adopté sous la forme d'un nouveau projet adopté par la Commission supérieure de codification le 25 novembre 1997. Il est actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat.

Le tableau ci-après présente l'état d'avancement des travaux de révision du code rural.

ETAT D'AVANCEMENT DES TRAVAUX DE RÉVISION DU CODE RURAL

CODE RURAL

Livres « nouveaux »
du code rural

Partie législative

Partie réglementaire

Livre I -

AMENAGEMENT ET EQUIPEMENT DE L'ESPACE RURAL

Adoptée par le Parlement
Loi n° 92-1283 du 11 décembre 1992

Délibérée en Conseil d'Etat
Décret n° 92-1290 du 11 décembre 1992

Livre II -

PROTECTION DE LA NATURE

Adoptée par le Parlement
Loi n° 91-363 du 15 avril 1991

Délibérée en Conseil d'Etat
Décret n° 89-805 du 27 octobre 1989

Livre III -

L'EXPLOITATION AGRICOLE

Adoptée par le Parlement
Loi n° 93-934 du 22 juillet 1993

Délibérée en Conseil d'Etat
Décret n° 96-205 du 15 mars 1996

Livre IV -

BAUX RURAUX

Adoptée par le Parlement
Loi n° 91-363 du 15 avril 1991

Délibérée en Conseil d'Etat
Décret n° 83-213 du 16 mars 1983

Livre V -

ORGANISMES PROFESSIONNELS AGRICOLES

Adoptée par le Parlement
Loi n° 91-363 du 15 avril 1991

Délibérée en Conseil d'Etat
Décret n° 81-277 du 18 mars 1981

Livre VI -

PRODUCTION ET MARCHES

Projet de loi déposé sur le bureau du Sénat (novembre 1995)
Adopté en première lecture par le Sénat le 18 septembre 1997.
Adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 3 mars 1998.

Rédaction de la partie réglementaire en cours

Livre VII -

DISPOSITIONS SOCIALES

Rédaction de la partie législative achevée.
Réunion interministérielle le 14 juin 1996.
Assemblée générale du Conseil d'Etat du 19 juin 1997.
Réunion interministérielle du 22 juillet 1997.
Adopté en Conseil des ministres le 30 juillet 1997.
Projet de loi déposé sur le bureau du Sénat le 31 juillet 1997.

Rédaction de la partie réglementaire achevée

Livre VIII -

ENSEIGNEMENT, FORMATION PROFESSIONNELLE ET DEVELOPPEMENT AGRICOLES - RECHERCHE AGRONOMIQUE

Adoptée par le Parlement
Loi n° 93-935 du 22 juillet 1993

Délibérée en Conseil d'Etat
Décret n° 96-405 du 26 avril 1996

Livre IX -

LA SANTE PUBLIQUE VETERINAIRE ET LA PROTECTION DES VEGETAUX

Projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 juillet 1994.
Projet repris par le Gouvernement.

Projet adopté par la commission supérieure de codification le 25 novembre 1997.

Rédaction de la partie réglementaire achevée

Votre rapporteur formule le souhait que les travaux de rénovation du code rural soient ainsi achevés avant l'an 2000.

Le livre VII que comporte le présent projet de loi est une étape importante de cette refonte du code rural puisqu'il recense l'ensemble des dispositions sociales applicables au monde agricole.

* 1 Michel Rufin, « La codification : un témoignage parlementaire » dans Revue française de droit constitutionnel , n°32, 1997, pp. 811-825.

* 2 Michel Rufin, Ibid.

* 3 Michel Rufin, Ibid.

* 4 Rapport Sénat n°414 (1996-1997) de M. Alain Pluchet, au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur le projet de loi relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural.

* 5 Outre le code rural, était ainsi conférée force de loi à une quinzaine de codes établis par la voie administrative

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