2. Un dispositif auquel n'est pas associé le Parlement national
L'article 103 complété par le
règlement du 7 juillet 1997 est le cadre formel de l'élaboration
et du suivi des politiques économiques en Europe. Il est à ce
titre censé déboucher sur trois types de documents
importants :
- les grandes orientations des politiques économiques en Europe ;
- les programmes économiques à moyen terme de chaque Etat
membre ;
- les recommandations adressées à eux.
Chacun de ces importants documents desquels le Parlement national est
jusqu'alors, en pratique, tenu à l'écart, a sa
spécificité, si bien que les modalités de la
nécessaire association du Parlement à leur examen ne peuvent
qu'être diversifiées.
Les grandes orientations des politiques économiques
sont
adoptées par le Conseil au terme d'une négociation où
chaque pays fait entendre sa voix. Il serait heureux que la position
défendue par la France à cette occasion puisse faire l'objet d'un
débat en amont à partir d'une communication de l'exécutif
transmise au Parlement.
Dans cette perspective,
il conviendrait que le gouvernement fasse
application de l'article 88-4 de la Constitution en transmettant la
recommandation de la Commission qui initie la procédure
.
Jusqu'à présent, une telle transmission n'a jamais
été réalisée. Sans entrer dans un débat
juridique un peu vain, il suffit d'indiquer combien, la dimension
européenne s'imposant de plus en plus à la définition et
à la conduite de la politique économique, une telle
possibilité de débat au Parlement national apporterait à
la satisfaction d'une simple exigence démocratique, ne serait-ce que
parce qu'elle permettrait d'évaluer et discuter les engagements pris par
les gouvernements à l'égard de nos partenaires européens.
3. Une procédure à faire vivre
Jusqu'à présent la procédure de
l'article 103 n'a donné lieu qu'à une pratique
décevante.
Les possibilités ouvertes par le mécanisme
n'ont guère été utilisées et lorsqu'elles l'ont
été, elles n'ont débouché que sur des documents peu
opératoires.
La concrétisation essentielle, sinon exclusive, de la procédure a
jusqu'alors été l'adoption annuelle des "grandes orientations de
politique économique".
Le Conseil européen dans sa résolution de Luxembourg en a reconnu
la faible portée -v supra- et l'on ne peut que s'associer à ses
conclusions souhaitant un approfondissement du texte afin que ces grandes
orientations deviennent
l'expression d'objectifs communs des partenaires
formulés sur la base d'une appréciation économique
concrète de la situation de chacun.
C'est à cette condition
qu'une politique économique réellement européenne pourra
exister fondée sur une base sérieuse d'appréciation de la
situation des partenaires et des problèmes rencontrés par chacun.
C'est aussi une condition nécessaire à l'exercice d'une
surveillance efficace des évolutions et des politiques
économiques dans la zone euro.
Or,
celle-ci s'impose tout particulièrement compte tenu des
caractéristiques de cette zone.
Sans aborder le débat théorique suscité par la notion de
zone monétaire optimale
7(
*
)
, il
est remarquable d'observer la
dispersion des niveaux de développement et des taux de croissance en
Europe ainsi que les écarts constatés face à des
problèmes structurels, par exemple le chômage -v. supra-. L'on
peut en outre supputer une faible mobilité de la population active
européenne et, le cas échéant, le renforcement d'une
spécialisation économique déjà à l'oeuvre
dans certains pays.
La convergence nominale n'est donc pas acquise une fois
pour toutes.
Dans ces conditions, les occasions
d'hétérogénéité des évolutions
économiques seront probablement non nulles dans la zone euro
si bien
qu'une surveillance rigoureuse des phénomènes économiques
à l'oeuvre dans chaque Etat partenaire s'impose. Il est souhaitable
qu'elle débouche sur une prévention et, le cas
échéant, une correction des divergences ce qui peut supposer
davantage que le modèle de coordination minimal évoqué
plus haut.
Plusieurs observations doivent alors être formulées.
Il ne faut pas surestimer le risque d'une divergence grave entre
économies européennes.
L'expérience historique
démontre que l'intégration européenne s'est
accompagnée d'une mise en phase des conjonctures et de performances
nominales qui ont convergé. En outre, les économies
européennes sont, dans l'ensemble, peu spécialisées, les
grands pays de la zone disposant d'une gamme productive vaste ce dont
témoignent les caractéristiques des échanges
intraeuropéens qui concernent des produits relevant des mêmes
branches de production. Néanmoins, ces données sont
inégalement vérifiées dans les pays appelés
à adopter l'euro.
L'absence d'un budget fédéral
capable, comme aux
Etats-Unis, de compenser une part substantielle des chocs économiques
supportées par certaines régions
doit inciter les Etats
membres de la zone euro à pratiquer une politique budgétaire qui
leur permette de disposer de marges de manoeuvre en phase conjoncturelle
défavorable
.
De ce point de vue, l'objectif posé par le pacte de stabilité
et de croissance d'un retour à l'équilibre des finances publiques
en période ascendante du cycle économique doit être
entièrement approuvé.
Toutefois, il est à supposer que la question du
fédéralisme budgétaire continuera à se poser.
Le rôle des finances publiques comme instrument d'ajustement
conjoncturel est appelé à s'intensifier. Deux questions
émergeront inévitablement.
La première sera celle de savoir si les disciplines budgétaires
du pacte de stabilité et de croissance sont pertinentes et
réalistes -v.infra-.
La seconde sera celle de la coordination entre la politique budgétaire
et la politique monétaire.
Cette question est "a priori" résolue par les règles du pacte de
stabilité et de croissance. Celles-ci peuvent s'analyser comme un
engagement réciproque des autorités budgétaires et de la
BCE. Les premières s'engagent à conduire une politique
budgétaire saine
8(
*
)
et
contracyclique. La seconde s'engage à reconnaître que la phase
descendante du cycle ou un choc récessif peuvent justifier un
déficit budgétaire dans certaines limites. Il reste que la
réciprocité de ces engagements devra être
vérifiée dans la pratique.
C'est pourquoi il est si
fondamental qu'un dialogue s'instaure entre le Conseil et la BCE.
La surveillance et la coordination des évolutions et des politiques
économiques n'est pas seulement justifiée par le souci de mettre
en place un cadre favorable aux ajustements conjoncturels. Il faut aussi
éliminer les aspects déloyaux d'une concurrence que l'adoption de
l'euro pourrait accentuer.
L'adoption de l'euro doit s'accompagner d'un approfondissement rapide de
tous les volets de l'Union économique et monétaire.
Le
Président de la République a pris la très heureuse
initiative de promouvoir l'approfondissement social de l'Union. D'autres
dossiers importants doivent être traités, qu'il s'agisse des
gestions fiscales que votre commission des finances s'est attachée
à clarifier depuis deux ans
9(
*
)
ou
des règles
financières. La concurrence entre Etats européens doit être
loyale. Des rapprochements avec nos partenaires doivent être
recherchés à cet effet dans le respect d'un principe de
subsidiarité évalué sur des bases réalistes.
Ces rapprochements seront, ne le cachons pas, difficiles à obtenir. Nous
devons éviter l'écueil que nous rencontrerions certainement en
imaginant pouvoir toujours amener nos partenaires à se calquer sur
"l'exception française". C'est vrai dans le domaine social et la loi
imposant la mise en oeuvre universelle des 35 heures, quelle que soit
l'issue des négociations sociales, nous place dans une situation de
singularité incohérente avec le souci d'une recherche de
solutions communes en Europe.
Mais, c'est également vrai dans bien d'autres domaines dont, tout
particulièrement, le domaine fiscal. En nous situant dans un contexte de
hausse des prélèvements mise en évidence à
l'occasion du dernier débat budgétaire
10(
*
)
, le gouvernement nous éloigne
de l'objectif à promouvoir d'une certaine harmonisation fiscale en
Europe. Là aussi, la maîtrise et l'optimisation des
dépenses publiques s'imposent, sauf à se résigner à
des pertes cumulatives de compétitivité structurelle.