B. LA PROCÉDURE DE PRÉVENTION ET DE CORRECTION DES DÉFICITS PUBLICS EXCESSIFS

La procédure ménagée par l'article 104 C du traité institue des règles strictes de discipline financière.

Le dispositif en vigueur depuis 1994 a été durci dans le cadre du deuxième pilier du pacte de stabilité et de croissance si bien que les imperfections constatées à l'occasion de sa mise en oeuvre effective devront être corrigées à l'avenir.

Mais l'essentiel est ailleurs. La pertinence des règles posées peut être débattue ; leur crédibilité peut être discutée.

1. Une procédure appelée à évoluer

L'article 104 C sur les déficits excessifs a été mis en oeuvre sous une forme partielle depuis le 1er janvier 1994, date du début de la deuxième phase de réalisation de l'Union économique et monétaire. Désormais, il sera mis en oeuvre dans la totalité de ses stipulations et selon les modalités prévues par le règlement 1467/97 analysées plus haut.

Le renforcement de la discipline budgétaire devra s'accompagner d'une application de la procédure plus stricte qu'auparavant.

La mise en oeuvre de la procédure des déficits excessifs n'a en effet pas été entièrement satisfaisante jusqu'à présent. L'application éventuelle de sanctions aux Etats membres devrait susciter une rationalisation des méthodes. Un point doit et sera probablement corrigé.

La procédure de l'article 104 C suppose un enchaînement de décisions. Le Conseil doit chaque année décider si un Etat membre se trouve en situation de déficit excessif.

Les textes communautaires ne précisent pas suffisamment de quel déficit il s'agit ou, plus exactement, le rattachement temporel du déficit public en question. S'agit-il du déficit public en cours ou du déficit public de l'année à venir ou bien encore d'un autre déficit public ?

La seule mention utile donnée par le texte de l'article 104 C est celle du a) du paragraphe 2 qui vise le déficit public prévu ou effectif.

Il faut, pour obtenir des informations supplémentaires, se reporter au règlement n° 3605/93 du Conseil du 22 novembre 1993 qui, dans son article 3, dispose que

" 1. les chiffres de déficit public prévu sont les chiffres établis pour l'année courante par les Etats membres en conformité avec les décisions les plus récentes de leurs autorités budgétaires. ", tandis que

" 2. les chiffres de déficit public effectif et de niveau de dette publique effective sont les résultats estimés, semi-définitifs et définitifs pour une année écoulée. "

Si donc la surveillance du déficit public prévu concerne le déficit de l'année courante, celle du déficit public effectif concerne les déficits d'années écoulées. Ces dernières sont définies à l'article 4 du règlement sus-mentionné. Il s'agit des années n-1 à n-4.

Ces règles posent à l'évidence un problème par leur caractère extensif. Car, littéralement, les instances communautaires sont en mesure de constater l'existence d'un déficit excessif dans un Etat membre pour n'importe quel déficit des années n à n-4. Cependant, l'utilité de la procédure commande que ce constat soit réservé au déficit de l'année courante car, par hypothèse, le déficit des années précédentes ne peut être corrigé.

Cette interprétation de bon sens, conforme à la règle de l'interprétation utile des textes de droit a-t-elle prévalu dans la pratique ?

L'examen des propositions de la Commission démontre que tel n'a pas été le cas.

La Commission et le Conseil ont en effet pris l'habitude de se référer au déficit de l'année écoulée pour fonder le constat de l'existence d'un déficit public excessif dans un état membre.

La recommandation de la Commission au Conseil visant le déficit public français notifié par notre pays en 1997 illustre cette méthode.

En effet, alors que le Conseil notait , "que conformément à sa recommandation, le gouvernement français se propose de ramener le déficit des administrations publiques à 3 % du PIB en 1997 " soit à un niveau conforme à la valeur de référence, il n'en recommandait pas moins au gouvernement français " de mettre un terme à la situation actuelle de déficit excessif ".

Il y a là une contradiction patente à laquelle les organes communautaires tentent de donner une solution au moyen d'une astuce de procédure. Elles se fondent en effet sur le paragraphe 12 de l'article 104 C qui concerne l'abrogation des décisions du Conseil pour éviter de décider formellement l'existence d'un déficit excessif.

Ce paragraphe stipule en effet que :

" le Conseil abroge toutes ou certaines de ses décisions visées aux paragraphes 6 à 9 et 11 dans la mesure où, de l'avis du Conseil, le déficit excessif dans l'Etat membre concerné a été corrigé ... "

Ce paragraphe permet de maintenir en vie des décisions prises dans le passé et donc de considérer qu'un Etat membre connaît un déficit excessif dès lors que le constat que ce déficit a été corrigé n'est pas posé par le Conseil. Or, ce constat dépend de la réalisation effective d'un objectif de réduction du déficit et ne saurait être fondé sur les seules intentions d'un gouvernement .

En optant pour cette méthode les organes communautaires ont probablement mésusé de la procédure de l'article 104 C.

On peut en effet considérer que le paragraphe 12 organise un simple dispositif de conséquence en prévoyant l'abrogation de décisions antérieures et donc la suppression de leurs effets pour l'avenir.

On comprend que le Conseil ait, par prudence, agi de la sorte. mais, cette méthode qui conduit à négliger les efforts consentis par un Etat pour assainir ses finances publiques tant que la réalisation d'un objectif, serait-il posé par la loi 11( * ) , n'aurait pas été constatée, devrait n'être plus de mise dès lors que les décisions du Conseil pourraient déboucher sur le prononcé de sanctions.

On peut par ailleurs signaler une dérive de la Commission et du Conseil qui devrait être endiguée à l'avenir.

On sait que, lorsque le Conseil décide de constater l'existence d'un déficit excessif dans un Etat membre, il adresse des recommandations à cet Etat " afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné " conformément au paragraphe 7 de l'article 104 C.

Le reste de la procédure est conditionnée par les réactions de l'Etat concerné face aux recommandations du Conseil et non plus par le maintien ou l'extinction du déficit excessif.

On pourrait considérer que ces deux conditions sont équivalentes. Il n'en est rien. Les organes communautaires ont en effet élargi leur compétence et sont allés dans leurs recommandations au-delà de ce qu'implique le retour à un déficit ne dépassant pas 3 % du PIB.

C'est ainsi que dans le projet de recommandation adressé à la France en 1997, " le Conseil invite en outre le gouvernement français à poursuivre la réduction du déficit public en 1998 afin de le ramener à 2,8 % du PIB... ".

Ces initiatives, qui pourraient être justifiées dans le cadre de l'article 103 du traité sont condamnables lorsqu'elles prennent place dans le cadre de l'article 104 C. Elles le sont d'autant plus que les organes communautaires, allant au-delà des textes, considèrent que " le Conseil tient compte du respect des recommandations... quand il adopte des décisions conformément à l'article 104 C paragraphe 12 ". En clair, l'abrogation des décisions consécutives au constat de l'existence d'un déficit excessif, tient compte du respect de recommandations dont le contenu peut être plus exigeant que ce qu'impliquerait le retour à un déficit public limité à 3 % du PIB.

Il convient donc d'inviter le gouvernement à faire en sorte que la procédure de l'article 104 C joue normalement.

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