LES TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. L'EXAMEN DES CRÉDITS DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DE LA DÉCENTRALISATION EN COMMISSION DES FINANCES.
Réunie le mardi 14 octobre 1997 sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, au cours d'une séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen, sur le rapport de M. Michel Mercier, rapporteur spécial, des crédits de l'intérieur : Décentralisation.
Après la présentation des crédits de la décentralisation par M. Michel Mercier, rapporteur spécial, un large débat s'est instauré.
M. René Régnault a tout d'abord relevé que le projet de loi de finances respectait dans ses grands principes les textes en vigueur. Il a cependant souligné que le pacte de stabilité financière n'était pas réellement un contrat entre l'État et les collectivités locales. S'agissant de la régularisation négative de la DGF, il a rappelé qu'il s'était fortement opposé à l'adoption de cette disposition. Il s'est cependant dit en accord avec l'analyse du rapporteur spécial sur la DCTP et a souhaité qu'un dialogue puisse s'engager avec le Gouvernement au sujet de la neutralisation des effets de la régularisation négative de la DGF de 1996.
Il a, par ailleurs, rappelé que le pacte de stabilité financière avait eu pour effet de diminuer le montant de la DCTP, laquelle s'était ainsi éloignée de sa conception initiale. Il a ensuite relevé que le pacte de stabilité financière avait constitué une "tromperie" dans la mesure où il n'établissait aucun lien entre l'évolution réelle des charges des collectivités locales et celle de leurs ressources.
Dans la perspective de la sortie du pacte, il a retenu l'intérêt que pouvait présenter le relèvement du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle qui serait de nature à fournir une ressource nouvelle. Il a ensuite donné acte au Gouvernement d'avoir stabilisé les cotisations des employeurs à la CNRACL, soulignant que les problèmes financiers de cette caisse devraient être résolus dans le cadre d'une approche globale des difficultés financières des régimes de protection sociale. S'agissant du FCTVA, il s'est félicité de la teneur des amendements de la commission des finances de l'Assemblée nationale, en estimant qu'ils participaient à une meilleure définition de l'éligibilité des dépenses à ce fonds. Il a cependant fait remarquer que la réflexion prospective dans ce domaine avait généralement limité l'éligibilité à des dépenses réalisées sur des patrimoines inaliénables. Il a par ailleurs approuvé la volonté manifestée par le Gouvernement de conduire les nécessaires réformes de l'intercommunalité et de la taxe professionnelle. Il a enfin souligné son intention de convaincre le Gouvernement de la nécessité d'établir une véritable charte de stabilité des relations entre l'État et les collectivités locales.
M. Roland du Luart a pour sa part relevé le caractère globalement satisfaisant de ce budget, tout en approuvant l'analyse du rapporteur spécial au sujet des 300 millions de francs supplémentaires qu'il serait nécessaire d'attribuer à la DCTP pour neutraliser intégralement les effets de la régularisation négative de la DGF de 1996. Il a ensuite insisté sur la contradiction qui existait entre la volonté du Gouvernement de limiter le coût pour l'État des compensations d'exonérations de fiscalité locale et les amendements adoptés par la commission des finances de l'Assemblée nationale qui accroissent les exonérations en matière de taxe d'habitation. Il s'est enfin interrogé sur le calendrier envisagé par le Gouvernement pour la mise en oeuvre du projet de révision des bases cadastrales.
M. Michel Charasse a quant à lui insisté sur le fait que l'objectif de ramener le niveau des déficits publics à 3 % du PIB n'était atteint qu'en raison de la contribution positive des administrations publiques locales. Il a souligné que cet élément était de nature à contredire les discours, parfois tenus, au sujet de la mauvaise gestion des collectivités locales.
S'agissant du pacte de stabilité financière, il a relevé que celui-ci n'avait jamais constitué un véritable contrat signé par les grandes associations d'élus locaux, mais qu'il avait fourni un cadre positif pour les relations financières entre l'État et les collectivités locales. S'agissant de la "sortie" du pacte, il a souligné la forte probabilité d'une simple prolongation du système actuel alors qu'il faudrait adopter une démarche plus ambitieuse. A cet égard, il a rappelé que l'augmentation du poids des compensations d'exonérations de fiscalité locale exercerait une forte pression dans ce domaine en raison de leur coût pour le budget de l'État. Il a poursuivi en indiquant que s'il comprenait la démarche des députés de l'Assemblée nationale en matière de taxe d'habitation, il s'inquiétait, en revanche, de l'alourdissement des compensations que celle-ci impliquait, relevant qu'en outre le coût de ces mesures ne se trouvait pas entièrement gagé par le relèvement de la cotisation minimum de taxe professionnelle.
S'agissant du rendement de cette cotisation minimale de taxe professionnelle, M. Michel Charasse a rappelé qu'un rapport du ministère des finances en date du mois d'octobre 1995 avait estimé que le rendement de cette cotisation atteindrait 1,8 milliard de francs pour un taux de 1 %. Il a ensuite expliqué que le faible rendement escompté du relèvement du taux de cette cotisation à 1,5 % était la conséquence du mécanisme de plafonnement des contributions applicable à la cotisation minimum de taxe professionnelle.
Par ailleurs, M. Michel Charasse a relevé que l'adoption du principe d'une régularisation négative de la DGF avait constitué une erreur et que dans la mesure où celle-ci devrait à nouveau s'opérer pour la DGF de 1997, il était nécessaire de négocier avec le Gouvernement une solution équitable. A cet égard, il a aussi fait valoir que les sommes prévues au titre de la dotation globale d'équipement (DGE) des communes subissaient en général un important mouvement d'annulation de crédits en fin d'année, alors que leur montant était pris en compte dans le calcul initial du pacte de stabilité financière.
M. Michel Charasse a ensuite relevé l'existence d'une anomalie dans le domaine des compensations des allégements en matière de taxe professionnelle. Il a en effet indiqué que les bases retenues en 1987 pour la mise en oeuvre de l'abattement général de 16 %, n'avaient jamais été révisées et que, depuis cette date, l'importance de ces bases avait diminué, voire disparu, pour un certain nombre de communes. Il en a conclu que certaines collectivités percevaient des compensations de base dont elles ne disposaient plus et qu'il conviendrait, éventuellement, de mettre progressivement en extinction ces compensations pour l'avenir sur deux ou trois ans. Enfin, il a précisé que le montant global des compensations prévues pour l'ensemble des communes au titre de cet allégement s'élevait à près de 6 milliards de francs.
M. Paul Loridant a pour sa part insisté sur les conséquences de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications au regard de la taxe professionnelle. Il a indiqué qu'il serait difficile de concilier une situation où l'opérateur public, que constitue France Télécom, resterait soumis au régime dérogatoire de taxe professionnelle qui est le sien, tandis que les compagnies privées, agissant sur le même marché, seraient soumises au régime de droit commun.
Sur ce point M. Michel Charasse a ajouté qu'à partir du moment où le marché des télécommunications ne se limitait plus à un opérateur unique, la situation actuelle débouchait sur un problème d'égalité devant la loi fiscale des opérateurs de télécommunications selon qu'ils soient publics ou privés. Il a cependant rappelé qu'il existait dans ce domaine un important problème de péréquation des ressources.
M. Christian Poncelet, président, a pour sa part appelé l'attention sur les difficultés de financement que connaîtrait la CNRACL en 1998. Il s'est ensuite inquiété du poids que ferait peser sur les petites entreprises l'abaissement du seuil de chiffre d'affaires à partir duquel pourrait être acquittée la cotisation minimum de taxe professionnelle à 10 millions de francs, dont l'effet se conjuguerait avec l'impact du passage aux 35 heures de travail hebdomadaire.
En réponse aux intervenants, M. Michel Mercier, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé que le Gouvernement avait annoncé sa volonté d'engager rapidement la révision des bases cadastrales. A cet égard, il a insisté sur la nécessité de limiter les effets de seuils qui résulteraient de la révision des bases, tout en indiquant que celle-ci devrait être engagée rapidement afin que les bases de calcul retenues ne deviennent pas elles-mêmes caduques.
Il s'est enfin félicité de l'unanimité qui s'était manifestée pour demander au Gouvernement d'aller au terme de sa démarche de neutralisation intégrale des effets de la régularisation négative de la DGF de 1996 au regard des principes du pacte de stabilité financière.
La commission a ensuite décidé de réserver son vote sur les crédits de l'intérieur : décentralisation, jusqu'après l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.