Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

VASSELLE (Alain)

RAPPORT 58 (98-99), Tome III - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières




N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

ASSURANCE VIEILLESSE

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1106 , 1147 , 1148 et T.A. 192 .

Sénat : 50 et 56 (1998-1999).


Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION
AUDITION DE M. JEAN-LUC CAZETTES, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS

Réunie le mercredi 21 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Cazettes, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

M. Jean-Luc Cazettes
a indiqué que le conseil d'administration de la CNAVTS avait émis un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. A la demande de M. Jean Delaneau, président, il a précisé que la délégation employeurs avait voulu dénoncer l'affectation, à la CNAVTS, des excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), alors qu'elle souhaitait une diminution du taux de cette contribution, que les délégations CGT et FO avaient marqué leur opposition à une indexation des pensions de retraite sur les prix, au lieu d'une indexation sur les salaires, et que la délégation CFTC avait souhaité s'élever contre la menace d'une compensation partielle d'exonérations de charges sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur le choix effectué par le Gouvernement de revaloriser les pensions de retraite de 1,2 % au 1 er janvier 1999. Il a souhaité connaître la position de la CNAVTS sur la constitution, au sein du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), d'un fonds de réserve pour les retraites et sur ses conditions d'alimentation et de gestion. Il a demandé si cette création d'un fonds n'était pas paradoxale au moment où, parallèlement, la branche vieillesse accumule les déficits et si les sommes affectées à ce fonds (2 milliards de francs) n'apparaissaient pas de toute façon dérisoires compte tenu des besoins futurs des régimes de retraite. Il a demandé à M. Jean-Luc Cazettes si une surcotisation lui paraissait nécessaire. Il s'est interrogé sur le choix du Gouvernement de ne pas appliquer la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite.

M. Jean-Luc Cazettes a observé que l'indexation de la revalorisation des pensions de retraite sur les prix était la mesure -parmi celles de la loi du 22 juillet 1993- ayant le plus d'influence immédiate sur l'équilibre des comptes de la branche vieillesse du régime général. Il a précisé que la revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite, sans récupération du différentiel qui aurait conduit à une revalorisation de 0,7 %, tendait à faire participer les retraités aux fruits de la croissance, objectif qui n'était d'ailleurs pas absent de la loi de 1993.

Abordant la question du fonds de réserve, il a précisé que l'ensemble du conseil d'administration de la CNAVTS s'était déclaré favorable à sa constitution. Il a fait état de divergences sur les modalités d'alimentation (excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés).

Il a reconnu que la création d'un fonds de réserve pour les retraites apparaissait paradoxale à court terme, mais qu'elle représentait une mesure de sécurité à long terme. Il a rappelé que l'idée d'une constitution de réserves au sein des régimes de retraite par répartition avait été formulée par le rapport de M. Olivier Davanne, dans le cadre du Conseil d'analyse économique. Il a reconnu que l'alimentation du fonds de réserve pour 1999 était une " goutte d'eau ", mais représentait un signe politique fort. Il a rappelé que la constitution d'un véritable fonds de réserve d'ici 2015 nécessitait entre 2.000 et 4.000 milliards de francs, et que la surcotisation lui apparaissait la solution logique afin d'abonder un tel fonds. Il a précisé qu'il demeurait sceptique sur la réalisation éventuelle d'excédents par les régimes de sécurité sociale à l'horizon 2002.

Il a indiqué que l'horizon de placement de ce fonds ne pouvait être qu'à long terme et que sa gestion ne pourrait pas être uniquement celle d'un " bon père de famille ", selon les termes mêmes de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a expliqué que ce fonds devrait comporter, à côté de placements obligataires, des placements en actions. Il a relevé que la participation des partenaires sociaux était nécessaire, afin de contrôler et de surveiller les grandes orientations.

Abordant la question relative à la loi du 25 mars 1997 sur les plans d'épargne retraite, il a indiqué qu'il s'agissait d'un texte dangereux, en raison de son caractère triplement facultatif -accord de l'entreprise nécessaire, possibilité pour le salarié d'y adhérer ou non, possibilité pour l'entreprise d'interrompre ses versements- et des menaces qu'il faisait peser sur le financement même des régimes de retraite par répartition. Il a noté que la perte potentielle pour le régime général avait été chiffrée à 6 milliards de francs par an, et pour les régimes complémentaires à 3 milliards de francs, en tenant compte des estimations des promoteurs de la loi, tablant sur des encaissements annuels de l'ordre de 30 à 40 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, après avoir insisté sur l'aspect essentiellement pédagogique du fonds de réserve, s'est interrogé sur les solutions alternatives à la surcotisation qui lui apparaissait peu tolérable, et sur la réforme nécessaire des régimes spéciaux. Il a demandé à M. Jean-Luc Cazettes son appréciation sur une réforme éventuelle des cotisations patronales.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a souhaité savoir si M. Jean-Luc Cazettes était favorable, en principe, à une surcotisation et il s'est enquis de la date de son éventuelle instauration.

Après avoir indiqué que la CNAVTS avait publié au début de l'année 1997 une étude montrant que 4 points de cotisation supplémentaires seraient nécessaires pour éviter une aggravation de la situation de la branche vieillesse du régime général à l'horizon 2010, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que d'éventuels fonds de pension supposeraient également l'institution de nouvelles cotisations. Il a considéré qu'il allait falloir payer le prix du vieillissement de la population et que la seule différence entre un fonds de réserve et des fonds de pension résidait dans le caractère obligatoire ou facultatif des surcotisations.

M. Jean-Luc Cazettes a fait également valoir l'effet positif sur le marché du travail de l'accélération des départs en retraite à compter de 2005. Il a considéré que cela permettrait peut-être des transferts de financement entre l'assurance chômage et l'assurance vieillesse.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie, M. Jean-Luc Cazettes a souligné que la France se caractérisait par une répartition très déséquilibrée entre les revenus du travail et ceux du capital et que cette situation générait un manque à gagner pour les régimes de sécurité sociale. Après avoir relevé qu'une assiette des cotisations sociales fondée sur la seule masse salariale n'était pas suffisante, il s'est dit favorable au principe d'un transfert progressif vers une assiette reposant sur d'autres éléments. Il a cependant mis en garde contre le risque de construire un système excessivement complexe.

M. Jean-Pierre Cantegrit a souligné le rôle fondamental joué par le Sénat dans l'amélioration de la protection sociale des français de l'étranger. Il s'est félicité de la collaboration fructueuse existant entre la caisse des français de l'étranger et la CNAVTS.

Après que M. Guy Fischer se fut également interrogé sur l'avenir des régimes spéciaux, M. Jean-Luc Cazettes a souligné le besoin de transparence et la nécessité d'un état des lieux en la matière. Il a fait observer que c'était là précisément la mission confiée au commissariat général du Plan. Après avoir relevé le caractère éminemment sensible du sujet, il a constaté l'incompréhension profonde des syndicats de la fonction publique à l'égard de ce qu'était un régime de retraite. Il a regretté l'absence de réflexions de ces derniers sur ce sujet.

M. André Jourdain a souligné la nécessité de favoriser une prise de conscience des problèmes futurs par les personnels des régimes spéciaux.

M. Jean-Luc Cazettes a estimé que l'âge de départ à la retraite constituait probablement une des voies à explorer à terme pour limiter les difficultés des régimes de retraite. Il a cependant jugé qu'une telle proposition n'était pas envisageable aujourd'hui, compte tenu du niveau de chômage élevé des jeunes. Il a en outre rappelé que plus de 60 % des personnes liquidant aujourd'hui leur retraite n'étaient plus en activité et que les partenaires sociaux s'apprêtaient à étendre le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) permettant le départ anticipé à la retraite contre des embauches.

M. Jean Delaneau , président , s'est interrogé sur l'impact de la suppression du service national sur l'équilibre futur des régimes de retraite.

M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que les conséquences de la suppression du service national étaient variables et encore difficiles à apprécier. Il a toutefois évoqué la disparition de fait de la validation pour les retraites de la période du service national.

M. Alain Gournac a fait observer que les associations de retraités avaient le sentiment que ceux-ci étaient particulièrement frappés par l'accroissement des prélèvements sociaux et fiscaux.

Rappelant que les prélèvements sur les retraités avaient effectivement augmenté au cours des dernières années, M. Jean-Luc Cazettes a cependant souligné que le niveau global des retraites avait progressé, ce que révélait la baisse régulière du nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse, qui, pour la première fois cette année, revenait en dessous du million de personnes.

Mme Gisèle Printz s'est demandé comment les jeunes, qui rentraient de plus en plus tardivement sur le marché du travail, parviendraient à bénéficier d'une retraite complète.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souhaité savoir si l'employeur pouvait contraindre le salarié à partir à la retraite.

M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que, dans ce cas, si le salarié n'était pas en mesure de bénéficier d'une retraite à taux plein, cette mise à la retraite constituait un licenciement avec toutes les conséquences attachées à ce mode de rupture.

En réponse à M. Charles Descours, M. Jean-Luc Cazettes a indiqué que le Gouvernement envisageait une compensation à hauteur de deux tiers des exonérations de charges sociales induites par la réduction du temps de travail.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a relevé que les représentants des employeurs au conseil d'administration de la CNAF semblaient favorables au principe du fonds de réserve et défavorables aux modalités de financement retenues par le Gouvernement. Il s'est enquis des propositions de la délégation employeurs quant aux moyens de financer le fonds de réserve.

M. Jean-Luc Cazettes a fait valoir que le conseil d'administration de la CNAVTS avait dû examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 dans des délais très courts et qu'il n'avait donc pas pu véritablement débattre des modalités de financement du fonds de réserve.


Mesdames, Messieurs,

Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, votre rapporteur avait souligné que l'adaptation de nos régimes de retraite aux évolutions démographiques était l'un des chantiers les plus difficiles des prochaines années. Il avait regretté que l'année 1998 se présentât, à cet égard, comme " une année perdue ".

Un an plus tard, le débat consacré au volet assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale s'ouvre dans une certaine confusion.

Soucieux de repousser des décisions difficiles, impopulaires et pourtant inéluctables, le Gouvernement subordonne toute réforme d'ampleur à la publication du diagnostic sur les retraites qu'il a demandé au Commissariat général du Plan.

Pourtant, sans attendre les conclusions de cette étude, il remet en cause l'indexation des pensions sur les prix, qui constituait l'un des fondements de la réforme de 1993. En outre, conscient de l'absence, pour la deuxième année consécutive, d'initiative en matière de retraite, il crée un fonds de réserve pour les retraites dont la finalité et les modalités de financement restent particulièrement floues.

Parallèlement, il multiplie les effets d'annonce en inscrivant dans ses orientations, au cours du débat à l'Assemblée nationale, l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite qu'il avait, il est vrai, refusé d'appliquer, et la mise en place dès 1999 d'un nouveau système d'épargne-retraite par capitalisation.

Ce vaste " rideau de fumée ", qui traduit surtout un embarras du pouvoir politique à la perspective de réformes difficiles, ne doit pourtant pas masquer la réalité.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 ne parvient pas à ramener le régime général à l'équilibre -celui-ci reste durablement déficitaire- et n'apporte pas de véritable réponse aux problèmes immédiats.

S'agissant de l'avenir des régimes de retraite, la création impromptue d'un fonds de réserve n'apporte qu'une réponse dérisoire aux besoins futurs. Les véritables réformes ne sont quant à elles toujours pas engagées.

A l'évidence, la politique du Gouvernement en matière de retraite consiste essentiellement à gagner du temps.

I. LE RÉGIME GÉNÉRAL D'ASSURANCE VIEILLESSE : UN DÉFICIT STRUCTUREL

La branche vieillesse rassemble les prestations d'assurance vieillesse correspondant à des droits directs ou dérivés, les prestations d'assurance veuvage, et les prestations d'invalidité servies à des bénéficiaires de droits directs âgés de plus de soixante ans, ou des bénéficiaires de droits dérivés.

L'objectif de dépenses de la branche vieillesse-veuvage pour 1999, prévu à l'article 32 du projet de loi, s'élève à 781,4 milliards de francs après adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale 1( * ) .

La définition des dépenses de vieillesse est précisée dans l'annexe C du projet de loi : leur champ couvre l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. L'objectif de dépenses porte sur l'ensemble des dépenses des régimes, et non sur les seules prestations.

Ces dépenses comprennent :

- les prestations sociales légales ou extra-légales ;

- les prestations des services sociaux (notamment la prise en charge partielle des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux) ;

- les frais de gestion engagés par les organismes de sécurité sociale ;

- les transferts entre régimes de protection sociale ;

- les frais financiers et les autres dépenses.

Les objectifs de dépenses par branche du projet de loi de financement sont définis à partir du total des dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoire, de la façon suivante :

- sont enlevés les dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires, les transferts internes aux régimes de base considérés, ainsi que les dépenses constituant la contrepartie des cotisations prises en charge par la sécurité sociale ;

- sont ajoutées les dépenses dans les départements d'outre-mer (DOM) qui, dans les comptes de la sécurité sociale, sont consolidées avec les recettes perçues dans les DOM.

Pour la branche vieillesse, l'opération de passage est la suivante :

Passage des dépenses de l'ensemble des régimes de base
à l'objectif de dépenses de la branche vieillesse

Emplois de l'ensemble des régimes de base dans la nomenclature des comptes de la sécurité sociale

874,7

Recettes DOM

5,4

Transferts internes à consolider

- 97,0

Cotisations prises en charge par la sécurité sociale à consolider

0,0

Dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires

-2,0

Objectifs de dépenses par branche (régimes de plus de 20.000 cotisants ou bénéficiaires)

781,1

Avant d'analyser la situation des différents régimes de retraite, il convient de souligner le rôle déterminant joué par les transferts de compensation entre régimes.

L'éclatement de notre système de retraite et sa gestion en répartition -consistant à distribuer, chaque année, aux retraités les cotisations prélevées sur les actifs- ont rendu nécessaire la mise en place de mécanismes de solidarité financière au bénéfice des régimes dont le nombre de cotisants baissait structurellement. Trois techniques ont été utilisées 2( * ) : l'intégration financière de certains régimes au sein du régime général (par exemple les salariés agricoles), les compensations entre régimes et, quand ceci ne suffisait pas, le recours à la solidarité nationale par des transferts de l'Etat ou l'affectation de taxes (part de TVA pour les exploitants agricoles, C3S pour les régimes de non-salariés non agricoles).

Les compensations ont pour objectif de corriger, dans le respect de l'autonomie des régimes de protection sociale, les déséquilibres de financement provoqués par les mutations socio-économiques et les déplacements de population active entre secteurs professionnels.

Trois mécanismes se superposent dans le domaine de la vieillesse :

- la compensation généralisée vieillesse entre régimes de salariés,

- la compensation généralisée vieillesse entre salariés et non-salariés,

- la surcompensation entre régimes spéciaux de salariés.

Les deux premiers, institués par la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974, représentent ce qu'on appelle la compensation " démographique " ou " généralisée " vieillesse.

Le troisième mécanisme est de création plus récente (1986). Il est aussi désigné sous le terme de " compensation spécifique ".

La compensation " démographique " ou " généralisée "

1. La compensation vieillesse entre régimes de salariés

Cette compensation prend en compte non seulement la démographie, mais aussi la capacité contributive des régimes. Au-delà des effectifs de cotisants et de bénéficiaires, les masses salariales des régimes sont prises en considération.

Dans la simulation du régime unique, on définit non une cotisation d'équilibre en francs, mais un taux de cotisation d'équilibre, qui égalise la somme des masses salariales des régimes à la somme de leurs prestations calculées sur la base de la prestation de référence. La prestation de référence est celle versée aux salariés agricoles retraités.

Les régimes concernés sont : le régime général, ceux des salariés agricoles, des fonctionnaires de l'Etat, des marins, des mineurs, ainsi que la CNRACL, EGF, SNCF, RATP, Banque de France, CRPCEN.

2. La compensation vieillesse entre salariés et non-salariés

Cette compensation est strictement démographique : elle prend en compte les effectifs des régimes, mais pas les capacités contributives. Selon la loi de 1974, il en sera ainsi " tant que les capacités contributives de l'ensemble des non-salariés ne pourront être définies dans les mêmes conditions que celles des salariés ".

Le mécanisme est conforme au principe général décrit précédemment. Dans la simulation du régime unique et les étapes qui suivent, les salariés sont regroupés en un bloc assimilé à un régime. On calcule donc un transfert global à la charge des salariés. Sa répartition entre les régimes de salariés se fait dans un second temps au prorata des masses salariales (sous plafond). La prestation de référence est la pension moyenne de droit direct servie aux retraités de plus de 65 ans du régime des industriels et commerçants.

Les régimes concernés sont ceux des salariés, des exploitants agricoles, et ceux gérés par l'ORGANIC, la CANCAVA, la CNAVPL, la CNBF, la CAMAVIC.

Les compensations ne visent qu'une correction partielle des conséquences des évolutions démographiques (ou des écarts de capacité contributive) dans la mesure où leur calcul prend pour référence la pension minimale des régimes concernés (compensation sur des bases minimales). En outre, plusieurs des règles appliquées depuis l'origine sont très discutables et les insuffisances du système ont été soulignées par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1998.

Principaux transferts de compensation

(Acomptes 1998 : 53,8 MdF)

Compensation démographique vieillesse (36,4 MdF)

Régimes financeurs Régimes bénéficiaires

La compensation généralisée du risque vieillesse est financée pour l'essentiel par des régimes de salariés dont les trois principaux sont le régime général (27 %), le régime des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat (35 %) et la CNRACL (27 %).

Les régimes bénéficiaires sont le régime agricole (72 %), l'ORGANIC (13 %) et la CANCAVA (5 %).

La compensation spécifique (ou surcompensation) entre régimes spéciaux de salariés

Elle a été créée par la loi de finances pour 1986. Son objectif était de compléter, entre les seuls régimes spéciaux de salariés, les compensations généralisées vieillesse dont le caractère partiel, lié à la prise en compte d'une prestation minimale, a été souligné.

La surcompensation est également fondée sur le principe du régime fictif avec la différence, par rapport aux dispositifs précédents, que la prestation de référence est égale à la prestation moyenne des régimes participants, et non à la prestation la plus faible.

Le mécanisme ainsi défini aurait entraîné des transferts si élevés qu'on a dû en réduire la portée, en les limitant à 22 %, 30 % (en 1992) puis 38 % (depuis 1993), des transferts calculés. Ces taux résultent non de calculs stricts, mais d'un mélange de considérations techniques et d'opportunité.

Les régimes concernés sont ceux des fonctionnaires de l'Etat, des mineurs, des marins et ceux gérés par la CNRACL, EDF-GDF, la SNCF, la CAMR, le SEITA, la Banque de France, la CRPCEN.

La compensation spécifique entre régimes spéciaux est financée par trois régimes : la CNRACL (53 %), les fonctionnaires de l'Etat (45 %) et le régime d'EDF-GDF (3 %).

Les régimes bénéficiaires sont le régime spécial de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) (57 %) et le régime spécial de la SNCF (26 %).

Compensation entre régimes spéciaux (17,3 MdF)

Régimes financeurs Régimes bénéficiaires

A. LES DIFFÉRENTS RÉGIMES D'ASSURANCE VIEILLESSE CONNAISSENT DES SITUATIONS CONTRASTÉES

1. La branche vieillesse du régime général (CNAVTS) reste déficitaire

En 1997, le régime général a connu un déficit de 5,166 milliards de francs. La Commission des comptes de la sécurité sociale avait pourtant prévu en mai 1998 que ce déficit atteindrait 9 milliards de francs.

La différence entre ces deux chiffres (3,833 milliards de francs) provient pour l'essentiel d'un versement exceptionnel de 3,4 milliards de francs par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) au titre d'une régularisation pour 1996 des cotisations d'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

Pour 1998, les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 font état d'un déficit de 5,593 milliards de francs, contre 7,417 milliards de francs prévus par la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1998. Cet écart résulte d'une amélioration des cotisations des assurés à recevoir en 1998 du fait de l'intégration de corrections au titre de l'exercice 1997.

Selon l'évolution tendancielle, la branche vieillesse du régime général reste déficitaire en 1999 malgré une progression des dépenses ralentie en raison d'une évolution démographique favorable.

Les prévisions tendancielles de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 affichent un déficit de 5,977 milliards de francs pour la CNAVTS en 1999, avant les mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 1999.

Evolution du solde de la CNAVTS

(en milliards de francs)

 

1997 (1)

1998 (2)

1999
tendanciel (3)

1999 après PLFSS (4)

Solde CNAVTS

- 5,166

- 5,593

- 5,977

- 3,83

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, sept. 98

(1) Résultat définitif

(2) Prévisions Commission des comptes de la sécurité sociale septembre 1998

(3) Prévisions CCSS septembre 1998 avant mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

(4) Prévisions après mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale


Le rythme d'évolution en volume des prestations financées par le régime général poursuit son fléchissement de 1996 à 1999, passant pour l'ensemble des droits directs de + 3,2 % en 1996, à + 3,0 % en 1997, à + 2,9 % en 1998 et à + 2,7 % en 1999.

L'assurance vieillesse des salariés du secteur privé

Leur protection est assurée par différents régimes.

- Un régime de base obligatoire

Dit régime général, créé en 1945 et qui fait suite aux premières tentatives des " rentes ouvrières et paysannes " en 1910 et des " assurances sociales " en 1928 et 1930.

Il est géré, pour les salariés de l'industrie et du commerce, par seize caisses régionales fédérées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) et, pour les salariés agricoles, par les caisses de Mutualité sociale agricole (MSA) compétentes au niveau de chaque département pour l'ensemble des branches de la sécurité sociale des salariés et des exploitants agricoles.

- Des régimes complémentaires

Gérés paritairement, de manière autonome par les partenaires sociaux, obligatoires depuis la loi du 29 décembre 1972 et créés :

. en 1947 pour les cadres : l'AGIRC

Le régime général ne prévoit en effet de cotisations, et donc de prestations, que sur la tranche de salaire inférieure au " plafond de la sécurité sociale ". Au-delà et jusqu'à huit fois ce plafond (quatre fois avant le 1 er janvier 1991), une convention collective nationale en date du 14 mars 1947 a créé un régime unique pour les cadres, géré par une quarantaine de caisses organisées sur une base interprofessionnelle, professionnelle, nationale, régionale ou encore d'entreprise et fédérées par l'Association générale des institutions de retraites des cadres (AGIRC).

. en 1961 pour les non-cadres : l'ARRCO

Ceux-ci cotisent sur la totalité de leur rémunération dans la limite de trois fois le plafond de la sécurité sociale à 46 régimes, distincts bien que très proches, compensés par l'Association des régimes de retraite complémentaires (ARRCO) qui seront, au 1 er janvier 1999 fondus en un régime unique. Depuis 1976, les cadres cotisent jusqu'au plafond dans ces mêmes régimes.

Quelques régimes complémentaires obligatoires restent en dehors des compensations qu'organisent l'ARRCO et l'AGIRC : ceux des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), du personnel navigant de l'aviation civile (CRPNPAC). Le régime des caisses d'épargne ne participe que partiellement à la compensation ARRCO et pas du tout à la compensation AGIRC.

- Des régimes supplémentaires facultatifs

Au-delà de ces deux étages obligatoires, les salariés du secteur privé peuvent bénéficier d'un étage facultatif sous la forme de régimes collectifs supplémentaires.

Il s'agit d'abord des régimes d'entreprise ou interentreprises qualifiés de régimes " chapeau " dans la mesure où ils complètent les prestations des régimes obligatoires : régimes anciens des grandes entreprises qui se sont maintenus après l'intégration de leurs affiliés dans les régimes ARRCO et AGIRC, ou régimes exclusivement réservés aux cadres supérieurs ou aux dirigeants. Ils peuvent être gérés au sein d'une institution de retraite supplémentaire ( titre IV du Livre IX du code de la sécurité sociale ) créée à cet effet, ou donner lieu à la souscription d'un contrat ou d'une convention auprès d'un organisme habilité ( institution de prévoyance du titre III du Livre IX, mutuelle ou compagnie d'assurance ) ou peuvent encore être gérés par les entreprises elles-mêmes.

Ce fléchissement tient d'abord à une évolution démographique favorable du nombre de bénéficiaires, caractérisée par l'arrivée à l'âge de la retraite des générations peu nombreuses des années précédant la seconde guerre mondiale.

Il s'explique également par les premiers effets de la réforme de 1993 dont l'impact financier est évalué à 1,5 milliard de francs en 1997, 2 milliards de francs en 1998 et 2,5 milliards de francs en 1999.

Les hypothèses de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 pour l'évolution de la branche vieillesse du régime général se fondent toutefois sur une hypothèse de prorogation de la législation actuellement en vigueur qui conduirait à une revalorisation des pensions de 0,7 % au 1 er janvier 1999.

Le Gouvernement a fait un autre choix et propose, dans l'article 29, une revalorisation de 1,2 % des pensions au 1 er janvier 1999. Cet écart de 0,5 % se traduit, pour le régime général, par une augmentation des dépenses de 1,81 milliard de francs, ce qui amènerait le déficit tendanciel 1999 à - 7,79 milliards de francs.

Pour contenir le déficit, le projet de loi prévoit 3,86 milliards de francs de recettes nouvelles -provenant pour 3,8 milliards de francs d'un versement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)- et affiche donc un déficit prévisionnel pour 1999 limité à 3,83 milliards de francs.

2. Les régimes de base des non-salariés sont équilibrés

Les régimes de base de l'ORGANIC et de la CANCAVA sont automatiquement équilibrés par un apport du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables 3( * ) . Dès lors, les soldes de ces régimes oscillent généralement de manière peu significative autour de l'équilibre.

Après avoir connu un solde déficitaire de 414 millions de francs en 1998, l'ORGANIC devrait enregistrer un solde légèrement positif en 1999 (+ 9 millions de francs), puis légèrement négatif en 2000 (- 14 millions de francs) et 2001 (- 11 millions de francs).

Après avoir été excédentaire en 1998 (+ 215 millions de francs), la CANCAVA serait à l'équilibre en 1999 puis légèrement déficitaire en 2000 (- 51 millions de francs) et 2001 (- 53 millions de francs).

La CNAVPL, qui ne bénéficie d'aucun concours extérieur, est également à l'équilibre : son solde devrait être excédentaire de 22 millions de francs en 1998, 56 millions de francs en 1999, 97 millions de francs en 2000 et 88 millions de francs en 2001.

3. Les régimes complémentaires de salariés AGIRC et ARRCO enregistrent les effets positifs des accords du 25 avril 1996

Pour faire face aux difficultés annoncées, les régimes complémentaires de salariés de l'ARRCO (qui couvrent l'ensemble des salariés du secteur privé, y compris les cadres) et de l'AGIRC (qui couvre les seuls cadres) ont emprunté la voie de la négociation collective, ajustant progressivement les règles de fonctionnement des régimes aux nouvelles contraintes financières. Les accords du 25 avril 1996 ont permis de préserver la situation de ces régimes pour les prochaines années.

Conclus pour la période allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2005, ces accords introduisent deux modifications institutionnelles importantes : ils prévoient la fusion de l'ensemble des régimes ARRCO en un régime unique de retraite à compter du 1er janvier 1999 et ils instaurent, par ailleurs, un mécanisme de compensation financière entre l'AGIRC et l'ARRCO, visant à atténuer les effets de la dérive du plafond de la sécurité sociale. Ces accords prévoient également des augmentations des taux de cotisation minimaux et une diminution des rendements

Les comptes de l'AGIRC et de l'ARRCO illustrent les effets considérables de cette réforme de 1996.

Pour l'ARRCO, l'exercice 1998 devrait se solder par un excédent de 7,3 milliards de francs largement supérieur aux 4,9 milliards de francs prévus en 1997. Cet écart résulte de l'effet de la base des emplois 1997 plus faible que prévue, de celle des cotisations plus forte que ce qui était attendu et d'une sous-estimation des mesures de solidarité ARRCO-AGIRC.

L'exercice 1999 devrait se solder par un excédent exceptionnel de près de 14,2 milliards de francs. Ce solde résulterait de la situation favorable pour le régime de la conjoncture démographique et économique, et de l'impact des accords du 25 avril 1996. Il devrait se détériorer lentement dans les années suivantes.

Si les accords du 25 avril 1996 n'ont eu que des effets modérés sur le compte 1996 de l'ARRCO, leurs répercussions sur le compte 1997 ont été très importantes ; l'efficacité globale de ces accords sera cependant pleinement visible à partir des exercices 1998 et 1999.

L'assurance vieillesse des non-salariés

Après leur refus de s'intégrer au régime général en 1945, la loi du 1 er janvier 1948 a créé quatre organisations autonomes d'assurance vieillesse pour les non-salariés (artisans, industriels et commerçants, professions libérales, avocats) auxquelles se sont ajoutées celles des exploitants agricoles et des membres des cultes.

Les artisans

Ils bénéficient de deux étages de retraite gérés par l'organisation autonome d'assurance vieillesse artisanale, composée de 32 caisses locales ou professionnelles et d'une caisse nationale (CANCAVA) dont les conseils d'administration sont élus par les assurés.

Cette protection est assurée par :

- un régime de base qui est, depuis le 1 er janvier 1973, aligné sur le régime général ;

- un régime complémentaire obligatoire depuis 1978.

Les industriels et commerçants

Leur protection est assurée par l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce, composée de 31 caisses locales ou professionnelles et d'une Caisse nationale (ORGANIC) dont les conseils d'administration sont élus par les assurés. Elle comprend :

. un régime de base aligné sur le régime général depuis 1973 ;

. un régime complémentaire qui demeure facultatif depuis 1978 ;

. un régime complémentaire obligatoire en faveur des conjoints.

Les professions libérales

Celles-ci sont organisées en :

. 13 sections professionnelles (notaires, officiers ministériels, médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, sages-femmes, auxiliaires-médicaux, vétérinaires, professeurs et artistes, architectes et techniciens, agents d'assurance, experts comptables et géomètres experts) entre lesquelles la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) exerce un rôle de compensation financière, limité au régime de base, et d'intermédiaire vis-à-vis des pouvoirs publics ;

. une Caisse nationale des barreaux français (CNBF) pour les avocats non salariés.

Ces professions bénéficient :

- d'un régime de base obligatoire, sensiblement identique pour les 13 sections, et d'un régime de base spécifique aux avocats ;

- de régimes complémentaires obligatoires par caisse (à l'exception des sages-femmes et de petits groupes professionnels rattachés tardivement par décret à certaines sections pour le régime de base) dont la création s'est échelonnée de 1949 à 1984.

Les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, biologistes, auxiliaires médicaux) sont obligatoirement affiliés à des régimes complémentaires dits ASV (avantages supplémentaires de vieillesse) dont l'instauration obligatoire s'est échelonnée de 1972 (médecins) à 1984 (sages-femmes).

Les exploitants agricoles

La loi du 10 juillet 1952 a institué un régime d'assurance vieillesse de base obligatoire pour les exploitants agricoles, géré par les caisses de mutualité sociale agricole, administrées par des délégués élus des assurés, regroupés en trois collèges (exploitants indépendants, salariés, employeurs).

La mise en oeuvre des accords a permis d'améliorer le solde 1997 de 1,1 milliard de francs et permettra d'améliorer les soldes 1998 et 1999 de respectivement 3,1 milliards de francs et 5,1 milliards de francs. Sans l'adoption de ces mesures, le solde 1997 serait de - 0,3 milliard de francs et ceux de 1998 et 1999 s'élèveraient respectivement à 4,3 milliards de francs et 9,1 milliards de francs.

L'exercice 1998 devrait se solder pour l'AGIRC par un déficit de 2,3 milliards de francs. Cette moindre détérioration par rapport au solde prévu en septembre 1997 résulte d'une croissance encore importante des cotisations du fait d'un environnement économique plus favorable et dans le même temps d'une évolution plus lente des prestations.

L'exercice 1999 devrait connaître une nouvelle réduction du déficit, pour atteindre - 1,73 milliard de francs . Cette amélioration devrait résulter de la prolongation d'un contexte économique favorable. Elle intègre la solidarité ARRCO-AGIRC qui devrait s'élever à 2,15 milliards de francs.

La mise en oeuvre des accords du 25 avril 1996 a permis d'améliorer le solde du régime d'environ 3 milliards de francs en 1997, 5 milliards de francs en 1998 et probablement 8 milliards de francs en 1999. Sans l'adoption de ces décisions, les déficits 1997, 1998 et 1999 du régime AGIRC s'élèveraient respectivement à 6,5 milliards de francs, 7 milliards de francs et 10 milliards de francs environ.

4. La situation financière de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est préoccupante

Malgré une dégradation continue depuis 10 ans, le rapport démographique de la CNRACL reste encore le plus favorable de l'ensemble des régimes de retraite de salariés : en 1987, ce rapport était de 4 cotisants pour 1 retraité, il était en 1997 de 2,8.

Cette situation lui permet d'atteindre un résultat technique de gestion (prestations - cotisations) excédentaire de 17,8 milliards de francs en 1998 et de 17,4 milliards de francs en 1999.

Ce résultat est cependant profondément affecté par les transferts de compensation entre les différents régimes de retraite. Titulaire du meilleur rapport démographique, la CNRACL est le régime de salariés qui contribue le plus, en valeur relative, à ces flux financiers. Les transferts se sont ainsi élevés à 18,9 milliards de francs en 1998, soit environ 45 % du montant des prestations servies.

L'assurance vieillesse des salariés du secteur public et assimilés

Ils bénéficient de régimes dits " spéciaux ". Il s'agit :

. des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat (les agents non titulaires étant affiliés au régime général) ;

. des fonctionnaires des collectivités territoriales et des établissements hospitaliers qui bénéficient d'un régime identique à celui des fonctionnaires de l'Etat (les agents non titulaires des collectivités publiques relevant, comme ceux de l'Etat, du régime général) ;

. des ouvriers de l'Etat ;

. des salariés du secteur des transports : SNCF, RATP, CAMR (agents des chemins de fer secondaires d'intérêt général, des chemins de fer d'intérêt local et des tramways recrutés avant 1954 ; régime en voie d'extinction depuis cette date) ;

. des salariés du secteur de l'énergie : EDF/GDF, mines (il existe aussi un régime spécifique pour le personnel de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines) ;

. des agents titulaires de la Banque de France ;

. des salariés de certains établissements ou entreprises publics : Imprimerie nationale, SEITA ( régimes en voie d'extinction) ; Chambre de commerce et d'industrie de Paris ; Port autonome de Strasbourg ;

. des salariés de l'Opéra et de la Comédie française ;

. des salariés relevant de certains secteurs privés : marins, clercs de notaires.

Ces régimes ont tous pour caractéristiques d'avoir été créés avant le plan français de sécurité sociale de 1945 (fonctionnaires civils en 1853, mineurs en 1894, clercs de notaires en 1937) et d'avoir voulu conserver leur autonomie.

Ils couvrent en fait l'étage de base et l'étage complémentaire obligatoire en un régime unique, sauf le régime minier qui est un régime de base et est complété par les institutions de l'ARRCO et de l'AGIRC. Ils peuvent être érigés en véritables institutions (personnalité, comptes et organes dirigeants distincts) : CNRACL, mines, clercs de notaires... Mais certains régimes peuvent également être gérés directement par l'employeur : fonctionnaires de l'Etat, EDF-GDF, SNCF, RATP...

La participation de la CNRACL à ces mécanismes s'est accrue, au cours des dernières années, en raison de l'augmentation du taux de recouvrement de la compensation entre régimes spéciaux. En effet, fixé à l'origine en 1986 à 22 %, ce taux a été porté à 30 % en 1992 puis 38 % en 1993. Il est resté à ce niveau depuis lors.

L'article 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 est certes venu plafonner, pour chaque exercice comptable, le montant de la compensation entre régimes spéciaux à 25 % du total des prestations servies par chaque régime. Ce plafond n'a cependant jamais été atteint : le montant de la compensation entre régimes spéciaux a représenté, pour la CNRACL, 22,4 % des prestations en 1997, 22,8 % en 1998 et devrait s'établir à 21,6 % en 1999.

Les réserves de la CNRACL étant fortement entamées à la fin de l'année 1994, suite à ces modifications de taux de recouvrement, le Gouvernement a décidé d'augmenter le taux de cotisation patronale de 3,8 points au 1 er janvier 1995, le portant ainsi de 21,30 % à 25,10 %.

L'ensemble de ces mesures conduit à un résultat net déficitaire de 0,6 milliard de francs en 1996 et des réserves en fin d'exercice d'un montant de 0,95 milliard de francs. Pour 1997, le transfert de 4,5 milliards de francs au 1 er janvier en provenance des réserves de l'ATIACL a permis à la CNRACL d'afficher un excédent de 3,5 milliards de francs et des réserves en fin d'exercice de 4,4 milliards de francs.

Toutefois, un déficit comptable prévisionnel est attendu dès 1998, à hauteur de 1,5 milliard de francs, qui pourra être financé par les réserves du régime. Avec un résultat prévisionnel déficitaire de 2 milliards de francs en 1999, le régime ne disposerait plus environ que de 1 milliard de francs de réserves en fin d'exercice. Pour 2000 et 2001, les résultats devraient être déficitaires de respectivement - 3,6 milliards de francs et de - 4 milliards de francs.

La situation de la CNRACL se dégrade donc de manière continue et appelle une réforme urgente.

Votre rapporteur tient à dénoncer, une nouvelle fois, la situation absurde à laquelle conduit le mécanisme de la surcompensation : la CNRACL se trouve dans une situation financière difficile, dont témoigne la reconduction dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 d'un plafond d'avances de trésorerie de 2,5 milliards de francs, alors même que le résultat technique du régime est excédentaire de 17 milliards de francs par an.


Le tableau suivant détaille les prélèvements opérés sur la CNRACL au titre de la compensation généralisée depuis 1974 et au titre de la surcompensation depuis 1985 . Les prélèvements cumulés s'élèvent à 127 milliards de francs de 1974 à 1999 au titre de la compensation généralisée et à 102 milliards de francs de 1985 à 1999 au titre de la surcompensation !

Versements de la CNRACL au titre de la compensation généralisée
et de la compensation entre régime spéciaux
Prévisions CCSS du 22/9/1998

(en millions de francs)

 

Compensation généralisée

Surcompensation

TOTAL

 

Acomptes

Régul.

Définitif

Sur l'année

Acomptes

Régul.

Définitif

Sur l'année

Acomptes

Régul.

Définitif

Sur l'année

1974

234

- 4

230

234

 
 
 
 

234

- 4

230

234

1975

200

197

397

196

 
 
 
 

200

197

397

196

1976

257

271

528

454

 
 
 
 

257

271

528

454

1977

556

184

740

827

 
 
 
 

556

184

740

827

1978

866

241

1.107

1.050

 
 
 
 

866

241

1.107

1.050

1979

1.266

163

1.429

1.507

 
 
 
 

1.266

163

1.429

1.507

1980

1.868

- 163

1.705

2.031

 
 
 
 

1.868

- 163

1.705

2.031

1981

2.168

- 76

2.092

2.005

 
 
 
 

2.168

- 76

2.092

2.005

1982

2.597

446

3.043

2.521

 
 
 
 

2.597

446

3.043

2.521

1983

3.050

217

3.267

3.496

 
 
 
 

3.050

217

3.267

3.496

1984

4.176

- 312

3.864

4.393

 
 
 
 

4.176

- 312

3.864

4.393

1985

4.541

- 331

4.210

4.229

3.563

173

3.736

3.563

8.104

- 158

7.946

7.792

1986

4.738

- 39

4.699

4.407

3.960

99

4.059

4.133

8.698

60

8.758

8.540

1987

5.080

- 185

4.895

5.041

3.983

- 14

3.970

4.082

9.063

- 199

8.865

9.123

1988

5.455

- 139

5.316

5.270

4.251

- 19

4.232

4.238

9.706

- 158

9.548

9.508

1989

5.690

- 5

5.685

5.551

4.119

416

4.535

4.100

9.809

411

10.220

9.651

1990

5.969

- 26

5.943

5.964

4.615

85

4.700

5.031

10.584

59

10.643

10.995

1991

6.341

218

6.559

6.315

4.751

33

4.784

4.836

11.092

251

11.343

11.151

1992

6.752

349

7.101

6.970

6.635

201

6.836

6.668

13.387

550

13.937

13.638

1993

7.570

498

8.068

7.919

8.613

340

8.953

8.814

16.183

838

17.021

16.733

1994

8.453

469

8.922

8.951

8.876

323

9.199

9.216

17.329

792

18.121

18.167

1995

9.217

121

9.338

9.686

9.440

- 33

9.407

9.763

18.657

88

18.745

19.449

1996

9.934

- 491

9.443

10.055

8.974

508

9.482

8.941

18.908

16

18.924

18.996

1997

10.055

- 424

9.631

10.055

8.966

524

9.490

8.966

19.021

100

19.121

19.021

1998*

9.798

- 5

9.793

9.307

9.117

455

9.572

9.625

18.915

450

19.635

18.931

1999*

9.851

0

9.851

9.427

9.070

557

9.627

9.594

18.921

557

19.478

19.021

 
 
 

127.857

127.862

 
 

102.581

101.569

 
 

230.438

229.430

* : prévisionnel

Remarque : aucune régularisation n'est intervenue en 1997. Les régularisations 1996 sont versées en 1998. Il est prévu de verser les régularisations 1997 en 1999.


La situation des autres régimes spéciaux de retraite reste difficile à appréhender. Il est en effet particulièrement malaisé de connaître la situation réelle de la plupart des régimes spéciaux dont le financement est assuré par des cotisations fictives d'employeur 4( * ) et/ou par une subvention d'équilibre : leur solde est par définition toujours nul et ne reflète en aucun cas l'état financier exact du régime.

Votre rapporteur suggère à cet égard que l'on établisse, pour chacun des régimes, un document annuel détaillé retraçant la totalité des dépenses, les sources de leur financement et qui fasse apparaître un solde technique de ces régimes avant subvention d'équilibre ou cotisations fictives.

Faute d'autres indicateurs, l'évaluation des taux de cotisation des principaux régimes spéciaux de retraite révèle des contributions de l'employeur bien supérieures aux cotisations employeurs du secteur privé.

Taux de cotisation des principaux régimes de retraite en 1995

(IEG pensions : régime de retraite EDF-GDF)

Source : AGIRC, Point cadres n° 187, mars 1996

S'agissant du régime des pensions civiles et militaires de l'Etat, le taux de cotisation implicite, calculé à partir d'un compte fictif équilibré intégrant à la fois les charges de pensions et celles résultant des mécanismes de compensation, est passé de 45,28 % en 1995 à 47,62 % en 1998.

On mesure ainsi l'effort consenti par l'Etat employeur pour assurer le paiement des pensions des fonctionnaires retraités. Cette dépense représente une charge croissante pour le budget de l'Etat, donc pour les contribuables, susceptible à terme, à elle seule, de remettre en cause le redressement des finances publiques.

Rapport cotisants/retraités

Années
(effectifs au 1 er juillet)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Variation entre
1990 et 1996

Régimes de salariés

 
 
 
 
 
 
 
 

Régime général

1,88

1,79

1,77

1,67

1,64

1,60

1,56

- 16,57 %

Salariés agricoles

0,36

0,35

0,34

0,33

0,30

0,30

0,30

- 15,74 %

Régimes spéciaux

 
 
 
 
 
 
 
 

Fonctionnaires civils et militaires

1,70

1,67

1,72

1,68

1,53

1,52

1,50

- 11,60 %

FSPOEIE

0,88

0,85

0,83

0,80

0,74

0,72

0,70

- 19,99 %

CNRACL

3,75

3,62

3,47

3,37

3,06

2,97

2,89

- 22,95 %

Mines

0,11

0,10

0,09

0,08

0,08

0,07

0,07

- 37,31 %

SNCF

0,59

0,58

0,58

0,57

0,53

0,53

0,52

- 10,47 %

RATP

0,98

0,97

0,97

0,95

0,90

0,91

0,91

- 6,69 %

ENIM

0,59

0,54

0,49

0,45

0,37

0,35

0,32

- 45,73 %

EDF-GDF

1,26

1,22

1,17

1,16

1,12

1,11

1,09

- 13,42 %

CRPCEN

1,25

1,17

1,08

0,97

0,91

0,90

0,87

- 30,63 %

Banque de France

1,31

1,31

1,30

1,25

1,15

1,17

1,17

- 10,09 %

Autres régimes

 
 
 
 
 
 
 
 

Régimes des non salariés

 
 
 
 
 
 
 
 

Exploitants agricoles

0,59

0,54

0,49

0,44

0,41

0,39

0,37

- 37,48 %

CANCAVA

0,78

0,75

0,72

0,56

0,69

0,69

0,67

- 13,90 %

ORGANIC

0,94

0,89

0,83

0,98

0,75

0,74

0,72

- 22,68 %

CNAVPL

3,20

3,11

3,06

2,99

2,94

2,88

2,80

- 12,53 %

CAMAVIC

0,44

0,41

0,39

0,36

0,34

0,33

0,32

- 27,21 %

Source : Direction de la sécurité social

La situation financière des différents régimes d'assurance vieillesse apparaît donc relativement contrastée. Seul le régime général reste durablement déficitaire.

Le calcul du rapport cotisants/retraités des différents régimes révèle en revanche une évolution démographique convergente : de 1990 à 1996, tous les régimes connaissent une rapide dégradation de leur équilibre démographique . A plus ou moins long terme, tous seront confrontés aux mêmes déséquilibres et, par conséquent, aux mêmes difficultés financières.

B. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NE PARVIENT PAS À RAMENER À L'ÉQUILIBRE LA BRANCHE VIEILLESSE DU RÉGIME GÉNÉRAL

Avant les mesures prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le déficit tendanciel de la branche vieillesse du régime général devrait atteindre 5,98 milliards de francs.

Les mesures prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 affectent à la fois les recettes et les dépenses du régime général.

Les dépenses sont accrues de 1,81 milliard de francs en raison du taux de revalorisation des pensions choisi par le Gouvernement pour 1999 : + 1,2 %, soit 0,5 % de plus que ce qu'exigeait le maintien de l'indexation sur les prix.

Le nouveau déficit s'établirait, sans recettes nouvelles, à 7,79 milliards de francs.

Le projet de loi prévoit cependant 3,86 milliards de francs de recettes nouvelles :


- 3,8 milliards de francs au titre d'un versement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- 40 millions de francs résultant de la modification de l'exonération de cotisations sociales patronales pour l'embauche d'un premier salarié (article 4 du projet de loi) ;

- 20 millions de francs au titre des mesures de consolidation des assiettes sociales (article 5).

Hors variation des produits et frais financiers, le déficit devrait s'établir à 3,93 milliards de francs. Après variation des produits et frais financiers, le déficit s'élèverait en définitive à 3,87 milliards de francs.

1. La réduction du déficit du régime général : le résultat d'un versement exceptionnel du Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Pour réduire de moitié le déficit tendanciel du régime général et financer le " coup de pouce " de 0,5 % accordé sur les pensions de retraite, le Gouvernement a choisi de faire verser par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) une contribution de 3,8 milliards de francs.

Ce versement à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) comporte deux composantes :

- la prise en charge par le FSV, en application de l'article 3 du projet de loi, d'une somme de 2,9 milliards de francs au titre de la prise en charge des validations pour la retraite, dans les départements d'outre-mer en 1994, 1995 et 1996, des périodes pendant lesquelles les assurés au chômage ont bénéficié des prestations versées par l'assurance chômage ;

- la prise en charge par le FSV, à hauteur de 900 millions de francs, de la validation de nouveaux avantages non contributifs aujourd'hui assumés par la CNAVTS. Il s'agirait d'une augmentation des effectifs de chômeurs non indemnisés utilisés pour le calcul du versement correspondant du FSV. Cette augmentation sera effectuée par voie réglementaire

La prise en charge des périodes des chômeurs résidant dans les DOM apparaît comme une opération de régularisation et d'apurement du passé. L'exposé des motifs du projet de loi rappelle que " la prise en charge financière de la validation pour la retraite des périodes non travaillées des chômeurs inscrits à l'ASSEDIC est assurée par le FSV ".

Il précise en outre que " les données utilisées au départ ne tenant pas compte des chômeurs dans les DOM, le FSV n'a pas effectué de versement à ce titre jusqu'en 1997. Depuis lors, les données UNEDIC intégrant les DOM, les chômeurs des DOM ont été pris en compte dans les règlements du FSV. "

Le Gouvernement a donc fait le choix de présenter ce versement du FSV à la CNAVTS comme un apurement à caractère essentiellement technique visant " à régler sur des bases juridiques incontestées les sommes dues par le FSV au titre des chômeurs de ces départements par un versement forfaitaire ".

Sans remettre en cause le montant arrêté de 2,9 milliards de francs, on remarquera que cette évaluation repose sur des estimations effectuées ex post qui comprennent inévitablement une part d'arbitraire .

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Le Fonds de solidarité vieillesse, créé par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993, relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, a pour mission de prendre en charge les avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale.

A l'origine, la liste des avantages ainsi pris en charge comprenait l'ensemble des prestations composant le minimum vieillesse et, pour le régime général et les régimes alignés (c'est-à-dire ceux des artisans, des commerçants et des salariés agricoles), les majorations des pensions pour enfant ou conjoint à charge, ainsi que la validation gratuite des périodes de service national, de préretraite totale et de chômage indemnisé.

Le périmètre d'intervention du Fonds a ensuite été élargi aux avantages suivants :

- réductions de durée d'assurance accordée aux anciens combattants d'Afrique du Nord (AFN) (loi n° 95-5 du 3 janvier 1995) ;

- validation des périodes de perception de l'allocation de préparation à la retraite propre aux anciens combattants d'AFN (loi de finances pour 1995 n° 94-1162 du 29 décembre 1994) ;

- majorations pour enfant accordées par le régime des exploitants agricoles (loi de finances pour 1996 n° 95-1396 du 30 décembre 1995) ;

- validation des périodes de chômage non indemnisé et de convention de conversion (loi n° 95-116 du 4 février 1995).

Par ailleurs, les conditions de prise en charge du coût des validations de périodes non cotisées ont été améliorées par l'augmentation de 60 % à 90 % du SMIC de l'assiette forfaitaire utilisée.

On notera également qu'un arrêté devrait très prochainement augmenter la proportion des chômeurs non indemnisés prise en compte pour valider les périodes correspondantes, proportion qui est actuellement limitée à 23,5 % des effectifs. Le coût de cette mesure est estimée à 900 millions de francs par l'annexe f du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les recettes du FSV sont principalement constituées par le produit de 1,3 point de CSG. Le fonds perçoit également l'intégralité des droits sur les boissons alcoolisées ou non alcoolisées prévus par les articles 402 bis, 438, 406 A et 520 A du code général des impôts, une fraction des droits de consommation sur les alcools prévus par l'article 403 du code général des impôts ainsi que le produit de la taxe sur les contributions des employeurs aux prestations de prévoyance complémentaire instituée par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, taxe dont la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a porté le taux de 6 % à 8 %.

On remarquera en outre que cette opération de régularisation vient, d'une part, bien tard, d'autre part, fort à propos pour le Gouvernement qui trouve là un artifice bienvenu pour réduire de manière spectaculaire le déficit de la branche vieillesse en 1999.

Ce versement forfaitaire constitue une recette non renouvelable et un expédient qui présente le caractère d'un pistolet à un coup, et non un moyen de financement durable.

2. La revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite en 1999 : une mesure généreuse et coûteuse

La loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale a modifié les modalités de revalorisation des pensions et des salaires portés au compte individuel. Dans le régime général et les régimes alignés (artisans, commerçants, professions industrielles, salariés agricoles) ainsi que pour les exploitants agricoles, les pensions ont été indexées sur les prix pour les exercices allant de 1994 à 1998 inclus et revalorisées le 1 er janvier de chaque année.

Il ne s'agissait cependant pas d'une mesure totalement nouvelle, puisque cette indexation était, en pratique, appliquée depuis 1987.

Le dispositif de revalorisation instituée par la loi de 1993 se composait de trois éléments :

- une revalorisation annuelle fixée en fonction d'un indice d'évolution prévisionnelle des prix (hors tabac) ;

- un ajustement permettant de corriger un éventuel écart entre le taux prévisionnel et le taux réel d'évolution annuelle des prix (hors tabac) (ajustement " en niveau "). Cet ajustement peut être positif ou négatif ;

- une compensation positive ou négative pour les assurés titulaires, à la date de la revalorisation, d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité, correspondant à l'écart ainsi constaté au titre de l'année précédente (ajustement " en masse ").

Il était également prévu de procéder à un ajustement au 1 er janvier 1996 afin de faire bénéficier les titulaires de pensions de vieillesse ou d'invalidité des progrès de productivité, ce qui a en fait été anticipé au 1 er juillet 1995.

Au 1 er janvier 1998, la revalorisation a ainsi été de 1,1 %. Ce taux comprenait une revalorisation provisionnelle de 1,3 % au titre de 1998 et un rattrapage négatif de 0,2 % au titre de 1997, compte tenu de l'évolution des prix semblant se dessiner (1,1 % au lieu de 1,3 % initialement prévu).

Or ce dispositif d'indexation mis en place par la loi du 22 juillet 1993 était provisoire : l'article 5 de la loi mentionne en effet que ces dispositions sont applicables pendant cinq ans à compter du 1 er janvier 1994.

Les dispositions de la loi de 1993 venant à échéance au 31 décembre 1998, il était nécessaire de définir les modalités de revalorisation pour 1999 et les années suivantes.

Historique des revalorisations des pensions depuis 1990 : régime général, ARRCO, AGIRC, minimum vieillesse

 

Revalorisation des pensions du régime général (taux)

Revalorisation des pensions du régime général en moyenne annuelle


Minimum vieillesse



Prix hors tabac

Evolution de la valeur du point Arrco en moyenne annuelle

Evolution du point Agirc en moyenne annuelle

1990

au 1/01 : 2,15 %

3,35 %

2,15 %

3,4 % (1)

4,11 %

3,0 %

 

au 1/07 : 1,3 %

 

1,3 %

 
 
 

1991

au 1/01 : 1,7 %

2,85 %

1,7 %

3,2 % (1)

3,72 %

4,10 %

 

au 1/07 : 0,8 %

 

0,8 %

 
 
 

1992

au 1/01 : 1 %

2,3 %

1,0 %

2,2 %

3,49 %

2,90 %

 

au 1/07 : 1,8 %

 

1,8 %

 
 
 

1993

au 1/01 : 1,3 %

2,33 %

1,3 %

1,8 %

2,14 %

2,70 %

1994

au 1/01 : 2 %

1,94 %

2,0 %

1,4 %

0,52 %

0,0 %

1995

au 1/01 : 1,2 %

1,48 %

1,2 %

1,7 %

0,8 %

0,0 %

 

au 1/07 : 0,5 %

 

2,8 %

 
 
 

1996

au 1/01 : 2 %

2,23 %

2,1 %

1,9 %

1,76 %

1,50 %

1997

au 1/01 : 1,2 %

1,27 %

1,2 %

1,1 %

0,6 %

0,50 %

1998

au 1/01 : 1,1 %

1,11 %

1,1 %

1,3 % (P)

1,1 %

0,0 %

(1) Prix tabac compris

(P) Prévisions. Les nouvelles prévisions pour 1998 font état d'un taux d'évolution de 0,8 % (source : rapport de la commission des comptes de septembre 1998).


Deux options fondamentales s'offraient dès lors au Gouvernement :

- le maintien du système aujourd'hui en vigueur, c'est-à-dire pour l'essentiel une indexation fondée sur l'évolution des prix ;

- le choix d'une indexation sur l'évolution des salaires à laquelle l'actuelle majorité s'était déclarée favorable lors de la campagne électorale précédant les élections législatives de mai 1997.

Le Gouvernement n'a pas véritablement tranché entre ces deux options fondamentales.

La nouvelle rédaction de l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale résultant de l'article 29 du projet de loi ne porte que sur l'année 1999. Ce nouveau dispositif d'indexation est provisoire, " dans l'attente du diagnostic que doit établir le Commissaire général du Plan en concertation avec les partenaires sociaux et portant sur la situation de l'ensemble des régimes de retraite " , indique l'exposé des motifs de l'article 29 du projet de loi.

Le Gouvernement a donc repoussé à une décision ultérieure la définition d'un système d'indexation des pensions applicable pour les prochaines années.

Il a fait le choix de revaloriser au 1 er janvier 1999 les pensions conformément au taux prévisionnel d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, soit 1,2 %.

Cette revalorisation est donc bien supérieure à ce qu'aurait exigé la simple reconduction du mécanisme d'indexation des pensions instaurée par la loi du 22 juillet 1993. En effet, l'application de ce mécanisme aurait conduit à procéder à un rattrapage négatif pour compenser l'écart entre le taux de l'inflation prévisionnelle qui a servi de base à la revalorisation au 1 er janvier 1998 (1,3 %) et l'inflation qui devrait être effectivement constatée pour 1998 (0,8 %).

Ce choix du Gouvernement assure dès lors automatiquement un gain du pouvoir d'achat de 0,5 % à l'ensemble des retraités au titre de l'année 1998.

Pour l'année 1999, les éventuels gains ou pertes de pouvoirs d'achat dépendront du taux d'inflation effectif constaté à la fin de l'année. Il est cependant probable que l'année 1999 se traduira par un nouveau gain de pouvoir d'achat pour les retraités, le taux d'inflation prévisionnel affiché par le Gouvernement (1,2 %) étant particulièrement élevé 5( * ) . Ce gain de pouvoir d'achat sera lui aussi acquis définitivement, le nouveau dispositif de revalorisation proposé par le Gouvernement ne prévoyant pas de possibilité de rattrapage négatif.

Le coût du " coup de pouce " accordé en 1999 s'avère particulièrement élevé. Il est évalué par l'annexe C du projet de loi à 1,81 milliard de francs pour la seule branche vieillesse du régime général.

Il se traduit également, pour le FSV, par un alourdissement des dépenses de majoration de pension de 92 millions de francs et, le Gouvernement ayant annoncé qu'une mesure similaire serait prise en faveur du minimum vieillesse, de 88 millions de francs pour les allocations aux personnes âgées, soit un total de 180 millions de francs de dépenses supplémentaires pour le FSV.

Cette revalorisation de 0,5 % supérieure à ce qui aurait résulté au 1 er janvier 1999 de l'application de la loi du 22 juillet 1993 affecte également les régimes dont les pensions sont, en droit ou en fait, revalorisées dans les mêmes conditions que celles du régime général.

Le surcoût induit par la revalorisation de 1,2 % est de 45 millions de francs pour le régime des mines, de 70 millions de francs pour l'ORGANIC, de 50 millions de francs pour la CANCAVA et de 10 millions de francs pour la CNAVPL.

L'accroissement du besoin de financement de l'ORGANIC et de la CANCAVA réduira d'autant l'excédent du compte de C3S disponible pour alimenter le fonds de réserve.

Le coût pour le régime général -toutes branches confondues- est en outre plus élevé dans la mesure où la revalorisation des pensions entraîne -mécaniquement- la revalorisation d'un certain nombre d'autres prestations dont l'évolution est alignée sur celle des pensions (rentes d'accidents du travail, pensions d'invalidité). Le surcoût de cette revalorisation est par conséquent estimé à 120 millions de francs pour la branche maladie et 150 millions de francs pour la branche accidents du travail. Le coût total du " coup de pouce " de 0,5 % est donc évalué à 2,080 milliards de francs pour le régime général -toutes branches confondues.

Coûteuse en 1999, la mesure de revalorisation décidée par le Gouvernement le sera également les années suivantes. Par un effet de base habituel, la charge du régime général des années à venir se trouve mécaniquement alourdie de plus de 2 milliards de francs.

Le Gouvernement a fait le choix de privilégier les retraités : votre rapporteur en prend acte.

Votre rapporteur souligne cependant que si les pensions de retraite sont revalorisées de 1,2 % en 1999, les prestations familiales ne le seront quant à elles que de 0,71 %.

En effet, le Gouvernement a choisi, pour la deuxième année consécutive, d'opérer sur l'évolution de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), qui conditionne la progression de la plupart des prestations familiales, le rattrapage négatif de 0,5 % qu'il s'est refusé à appliquer aux pensions de retraite.

Les retraités conserveront donc le gain de pouvoir d'achat acquis au titre de 1998, par les familles. Cette décision paraît d'autant plus surprenante que la branche vieillesse sera déficitaire de 4 milliards de francs en 1999 tandis que la branche famille sera, elle, excédentaire. Le Gouvernement donne un petit coup de pouce aux retraites et accroît encore les dépenses d'une branche déficitaire ; parallèlement, il refuse tout effort supplémentaire en faveur des familles alors que la branche famille enregistre un excédent important.

C. LE GOUVERNEMENT N'APPORTE PAS DE VÉRITABLE RÉPONSE AUX PROBLÈMES IMMÉDIATS

1. Une réforme modeste et insuffisante de l'assurance veuvage

Le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale un article additionnel 29 bis modifiant de manière assez substantielle le régime de l'assurance veuvage. Cet article résulte d'un amendement de séance déposé par le Gouvernement et que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales n'a pas pu examiner.

L'assurance veuvage garantit au conjoint d'un assuré relevant du régime général ou du régime des salariés agricoles, âgé de moins de 55 ans, et ayant élevé ou ayant à sa charge au moins un enfant, une allocation veuvage dégressive dans le temps, dès lors que ses ressources sont inférieures ou égales à un plafond, fixé au niveau très bas de 3.883 francs par mois, allocation comprise.

Lorsque la somme des ressources personnelles et de l'allocation dépasse le plafond, cette dernière est réduite à due concurrence. En conséquence, le bénéfice de l'allocation au taux plein est réservé, la première année, aux personnes dont les ressources personnelles sont inférieures ou égales à 776 francs par mois. La durée d'attribution est limitée aux trois années suivant le décès du conjoint, cette durée étant portée à cinq ans si le bénéficiaire était âgé d'au moins 50 ans au moment du décès.

Le montant mensuel maximal de l'allocation est fixé à 3.107 francs par mois la première année, 2.041 francs par mois la deuxième année et 1.537 francs par mois la troisième année et, le cas échéant, les deux années suivantes.

L'allocation veuvage devient ainsi inférieure au RMI dès la deuxième année, alors qu'elle est une prestation de sécurité sociale -et non d'assistance- financée par une cotisation spécifique à la charge du salarié dont le taux est fixé à 0,1 % du salaire déplafonné.

La réforme proposée par le Gouvernement consiste à remplacer cette allocation dégressive par une allocation unique
. L'allocation veuvage serait désormais versée pendant deux années seulement, mais au taux de la première année, soit 3.107 francs par mois. Pour les veuves et les veufs âgés de 50 à 55 ans lors du décès de leur conjoint, l'allocation veuvage pourrait être maintenue à ce taux pendant trois années supplémentaires, soit pendant une durée totale de cinq ans.

Votre rapporteur ne peut tout d'abord que déplorer la méthode employée par le Gouvernement. Il n'apparaît pas très respectueux des droits du Parlement de déposer au dernier moment un amendement de cette importance, que la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale n'a donc pas pu examiner.

Il fait en outre observer que le problème de l'assurance veuvage est ancien : le Gouvernement peut difficilement feindre de n'avoir pris conscience que ces derniers jours de son acuité, ce qui expliquerait le dépôt très tardif de cet amendement.

Votre commission a déjà souligné, à de nombreuses reprises, l'impérieuse nécessité d'améliorer la condition des veuves et des veufs.

L'assurance veuvage n'a en effet guère évolué depuis sa création en 1980 ; elle ne semble pas aujourd'hui en mesure de remplir la mission qui lui avait été assignée : donner au conjoint survivant n'exerçant pas d'activité professionnelle des moyens de subsistance en attendant qu'il puisse se réinsérer dans la vie professionnelle.

Le groupe d'études sénatorial des problèmes du veuvage, que préside M. Jacques Machet et qui est rattaché à votre commission, a ainsi souvent attiré l'attention du Gouvernement sur la situation de l'assurance veuvage. De même, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, votre rapporteur était revenu sur cette question dans son rapport écrit et dans son intervention dans la discussion générale.

Pour améliorer le sort des veuves et des veufs, des moyens financiers sont disponibles. Le Fonds national de l'assurance veuvage, qui retrace en recettes les cotisations d'assurance veuvage et en dépenses les prestations d'assurance veuvage, est structurellement excédentaire depuis sa création, en 1980.

Fonds national de l'assurance veuvage

(en millions de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Recettes (cotisations)

1.738

2.028

1.941

1.924

1.992

2.020

2.321

2.153

Dépenses (prestations)

435

435

439

449

465

462

506

550

Solde

+ 1.303

+ 1.593

+ 1.502

+ 1.475

+ 1.527

+ 1.558

+ 1.815

+ 1.603

Sur la période 1990-1997, les dépenses au titre des prestations veuvage n'ont représenté en moyenne que 23 % des recettes et le total des excédents cumulés s'élève à 12,4 milliards de francs.

Ces excédents répétés viennent minorer les déficits du régime général d'assurance vieillesse. La loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 a d'ailleurs entériné la pratique du transfert des excédents de l'assurance veuvage vers l'assurance vieillesse en créant une branche unique vieillesse-veuvage.

Pourtant, le deuxième alinéa de l'article L. 251-6 du code de la sécurité sociale prévoit que " les excédents du fonds national d'assurance veuvage constatés à l'issue de chaque exercice sont affectés en priorité à la couverture sociale du risque de veuvage ". Cette disposition n'a jamais eu de réelle portée pratique.

Votre commission a par conséquent souligné depuis longtemps la nécessité de revaloriser de manière significative les différents montants de l'allocation veuvage, de sorte que même l'allocation servie pendant la troisième année soit supérieure au RMI. Il conviendrait parallèlement de relever dans des proportions au moins équivalentes le plafond de ressources applicable.

La réforme que le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale s'inscrit dans la ligne des propositions de Mme Join-Lambert dans son rapport relatif aux minima sociaux remis à la ministre de l'emploi et de la solidarité en février 1998.

Elle constitue cependant un progrès très relatif. Elle améliore certes la situation de la deuxième année, ce qui permettra aux personnes concernées de percevoir 1.066 francs supplémentaires par mois pendant cette année-là. Pour les personnes âgées de moins de 50 ans, elle supprime en revanche toute prestation pour la troisième année : les personnes concernées basculeront désormais sur le RMI dès la fin de la deuxième année.

Au total, l'effort financier accompli par le Gouvernement est modeste : la réforme proposée se traduira par une dépense supplémentaire de 70 millions de francs en 1999 et constitue davantage un redéploiement de crédits qu'un réel effort financier en faveur des veuves et des veufs. La mesure proposée n'affectera pas sensiblement l'excédent du Fonds national de l'assurance veuvage.

Votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait pas souhaité mener une réforme plus ambitieuse et plus généreuse de l'assurance veuvage. Elle ne manquera pas de souligner que l'effort accompli paraît bien dérisoire par rapport aux besoins des personnes atteintes par le drame du veuvage et aux excédents structurels du Fonds national de l'assurance veuvage.

Votre rapporteur juge en outre particulièrement déplaisant que le Gouvernement ait cru bon de profiter de cet article additionnel pour introduire une disposition revenant sur une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la majoration pour enfants applicable aux pensions de vieillesse du régime général ne doit pas être prise en compte pour l'application de la limite de cumul entre pension directe et pension de réversion.

2. Une réforme hâtive et inachevée de l'aide à domicile

L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale prévoit que les rémunérations des aides à domicile employées par les associations agréées par l'Etat 6( * ) , les organismes habilités au titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale bénéficient d'une exonération de 30 % des cotisations sociales patronales.

L'article 3 ter du projet de loi, qui résulte d'un amendement présenté par la commission des finances de l'Assemblée nationale, relève de 30 % à 100 % le taux de cette exonération de charges sociales patronales, accordant ainsi aux associations prestataires de services aux personnes et organismes habilités une exonération totale de charges sociales patronales.

Conscient des difficultés que rencontrent aujourd'hui les associations d'aide à domicile, votre rapporteur accueille très favorablement cet article. Il avait d'ailleurs interrogé la ministre de l'emploi et de la solidarité sur ce point le 15 octobre dernier, lors des questions d'actualité au Gouvernement.

Le Sénat avait en outre voté le passage de 30 % à 60 % du taux d'exonération de charges sociales dont ces associations bénéficient lors de l'examen par notre Haute assemblée du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Cette disposition n'avait cependant finalement pas été retenue par l'Assemblée nationale.

En revanche, votre rapporteur ne peut accepter le plafonnement drastique, institué par l'article 3 bis , de l'exonération de cotisations sociales dont peuvent bénéficier, pour la rémunération d'une aide à domicile, les personnes âgées de plus de 70 ans.

Cette exonération ne serait désormais accordée que dans la limite d'un plafond fixé à 180 fois la valeur du SMIC horaire. L'exonération de cotisations sociales patronales ne porterait donc plus désormais que sur l'équivalent de 180 heures payées au SMIC par trimestre, soit 14 à 15 heures par semaine.

Cette disposition résulte d'un amendement de séance déposé par le Gouvernement le jour même de son examen et qui n'a donc pas pu être examiné par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale.

Il eût été éminemment préférable qu'un texte de cette importance, traitant d'un sujet aussi complexe, fasse l'objet d'une étude plus approfondie.

Soucieux de rétablir l'équité entre l'emploi direct, dit de gré à gré, et le recours à des associations prestataires de services, votre rapporteur est favorable à une exonération totale des cotisations sociales pour les associations. Il ne peut cependant accepter que l'on réduise parallèlement les avantages accordés à l'emploi direct.

Une telle mesure reviendrait à tomber d'un excès dans l'autre. Les associations souffraient antérieurement de la concurrence du gré à gré, dont le coût s'avérait plus compétitif pour les employeurs. Il ne faudrait pas, pour autant, qu'elles soient aujourd'hui dans une position qui les avantagerait sensiblement par rapport au gré à gré.

La mesure proposée par le Gouvernement revient à passer, pour les associations, d'une situation de discrimination négative à une situation de discrimination positive.

Votre commission partage à cet égard les conclusions du rapport " Hespel-Thierry ", dont la ministre de l'emploi et de la solidarité prétend pourtant s'être inspirée, selon lesquelles il convient de " préserver la liberté de choix des employeurs entre le gré à gré et les prestataires, sauf en cas de dépendance extrême " 7( * ) .

Dans leur rapport de mission sur les services d'aide aux personnes, Mme Hespel et M. Thierry proposent de " substituer à la réduction fiscale une exonération uniforme des charges patronales afférentes aux emplois à domicile, prises en charge par l'Etat. "

Cette prise en charge serait accordée à l'ensemble des emplois ouvrant droit actuellement à la réduction fiscale pour emplois familiaux, qu'ils soient le fait d'employeurs de gré à gré ou d'employeurs prestataires, associations ou entreprises.

L'exonération porterait sur 100 % des cotisations patronales exigibles tant par le régime général que par les régimes de retraite complémentaire, l'UNEDIC et les organismes de formation continue, dans la limite des taux actuellement applicables aux employés relevant de la convention des employés de maison et dans la limite du SMIC.

Cette hypothèse conduit le rapport " Hespel-Thierry " à préconiser :

- d'élargir le champ des exonérations consenties aux employeurs de plus de 70 ans ou assimilés, recourant au gré à gré (extension aux cotisations FNAL, IRCEM, UNEDIC et formation continue) ;

- d'augmenter le taux et le champ des exonérations consenties aux employeurs prestataires (taux passant de 30 à 100 %, extension aux cotisations UNEDIC, régime de retraite complémentaire et formation continue) ;

- d'augmenter le niveau et le champ des exonérations consenties aux associations intermédiaires, lorsqu'elles interviennent dans le champ des services à domicile.

On peut ainsi constater que la réforme proposée par le Gouvernement prend, pour les personnes âgées de plus de 70 ans, l'exact contre-pied des recommandations du rapport " Hespel-Thierry " dont la ministre de l'emploi et de la solidarité a prétendu à plusieurs reprises vouloir s'inspirer.

On ajoutera enfin que cette réforme comporte un risque de développement du travail clandestin qu'on ne saurait sous-estimer.

La seule véritable justification de ce plafonnement, dont on ignore par ailleurs pour quelles raisons il a été fixé à 180 heures par trimestre, est financière.

La ministre de l'emploi et de la solidarité a ainsi expliqué que l'objectif était de gager partiellement le coût de l'adoption de l'article 3 ter (670 millions par francs) par une économie de 420 millions de francs réalisée en plafonnant l'exonération accordée aux personnes de plus de 70 ans.

Elle a précisé qu'elle donnerait un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ter dès lors que l'article 3 bis aurait été adopté, " puisqu'ils sont financés en partie l'un par l'autre ".

Les autres dispositions de cet article fixent les conditions -contrats à durée indéterminée, exonération sur une fraction des rémunérations, modalités de contrôle de ces exonérations- auxquelles sera soumise l'exonération totale de cotisations sociales dont bénéficieraient les associations. Elles mettent en place un système complexe reposant sur des procédures lourdes. Il est très difficile d'en mesurer aujourd'hui, dans un délai aussi bref, la portée et les conséquences.

Votre rapporteur ne peut que déplorer une nouvelle fois la précipitation avec laquelle le Gouvernement souhaite faire adopter par le Parlement cette réforme de l'aide à domicile. Cette précipitation prive le législateur du délai nécessaire à un examen attentif et à une évaluation approfondie, au travers notamment d'une concertation avec les différentes parties intéressées, du dispositif proposé.

A l'évidence, la réforme de l'aide à domicile proposée par le Gouvernement présente un caractère pour le moins inachevé.

*

Il apparaît ainsi que l'équilibre de la branche vieillesse du régime général n'est pas assuré en 1999. Le déficit n'est réduit de moitié que par un expédient non renouvelable.

Parallèlement, le Gouvernement décide une revalorisation de 1,2 % des pensions de retraite, mesure qui s'avérera coûteuse en 1999 et dont les répercussions financières se feront également sentir les années suivantes.


L'annexe C du projet de loi intègre l'impact des mesures contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et prévoit le solde de la branche vieillesse du régime général (CNAVTS) pour les prochaines années. Le régime général devrait être encore déficitaire de 4,8 milliards de francs en 2000 et de 2,3 milliards en 2001, malgré des hypothèses macro-économiques optimistes.

Le déficit de la branche vieillesse du régime général présente à l'évidence un caractère quasi structurel. La persistance de ces déficits est d'autant plus préoccupante que la branche vieillesse bénéficie aujourd'hui d'une situation démographique exceptionnellement favorable, résultant de l'arrivée à l'âge de la retraite des classes creuses d'avant-guerre.

Ces déficits répétés et permanents amènent à s'interroger sur la signification que peut dès lors revêtir la constitution concomitante de " réserves " pour les retraites. Il y a en effet quelque chose de paradoxal à tenter de constituer des réserves pour l'avenir alors que les déficits accumulés alourdissent la dette qui pèse sur les générations futures.

II. L'AVENIR DES RÉGIMES DE RETRAITE : EN ATTENDANT CHARPIN...8( * )

A. LE GOUVERNEMENT SUBORDONNE TOUTE RÉFORME D'AMPLEUR À LA PUBLICATION DU NOUVEAU DIAGNOSTIC SUR LES RETRAITES

1. La mission de diagnostic sur les retraites confiée au Commissariat général du Plan

Par lettre en date du 29 mai 1998, le Premier ministre a chargé M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, d'établir un diagnostic sur l'ensemble des régimes de retraite. Ce diagnostic devra être " aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes. "

Après avoir indiqué que le Gouvernement entendait adopter " une démarche transparente et ouverte ", la lettre du Premier ministre précise que ce diagnostic devra porter sur le régime général, les régimes spéciaux, les régimes des professions non salariées et les régimes complémentaires, ainsi que sur les transferts de compensation entre régimes.

Le Commissariat général devra actualiser et compléter les projections disponibles sur la situation financière des différents régimes de retraite. Il sera également chargé de réunir des informations sur les systèmes de retraites de nos principaux partenaires et sur les politiques mises en oeuvre pour assurer leur équilibre à moyen et long terme.

La lettre de mission du Premier ministre ajoute qu'il " est essentiel de rechercher l'équité entre retraités, compte tenu du statut auquel ils étaient soumis en tant qu'actifs. Aussi les projections financières doivent-elles être complétées par une analyse des dispositions respectives des différents régimes. Cette analyse devra tenir compte des contributions versées par l'assuré et éventuellement par son employeur, de son revenu d'activité, et des spécificités liées à son statut. Il sera également utile de fournir des éléments d'appréciation sur l'évolution du niveau de vie des retraités. "

Le Commissariat général du Plan est également chargé de réunir une commission de concertation qui examinera les travaux de projection et d'analyse, pourra commander des variantes et " offrir à chacun des participants la possibilité d'exprimer son appréciation sur les éléments présentés ". Les conclusions de cette commission de concertation devront être remises au Premier ministre avant le 31 mars 1999.

La commission de concertation comprend des représentants des syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, CGT, Fen-Unsa, FSU), du patronat (MEDEF, CGPME, UPA), des professions libérales (UNAPL), des exploitants agricoles (FNSEA, CNJA), des retraités (CNRPA), des régimes de retraites (CNAV, AGIRC, ARRCO, CNRACL, CANCAVA, ORGANIC, CNAVPL) et des ministères concernés.

Une première réunion de concertation entre le Commissariat général du Plan et les différentes parties intéressées, consacrée au niveau de vie des retraités, a eu lieu le 8 octobre dernier. Sept autres réunions devraient suivre d'ici la fin du mois de décembre afin d'étudier successivement les thèmes suivants :

- les mécanismes de fonctionnement des différents régimes de retraite ;

- les conditions de passage de l'activité à la retraite (préretraites, cumul emploi-retraite, retraite anticipée...) ;

- les comparaisons internationales ;

- les hypothèses démographiques et macro-économiques ;

- les projections financières ;

- les comparaisons inter-régimes portant sur les prestations et les cotisations.

Le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 précise par ailleurs que " c'est sur la base de ce diagnostic partagé que pourra s'ouvrir un dialogue sur les réformes à entreprendre ". Il est en outre indiqué :

" Le Gouvernement prendra les décisions qui s'imposent, guidé par la volonté :

" - de préserver notre système de répartition, garant de solidarités essentielles entre actifs et retraités,

" - de rechercher une meilleure équité tant entre les générations qu'entre les régimes de retraite. "


Votre rapporteur attend avec intérêt les résultats de ce diagnostic.

Il s'interroge néanmoins que sur la pertinence de projections financières et démographiques à un horizon 2040. La plupart des gestionnaires des différents régimes de retraites qu'il a pu auditionner ont d'ailleurs fait part des difficultés qu'ils éprouvaient à réaliser des projections aussi lointaines.

Même si la mission Charpin poursuit incontestablement des objectifs plus ambitieux que les travaux menés précédemment, votre rapporteur se demande cependant s'il était vraiment nécessaire d'établir un nouveau diagnostic sur les retraites, trois ans à peine après la publication du rapport de 1995 sur " Les perpectives à long terme des retraites ".

Les enseignements de ce rapport étaient suffisamment clairs pour engager sans tarder les réformes nécessaires.

2. Les déséquilibres futurs des régimes de retraite : les enseignements du rapport sur " les perspectives à long terme des retraites "

Au cours des dernières années, un panorama de l'ensemble du système de retraite français a été réalisé à deux reprises, donnant lieu à la publication de deux rapports : le Livre blanc sur les retraites en 1991 et le rapport " Perspectives à long terme des retraites " en 1995.

Le Gouvernement vient de décider de confier au Commissariat général du Plan la mission d'élaborer un nouveau diagnostic des régimes de retraite. A ce jour, le dernier état des lieux reste cependant celui du rapport publié en 1995 par le Commissariat général du Plan.

Les enseignements de ce document sont particulièrement éloquents et méritent d'être rappelés brièvement.

Etabli à la demande du Premier ministre, ce rapport, qui était le résultat des travaux d'un groupe présidé par M. Raoul Briet, a apporté un éclairage complémentaire et une mise à jour du diagnostic du Livre blanc sur les retraites de 1991. Ce dernier présentait la situation de l'ensemble des régimes de retraite et leurs perspectives d'évolution. Il proposait également différentes réformes pour faire face aux effets du vieillissement démographique. A la suite de ces travaux, certains régimes ont engagé des réformes : le régime général et les régimes alignés en 1993, les régimes complémentaires de salariés ARRCO et AGIRC à partir de 1993.

Le rapport de 1995 visait à réaliser de nouvelles projections en intégrant ces réformes, avec cependant un champ plus restreint par rapport à celui du Livre blanc puisqu'il ne portait que sur les régimes des salariés du secteur privé (régime général, ARRCO, AGIRC), les régimes des fonctionnaires civils de l'Etat, des exploitants agricoles, de la SNCF et des agents des collectivités territoriales (CNRACL).

Le rapport de 1995 évoque successivement quatre points : la comparaison entre les niveaux de vie des actifs et des retraités, l'impact des hypothèses d'évolutions démographique et économique sur le taux de dépendance des retraités par rapport aux cotisants, l'équilibre financier à long terme des différents régimes et les effets de la réforme de 1993 sur les pensions versées aux différentes catégories d'assurés. Il met également l'accent sur la nécessité de poursuivre la réforme des retraites et notamment de celles relevant des régimes spéciaux.

Le rapport fait tout d'abord le constat d'une parité moyenne des niveaux de vie des actifs et des retraités , confirmant ainsi les conclusions du Livre blanc sur les retraites. Le niveau moyen des pensions et du niveau de vie des retraités se serait, en outre, accru depuis le diagnostic de 1991. A l'appui de cette conclusion, le rapport avance plusieurs arguments.

Il note d'une part la diminution continue du nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse. En 1992, 1.100.000 personnes âgées bénéficiaient du minimum vieillesse alors qu'elles étaient 2.550.000 en 1959.

Cette évolution s'explique, selon les auteurs du rapport, par le niveau des prestations acquis pour les nouvelles générations de retraités : les plus jeunes disposent de prestations vieillesse plus élevées que les plus âgés en raison de l'amélioration générale des systèmes de retraite. En outre, ils ont des durées d'affiliation plus importantes, en particulier les femmes.

Le deuxième argument avancé par le rapport du Plan s'appuie sur le rapprochement entre les niveaux moyens des salaires et des pensions de retraite correspondant à une carrière complète. Ce constat confirme également l'amélioration continue des ressources des retraités.

S'agissant de l'évolution probable des cotisations face au choc démographique des années 2010-2040, le Livre blanc sur les retraites de 1991 faisait le constat d'une dégradation rapide du ratio population âgée de plus de 60 ans/population de 15 à 59 ans.

L'actualisation des projections démographiques à l'horizon 2040 effectuées par l'INSEE confirme cette tendance en l'aggravant.

L'introduction d'une hypothèse basse de mortalité -reflet des évolutions récentes de la démographie française- conduit à une détérioration importante de ce ratio, qui passerait ainsi de 0,31 en 1990 à 0,43 en 2015 et à 0,63 en 2040 (dans le Livre blanc, ce ratio n'était que de 0,55).

Cela signifie qu'à cette date, il y aurait 6 personnes " en âge d'être à la retraite " pour 10 personnes " en âge de travailler ", si du moins l'on considère -ce qui ne va pas de soi- qu'en 2040 l'âge de 60 ans restera l'âge charnière à partir duquel on considère que l'on cesse d'être en âge de travailler. En 1990, cette proportion était de 3 contre 10.

A lui seul, ce ratio explique l'essentiel des difficultés auxquelles les régimes de retraite vont être confrontés à l'horizon 2010, date d'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom. Ce facteur n'est cependant pas le seul déterminant de l'équilibre à long terme des retraites : les comportements d'activité, la situation sur le marché du travail et la législation en vigueur influent aussi sur les résultats. Les évolutions du taux d'activité et l'environnement macro-économique conditionnent aussi la progression de la population occupée et, par voie de conséquence, celle des ressources affectées aux régimes de retraite alors que toute modification de la législation se répercute sur le montant des pensions servies.

Sur la base de scénarios alternatifs portant sur les comportements d'activité et l'environnement macro-économique, la Direction de la Prévision a donc projeté l'évolution de plusieurs indicateurs : tout d'abord, du taux de dépendance (ratio retraités/cotisants), puis du taux de cotisations sociales nécessaire à l'équilibre avant et après réforme de la législation.

Dans le plus favorable des scénarios, le taux de dépendance serait proche de celui présenté comme étant le plus défavorable dans le Livre blanc sur les retraites. Le taux de dépendance augmenterait entre 2000 et 2040 de 0,3 point, passant ainsi de 0,48 à 0,77. Pour le scénario le plus sombre, le taux de dépendance atteindrait même 0,9 point en 2040. A cette date, il ne resterait alors plus que 1,1 cotisant par retraité contre 2 en l'an 2000 et 3 en 1990.

La dégradation du taux de dépendance trouve son corollaire dans l'augmentation des taux de cotisation vieillesse. La Direction de la Prévision estime, à l'horizon 2015, dans un scénario macro-économique central, à 10 points supplémentaires de cotisations le besoin de financement d'un régime global fictif à législation antérieure à la réforme du régime général. Ce besoin de financement aurait même atteint 26 points de cotisations en 2040 (dans le Livre blanc, l'estimation était seulement de 20 points).

L'actualisation des hypothèses démographiques conduit, à législation inchangée, à une dégradation de la situation financière des régimes de retraite. Les perspectives de financement des principaux régimes apparaissent en 1995 plus contrastées qu'en 1991.

S'agissant des régimes du secteur privé (régime général et régimes complémentaires ARRCO et AGIRC), les mesures prises en 1993 et 1994 leur permettent de viser, dans un contexte économique moyennement favorable, un quasi-équilibre jusqu'en 2005 (0,9 point de cotisation supplémentaire nécessaire pour le régime général).

En revanche, pour les régimes spéciaux de salariés (fonctionnaires de l'Etat et agents des collectivités locales), qui n'ont pas été concernés par la réforme de 1993, et connaissent des évolutions démographiques défavorables, les perspectives sont beaucoup plus préoccupantes : exprimé en points de cotisation, le besoin de financement du régime des fonctionnaires civils s'élève à plus de 10 points d'ici 2005 et celui des agents des collectivités locales à plus de 16 points.


Si, pour les régimes spéciaux de salariés, la période 2005-2015 prolonge les évolutions constatées sur la période 1995-2005 (+ 20 points pour les fonctionnaires civils, + 30 points pour la CNRACL), il n'en va pas de même pour les régimes du secteur privé, et notamment pour le régime général, qui voit ses perspectives financières se dégrader : le besoin de financement serait équivalent à un relèvement des cotisations de 4,3 points entre 1995 et 2015 dans le scénario économique qualifié de central. Cette détérioration résulte, à parts pratiquement égales, d'une progression plus soutenue des charges à compter de 2005 (+ 3,8 % entre 2005 et 2015) et d'un ralentissement dans l'évolution des ressources (+ 2 % au lieu de + 2,85 %).

Le rapport cotisants/retraités des différents régimes

Effectifs en milliers

1995

2000

2005

2010

2015

Evolution 2015/1995

 

Population totale âgée de plus de 60 ans

11.582

12.152

12.611

14.102

15.617

35 %

Population totale

Population active totale

25.998

27.055

27.739

27.739

27.481

5 %

 

rapport cotisants/retraités

2,24

2,23

2,2

1,97

1,75

- 22 %

 

Retraités

8.052

9.207

10.226

11.884

13.590

69 %

Régime général

Cotisants

14.056

15.276

16.582

16.854

16.581

18 %

 

rapport cotisants/retraités

1,75

1,66

1,62

1,42

1,22

- 30 %

 

Retraités

821

948

1.118

1.309

1.481

80 %

Fonctionnaires civils

Cotisants

2.075

2.075

2.075

2.075

2.075

-

 

rapport cotisants/retraités

2,53

2,19

1,86

1,59

1,4

- 45%

 

retraités

426

576

794

984

1.177

176 %

CNRACL

Cotisants

1.541

1.561

1.560

1.560

1.560

1 %

 

rapport cotisants/retraités

3,62

2,71

1,96

1,59

1,33

- 63 %

 

Retraités

215

205

192

188

186

- 13 %

SNCF

Cotisants

183

167

153

139

127

- 30 %

 

rapport cotisants/retraités

0,85

0,83

0,79

0,74

0,68

- 20 %

 

Retraités

5.100

8.100

6.530

7.260

8.700

71 %

ARRCO

Cotisants

13.800

15.010

16.330

16.580

16.330

18 %

 

rapport cotisants/retraités

2,71

2,58

2,5

2,28

1,88

- 31 %

 

Retraités

1.063

1.277

1.523

1.930

2.384

124 %

AGIRC

Cotisants

2.760

3.081

3.427

3.728

14.016

46 %

 

rapport cotisants/retraités

2,6

2,41

2,25

1,93

1,68

- 35 %

 

Retraités

2.104

2.007

1.819

1.691

1.588

- 25 %

Exploitants agricoles

Cotisants

911

821

739

666

600

- 34 %

 

rapport cotisants/retraités

0,43

0,41

0,41

0,39

0,38

- 13 %

La réforme du régime général décidée en 1993 a permis de remettre celui-ci dans une situation proche de l'équilibre à l'horizon 2005 (contre un besoin de financement de plus de 3 points avant réforme en supposant maintenue dans les faits l'indexation des pensions sur les prix, et réduit de moitié le besoin de financement résiduel à l'horizon 2015 (un peu plus de 4 points contre près de 8 avant réforme).

Stable sur la première période de la projection (1995-2005), le rapport démographique de la population totale se dégraderait rapidement à compter de 2005 avec l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom.

Les trois régimes du secteur privé présentent sensiblement les mêmes caractéristiques que la population totale -du fait des hypothèses retenues, leurs effectifs de cotisants évoluent, en effet, sensiblement comme ceux de la population totale active, alors que leurs effectifs de retraités sont largement dépendants des taux de mortalité projetés pour l'ensemble de la population. Ainsi, le rapport démographique du régime général diminue de 25 % entre 2005 et 2015 contre 7 % entre 1995 et 2005 (quasi-stabilité).

Les régimes complémentaires subissent eux aussi le choc lié au baby-boom, mais, parce qu'ils ne comptabilisent pas leurs retraités âgés de moins de 65 ans, l'effet est décalé dans le temps (l'effet est surtout visible entre 2010 et 2015).

Ce résultat tient aux hypothèses retenues quant à l'évolution des taux d'activité supposés stabilisés pour les âges élevés. Ainsi, à partir des années 2005-2010, le ralentissement de la croissance potentielle traduit la moindre progression de la population active sous l'effet de la déformation de la structure démographique. Cette situation n'entraîne pas nécessairement une réduction du taux de chômage qui résulte du fonctionnement du marché du travail. Mais une modification des comportements d'activité des personnes âgées de plus de 60 ans pourrait, en revanche, desserrer la contrainte ; les estimations effectuées, qui reposent notamment sur la stabilité des comportements d'activité aux âges élevés, sont donc particulièrement fragiles.

Evolution du rapport démographique entre 1995 et 2010
des principaux régimes de retraite de base

Le rapport démographique du régime général varie ainsi de 1,75 en 1995 à 1,22 en 2015 ; soit une diminution de 30 % en vingt ans. La baisse de ce ratio tient évidemment à une progression beaucoup plus rapide des retraités (+ 70 %) que des cotisants (+ 20 %). La progression des retraités résulte elle-même de deux facteurs : une augmentation de 35 % de la population totale de 60 ans et plus et une croissance de 25 % du taux de couverture (nombre de titulaires d'une pension directe rapporté à la population âgée de plus de 60 ans) du régime général.

Pour un champ très proche de celui du régime général, l'ARRCO présente un rapport démographique plus favorable du fait de la non-prise en compte de ses retraités âgés de moins de 65 ans pris en charge par l'ASF.

L'AGIRC, comme l'ARRCO, subit avec retard le choc démographique des années 2005-2010. Son rapport démographique se dégrade cependant plus rapidement sous l'effet des évolutions passées et futures du taux d'encadrement. Ce régime a, en effet, bénéficié de l'augmentation constante du taux d'encadrement, permettant un développement rapide de sa population cotisante. Cet effet, qui a amélioré mécaniquement son rapport de charge, pèse a contrario en projection sur l'évolution des effectifs retraités, et ce d'autant plus que le scénario central repose sur une hypothèse de ralentissement de l'augmentation du taux d'encadrement. Ainsi, le rapport démographique diminue de plus de 35 % entre 1995 et 2015.

L'effet du baby-boom est, en revanche, nettement moins accentué dans les autres régimes, ainsi, contrairement à ce qui se passe dans les régimes du secteur privé, les rapports démographiques du régime des fonctionnaires et de celui des collectivités locales se dégradent de façon importante dès l'an 2000.

Cette détérioration reflète, pour le régime des fonctionnaires, la structure actuelle de la pyramide des âges des cotisants qui résulte de la politique d'embauche de la fonction publique des années 1960 à nos jours (forte augmentation de ses effectifs à compter des années 1960 puis stabilisation depuis 10 ans).

Dans le cas du régime des collectivités locales, la baisse importante du rapport démographique est imputable à la montée en charge de ce régime encore jeune. En outre, ses ressortissants sont majoritairement de sexe féminin (63 % des retraités de droits directs en 1994, 75 % en 2015) et ont donc une espérance de vie plus élevée que la moyenne. Le rapport démographique est divisé par presque 3 d'ici 2015.

En résumé, le rapport sur " Les perspectives à long terme des régimes de retraite " de 1995 évalue les besoins de financement futurs du seul régime général à 18,4 milliards de francs en 2000, 17,8 en 2005, 55,4 en 2010 et 107 milliards de francs en 2015, soit à cette date l'équivalent de 4,3 points de cotisation.

Pour les fonctionnaires civils, le besoin de financement s'élèverait à 34,2 milliards de francs en 2005, 56 en 2010 et 80,2 milliards de francs en 2015.

Si l'on additionne les besoins de financement en 2015 des différents régimes étudiés par ce rapport (régime général, fonctionnaires civils, CNRACL, SNCF, ARRCO, AGIRC, exploitants agricoles), on obtient un total de 330 milliards de francs. Or cette étude ne porte pour l'essentiel que sur une partie des régimes de salariés -à l'exception des exploitants agricoles. Les besoins de financement totaux de l'ensemble des régimes de retraite en 2015 seront donc bien supérieurs.

Les besoins de financement des différents régimes

(en milliards de francs)

 
 

1993

1995

2000

2005

2010

2015

2015/
1995

 

Charges

266,4

276,2

318,4

363,8

441,8

525,8

90 %

 

Ressources

241,2

266,7

299,9

346,0

386,4

418,8

57 %

Régime général

Besoin de financement

25,2

9,5

18,4

17,9

55,5

107,0

 
 

exprimé en points de
cotisation

1,7

0,6

1,1

0,9

2,4

4,3

 
 

Charges

98,6

104,8

122,7

148,6

182,2

219,6

110 %

 

Ressources

98,6

101,0

106,2

114,4

126,2

139,4

38 %

Fonctionnaires

Besoin de financement

0,0

3,8

16,5

34,2

56,0

80,2

 

civils

exprimé en points de cotisation 1

-

1,3

5,5

10,7

15,9

20,6

 
 

Charges

31,3

37,3

50,3

71,2

93,4

119,2

220 %

 

Ressources

31,3

34,5

36,7

39,8

43,9

48,4

40 %

CNRACL

Besoin de financement

0,0

2,8

13,6

31,4

49,5

70,8

 
 

exprimé en points de cotisation 1

-

1,7

7,8

16,7

23,8

30,8

 
 

Charges

26,8

26,4

25,6

25,4

26,0

27,3

3 %

 

Ressources

8,6

8,3

8,0

7,9

7,9

8,0

- 4 %

SNCF

Besoin de financement

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,7

 
 

exprimé en points de cotisation 2

-

0,6

0,9

1,2

1,8

3,4

 
 

Charges

104,1

119,8

146,1

166,3

189,8

235,3

96 %

 

Ressources

108,4

117,0

151,8

175,3

195,4

212,4

82 %

ARRCO

Besoin de financement

- 4,3

2,8

- 5,7

- 9,0

- 5,6

22,9

 
 

exprimé en points de cotisation

-

0,2

-

-

-

0,9

 
 

Charges

51,5

58,7

72,1

86,0

102,5

129,1

120 %

 

Ressources

48,8

57,8

68,6

80,3

91,7

103,9

80 %

AGIRC

Besoin de financement

2,7

0,9

3,5

5,7

10,8

25,2

 
 

exprimé en points de cotisation

1,0

0,3

1,1

1,5

2,5

5,2

 
 

Charges

40,2

40,5

37,9

33,8

31,0

28,7

- 29 %

 

Ressources

4,9

4,7

4,3

4,0

3,7

3,4

- 27 %

Exploitants

Besoin de financement

35,3

35,8

33,6

29,8

27,3

25,3

 

agricoles

exprimé en % d'évolution de la cotisation moyenne 3

-

4,1

5,6

2,2

1,6

2

 

Source : Perspectives à long terme des retraites, 1995

(1) Pour le régime des fonctionnaires et celui des collectivités locales, le besoin de financement et son expression en termes de points de cotisation est obtenu sur la base du taux de cotisation implicite qui équilibre les comptes de ces deux régimes en 1993.

(2) Pour le régime de la SNCF, les taux de cotisation affichés dans ce tableau sont calculés de telle sorte que le rapport des cotisations sur les charges (rapport de charges) de ce régime reste constant pendant toute la période. En effet, les cotisations représentant une faible part dans les ressources, l'équilibre technique de ce régime ne peut être recherché à travers une augmentation des taux de cotisation.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1998, le rapport sur les perspectives à long terme des retraites comporte deux limites principales : " D'une part, le nombre de régimes étudiés est limité, ce qui empêche l'évaluation globale du système de retraite et la projection des transferts de compensation. D'autre part, l'horizon des projections par régime est limité à 2015, alors que les difficultés devraient se prolonger au-delà et ne se stabiliser qu'autour de 2040 ".

3. Les effets positifs mais insuffisants de la réforme de 1993

Les mesures adoptées en 1993 par le Gouvernement de M. Edouard Balladur visaient à enrayer la dégradation de la situation financière du régime général et prévoyaient :

- un allongement de la durée d'assurance prise en compte pour bénéficier d'une pension à taux plein. Cette durée passe progressivement de 150 trimestres à 160 trimestres, soit 40 annuités, par adjonction d'un trimestre supplémentaire par an à compter du 1er janvier 1994 ;

- une extension de la période de référence : les pensions du régime général seront calculées à l'avenir sur la base des 25 meilleures années de carrière, au lieu de 10 années. Cette opération est également réalisée de façon progressive, par adjonction d'une année supplémentaire tous les ans ;

- une indexation des pensions de retraite sur les prix à la consommation, pérennisant une pratique de fait depuis 1987. Cette mesure était valable cinq ans, jusqu'à la fin de l'année 1998.

Pour utile qu'elle soit, cette réforme des retraites n'aurait suffi à elle seule à limiter l'aggravation des déficits. Quatre dispositions législatives de recettes ont en effet permis, depuis cette date, de redresser le solde du régime général d'assurance vieillesse :

- le relèvement d'1,3 point du taux de la contribution sociale généralisée au 1er juillet 1993 et la création du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au 1 er janvier 1994 ;

- la suppression de la remise mensuelle forfaitaire de 42 francs au 1 er septembre 1995 ;

- la création de la CADES et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que la taxe de 6 % sur les contributions à la prévoyance complémentaire, prévues par le plan de réforme de la protection sociale de novembre 1995.

Au total, en année pleine, on peut estimer à plus de 60 milliards de francs l'effet sur le solde du régime général d'assurance vieillesse de l'augmentation des flux financiers qui lui sont destinés depuis 1993.

La réforme de 1993 9( * ) portait sur quatre régimes : le régime général géré par la CNAVTS et trois régimes dits " alignés ", le régime de base des salariés agricoles, géré par la MSA, le régime de base des artisans, géré par des caisses relevant de la CANCAVA, le régime de base des industriels et commerçants gérés par les caisses relevant de l'ORGANIC. Le régime des exploitants agricoles, celui des professions libérales et les régimes spéciaux n'entraient pas dans le champ de la réforme qui, au total, couvre 73 % des cotisants (65 % pour le seul régime général) et 68 % des pensions servies par l'ensemble des régimes de base en 1992 (48 % pour le seul régime général).

En l'absence de réforme, avec une indexation des pensions (et des salaires reportés) sur les salaires bruts, le taux aurait dû s'élever à 32 % en 2015 et 48 % en 2040 (contre 18,9 % en 1990) pour maintenir l'équilibre et le revenu relatif des retraités aurait comme une très forte croissance. La réforme de 1993 avait pour objectif de contrecarrer ces évolutions tendancielles, c'est-à-dire de ralentir la croissance à terme des dépenses et d'élargir l'assiette de financement par la création du FSV.

Dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1998 10( * ) , la Cour des comptes s'est efforcée d'évaluer l'impact probable de cette réforme. Elle a souhaité distinguer l'impact financier global sur le régime général des effets individuels sur les retraités. Nous nous intéresserons ici uniquement à l'impact global.

La Cour relève que l'estimation de l'impact de la réforme est particulièrement sensible aux scénarios macro-économiques retenus. En effet, la réforme de l'indexation des pensions rend l'évolution des charges et des ressources particulièrement dépendantes de la variation respective des prix et de la masse salariale en termes réels à long terme (de la différence entre les taux de croissance de ces deux grandeurs).

Dans le scénario central, le taux de la croissance potentielle de référence -celle qui stabilise le niveau de chômage- serait de 2,5 % par an entre 1995 et 2000 puis de 2 % entre 2005-2010, pour n'être plus, avec la moindre croissance de la population active, que de 1,5 % entre 2010-2040.

Selon la Cour des comptes, en retenant le scénario central, les économies liées à la réforme (y compris l'impact du FSV) ont pour effet de réduire le déficit de 200 milliards de francs environ à l'horizon 2010, soit le tiers de la charge tendancielle ou encore 10 à 12 points de cotisations, si l'on prend comme scénario de référence l'indexation sur les salaires bruts. Sur ces 200 milliards de francs d'économies, près des deux tiers sont imputables à l'indexation sur les prix (acquise en réalité depuis 1987), 12 % s'expliquent par le passage progressif de 10 à 25 années, environ 5 % par le relèvement progressif de la durée d'assurance tous régimes, alors que le FSV contribue à hauteur de près de 20 % à la réduction du déficit.

Comme le constate la Cour des comptes, " le rôle déterminant à long terme du mode de revalorisation des pensions (et des salaires reportés) apparaît ici clairement. "


La réforme de 1993 stricto sensu -y compris le FSV, mais hors modalités d'indexation des pensions- réduit les charges du régime général de 80 milliards de francs (soit 3,5 points de cotisation) à l'horizon 2015.

La Cour note cependant que le besoin de financement du régime général est très sensible aux hypothèses d'environnement macro-économiques retenues. Avec une croissance plus faible et une stagnation du chômage à un haut niveau, le besoin de financement du régime général équivaudrait à 5 points de cotisations à l'horizon 2015. En revanche, en cas d'accélération de la croissance à long terme (d'un demi-point par an), le besoin de financement resterait limité à un point de cotisation en 2010, légèrement plus par la suite.

B. LA CRÉATION IMPROMPTUE D'UN FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES N'APPORTE QU'UNE RÉPONSE DÉRISOIRE AUX BESOINS FUTURS

L'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoit la création, au sein du FSV, d'un fonds de réserve pour les retraites.

Ce fonds ne serait destiné qu'à certains régimes, ceux qui se sont réformés en 1993 : le régime général et les régimes alignés (salariés agricoles, ORGANIC et CANCAVA).


Le mécanisme de financement de ce fonds de réserve est particulièrement complexe . Ce fonds serait alimenté en effet par :

- une fraction du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (CSSS ou C3S) ;

- tout ou partie des excédents éventuels du FSV ;

- toute autre ressource affectée en vertu de dispositions législatives ou réglementaires.

Parallèlement, l'article 2 du projet de loi de financement affecte désormais les excédents de la C3S (et le solde cumulé de cette contribution) au FSV.

La C3S alimenterait donc le fonds de réserve par deux canaux :

- un " branchement direct " par prélèvement d'une fraction de la C3S au profit du fonds de réserve ;

- une contribution indirecte par l'intermédiaire des excédents du FSV, lequel bénéficierait des excédents de la C3S.

Les mécanismes de financement particulièrement complexes de ce fonds et les incertitudes qui pèsent sur les sommes effectivement disponibles ont été analysés par notre collègue Charles Descours dans son rapport consacré aux " Equilibres généraux " 11( * ) .

1. Des objectifs encore flous

En annonçant la constitution d'un tel fonds de réserve, le Gouvernement semble faire le choix de la " répartition provisionnée " préconisée par M. Olivier Davanne dans son rapport au Conseil d'analyse économique 12( * ) . La répartition provisionnée désigne la constitution de réserves au sein des régimes de répartition.

Selon M. Olivier Davanne, la constitution de réserves financières permettrait en principe " de combiner le rendement élevé de la capitalisation et les performances de la répartition en termes de mutualisation des risques financiers entre générations. "

L'idée n'est pas fondamentalement nouvelle : le Livre blanc sur les retraites de 1991 l'évoquait déjà. En juin 1990, M. Denis Kessler présentait dans la revue de l'Insee, Economie et statistique , une étude dans laquelle M. Laurent Vernière montrait que " la constitution de réserves temporaires constitue l'un des moyens possibles pour aider les régimes de retraite à lisser les ajustements nécessaires ". Enfin, en février 1993, M. René Teulade présentait un projet de loi visant à constituer une Caisse nationale de garantie des retraites financée notamment par les fruits de privatisations.

Dans un système de répartition provisionnée, les régimes de retraite se concentrent sur leur rôle " d'assureurs intergénérationnels " et gèrent des réserves financières importantes. Les jeunes générations héritent ainsi en contrepartie de la dette implicite laissée par leurs parents d'un patrimoine, productifs de revenus, qui allège le poids des cotisations retraite payées par les actifs.

La constitution de réserves peut avoir deux objectifs :

- un simple lissage : les sommes accumulées sont dépensées au moment où les besoins de financement l'exigent, jusqu'à la disparition totale du fonds ;

- la constitution d'un fonds durable et permanent dont les revenus financiers permettent de faire face aux besoins de financement.

Selon que l'on choisisse l'une ou l'autre des deux options, les montants nécessaires sont très différents. Ils sont naturellement beaucoup plus élevés dans l'hypothèse de la création d'un fonds permanent.

Le Gouvernement n'a pas encore indiqué quelle serait véritablement la finalité du fonds de réserve ainsi créé.

L'analyse de l'évolution démographique de notre pays incite plutôt à privilégier la constitution d'un fonds permanent
. En effet, comme le souligne fort pertinemment M. Olivier Davanne, " contrairement à un sentiment largement répandu, le terme de " bosse démographique " donne une image très inexacte des difficultés qui apparaîtront à partir de 2005-2010. Si la population française reste à peu près stabilisée au cours du siècle prochain, c'est la structure démographique de 2040, qui, loin de ressembler à une bosse, constituera une situation stable. Dans un contexte de vieillissement de la population, la structure actuelle, caractérisée par des taux de dépendance supportables, est en revanche transitoire et résulte du baby-boom des années cinquante et soixante. Plutôt que le passage d'une bosse, les difficultés de la première moitié du siècle prochain s'apparentent ainsi à la montée vers un plateau. "

Pourtant, le caractère particulièrement modique des montants financiers dégagés par le Gouvernement pour l'alimentation de ce fonds de réserve laisse difficilement présager la constitution d'un fonds durable, apte par les revenus qu'il procure à alléger le fardeau pesant sur les actifs.

2. Des modalités de financement très incertaines et qui n'apparaissent pas à la mesure des besoins futurs

Le Gouvernement a indiqué que le fonds serait, dans l'immédiat, alimenté à hauteur de 2 milliards de francs par un prélèvement sur les excédents de la C3S et du FSV.

Cette somme correspond à un jour de versement de prestations vieillesse dans notre pays.


On ne dispose par ailleurs que de peu d'éléments concernant les éventuelles autres dotations affectées au fonds en vertu de dispositions législatives ou réglementaires.

Le Gouvernement a ainsi évoqué -mais sans s'engager formellement- une éventuelle affectation du produit de la cession des parts représentatives de droits de propriété sur les caisses d'épargne, à hauteur de 15 milliards de francs environ, à l'occasion de la réforme annoncée des caisses d'épargne.

Il a également mentionné la possibilité d'une affectation des " excédents futurs de la sécurité sociale ". Compte tenu de la situation financière des branches vieillesse et maladie, il est clair que cette hypothèse visait explicitement la branche famille... L'abondement par les excédents de la branche famille paraît utopique. Outre que cela serait contraire au principe de séparation des branches, il semble douteux que la branche famille dégage durablement des excédents suffisamment importants pour alimenter de manière substantielle le fonds de réserve.

Les sommes affectées cette année au fonds de réserve et les éventuels compléments évoqués par le Gouvernement représentent un montant dérisoire par rapport aux besoins futurs et n'apparaissent décidément pas à la hauteur des enjeux.

Les besoins sont en réalité énormes.

Le rapport sur " Les perspectives à long terme des régimes de retraite " de 1995 évalue les besoins annuels de financement futurs du seul régime général à 55,4 milliards de francs en 2010 et 107 milliards de francs en 2015. Les besoins de financement annuels totaux de l'ensemble des régimes de retraite en 2015 sont supérieurs à 330 milliards de francs par an.

Pour que le fonds de réserve apporte, par les revenus financiers qu'il dégage, une réponse crédible aux besoins futurs, il faut par conséquent atteindre très rapidement un montant d'encours colossal.

M. Olivier Davanne explique qu'il y a deux façons de faire évoluer un système de " répartition pure " comme le nôtre vers un système de répartition provisionnée.

La première consiste à introduire une surcotisation .

La seconde revient à programmer une baisse à terme des taux de remplacement offerts par les régimes fonctionnant en " répartition pure " et introduire en contrepartie un nouvel étage respectant les principes de la " répartition provisionnée " dans les régimes de retraite complémentaire.

Dans le premier cas, on introduit dans les régimes une surcotisation dont le produit est mis en réserve. Cette surcotisation est d'abord croissante, atteint un pic puis diminue. A un certain stade, elle devient négative car les produits financiers générés par les réserves contribuent positivement au financement des retraites.

Cette constitution de réserves est d'autant plus facile que le rendement du capital est élevé relativement aux taux de croissance de la masse salariale. Une partie des revenus financiers doit en effet être réinvestie pour stabiliser le ratio réserves/masse salariale. Le taux de rendement doit ainsi être supérieur au taux de croissance de la masse salariale si l'on souhaite utiliser une partie des produits financiers pour payer les pensions. M. Olivier Davanne fait l'hypothèse que sur longue période l'écart entre le rendement du capital et le taux de croissance de la masse salariale se situe entre 4 et 5 % (2 % pour la masse salariale réelle, entre 6 et 7 % pour le rendement de placements prioritairement tournés vers les actions).

Le tableau suivant, issu du rapport de M. Olivier Davanne, décrit les différents scénarios de constitution de réserves selon l'écart entre rendement du capital et croissance de la masse salariale. Dans tous ces scénarios, on suppose que la surcotisation est instituée en 1999, qu'elle augmente jusqu'en 2005, puis diminue pour disparaître entre 2015 et 2020. A partir de 2040, les taux de cotisation retraite sont réduits de 10 points par rapport au scénario au fil de l'eau sans réserves.

Scénarios de constitution de réserves financières

Ecart entre le rendement du

Réserves à partir de 2040

Hausse annuelle des taux de

Taux de surcotisation (en %)

capital et la croissance de la masse salariale

(en % de la masse salariale)

surcotisation entre 1999 et 2005 (points)

2005

2015

2025

2040 et au-delà

4 %

250

+ 1,3

9,1

3,6

- 1,8

- 10

5 %

200

+ 1,0

6,9

2,0

- 2,8

- 10

6 %

170

+ 0,8

5,4

1,0

- 3,4

- 10

Source : M. Olivier Davanne, Eléments d'analyse sur le système de retraite français, Conseil d'analyse économique, juin 1998

La constitution de réserves permettrait ainsi, selon M. Olivier Davanne, de lisser l'évolution des taux de cotisation au cours des prochaines décennies. Les hausses de cotisation nécessaires sur la période 2005-2015 seraient en fait mieux réparties sur la période 1999-2015 et donc plus supportables par l'économie.

M. Olivier Davanne estime que de telles réserves devraient atteindre au moins 170 % de la masse salariale en 2040. La masse salariale étant évaluée à 2.800 milliards de francs en 1997, on a ainsi une idée des sommes nécessaires... L'échelle de grandeur de l'encours financier que devrait attendre le fonds de réserve est davantage celle du millier de milliards de francs que de la dizaine de milliards de francs.

Ceci est confirmé par M. Jean-Hervé Lorenzi 13( * ) , dans une autre contribution du rapport " Retraites et épargne " du Conseil d'analyse économique, qui complète cette simulation par des éléments chiffrés. Selon lui, " l'objectif serait donc d'avoir des réserves atteignant 100 % du PIB en 2040. " En reprenant les hypothèses de M. Olivier Davanne, M. Jean-Hervé Lorenzi prend l'exemple d'une surcotisation qui augmenterait de 0,37 % du PIB par an jusqu'en 2005. En 2005, le produit de cette surcotisation serait de 3,4 % du PIB. Avec 2 % de croissance annuelle, le PIB en 2005 serait de 9.321 milliards de francs, ce qui donne une surcotisation de 317 milliards de francs, soit une surcotisation augmentant de près de 45 milliards par an entre 1999 et 2005. La surcotisation serait ainsi de 45 milliards de francs en 1999, 90 milliards de francs en 2000, 135 milliards de francs en 2001...

A partir de 2005, la surcotisation serait diminuée de 0,21 % du PIB par an, et disparaîtrait en 2021, grâce à la mise en réserves des produits entre 2005 et 2021. Ce n'est qu'à partir de 2021 que les cotisations normales commenceraient à baisser, au rythme de 0,21 % du PIB par an.

M. Jean-Hervé Lorenzi signale que lors de la constitution de ces réserves, les besoins supplémentaires de financement immédiats des retraites -au minimum 330 milliards de francs en 2015- ne seront pas couverts, et il faudra donc recourir à des ressources supplémentaires pour combler le retard.

L'éventualité d'une telle surcotisation n'est pas exclue par le Gouvernement.

Votre rapporteur se demande cependant si les actifs accepteront de bonne grâce cette surcotisation qui constitue indéniablement une augmentation des prélèvements obligatoires. Cette question est qualifiée par les économistes de " problème de la transition " qui fait référence au fardeau que doivent subir les générations actuelles de travailleurs contraints de financer aussi bien leur propre compte de retraite que les pensions des retraités actuels ou des travailleurs plus âgés.

Votre rapporteur s'interroge également sur l'impact à court terme d'un tel prélèvement sur la croissance économique

3. Des modalités de gestion qui restent à définir

La création de ce fonds de réserve soulève d'autres interrogations qui n'ont pas encore reçu de réponse :

- quel sera l'horizon de placement -et par conséquent les supports financiers- de ce fonds de réserve ?

- qui sera chargé de la gestion de ce fonds ? Selon quelles modalités de contrôle ?

Mme Martine Aubry a indiqué devant la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale que ce fonds devrait être géré de manière collective selon des modalités -gestion confiée aux partenaires sociaux , gestion par la CNAV ou autre solution- qui seront définies après une large concertation au vu des conclusions du rapport du Commissariat général du Plan.

Comme le souligne M. Olivier Davanne, il est indispensable de s'assurer que les réserves soient maintenues au niveau nécessaire pour solvabiliser le système de retraite et non pas utilisées au fil des échéances politiques comme une manne à la disposition des gouvernements.

Il est également nécessaire d'assurer une gestion professionnelle de ces réserves. A l'instar des fonds de pension américains, il paraît nécessaire de déléguer la gestion de ces fonds à des professionnels de la gestion financière, indépendants des organismes de retraite.
Il faudrait au préalable déterminer les orientations stratégiques de cette gestion : poids des actions, des obligations et de l'immobilier, degré de diversification internationale. Une telle délégation réduirait le risque de " socialisation de l'économie que peut toujours faire peser un tel fonds de réserve : il s'agit en particulier d'éviter que les pouvoirs publics ne soient tentés d'utiliser ces réserves pour contrôler certaines entreprises, ou les secourir financièrement.

Par définition, si ce fonds de réserve doit rechercher une plus forte rentabilité, il sera fortement investi en actions et orienté en partie significative vers les PME, le capital-risque ou les marchés seconds. Il n'est pas certain dès lors que les partenaires sociaux et les syndicats soient les mieux placés pour superviser sa gestion.

En conclusion, la décision de créer ce fonds de réserve revêt une dimension essentiellement symbolique et politique . Le Gouvernement craignait manifestement de se faire accuser d'attentisme sur la question des retraites ; il a souhaité prendre une initiative à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Ce contexte explique le caractère quelque peu précipité de cette décision dont les modalités et les finalités restent encore très incertaines.

Votre rapporteur n'entend pas, pour autant, condamner le principe d'un tel fonds de réserve. Il relève simplement que le projet du Gouvernement est manifestement inachevé.

Les objectifs de ce fonds de réserve sont encore flous, les modalités de financement apparaissent dérisoires par rapport aux besoins futurs, les modalités de gestion restent à définir.

Dans ces conditions, votre rapporteur vous propose d'accepter le principe de la création d'un fonds de réserve pour les retraites et de renvoyer la définition de sa finalité, des modalités de son financement, de son fonctionnement et de sa gestion à un projet de loi ultérieur, dans lequel le Gouvernement présenterait au Parlement un dispositif cohérent et crédible.

Par la création de ce fonds de réserve, le Gouvernement prend le risque de susciter des espoirs vite déçus. Il y aurait un grand péril à ce que nos compatriotes croient que ce fonds résoudra les difficultés futures des régimes de retraite. A l'évidence, ce type de fonds de réserve ne peut constituer à lui seul une solution réaliste aux déséquilibres futurs de nos régimes de retraites.

C. LES RÉFORMES INDISPENSABLES SONT ENCORE REPOUSSÉES

Aux yeux de votre rapporteur, deux réformes semblent particulièrement prioritaires et devraient être entreprises dans les meilleurs délais : la réforme des régimes spéciaux de retraite et la création de fonds de pension.

1. La nécessaire réforme des régimes spéciaux de retraite

Dans le secteur public où aucune réforme n'a encore été réalisée, le paiement des pensions constituera à terme une charge considérable pour le budget. Entre 1995 et 2015, en francs constants, les pensions à la charge du budget de l'Etat seraient multipliées par 2,1, celles à la charge de la CNRACL par 3,2.

Votre rapporteur a bien conscience que la question des régimes spéciaux est un sujet délicat. L'annonce d'une possible réforme de ces régimes dans le cadre du plan Juppé présenté à l'automne 1995 a en effet été en partie à l'origine des mouvements sociaux des mois de novembre-décembre 1995 et l'ampleur des protestations a conduit au retrait des projets annoncés et, plus largement, à un blocage des processus de réforme dans ce secteur.

Or, les perspectives financières de ces régimes ne sont pas plus favorables que celles du régime des salariés : exprimé en points de cotisation, le besoin de financement du régime des fonctionnaires civils s'élève à plus de 10 points d'ici 2005 et celui des agents des collectivités locales à plus de 16 points. Ces régimes n'ont amorcé aucune réforme alors que leur rapport démographique va se dégrader rapidement dès l'an 2000, spécialement pour les fonctionnaires de l'Etat et des collectivités locales.

Votre rapporteur estime par conséquent qu'il est aujourd'hui indispensable d'engager sans tarder une réflexion en profondeur sur la nature, les conditions d'équilibre et l'avenir de ces régimes. La première étape d'une réforme pourrait être l'institution d'un régime de retraite des fonctionnaires de l'Etat.

2. L'introduction d'un complément de retraite par capitalisation, sous la forme de fonds de pension.

Les mots " capitalisation " et " fonds de pension " soulèvent débats et polémiques. La capitalisation existe pourtant déjà dans le secteur privé comme dans le secteur public. Dans le secteur public, on citera notamment le régime PREFON destiné aux fonctionnaires et regroupe 160.000 adhérents pour 15 milliards de francs gérés. S'agissant du secteur privé, il suffit d'évoquer les 150 régimes supplémentaires d'entreprises existant aujourd'hui ou le dispositif créé par la loi Madelin auquel avaient déjà souscrit 150.000 non-salariés à la fin de l'année 1996.

Un fonds de pension regroupe des fonds externes aux entreprises -les créances qu'il représente ne figure pas au bilan-, créé et alimenté par des accords contractuels dans l'entreprise, la branche ou le secteur d'activité, à adhésion facultative ou obligatoire. Le fonds de pension est investi en actions, obligations ou immobilier 14( * ) .

Un fonds de pension est donc un système d'épargne, avec comme objectif unique de verser un complément de revenu après la retraite. Il peut être alimenté aussi bien par l'adhérent que par l'entreprise. les droits acquis sont gérés selon un principe de capitalisation, c'est-à-dire accumulés jusqu'à la date de retraite effective, dans un compte ouvert au nom de chaque bénéficiaire.

Votre commission considère depuis longtemps que l'introduction d'un complément de retraite par capitalisation, sous la forme de fonds de pension, est une réforme indispensable.

Le Gouvernement semble aujourd'hui se rallier enfin à cette position. Votre rapporteur ne peut que s'en féliciter.


L'actuelle majorité a été pendant très longtemps hostile à l'idée même de fonds de pension. Le Gouvernement avait ainsi annoncé depuis l'origine qu'il n'appliquerait pas la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite, dite " Loi Thomas ". Dans sa déclaration de politique générale, M. Lionel Jospin avait indiqué que " les dispositions récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en cause. "

La loi du 25 mars 1997 est donc restée inappliquée, faute de décrets d'application. Le Gouvernement ne s'était pas résolu pour autant à l'abroger. Comme l'a souligné, non sans un certain cynisme institutionnel, M. Dominique Strauss-Kahn, " l'abrogation de cette loi serait même à la limite inutile car les décrets d'application n'ont jamais été pris par ce Gouvernement, en sorte qu'elle ne peut avoir d'application concrète ".

De manière assez ironique, la conversion soudaine du Gouvernement -et de sa majorité- à la capitalisation a été annoncée à l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, d'un amendement présenté par le groupe communiste abrogeant la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite.

Lors du débat sur cet amendement, le 28 octobre 1998 15( * ) , Mme Martine Aubry a déclaré que le Gouvernement n'était pas opposé " à la constitution d'une épargne à long terme, complétant, et non concurrençant, la retraite par répartition, contrairement à ce que faisait le dispositif prévu par la loi Thomas. ". La ministre a précisé qu'elle avait travaillé en collaboration avec le ministre de l'économie et des finances, dans le cadre de la mission confiée à MM. Didier Migaud et Jérôme Cahuzac, sur l'architecture de ce troisième étage qui constituait " un complément de la retraite par répartition ".

Elle a ensuite décrit les trois caractéristiques du système que le Gouvernement entendait mettre en place dès 1999 :

- " il sera conçu dans un cadre collectif et sera accessible réellement à l'ensemble des salariés, notamment grâce à des dispositifs de solidarité " ;

- " les avantages qu'il offrira devront profiter à l'ensemble des salariés et ne pas fragiliser les comptes de la sécurité sociale, aussi bien en ce qui concerne l'assurance maladie que les retraites " ;

- " les partenaires sociaux devront être associés à sa mise en oeuvre et à son contrôle ".

La ministre a également ajouté qu'il s'agissait de faire en sorte " qu'une partie de l'épargne consolide l'effort productif, l'effort d'investissement des entreprises et donc, à terme, le développement des richesses ".

Elle a conclu en déclarant que le Gouvernement était d'accord pour à la fois abroger la loi Thomas, consolider le régime par répartition et élaborer un système d'épargne-retraite respectant les principes énoncés plus haut.

La ministre a cependant précisé que l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 ne semblait pas avoir sa place dans la loi de financement de la sécurité sociale et serait inscrite dans le projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) examiné par le Parlement au début de l'année 1999.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, est intervenu pour indiquer qu'il était " nécessaire de mettre en place un instrument d'épargne à long terme ". " Non seulement cela répondra aux besoins des épargnants, mais des masses de capitaux considérables pourront ainsi se constituer et assurer à notre pays la maîtrise de son appareil productif. " a-t-il ajouté.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a conclu son intervention en indiquant que le Gouvernement présenterait très rapidement, en 1999, un texte spécifique ou, à l'occasion d'un autre texte, un certain nombre d'articles, " définissant les caractéristiques de ce produit d'épargne collectif, destiné au plus grand nombre, contrôlé par les salariés, engageant la solidarité, ne mettant pas en cause le système de répartition tout en répondant à un besoin d'épargne individuel et à un besoin d'accumulation du capital sur le sol national ".

Votre rapporteur se plaît à saluer ce " chemin de Damas ". Il attend avec beaucoup d'intérêt et une certaine impatience ce projet de loi dont ne sait s'il sera présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité ou par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

3. Des réflexions de plus long terme

A plus long terme, deux débats de fond devront en outre être abordés : la définition d'un mode d'indexation des pensions sur longue période et le nécessaire allongement de la durée de la vie active.

L'indexation des pensions sur les prix instaurée dans la pratique depuis 1987 était une mesure indispensable qui a permis de préserver la situation financière des régimes de retraite. Il serait d'ailleurs nécessaire qu'elle soit prolongée dans les prochaines années.

L'indexation des pensions sur les prix est un mécanisme qui ne peut toutefois être considéré comme totalement satisfaisant sur une longue période. En période de hausse de la productivité, elle conduit à terme à une dégradation importante de la situation relative des retraités les plus âgés, écartés des bénéfices de la croissance. En période d'inflation, elle favorise les retraités aux dépens des actifs.

Votre rapporteur serait favorable à l'introduction d'un mécanisme de revalorisation du type " salaires nets - x % ", à l'image de ce qui existe dans les régimes ARRCO-AGIRC où les revalorisations s'effectuent selon un taux égal à l'évolution des salaires nets - 1 %.

Il reste naturellement à déterminer ce que serait la variable x. Un tel mécanisme permettrait toutefois d'associer les retraités aux " fruits de la croissance " sans pour autant dégrader trop sensiblement les comptes des régimes de retraite.

Allonger la durée de la vie active est en principe une des façons les plus efficaces d'éviter que le vieillissement de la population ne se traduise par des déficits considérables ou une forte augmentation des cotisations sociales.

En déplaçant la limite qui sépare l'activité de l'inactivité de 60 à 65 ans, on diminuerait en 2040 de près d'un tiers le ratio de dépendance démographique (inactifs/personnes d'âge actif).

Ceci supposerait de continuer à accroître la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Celle-ci sera déjà portée de 37,5 années en 1993 à 40 années en 2003 dans le régime général. Il conviendra probablement d'aller au-delà pour l'ensemble des régimes de retraite.

A plus long terme, on peut également envisager un recul de l'âge légal de départ à la retraite, c'est-à-dire à partir duquel il devient possible de toucher une pension, aujourd'hui fixé à 60 ans.

Le principal obstacle à l'allongement de la durée de la vie active réside cependant dans le fonctionnement du marché du travail qui exclut de manière de plus en plus prématurée les personnes les plus âgées. La France a en effet pour caractéristique de présenter à la fois le plus faible taux d'activité avant 25 ans et après 55 ans et la plus forte réduction de l'activité aux âges élevés.

Comme le fait observer M. Olivier Davanne, " il y aurait une certaine hypocrisie à vouloir baisser significativement les taux de remplacement offerts par les régimes de retraite à 60 ans sans réfléchir aux moyens de garantir un accès à l'emploi après cet âge. "

L'allongement de la durée d'activité suppose un changement des mentalités et la création d'un marché du travail pour les salariés âgés, avec l'encouragement du travail à temps partiel ou à temps choisi.

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Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.


1 L'objectif de dépenses figurant dans le projet de loi initial était de 781,1 milliards de francs. Il a été majoré de 300 millions de francs après l'adoption de la réforme de l'assurance veuvage et l'annonce, par le Gouvernement, d'une revalorisation de 2 % du minimum vieillesse et des minima de pension de réversion.

2 Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 1998, p. 636.

3 Voir sur ce point le rapport de M. Charles Descours (tome I du présent rapport).

4 Les cotisations fictives mesurent la contribution des employeurs au financement des régimes d'assurance sociale qu'ils organisent eux-mêmes pour leurs propres salariés ou ayants droit. Selon les règles de la comptabilité nationale, les cotisations fictives équivalant aux cotisations que paierait l'employeur s'il existait un régime d'assurance sociale distinct. Elles sont évaluées par le montant des prestations directes versées, net de la retenue éventuellement demandée aux salariés et, le cas échéant, des transferts reçus de l'Etat et des versements au titre de la compensation.

5 Voir sur ce point l'analyse de M. Charles Descours (Tome I du présent rapport).

6 Les activités de ces associations doivent concerner exclusivement les services rendus aux particuliers à leur domicile : tâches ménagères ou familiales associées à la garde d'enfants ou à l'assistance de personnes âgées, handicapées ou ayant besoin d'une aide personnelle à domicile.

7 Synthèse des constats et propositions de la mission sur les services d'aide aux personnes, Inspection générale des finances - Inspection générale des affaires sociales, septembre 1998, p. 28.

8 Ce titre a été choisi en référence à l'oeuvre de Samuel Beckett " En attendant Godot " (1953).

9 Cette réforme reposait sur la loi du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale et deux décrets du 27 août 1993 l'un relatif au calcul des pensions de retraite modifiant le code de la sécurité sociale et l'autre fixant les modalités de revalorisation des avantages d'invalidité et de vieillesse et modifiant le code de la sécurité sociale.

10 P. 629 et suivantes.

11 Tome I du présent rapport.

12 Eléments d'analyse sur le système de retraite français, juin 1998.

13 Consolider la retraite en respectant un nouvel équilibre : rendement-efficacité économique-mutualisation des risques, équité sociale.

14 M. Jean-Hervé Lorenzi, Op. cit.

15 J.O. Débats Assemblée nationale, 2 ème séance, 28 octobre 1998, pp. 7527 et suivantes.



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