EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LES FONDS STRUCTURELS : UN ENJEU MAJEUR
A. UN ENJEU EUROPÉEN LIÉ AUX ÉLARGISSEMENTS DE LA COMMUNAUTÉ
1. Un rôle croissant dans la construction communautaire
Le Traité de Rome, qui mentionnait, dans son préambule, l'objectif de développement harmonieux et de réduction des écarts existants entre les régions, n'avait pas mis en place de politique spécifique pour atteindre cet objectif 2( * ) . Aujourd'hui, au terme de quarante années de construction communautaire, la politique régionale européenne représente le deuxième poste de dépense de l'Union , après la politique agricole commune.
a) Une action qui a grandi avec le nombre d'Etats-membres
La lente
maturation de la politique structurelle européenne en a fait, au fur et
à mesure de l'approfondissement et de l'établissement de la
Communauté, une action dont l'importance n'a cessé de
croître.
Les années 1970 : l'ébauche d'une politique
régionale
D'importantes disparités de développement entre régions
existaient déjà en 1958 ; cependant ce n'est que plus tard
que s'ébauche une politique régionale européenne : en
1967, la direction générale des politiques régionales (DG
XVI) est créée au sein de la Commission, avec pour mission de
préparer la future politique régionale européenne.
Le FEDER est institué le 18 mars 1975 à la suite du
sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement qui a lieu à Paris en 1974.
Son intervention se fait à l'origine par soutien de projets, en
remboursement des sommes dépensées par les Etats membres, chaque
Etat pouvant revendiquer une part déterminée du budget du FEDER
(son " quota "). En 1979, un règlement du Conseil permet de
financer des actions spécifiques, en liaison avec les autres politiques
communautaires.
C'est seulement au début des années 1980 que vont naître
les actions " intégrées ", faisant appel à
plusieurs instruments financiers, avec les programmes de développement
intégrés (PDI) sont mis en place, à l'initiative du FEOGA
section orientation, pour l'aménagement de l'espace rural. A cet effet,
l'intervention du FEDER est requise pour les infrastructures (voies de
communication, gîtes ruraux). Conjointement, le FSE est sollicité
pour financer, par exemple, des formations liées au tourisme et à
l'agro-alimentaire.
Les débuts de la programmation, dans les années 1980
La révision, en 1984, des règlements relatifs au FEDER supprime
le système antérieur des quotas, pour le remplacer par celui des
fourchettes répartissant entre les Etats membres, pour trois ans,
l'ensemble des ressources du FEDER.
En 1985, les programmes intégrés méditerranéens
(PIM) sont créés pour anticiper l'entrée dans le
marché commun de l'Espagne et du Portugal. Ils constituent un pas de
plus vers " l'intégration " des interventions des fonds -qui
s'effectuaient auparavant de façon séparée- en les
associant, dans une
programmation unique
, à la réalisation
d'objectifs communs de développement
, sur une période de 6
ans et sur des zones déterminées.
Vers la cohésion économique et sociale : L'Acte Unique et les
réformes de 1988 et 1993
L'Acte Unique officialise la politique régionale comme une
compétence communautaire à part entière, par l'insertion
dans le Traité de Rome d'un nouveau chapitre intitulé
"
cohésion économique et sociale
"
aux
articles 130A à 130E, dans le but "
de promouvoir un
développement harmonieux de l'ensemble de la
Communauté
".
Pour atteindre cet objectif, l'Acte Unique impose à la Commission de
préparer et de proposer au Conseil une réforme des fonds
structurels, destinée à en faire des instruments encore plus
efficaces du développement économique et social. Dans cette
perspective, sont décidés, d'une part,
le doublement des
ressources affectés à ces fonds
d'autre part, une profonde
modification de leurs
règles de fonctionnement
.
Le Conseil adopte les 24 juin et 19 décembre 1988 cinq
règlements qui constituent le fondement du nouveau système. Les
trois fonds (FEDER, FSE, FEOGA-Orientation) sont désormais
intitulés "
fonds structurels
".
Les règlements de 1988 sont à leur tour révisés par
le Conseil des ministres de l'Union le 20 juillet 1993, pour
préparer la seconde phase de programmation, qui concerne les
années 1994 à 1999.
On le voit, le développement progressif de la politique régionale
européenne est lié tant à
l'approfondissement
de la
construction communautaire qu'à
son élargissement.
L'augmentation du nombre d'Etats membres et
l'accroissement
corrélatif de l'écart global des niveaux de
développement
ont en effet constitué de puissants motifs pour
mettre en place une politique régionale européenne
forte.
b) Une importance désormais majeure
La politique régionale européenne est
désormais la deuxième poste de dépense
de
l'Union
européenne
(plus du tiers du total du budget communautaire),
après la politique agricole commune, qui en représente
désormais moins de la moitié.
C'est aussi le plus évolutif
.
Le montant des crédits qui lui est alloué est considérable
: il s'élève, pour la période 1994-1999, à
près de
141,5 milliards d'écus
3(
*
)
(valeur 1992) et l'avant-projet de
budget communautaire pour 1999 lui accorde 39 milliards d'euros de
crédits d'engagements pour cette seule année.
Les propositions de cadrage financier pour le budget communautaire pour la
période 2000-2006 de la Commission dans " Agenda 2000 "
(exprimées en écus 1997) montrent elles aussi la montée en
puissance budgétaire de la politique structurelle :
PROPOSITIONS DE CADRAGE FINANCIER
2000-2006
(en milliards d'écus 1997)
|
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2006
|
Agriculture |
43,3 |
44,1 |
45,0 |
46,1 |
47,0 |
48,0 |
49,0 |
50,0 |
43,67 % |
Actions structurelles
|
36,1
|
35,2 |
36,0 |
38,8 |
39,8 |
40,7 |
41,7 |
42,8 |
37,38 % |
Autres |
18,4 |
18,2 |
18,8 |
20,2 |
20,3 |
20,8 |
21,3 |
21,7 |
18,95 % |
Total crédits d'engagement |
97,8 |
97,5 |
99,8 |
105,1 |
107,1 |
109,5 |
112,0 |
114,5 |
100 % |
Source : Agenda 2000
Les instruments de la politique régionale européenne se
sont diversifiés.
Ils s'articulent autour de fonds structurels qui sont des instruments
financiers au service d'objectifs prioritaires.
Les fonds structurels
Il s'agit des trois fonds précités :
-
FEDER
: fonds européen de développement
économique régional ;
-
FSE
: fonds social européen ;
-
FEOGA
: fonds européen d'orientation et de garantie
agricole, section " orientation ",
auxquels s'ajoute le "
fonds de cohésion
" qui
bénéficie à quatre Etats membres : Grèce, Portugal,
Irlande et Espagne, et l'
IFOP
, instrument financier d'orientation pour
la pêche.
Les objectifs prioritaires
permettent de définir les zones et
les problèmes spécifiques auxquels sont destinés ces
fonds. Ils sont, dans l'état actuel de la politique régionale
communautaire, les suivants :
-
Objectifs à vocation régionale
:
objectif 1
: promouvoir le développement et
l'ajustement structurel des régions en retard de
développement
objectif 2
: reconvertir les zones en déclin
industriel
objectif 5b
:promouvoir le développement des zones
rurales vulnérables
objectif 6
: prendre en compte le particularisme des zones
arctiques semi-désertiques (Suède et Finlande).
- Objectifs à vocation nationale :
objectif 3
: lutter contre l'exclusion du marché du
travail et faciliter l'insertion professionnelle des jeunes
objectif 4
: faciliter l'adaptation des travailleurs aux
mutations industrielles et à l'évolution des
systèmes de production
objectif 5a
: accompagner l'évolution des
structures agricoles et de la pêche.
Un tableau annexé au présent rapport résume les
critères utilisés par la réglementation européenne
en vigueur pour déterminer les zones éligibles à chaque
objectif et détaille quels fonds structurels sont appelés
à contribuer au financement de chaque objectif prioritaire.
Des programmes d'initiative communautaire
(PIC) ont en outre
été progressivement mis en place par la Commission, pour des
actions jugées par elle intéressantes, dans ou hors les zones
prioritaires. Ils représentent 9 % des crédits
d'engagement de la politique structurelle.
La commission dénombre actuellement
13 initiatives
communautaires
, qui ont à ce jour donné lieu à la mise
en oeuvre de plus de 400 programmes, parmi lesquelles les initiatives
INTERREG pour la coopération transfrontalière, REGIS pour
l'intégration des DOM à la Communauté, LEADER pour le
développement local, URBAN pour les quartiers en difficulté,
PESCA pour la pêche et, pour les mutations industrielles, parmi d'autres,
les initiatives PME, ADAPT, RESIDER et KONVER.
Depuis la ratification du traité de l'Union, la politique
régionale européenne se trouve souvent tiraillée entre
deux logiques : celle de l'Europe, qui fait des collectivités
territoriales des partenaires à part entière de l'Union
(comité des régions) et celle des Etats, qui utilisent les fonds
structurels pour financer certains désengagements
nationaux.
2. Une politique confrontée au défi de l'élargissement à l'Est
Depuis
le
Conseil Européen de Copenhague, en 1993
, le principe d'un
élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et
orientale (PECO) est arrêté.
La Commission a d'ailleurs proposé, dans " Agenda 2000 ", une
définition plus précise de la " stratégie de
pré-adhésion " de ces Etats, dont les contours ont
été fixés au sommet européen d'Essen.
Cet élargissement à l'Est, s'il symbolise la
réconciliation politique de l'Europe au sein de la Communauté,
pose toutefois un véritable défi en termes de
" soutenabilité " des politiques communautaires.
En effet, il se distingue des précédents élargissements :
-
par sa nature
: les candidats ont des économies " en
transition ", de l'économie planifiée vers l'économie
de marché ;
-
par son ampleur
: 10 pays sont candidats, le dernier
élargissement ne comportant que 4 candidats (et 3 adhésions
effectives) ;
-
par l'hétérogénéité des situations
de ces pays et leur retard de développement
par rapport au reste de
l'Union européenne, en termes notamment d'infrastructures, de protection
de l'environnement, de législation sociale, de structures
administratives.
Après l'élargissement aux 10 " PECO " candidats et
à Chypre, le territoire de l'Union européenne augmenterait de
34 %
4(
*
)
. Sa population
s'accroîtrait de 29 % mais sont produit intérieur brut
n'augmenterait que de 5 %, ce qui représenterait
5(
*
)
une baisse de 16 % du PIB
communautaire moyen par habitant, par rapport à la situation actuelle.
Dans " Agenda 2000 ", la Commission souligne que cette baisse serait
supérieure à l'ensemble de celles dont se sont accompagnés
tous les précédents élargissements.
Au-delà de la période qui retient aujourd'hui notre attention
(2000-2006) et qui ne devrait que peu supporter les conséquences
financières d'un élargissement qui n'aura vraisemblablement pas
le temps d'être totalement achevé, force est de constater que
cette ouverture européenne à nos voisins de l'Est ne peut pas ne
pas avoir de conséquences, à terme, sur le déplacement des
solidarités financières au sein de la Communauté.
La Commission
6(
*
)
affirme ainsi
que "
le thème de la cohésion économique et
sociale gagnera encore en importance dans une Union élargie et donc,
forcément, plus hétérogène. (...) La question se
pose de savoir comment adapter nos instruments à l'avenir et au
défi de l'élargissement
".
Enjeu européen, la politique structurelle est aussi un enjeu
national.
B. UN ENJEU VITAL POUR NOMBRE DE TERRITOIRES FRANÇAIS
1. Une somme importante
Le
montant des fonds structurels destinés à la France pour la
période de 1994-1999 s'élève à 15,17 milliards
d'écus, soit environ
102,6 milliards de francs
. Cette
dotation équivaut à
8,2 % du total de l'enveloppe
structurelle
(la France contribuant au budget communautaire à
hauteur de 17,5 %).
C'est donc une
enveloppe annuelle de 16,5 milliards de francs
(dont
10,22 milliards de francs au titre des objectifs régionaux 1, 2 et
5b) qui est attribuée à notre pays, soit en moyenne environ
250 francs par habitant auxquels viennent s'ajouter les crédits des
programmes d'initiative communautaire
, qui représentent pour
1999
7(
*
)
1,762 milliards
de francs
de dotations pour notre pays (soit l'équivalent du budget
du ministère de l'aménagement du territoire).
2. Un soutien essentiel pour les territoires
Votre
rapporteur ne s'étendra pas sur les liens tout particuliers qui unissent
le Sénat en général -représentant constitutionnel
des collectivités territoriales- et votre Commission des Affaires
économiques
8(
*
)
en
particulier, à l'aménagement du territoire. La question en
débat aujourd'hui est donc suivie avec un vif intérêt.
La carte insérée ci-après rappelle quelles sont
actuellement les zones du territoire français qui sont concernées
par les objectifs européens " régionaux ",
c'est-à-dire ceux qui n'ont pas vocation à s'appliquer à
l'ensemble du territoire.
Elle permet de visualiser l'impact géographique des objectifs
communautaires actuels.
La répartition par région (et par DOM) de ces dotations
9(
*
)
pour la période 1994-1999 est
donnée par le graphique suivant :
Source : DATAR
Seize
milliards et demi de francs par an, c'est neuf fois plus que l'effort
annuel de l'Etat en faveur de l'aménagement du territoire. Les dotations
européennes représentent
10(
*
)
jusqu'à 5.700 francs par
an et par habitant dans les zones éligibles à l'objectif 1,
1.700 francs par an et par habitant pour les zones de l'objectif 2 et
1.500 francs par an et par habitant pour les zones de l'objectif 5b.
Ces chiffres illustrent ce que les membres de notre Haute Assemblée
constatent presque chaque jour sur le terrain : malgré
quelques lacunes quant à son application au quotidien, la politique
structurelle européenne est essentielle pour nombre de nos territoires.
Cependant, les territoires sont légitimement inquiets des
complexités administratives que développe la
" renationalisation " des politiques européennes, ajoutant aux
procédures de Bruxelles les effets de la bureaucratie nationale.
La Commission européenne a présenté en juillet 1997 une
proposition de réforme de cette politique régionale,
complétée par des propositions de règlements en mars 1998.