N°
180
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 janvier 1999
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'Administration
générale (1) sur :
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS
DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la
Nouvelle-Calédonie
,
- le projet de loi organique, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la
Nouvelle-Calédonie
,
Par M.
Jean-Jacques HYEST,
Sénateur.
TOME I :
EXPOSÉ GÉNÉRAL ET EXAMEN DES ARTICLES
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros :
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Départements et territoires d'Outre-mer. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le 28 janvier 1998 sous la présidence de
M.
Jacques Larché, président, la commission des Lois a entendu
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, et
a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Jean-Jacques
Hyest, les deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire le
complétant, relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
Après avoir brièvement rappelé les fluctuations
caractérisant l'histoire statutaire de la Nouvelle-Calédonie
avant que les accords de Matignon ne permettent de restaurer durablement la
paix civile et une stabilité institutionnelle, ainsi que le long
cheminement ayant abouti à la conclusion de l'Accord de Nouméa
signé le 5 mai 1998, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a
présenté l'économie des deux projets de loi tendant
à traduire en termes juridiques ce dernier accord en application de
l'article 77 de la Constitution résultant de la révision
constitutionnelle du mois de juillet dernier.
Sur un total de deux cents soixante trois amendements adoptés par la
commission des Lois, cent cinquante sont de nature formelle (clarification de
la rédaction, corrections d'erreurs matérielles, coordination),
d'autres, au nombre d'une cinquantaine, corrigent des incohérences de
fond ou comblent des lacunes du dispositif. Une soixantaine correspondent enfin
à des ajouts ou des modifications de fond, dictés par le double
souci de respecter la lettre et l'esprit de l'Accord de Nouméa à
l'exclusion de toute disposition qui n'en découlerait pas directement,
et d'assurer la cohérence du dispositif en s'inspirant, chaque fois que
cela était possible, des mécanismes d'organisation et de
fonctionnement des collectivités territoriales de métropole tels
qu'ils résultent du code général des collectivités
territoriales.
•
Sur le projet de loi organique
, les principaux
apports sont les suivants :
- la mise en cohérence du régime juridique applicable aux
changements de statut civil : le passage au statut civil coutumier doit
être en effet entouré de garanties et une marge
d'appréciation doit être laissée au juge pour éviter
une trop grande instabilité des situations juridiques et éviter
que les intérêts des parents du demandeur ne soient
lésés (articles 11 à 15) ;
- suppression des dispositions insérées par l'Assemblée
nationale sous un titre Ier bis (nouveau) traitant de la justice en
Nouvelle-Calédonie (art. 17 bis à 17 quater), qui
généralisent la présence d'assesseurs dans l'ensemble des
formations de jugement en Nouvelle-Calédonie et limitent à cinq
ans la durée d'exercice des fonctions de magistrat ;
- un encadrement légal plus précis des mesures qui seront prises
par voie de lois du pays pour l'accès à l'emploi local
(article 23) ;
- le renvoi à une loi du pays pour définir, dans le cadre
légal, l'échéancier précis des transferts de
compétence (article 25) ;
- l'exigence que le comité consultatif des mines statue dans un
délai de trois mois, à défaut de quoi un droit de veto lui
serait conféré lui permettant d'empêcher un projet de
délibération ou de loi du pays sur une affaire minière de
prospérer (article 40) ;
- étendre l'obligation de déclaration patrimoniale à
l'ensemble des membres du congrès devenu, aux termes du nouveau
dispositif statutaire, un
" quasi-parlement "
(article 59) ;
- prévoir, comme c'est le cas pour les conseillers
généraux et régionaux, qu'un membre du congrès
démissionnaire ne peut être réélu avant l'expiration
du délai d'un an (article 67) ;
- ménager des séances de questions orales au congrès
(article additionnel après l'article 69) ;
- supprimer l'exigence de publicité des séances de la commission
permanente à la suite de la décision n° 98-407 DC du 14
janvier 1998 du Conseil constitutionnel ;
- donner la possibilité au congrès de créer des
commissions d'enquête (article additionnel après
l'article 87) ;
- faire entrer dans le domaine des lois du pays la possibilité de
modifier le nom de la Nouvelle-Calédonie, conformément aux termes
de l'Accord de Nouméa ;
- prévoir que les listes présentées par les groupes
d'élus pour l'élection des membres du gouvernement doivent
comporter plus de noms que de postes à pourvoir afin de limiter la
fréquence de renouvellement intégral du gouvernement due à
l'épuisement des listes au gré des défaillances
(article 102) ;
- exiger que le président et le vice-président du gouvernement
soient élus à la majorité des membres du gouvernement
(article 107) ;
- prévoir un communiqué portant à la connaissance du
public le relevé des décisions du gouvernement
(article 115) ;
- rendre obligatoire la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi du pays
qui définira les modalités d'élection et le collège
électoral pour l'élection des membres du sénat coutumier
à compter de 2005 (article 128) ;
- droit d'information des membres des assemblées de province sur les
affaires faisant l'objet d'une proposition de délibération
(article additionnel après l'article 155) ;
- publication au
Journal officiel
du règlement intérieur
de chaque assemblée de province (article 156) ;
- établissement d'un procès-verbal des séances des
assemblées de province (article 160) ;
- limitation de la procédure de consultation au président de
l'assemblée de province concernée en cas de dissolution
(article 161) ;
- suppression de la procédure de motion de renvoi au cours de l'examen
du projet de budget de la province (article 173) ;
- extension des cas d'élections partielles aux cas de vacances
n'étant pas causés par un décès pour éviter
qu'une assemblée de province ne soit amenée à
siéger à effectif réduit jusqu'au terme du mandat
(article 182) ;
- maintien à vingt-et-un ans de l'âge d'éligibilité
des membres du congrès et des assemblées de province
(article 183) ;
- différer jusqu'à l'expiration du délai de sept jours
imparti au haut-commissaire pour demander une seconde
délibération le caractère exécutoire des
arrêtés du gouvernement et de son président
(article 195) ;
- rétablir la compétence du Conseil d'Etat pour donner un avis
sur une question relative à la répartition des compétences
(article 197) ;
- distinction des deux chambres territoriales des comptes de
Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française pour tenir
compte du fait que ces deux collectivités n'appartiennent plus
désormais à la même catégorie juridique (article
additionnel avant l'article 198) ;
- suppression des dispositions introduites par l'Assemblée nationale
pour prévoir la publication d'un rapport annuel de la chambre
territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie (article 198 bis) ;
- éviter que la campagne relative à la consultation sur
l'accession à la pleine souveraineté n'interfère avec
celle concernant un renouvellement général du congrès
(article 207) ;
- prendre en considération la majorité des suffrages
exprimés et non la majorité des votants pour le résultat
de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté
(article 207) ;
- clarifier la disposition selon laquelle une absence de
Nouvelle-Calédonie pour certains motifs n'est pas interruptive du
délai pris en compte pour apprécier la condition de domicile
requise pour être admis à participer à la consultation sur
l'accession à la souveraineté (article 208) ;
- toilettage des dispositions législatives applicables à
l'élection des députés et des sénateurs, à
l'élection du Président de la République et à la
composition du Conseil économique et social (articles additionnels
après l'article 216) pour tenir compte du fait que la
Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer.
•
Sur le projet de loi ordinaire
complémentaire du projet
de loi organique, votre commission des Lois vous soumet également
trente-deux amendements. Les principales modifications qu'elle vous propose sur
ce texte, dont la plupart font progresser la codification pour une meilleure
lisibilité du droit applicable en Nouvelle-Calédonie, sont les
suivantes :
- création d'un code des communes de la Nouvelle-Calédonie
à valeur législative afin de rendre lisible l'ordonnancement
juridique applicable en évitant les circonvolutions liées
à la nécessité de modifier chaque fois la loi du 8 juillet
1977 qui a étendu le code des communes métropolitain à la
Nouvelle-Calédonie ou la tentation de procéder à des
extensions par référence au code général des
collectivités territoriales qui n'a pas été rendu
applicable en Nouvelle-Calédonie (article additionnel après
l'article 4) ;
- modification des lois du 19 juillet 1977 relative aux sondages d'opinion, du
15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses
électorales et du 10 juillet 1985 relative à l'élection
des députés et des sénateurs (articles additionnels
après l'article 19) pour tenir compte du fait que la
Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer.
Mesdames, Messieurs,
Les deux projets de loi, l'un organique, l'autre simple le complétant,
soumis aujourd'hui à votre examen, ont pour objet, en application de
l'article 77 de la Constitution résultant de la révision
constitutionnelle adoptée à une très large majorité
par le Congrès au mois de juillet dernier, de traduire en termes
juridiques les orientations définies par l'Accord de Nouméa du
5 mai 1998.
Le nouvel équilibre institutionnel et juridique proposé constitue
à la fois un aboutissement et un nouveau point de départ dans
l'Histoire statutaire de la Nouvelle-Calédonie.
Concrétisant la solution consensuelle appelée de leurs voeux par
l'ensemble des partenaires pour éviter le
" référendum couperet "
prévu par
l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988, solution
dégagée au terme d'un processus de négociations longues et
difficiles, la réforme institutionnelle proposée, qui par bien
des aspects se situe dans le prolongement de l'évolution statutaire
calédonienne, présente cependant plusieurs innovations majeures.
Adoptées en Conseil des ministres le 25 novembre 1998 et en
première lecture par l'Assemblée nationale le
21 décembre, les deux lois regroupent plus de deux cent cinquante
articles qui mettent en place un statut transcrivant fidèlement les
principes et orientations de l'Accord de Nouméa et s'inspirant
également des deux lois du 12 avril 1996 qui régissent
l'organisation institutionnelle de la Polynésie française.
Après un bref rappel de l'histoire statutaire de la
Nouvelle-Calédonie et du processus de négociation qui a conduit
à la conclusion de l'Accord de Nouméa, votre commission des Lois
présentera l'économie des deux projets de lois et les principales
modifications qu'elle entend vous proposer.
I. UNE ÉVOLUTION STATUTAIRE CARACTÉRISÉE PAR UNE GRANDE INSTABILITÉ
Terre de peuplement pluriéthnique marquée par le fait colonial et l'apparition d'un enjeu économique avec la découverte de gisements de nickel, la Nouvelle-Calédonie a connu une évolution institutionnelle contrastée qui a débouché au début des années 1980 sur une crise grave, dénouée en 1988 avec la conclusion des Accords de Matignon permettant de restaurer durablement la paix civile.
A. LE POIDS DE L'HISTOIRE
Aperçue par Bougainville en 1768, la
Nouvelle-Calédonie a été découverte par le
navigateur anglais James Cook le 5 Septembre 1774. Le navigateur
français La Pérouse a à son tour approché la
Grande Terre en 1788, quelques jours avant son naufrage sur les récifs
de Vanikoro dans l'archipel des îles Salomon.
Après que Dumont d'Urville eut commencé en 1825 à
effectuer un relevé cartographique des côtes calédoniennes,
il fallut attendre le 21 décembre 1843 pour que le premier
établissement soit créé à Balade, au nord-est du
Caillou, avec l'installation de Monseigneur Douarre et de missionnaires
catholiques français.
Le 23 septembre 1853 intervint la prise de possession au nom de la
France, à l'initiative de l'amiral Febvrier-Despointes, le capitaine de
vaisseau Tardy de Montravel créant l'établissement de
Port-de-France le 9 octobre 1854, qui deviendra en 1866
Nouméa. Devenue rapidement le principal centre de peuplement, cette
agglomération sera dotée d'un statut communal dès 1879.
La prise de possession est ensuite complétée en 1869 par
l'annexion des îles Loyauté.
Du fait de son éloignement de la métropole, peu de colons
partirent spontanément s'installer en Nouvelle-Calédonie
jusqu'à ce qu'elle devienne une colonie pénitentiaire à
partir de 1863 en application de la loi de 1854 relative à la
transportation prévoyant l'exécution de peines de travaux
forcés dans les établissements coloniaux. Dès le
début, le premier Gouverneur de l'île, Guillain (1862-1870),
entreprit d'organiser la réhabilitation de certains
forçats : lui et ses successeurs accordèrent ainsi des
concessions de terres à ces détenus de droit commun auxquels il
était interdit de rentrer en France. Parallèlement,
l'émigration vers la Nouvelle-Calédonie fut encouragée par
l'attribution gratuite de terre : un arrêté du
27 mai 1884, en son article 4, dispose ainsi :
" Une concession gratuite est accordée à tout
émigrant. Cette concession se compose d'un lot de village, d'un lot de
culture et d'un lot de pâturage "
. Pour que la concession
devienne définitive, l'émigrant devait s'acquitter de certaines
obligations (résidence obligatoire, construction d'une habitation, mise
en rapport des terres concédées), faute de quoi il était
déchu de ses droits, la concession faisant retour au domaine. Les
publications de l'Union coloniale française avaient même
publié un guide de l'émigrant en Nouvelle-Calédonie.
A la fin du 19ème siècle, la Nouvelle-Calédonie
comptait ainsi quelques vingt-mille habitants d'origine européenne,
l'administration pénitentiaire représentant la principale
puissance foncière du territoire.
Alors que les mélanésiens de Nouvelle-Calédonie
s'étaient vu reconnaître des droits fonciers en 1855
(déclaration du gouverneur du Bouzet du 20 juin 1855), seules
les terres achetées et non occupées étant
intégrées au domaine de l'Etat et pouvant être
concédées, plusieurs arrêtés oublièrent par
la suite ces principes pour organiser un cantonnement des
mélanésiens à travers la délimitation du territoire
des tribus. Ces spoliations entraînèrent d'ailleurs des
révoltes des populations mélanésiennes, notamment la
célèbre révolte du 19 janvier 1878 qui se
conclut par la défaite et la mort, en juin 1879, du chef Ataï.
La découverte de minerai de nickel à partir de 1864, dont
l'exploitation devait constituer un enjeu économique essentiel, fut une
incitation supplémentaire pour les autorités françaises
à encourager la colonisation.
Il fallut attendre 1946 pour que le code de l'indigénat de 1887 soit
abrogé par une loi du 7 avril accordant la citoyenneté
française à tous les ressortissants des pays de
souveraineté française.
B. 1946-1988 : PLUS DE QUARANTE ANS DE FLUCTUATIONS STATUTAIRES
Après que les établissements de Balade et de
Nouméa eurent été rattachés aux Etablissements
français de l'Océanie à Tahiti, un décret
impérial du 14 janvier 1860 érigea la
Nouvelle-Calédonie et ses dépendances en établissement
distinct confié à un commandement auquel succéda un
gouverneur assisté d'un conseil privé (décret du
12 décembre 1874). A compter de 1885, un conseil
général est institué avec pour principale attribution le
vote du budget préparé en conseil privé et la fixation des
centimes additionnels affectés au budget de la commune de Nouméa.
Ralliée à la France libre et ayant servi de base aux troupes
américaines pendant la deuxième guerre mondiale, la
Nouvelle-Calédonie accède au statut de territoire d'outre-mer en
1946. La Constitution du 27 octobre 1946 érige en effet les
colonies françaises en territoires d'outre-mer dotés de statuts
particuliers tenant compte de leurs intérêts propres.
Dès lors, sept statuts vont se succéder jusqu'en 1988,
l'instabilité s'aggravant à partir du début des
années 1980.
• 1946 : l'accès au statut de territoire d'outre-mer.
Le gouverneur, représentant de l'Etat, demeure l'exécutif du
territoire. En revanche, le conseil général, commué en
assemblée territoriale, est désormais élu au suffrage
universel. L'initiative des dépenses appartient concurremment au
gouverneur et aux membres de l'assemblée représentative, laquelle
vote le budget préparé par celui-ci. Est accordée à
cette assemblée la faculté d'adresser au gouverneur toute demande
de renseignements ainsi que des observations à présenter, dans
l'intérêt du territoire, au ministre de la France d'outre-mer.
La Nouvelle-Calédonie est en outre représentée au Conseil
de la République.
• La loi-cadre du 23 juin 1956 et le décret-loi du
22 juillet 1957 confèrent au territoire une certaine autonomie.
Ces textes étendent les attributions de l'assemblée territoriale
et instituent un conseil du gouvernement.
L'assemblée territoriale reçoit le pouvoir d'organiser ses
sessions. Ses attributions, confirmées en matière
budgétaire, sont étendues à des matières telles que
le statut des agents territoriaux, la procédure civile ou le statut
civil coutumier. Elle se voit également reconnaître des
compétences en matière d'enseignement primaire et secondaire,
d'économie, de fiscalité, de régime foncier, de
santé et d'urbanisme.
Le conseil du gouvernement, présidé par le chef du territoire qui
n'est autre que le représentant de l'Etat, est doté
d'attributions collégiales étendues (approbation des projets de
délibération soumis à l'assemblée
territoriale ; examen des actes relatifs à la réglementation
économique, au commerce extérieur et aux prix, à
l'organisation des chefferies...) et ses membres reçoivent des
attributions individuelles, étant chargés de la gestion de
services territoriaux et ayant autorité sur les chefs de services
relevant de leur secteur d'activité.
• Les lois du 21 décembre 1963 et du
3 janvier 1969 : la tutelle de l'Etat est renforcée.
Les nouveaux choix étatiques réorientent l'évolution du
territoire non plus vers l'autonomie mais vers l'assimilation : c'est la
première volte-face de la métropole en réaction à
l'apparition du mouvement autonomiste calédonien.
La loi statutaire du 21 décembre 1963, dite
" loi
Jacquinot "
restreint le rôle du conseil de gouvernement et
supprime les attributions individuelles de ses membres, qui perdent en outre
leur titre de ministre. Cet organe est réduit à une fonction
consultative, le pouvoir exécutif revenant au gouverneur, chef du
territoire.
L'assemblée territoriale conserve toutefois un large champ de
compétences : elle prend des délibérations à
valeur réglementaire, fixe le régime fiscal territorial et vote
le budget.
Après une loi du 30 décembre 1965 rétablissant
la compétence de l'Etat en matière d'enseignement public
secondaire, deux lois du 3 janvier 1969, dites
" lois
Billotte "
, confirment le mouvement de
" recentralisation "
en privant le territoire de ses
compétences en matière d'investissement et de prospection miniers
et, au plan de l'organisation administrative locale, en
généralisant les communes d'Etat et créant
l'équivalent de sous-préfectures.
• La loi du 28 décembre 1976 : la tutelle de l'Etat
est assouplie.
Sans revenir au statut de 1957, la loi du 28 décembre 1976
restaure les pouvoirs du conseil du gouvernement, exercés
collégialement. Ses membres élus par l'assemblée
territoriale à la représentation proportionnelle, sont
chargés individuellement d'une mission permanente d'animation et de
contrôle d'un secteur de l'administration territoriale.
Pour la première fois en revanche, et bien que l'Etat conserve des
attributions très larges, est conférée au territoire la
compétence de droit commun.
Ce nouveau statut, confronté à une situation politique locale
où indépendantistes et loyalistes s'opposent, connaît des
difficultés de mise en oeuvre. Le conseil du gouvernement est ainsi
dissous au printemps 1979. Aux élections territoriales du mois de
juillet, les partisans du maintien dans la République emportent plus de
65 % des suffrages exprimés. Le débat sur l'accès
à l'indépendance, désormais ouvert, va se radicaliser en
même temps que la tension entre les communautés s'avive,
malgré les réformes entreprises en 1982 par une série
d'ordonnances.
Sur habilitation d'une loi du 4 février 1982, un train de six
ordonnances institue en effet des assesseurs coutumiers auprès du
tribunal de première instance et de la cour d'appel de Nouméa,
crée un office de développement de l'intérieur et des
îles, un office culturel, scientifique et technique canaque, un office
foncier pour accélérer la réalisation de la réforme
foncière, transfère la compétence de concession pour la
distribution d'énergie électrique des communes au territoire et
limite la durée de concession des titres miniers.
Ces mesures ponctuelles sont confirmées par un nouveau statut en 1984.
• La loi du 4 mai 1984, consacrant un véritable statut
d'autonomie, connaît une existence éphémère.
A la suite des réformes de 1982, s'opère une recomposition des
alliances à l'assemblée territoriale qui porte Jean-Marie-Tjibaou
à la vice-présidence du conseil du gouvernement.
En juillet 1983 s'ouvre la table ronde de Nainville-le-Roches regroupant des
représentants des divers mouvements politiques en présence de
M. Georges Lemoine, secrétaire d'Etat aux DOM-TOM. Cette table
ronde débouche sur une déclaration commune, publiée le
12 juillet 1983, que le RPCR refuse cependant de co-signer. Le fait
colonial et le
" droit inné et actif à
l'indépendance "
du "
peuple kanak, premier
occupant "
sont reconnus, l'exercice de ce droit devant se faire
" dans le cadre de l'autodétermination "
, la
légitimité des autres ethnies étant admise par les
représentants du peuple kanak. La déclaration conclut à la
nécessité d'élaborer un
" statut d'autonomie
transitoire et spécifique "
qui se traduit par l'adoption de la
loi du 6 septembre 1984.
Cette loi prévoit la tenue d'une consultation référendaire
sur l'autodétermination au terme d'un délai de cinq ans.
Elle reconnaît au territoire la personnalité juridique, lui
permettant de déterminer librement les signes distinctifs marquant sa
personnalité dans les manifestations publiques officielles.
Le territoire est divisé en six circonscriptions elles-mêmes
subdivisées en pays tenant compte des limites des aires
coutumières.
Une compétence de droit commun est conférée au territoire
excluant les attributions régaliennes (relations extérieures et
défense, monnaie et crédit, justice, nationalité et
état civil, maintien de l'ordre, contrôle de l'immigration) mais
également l'exploitation et la conservation des ressources naturelles,
la sécurité civile, le statut coutumier, l'aménagement
foncier, l'énergie et la réglementation minière,
l'enseignement du second cycle et supérieur et la communication
audiovisuelle.
Les institutions territoriales comprennent un conseil des ministres, une
assemblée territoriale délibérante, une assemblée
des pays et un comité d'expansion économique.
Le gouvernement du territoire est présidé, non plus par le chef
du territoire, mais pas un président élu par l'assemblée
territoriale à laquelle il présente la liste des ministres. Le
conseil des ministres est doté d'importantes attributions. La
responsabilité du gouvernement peut être mise en cause par le vote
d'une motion de censure.
Le domaine de compétence de l'assemblée territoriale contient une
innovation : la consultation obligatoire de l'assemblée pour la
ratification des conventions internationales intéressant le territoire
est prévue.
L'assemblée des pays, composée de représentants de la
coutume et des communes, est consultée sur les projets du gouvernement
et les propositions de délibération de l'assemblée
territoriale, notamment sur les questions de droit civil particulier, pour
lesquelles elle peut en outre exercer une mission de conciliation en cas de
conflits entre citoyens.
Le haut-commissaire est chargé de la défense des
intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect
des lois et des libertés publiques ainsi que du maintien de l'ordre
public.
Le tribunal administratif, dont le siège est fixé à
Nouméa, succède au conseil du contentieux administratif.
Ce statut va susciter de multiples réactions d'hostilité :
le RPCR y est fermement opposé tandis que le FLNKS, créé
en 1984, exige que le scrutin d'autodétermination soit organisé
rapidement et que seul un corps électoral restreint soit admis à
se prononcer.
Les élections territoriales du mois de novembre se déroulent dans
un climat de violence sans précédent et sont marquées par
un fort taux d'abstention (50 %) en dépit de la très nette
victoire du RPCR (plus de 70 % des suffrages exprimés).
Ces violences, qui se manifestent par des barrages et l'occupation de la
commune de Thio par le secrétaire général de l'Union
calédonienne, principale composante du FLNKS, Eloi Machoro, aboutissent
le 1er décembre à la constitution par le FLNKS d'un
gouvernement provisoire présidé par Jean-Marie Tjibaou. Les
violences s'exacerbent alors avec l'embuscade de Hienghène où dix
mélanésiens, dont deux frères de Jean-Marie Tjibaou, sont
tués, trois caldoches disparaissant le lendemain dans un incendie
criminel à Bourail.
L'état d'urgence est proclamé par le haut-commissaire le
12 janvier 1985 et le gouvernement de la République nomme
Edgard Pisani délégué en Nouvelle-Calédonie.
L'organisation d'un référendum d'autodétermination en
juillet 1985, ouvert aux citoyens justifiant de trois ans de
résidence sur le territoire, est proposé. Le
" plan
Pisani "
ne permet pas d'apaiser la situation : celle-ci continue
à se dégrader, marquée par la mort d'un européen et
celle d'Eloi Machoro à l'occasion d'une intervention du GIGN. Le
couvre-feu ne sera levé qu'au mois de juin 1985.
• La loi du 23 août 1985 : un statut aussi
éphémère que le précédent.
La loi du 23 août 1985 définit un statut transitoire
prévoyant à son article premier que les populations de la
Nouvelle-Calédonie et dépendances seront appelées à
se prononcer au plus tard le 31 décembre 1987 sur l'accession
du territoire à l'indépendance en association avec la France.
Quatre régions sont créées, remplaçant les six pays
(Nord, Centre, Sud, îles Loyauté) : elles sont dotées
de conseils régionaux élus à la représentation
proportionnelle dont la réunion constitue le congrès qui remplace
l'assemblée territoriale. Ces conseils régionaux exercent les
attributions précédemment dévolues à cette
assemblée.
Un conseil coutumier territorial est institué qui peut être
consulté par le haut-commissaire sur les questions touchant au statut
civil particulier, au régime foncier et à l'enseignement des
langues vernaculaires.
Le haut-commissaire demeure l'organe exécutif du territoire. Est
institué auprès de lui un conseil exécutif composé
des présidents des conseils régionaux et du président du
congrès.
Si le territoire demeure une collectivité territoriale, son autonomie
est remise en cause par ce retour du pouvoir exécutif dans les mains du
haut-commissaire et le mouvement de régionalisation.
La mise en oeuvre de ce nouveau dispositif institutionnel va être remise
en cause par le changement de majorité politique en France lors des
élections législatives.
• La loi du 17 juillet 1986 complétée par la loi
du 22 janvier 1988 : un statut qui débouche à
nouveau sur une situation de crise.
S'écartant de la solution de l'indépendance-association inspirant
le précédent statut, la loi du 17 juillet 1986, dite
" statut Pons I "
, prévoit une consultation des
populations de la Nouvelle-Calédonie dans un délai de douze mois
sur l'alternative : maintien au sein de la République avec un
statut fondé sur l'autonomie et la régionalisation d'une part,
l'indépendance d'autre part.
Maintenant le cadre régional, elle restitue au congrès les
compétences précédemment dévolues aux conseils
régionaux. Le haut-commissaire demeure l'organe exécutif du
territoire.
Un programme d'aide au développement et de réforme
foncière est amorcé et l'office foncier et l'office du
développement de l'intérieur et des îles sont
remplacés par l'agence du développement rural et
d'aménagement foncier (ADRAF).
Le référendum d'auto-détermination intervient le
13 septembre 1987 : sont admis à se prononcer les
électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire
à la date du scrutin et ceux résidant en
Nouvelle-Calédonie depuis au moins trois ans à compter de la
promulgation de la loi de juillet 1986. A la question
"
voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à
l'indépendance ou demeure au sein de la République
française ? "
, 98,3 % des suffrages exprimés optent
pour le maintien dans la République. Cependant, le taux d'abstention
excède 40 %, le FLNKS ayant appelé au boycott.
La loi du 22 janvier 1988, dite
" statut Pons II "
accentue l'autonomie accordée à la Nouvelle-Calédonie, les
compétences de l'Etat étant limitativement
énumérées et le pouvoir exécutif étant
transféré à un conseil exécutif de dix élus.
Le congrès, constitué par la réunion de quatre conseils
régionaux, a pour attribution principale le vote du budget, les autres
compétences revenant aux conseils régionaux par un nouvel effet
de balancier renforçant la régionalisation. Si les régions
sont toujours au nombre de quatre, leur découpage est
modifié : subsistent les régions du Sud et des îles
Loyauté tandis que les régions Nord et Centre sont
remplacées par les régions Est et Ouest, favorisant la
représentation du RPCR.
Le nouveau statut n'aura pas le temps de prospérer se heurtant à
une nouvelle flambée de violence suscitée par l'accumulation des
échecs statutaires quelques jours avant l'échéance
électorale du 24 avril 1988. Le printemps 1988 est
marqué par une nouvelle escalade de violence qui confine rapidement
à un climat de guerre civile. A la veille des élections
territoriales du 24 avril 1988 qui coïncident avec le premier
tour des élections présidentielles, une prise d'otages à
Ouvéa se solde par l'assassinat de quatre gendarmes et l'assaut
donné pour libérer les autres otages fait vingt-et-un morts, deux
militaires et dix-neuf kanaks.
C. LE RÉTABLISSEMENT DURABLE DE LA PAIX CIVILE ET DE LA STABILITÉ INSTITUTIONNELLE
La
violence ayant atteint son paroxysme, une issue va être recherchée
pour éviter de sombrer dans la guerre civile.
M. Michel Rocard, nouveau Premier ministre, investit le préfet
Christian Blanc, ancien adjoint d'Egard Pisani, d'une mission tendant
à renouer le dialogue entre le FLNKS et le RPCR.
La délégation qu'il conduit est composée de
Monseigneur Guiberteau, Roger Leray ancien grand maître du
Grand-Orient, Jean-Claude Périer conseiller d'Etat,
Pierre Steinmetz sous-préfet et du pasteur Jacques Stewart. Elle
parvient à rétablir le contact entre les protagonistes :
Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou se rencontrent en
présence du Premier ministre le 15 juin 1988, pour la
première fois depuis la table ronde de Nainville-les-Roches.
Les négociations aboutissent à l'adoption d'une
déclaration commune dans la nuit du 25 au 26 juin,
signée du Premier ministre, de huit représentants du RPCR
(Jacques Lafleur, Maurice Nenou, Dick Ukeiwé,
Jean Lèques, Henri Wetta, Pierre Frogier,
Pierre Brétéguier et Robert Naserre Paouta) et de cinq
représentants du FLNKS (Jean-Marie Tjibaou, Yeiwéné
Yeiwéné, Caroline Machoro, Edmond Nekiriai et Nidoish Naisseline)
et reproduite ci-après :
" Les Communautés de Nouvelle-Calédonie ont trop
souffert, dans leur dignité collective, dans l'intégrité
des personnes et des biens, de plusieurs décennies
d'incompréhension et de violences.
" Pour les uns, ce n'est que dans le cadre des institutions de la
République Française que l'évolution vers une
Nouvelle-Calédonie harmonieuse pourra s'accomplir. Pour les autres, il
n'est envisageable de sortir de cette situation que par l'affirmation de la
souveraineté et de l'indépendance.
" L'affrontement de ces deux convictions antagonistes a
débouché jusqu'à une date récente sur une situation
voisine de la guerre civile.
" Aujourd'hui, les deux parties ont reconnu l'impérieuse
nécessité de contribuer à établir la paix civile
pour créer les conditions dans lesquelles les populations pourront
choisir, librement et assurées de leur avenir, la maîtrise de leur
destin.
" C'est pourquoi elles ont donné leur accord à ce que l'Etat
reprenne pendant les douze prochains mois l'autorité administrative sur
le territoire selon les modalités précisées dans le texte
n° 1 ci-dessous.
" Cette unification sous l'autorité du haut-commissaire des
Services de l'Etat et de ceux du Territoire, pour une durée
limitée à un an, devra engager une répartition des
crédits et des emplois publics permettant le développement des
régions défavorisées de Nouvelle-Calédonie,
couplée avec une politique favorisant les investissements privés.
Elle permettra de jeter les bases d'une véritable politique de
formation, afin de rattraper les retards et de corriger les
déséquilibres que traduit la trop faible présence de
Mélanésiens dans les différents secteurs d'activité
du Territoire, et en particulier dans la fonction publique.
" Cette phase intermédiaire, qui prendra effet dès la
promulgation de la loi, sera mise à profit pour l'élaboration des
dispositions définitives du projet de loi consacrant le nouvel
équilibre géographique, institutionnel, économique et
social du Territoire, élaboré à partir des principes
énoncés dans le présent document.
" Dès le début de la session parlementaire d'automne, le
Gouvernement proposera à M. le Président de la
République, conformément à l'article 11 de la
Constitution, de soumettre ce projet de loi à la ratification du peuple
français par voie de référendum.
" Ces nouvelles dispositions institutionnelles s'appliqueront à
compter du 14 juillet 1989. Les élections aux nouvelles
instances provinciales interviendront le même jour que le renouvellement
général des conseils municipaux en France métropolitaine
et outre-mer. Le projet de loi soumis à référendum fixera
donc au 14 juillet 1989 la limite du mandat des actuels conseils de
région et donc du congrès du Territoire.
" Ces élections se dérouleront après une refonte des
listes électorales. Le Centre d'Information Civique sera invité
à organiser une campagne d'information en vue de l'inscription des
jeunes électeurs sur les listes électorales.
" Dès janvier 1989, l'INSEE engagera en Nouvelle-Calédonie
les opérations prévues dans le cadre du recensement
général de la population.
" En conséquence, le Premier ministre présentera un projet
de loi dans ce sens au Conseil des Ministres du 29 juin 1988.
" Les deux délégations se sont par ailleurs engagées
à présenter et à requérir l'accord de leurs
instances respectives sur les propositions du Premier ministre concernant
l'évolution future de la Nouvelle-Calédonie contenues dans le
texte n° 2 ".
Cette déclaration, qui reconnaît
" l'impérieuse
nécessité de contribuer à établir la paix
civile "
confie à l'Etat le soin d'exercer l'autorité
administrative pendant un an, période impartie pour
" l'élaboration des dispositions définitives du projet de
loi consacrant le nouvel équilibre géographique, institutionnel,
économique et social du Territoire ".
La loi du
12 juillet 1988 confie ainsi au haut-commissaire le pouvoir
exécutif et institue un comité consultatif
" représentant les principales familles politiques du
territoire "
chargé de l'assister.
Le 20 août 1988 intervient l'accord Oudinot qui fixe le principe
d'une consultation sur l'autodétermination à
échéance de dix ans et conçoit un nouvel équilibre
institutionnel.
Ce nouveau statut est soumis à un référendum national le
6 novembre 1988 : en dépit d'un faible taux de
participation, le
" oui "
l'emporte avec 80 % des
suffrages exprimés.
Dans son article premier, la loi référendaire du
9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et
préparatoires à l'autodétermination de la
Nouvelle-Calédonie en 1998 se fixe comme objectif de
" créer les conditions dans lesquelles les populations de
Nouvelle-Calédonie, éclairées sur les perspectives
d'avenir qui lui sont ouvertes par le rétablissement et le maintien de
la paix civile et par le développement économique, social et
culturel du territoire, pourront librement choisir leur destin ".
L'article 2 prévoit l'organisation d'un scrutin
d'autodétermination entre le 1er mars et le
31 décembre 1998 sur le maintien du territoire dans la
République ou son accession à l'indépendance. Il
définit un corps électoral restreint : "
seront admis
à participer à ce scrutin les électeurs inscrits sur les
listes électorales du territoire à la date de cette consultation
et qui y ont leur domicile depuis la date du référendum
approuvant la présente loi. "
A l'exception des assassins, la loi amnistie les auteurs d'infractions commises
avant le 20 août 1988
" à l'occasion des
événements d'ordre politique, social ou économique en
relation avec la détermination du statut de la Nouvelle-Calédonie
ou du régime foncier du territoire ".
Le statut place en exergue du dispositif institutionnel trois provinces (Nord,
Sud, îles Loyauté) auxquelles sont dévolues une
compétence de droit commun. Elues au scrutin proportionnel, chacune
désigne son président, exécutif de la province et chef de
l'administration provinciale.
Le congrès, constitué de la réunion des trois
assemblées de province, règle par ses délibérations
les affaires territoriales dans les matières
énumérées à l'article 9 (fiscalité,
protection sociale, droit du travail, marchés publics,
réglementation des prix...) et vote le budget du territoire. Deux
instances ayant un rôle consultatif sont placées auprès de
lui : le comité économique et social et le conseil consultatif
coutumier. Huit aires coutumières sont en outre reconnues,
représentées chacune par un conseil.
Le haut-commissaire, représentant de l'Etat, est l'exécutif du
territoire : il prépare et exécute les
délibérations du congrès et de sa commission permanente.
Il a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois, du
contrôle administratif et de l'ordre public. Il est
représenté dans les subdivisions administratives par des
commissaires délégués.
Les compétences réservées à l'Etat sont analogues
à celles qui lui étaient attribuées par les
précédents statuts.
Sont en outre créés un institut de formation des personnels
administratifs, une agence de développement de la culture kanak et une
agence de développement rural et d'aménagement foncier.
Le statut organise enfin des mesures d'accompagnement économiques,
sociales et culturelles en prévoyant la conclusion de contrats de
développement entre l'Etat et les provinces pour favoriser le
rééquilibrage du territoire.
Outre une paix civile durablement restaurée et une organisation
institutionnelle stabilisée, la mise en oeuvre des accords de
Matignon-Oudinot a permis d'améliorer considérablement les
conditions de vie de la population grâce à un important
développement des infrastructures, en particulier dans le domaine de
l'enseignement, même si l'objectif du rééquilibrage entre
les provinces n'est pas encore atteint.
La période de dix années s'étant écoulée
très rapidement dans ce contexte de paix et de progrès, les
partenaires ont progressivement conçu la nécessité de
préserver ces acquis en évitant une consultation
référendaire sur l'autodétermination susceptible de
raviver les antagonismes.
II. L'ACCORD DE NOUMÉA, FRUIT D'UN PROCESSUS DE NÉGOCIATIONS LONGUES ET DIFFICILES
Au cours des dix années de la période transitoire définie par la loi référendaire du 9 novembre 1988 en application des accords de Matignon-Oudinot et en dépit des désaccords fondamentaux entre le RPCR et le FLNKS sur le nouveau schéma institutionnel et politique à concevoir, l'idée de la nécessité de dégager une solution consensuelle s'est progressivement imposée.
A. LE LONG CHEMIN VERS UN ACCORD
La
recherche d'une solution consensuelle permettant d'éviter le
" référendum couperet "
prévu par
l'article 2 de la loi référendaire du
9 novembre 1988 a été proposée par
M. Jacques Lafleur, président du PRCR, dès le
printemps 1991.
Le débat de confrontation des projets institutionnels du FLNKS et du
RPCR ne s'est véritablement engagé qu'à la fin de
l'année 1995, le FLNKS prônant la mise en place d'un pays
indépendant dès 1998 tandis que le RPCR se déclarait
partisan d'une
" émancipation dans l'appartenance à la
France "
. A la suite d'une réunion tripartite tenue le
15 février 1996, le processus de discussion achoppait deux
mois plus tard, le FLNKS provoquant la suspension
sine die
des
négociations en imposant un
" préalable
minier "
. Trois de ses composantes subordonnaient en effet la reprise
des négociations politiques au règlement du dossier minier en vue
de garantir l'accès à des gisements de nickel suffisamment
importants pour permettre la construction d'une usine métallurgique en
province Nord, gage de rééquilibrage économique.
Le vote unanime du congrès, en novembre 1996, en faveur de la
création de cette usine par la société minière du
Sud Pacifique (SMSP) en partenariat avec la société canadienne
Falconbridge n'a pas permis la levée de ce
" préalable
minier "
. La viabilité de ce projet étant
conditionnée par la réalisation d'un échange de massifs
miniers entre la SMSP et la société Eramet, filiale de la
société Le Nickel (SLN), pour permettre un accès à
la ressource, le FLNKS exigeait qu'un accord soit conclu sur ce point avant
toute reprise des négociations politiques.
Dans cette perspective, M. Lionel Jospin, Premier ministre, a
confié à M. Philippe Essig une mission d'expertise pour
évaluer la faisabilité économique et industrielle du
projet de construction d'une usine métallurgique en province Nord. Le
rapport établi à cet effet, remis le 1er novembre 1997,
était concluant et préconisait une solution d'échange de
massifs miniers. Ainsi, au terme de près de deux ans de
négociations, étaient signés le
1er février 1998 les
" accords de Bercy "
entre le groupe Eramet et la société SMSP.
Le FLNKS ayant réaffirmé le 14 février 1998,
à l'occasion de son dix-septième congrès, la
volonté du mouvement indépendantiste
" de faire aboutir
par la négociation son projet d'Etat associé avec la France en
1998 "
, les discussions politiques sur l'avenir institutionnel de la
Nouvelle-Calédonie, suspendues depuis le printemps 1996, purent
reprendre.
Une première réunion fut ainsi organisée à Paris le
24 février, en présence de M. Lionel Jospin, Premier
ministre et de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, pour dresser un bilan des accords de Matignon et fixer un
calendrier et une méthode de travail.
Tout en reconnaissant les progrès accomplis au cours des dix
années écoulées, FLNKS et RPCR restaient alors sur des
positions diamétralement opposées quant à la nature de
l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, le premier
souhaitant la définition de nouveaux liens de partenariat avec la France
dans le cadre d'un État associé, le second rejetant
catégoriquement ce concept d'État associé. Les
délégations se séparèrent néanmoins en
formulant le souhait commun qu'un accord puisse être trouvé pour
le 4 mai 1998, date prévue pour l'inauguration du Centre
culturel Jean-Marie Tjibaou.
Conduites alternativement à Paris et à Nouméa, les
négociations ont permis aux partenaires de rapprocher progressivement
leurs points de vue pour aboutir à un accord le 21 avril. L'Accord
de Nouméa a été solennellement signé le 5 mai
par l'ensemble des partenaires, lors de la visite du Premier ministre.
En application de l'article 76 de la Constitution résultant de la
révision constitutionnelle du mois de juillet dernier qui
prévoyait que seraient appelées à se prononcer, avant le
31 décembre 1998, sur cet accord, les personnes justifiant de
dix années de résidence en Nouvelle-Calédonie, la
consultation fut organisée le 6 novembre. Sur les neuf partis ou
mouvements politiques admis à participer à la campagne
électorale, cinq ont milité en faveur du
" oui "
, quatre ont appelé à voter
" non "
.
Sur les 106.706 électeurs inscrits sur les listes
électorales, le
" oui "
a recueilli près de
72 % des suffrages exprimés et a été majoritaire dans
chacune des trente-trois communes de la Nouvelle-Calédonie. Le taux de
participation, élevé, a dépassé 74 %.
L'Accord de Nouméa propose une solution consensuelle prenant pleinement
en compte la spécificité de la Nouvelle-Calédonie qui
justifie les innovations institutionnelles et juridiques qui la
caractérisent.
B. L'ACCORD DE NOUMÉA : UNE SOLUTION CONSENSUELLE INNOVANTE
L'Accord
de Nouméa se compose d'un préambule et d'un document
d'orientation.
Le préambule retrace les circonstances historiques de l'appropriation de
la Nouvelle-Calédonie par la France. Il reconnaît
" les
ombres de la période coloniale "
et, à ce titre,
apparaît comme un acte de repentance. Mais il rappelle également
les apports de cette période en affirmant la nécessité de
" poser les bases d'une citoyenneté de la
Nouvelle-Calédonie "
permettant
" la refondation d'un
contrat social entre toutes les communautés "
. Se tournant vers
le passé, il regarde également vers l'avenir :
" le
passé a été le temps de la colonisation. Le présent
est le temps du partage, par le rééquilibrage. L'avenir doit
être le temps de l'identité, dans un destin commun "
.
Le préambule prévoit que la solution négociée
" définit pour vingt années l'organisation politique de
la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son
émancipation "
au terme de cette période, la question de
l'accès à la souveraineté devant alors être soumise
à l'approbation des populations intéressées.
Le document d'orientation, second volet de l'accord, définit les
principes de l'organisation politique et sociale de la
Nouvelle-Calédonie pour la période transitoire des quinze
à vingt prochaines années. Il traite successivement de
l'identité kanak, des institutions, de la répartition et des
transferts de compétences, du développement économique,
social et culturel, des modalités de sortie de la période
transitoire et des modalités de mise en oeuvre de l'accord.
Au plan institutionnel, il innove en élargissant considérablement
le champ de compétences de la Nouvelle-Calédonie et en
prévoyant le retour de la compétence de droit commun à la
Nouvelle-Calédonie, le transfert du pouvoir exécutif à un
gouvernement collégial et la création d'un sénat coutumier.
Il fait une large place à l'identité kanak (signe identitaires,
statut civil coutumier, patrimoine culturel, terres coutumières...)
Au plan juridique, il innove également à maints égards :
adoption par le congrès de
" lois du pays "
susceptibles d'être déférées au Conseil
constitutionnel avant leur promulgation ; reconnaissance d'une
citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie justifiant des restrictions
du corps électoral pour les élections au congrès et aux
assemblées de province et pour la ou les consultations sur l'accession
à la pleine souveraineté à l'issue de la période
transitoire et susceptible de fonder l'adoption de mesures restreignant
l'accès à l'emploi local ; irréversibilité des
transferts de compétences.
Ces innovations juridiques, dérogeant à certains principes
fondamentaux à valeur constitutionnelle, ont rendu nécessaire,
pour que leur mise en oeuvre soit possible, une révision de la
Constitution.
C. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE
La
réforme constitutionnelle, adoptée à une très large
majorité par le Congrès réuni à Versailles le
6 juillet 1998, a rétabli dans la Constitution un titre XIII
intitulé
" Dispositions transitoires relatives à la
Nouvelle-Calédonie "
comprenant deux articles, les articles 76
et 77.
L'article 76 a eu pour objet de permettre l'organisation de la
consultation tendant à l'approbation des dispositions de l'Accord de
Nouméa signé le 5 mai 1998 par un corps
électoral restreint défini par référence à
l'article 2 de la loi référendaire du
9 novembre 1988.
L'article 77 autorise le législateur organique à adopter des
dispositions statutaires dérogeant à des principes à
valeur constitutionnelle
" pour assurer l'évolution de la
Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations
définies "
par l'accord "
et selon les modalités
nécessaires à sa mise en oeuvre "
. Sont ainsi
constitutionnellement consacrées :
- le caractère irréversible des transferts de compétences,
qui implique un désaisissement du législateur national au fur et
à mesure des transferts dont l'échéancier pourra
d'ailleurs être modifié par le congrès de la
Nouvelle-Calédonie ;
- la possibilité pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie
de prendre des actes de nature législative susceptibles d'être
soumis au contrôle du Conseil constitutionnel avant leur promulgation,
comme les lois votées par le Parlement ;
- la reconnaissance d'une citoyenneté propre de la
Nouvelle-Calédonie fondant les restrictions apportées au corps
électoral pour les élection au congrès et aux
assemblées de province et, selon des modalités
différentes, pour la consultation sur l'accession à la pleine
souveraineté au terme de la période transitoire de quinze
à vingt ans ;
- la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie d'adopter des mesures
spécifiques pour limiter l'accès à l'emploi local ;
- la faculté, pour les personnes en ayant perdu le
bénéfice, d'accéder à nouveau au statut civil
coutumier, par dérogation à l'article 75 de la Constitution.
L'ensemble de ces orientations résultant de l'Accord de Nouméa
sont en effet en contradiction avec les principes constitutionnels du
caractère indivisible de la République ou de non discrimination
entre les citoyens français.
Outre le nouveau dispositif institutionnel qu'il aménage, le projet de
loi organique aujourd'hui soumis à votre examen traduit en termes
juridiques les orientations dérogatoires susvisées.
III. L'ÉCONOMIE DU STATUT PROPOSÉ ET LES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A. UN CADRE INSTITUTIONNEL NOVATEUR
Après quelques articles introductifs présentant
l'organisation administrative et coutumière de la
Nouvelle-Calédonie, ses principales institutions, et fixant les
principes traduisant sa spécificité, en particulier l'institution
d'une citoyenneté propre,
le projet de loi organique
définit un nouveau cadre statutaire sous onze titres traitant
successivement :
- du statut civil coutumier et de la propriété
coutumière ;
- de la justice (ajout de l'Assemblée nationale) ;
- des compétences ;
- des institutions (le congrès et les lois du pays, le gouvernement, le
sénat coutumier et les conseils coutumiers, le conseil économique
et social) ;
- des provinces ;
- des élections au congrès et aux assemblées de
province ;
- du haut-commissaire et de l'action de l'Etat ;
- du contrôle juridictionnel, financier et budgétaire ;
- du rééquilibrage et du développement économique,
social et culturel ;
- de la consultation sur l'accession à la pleine
souveraineté ;
- des dispositions diverses et transitoires.
Le projet de loi simple
complémentaire du projet de loi
organique comprend vingt-trois articles regroupés sous six titres
traitant respectivement :
- du haut-commissaire de la République et de l'action de l'Etat ;
- des syndicats mixtes et des sociétés d'économie mixte
des communes ;
- des comptes ;
- du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie ;
- des élections au congrès et aux assemblées de
province ;
- des dispositions diverses.
Cet ensemble de plus de deux cent cinquante articles, dont une vingtaine
n'ayant pas valeur organique, fixe le nouveau statut de la
Nouvelle-Calédonie, collectivité
sui generis
, pour les
quinze à vingt ans à venir.
Tout en s'inscrivant partiellement dans la continuité du statut
actuellement en vigueur, le nouveau cadre institutionnel et juridique
proposé présente des innovations majeures prenant en compte les
spécificités calédoniennes.
Trois provinces et huit aires coutumières
sont maintenues.
Cependant, la compétence de droit commun revient désormais
à la Nouvelle-Calédonie, les provinces n'ayant plus qu'une
compétence d'attribution.
Alors que
le congrès
était constitué de la
réunion des trois assemblées de province, il ne réunit
plus désormais qu'une partie des membres de ces assemblées qui
détiennent donc un double mandat. Le congrès compte
néanmoins toujours cinquante-quatre membres.
Procédant à l'élection des membres du gouvernement, qui
est responsable devant lui, et doté du pouvoir de voter des
" lois du pays "
, actes de valeur législative
susceptibles d'être déférés au Conseil
constitutionnel avant leur promulgation, le congrès est
érigé en quasi-parlement.
Le mode de scrutin choisi pour les élections au congrès et aux
assemblées de province est le scrutin de liste proportionnel à la
plus forte moyenne. En application de l'Accord de Nouméa cependant,
seules les listes ayant recueilli au moins 5 % des inscrits seront
éligibles à la répartition des sièges. Il faut
souhaiter que cette règle, dérogeant au droit commun utilisant
généralement comme seuil un pourcentage des suffrages
exprimés, permette une certaine rationalisation de la vie politique sans
pour autant priver les petites formations de tribune d'expression.
Une des deux principales nouveautés institutionnelles du statut est la
création d'un
gouvernement
dont les membres sont
élus à la représentation proportionnelle par le
congrès sur des listes présentées par les groupes
d'élus. Avec à sa tête un président doté de
pouvoirs propres, le gouvernement constitue un
organe exécutif
exerçant ses compétences de façon
collégiale
.
L'autre innovation institutionnelle est l'institution d'un
sénat
coutumier
, qui remplace le conseil consultatif coutumier. Embryon de
seconde chambre dans la mesure où ses avis peuvent prendre la forme de
contre-proposition, le dernier mot étant réservé au
congrès, son domaine d'intervention reste cependant circonscrit aux
affaires relatives à la coutume et à l'identité kanak. Au
terme d'un premier mandat de six ans, la logique démocratique pourrait
être introduite dans cette institution grâce à
l'élection de ses membres.
Le rôle du
conseil économique et social
est
revalorisé : il conserve une compétence consultative
traditionnelle.
Le haut-commissaire
, dépositaire de l'autorité de
l'Etat, voit sa mission se recentrer sur des actions de contrôle :
il est chargé de veiller à l'exercice régulier de leurs
compétences par les institutions de la Nouvelle-Calédonie et les
autorités provinciales.
En dehors de la mise en place de ce cadre institutionnel rénové
qui s'accompagne d'une autonomie renforcée de la
Nouvelle-Calédonie résultant d'importants transferts de
compétences
dont il convient de rappeler le
caractère irréversible
, le nouveau statut
reconnaît l'importance de la coutume dans la société
néo-calédonienne en consacrant le titre premier du projet de loi
organique au
statut civil coutumier
et à la
propriété coutumière. Un droit d'option entre statut civil
coutumier et statut civil de droit commun, assorti de garanties tendant
à préserver la stabilité des situations juridiques, est
ainsi ouvert aux néo-calédoniens.
Le dispositif statutaire s'efforce enfin de clarifier la répartition des
compétences et les relations entre les différentes institutions.
Il organise les mécanismes
applicables à l'accession
à la pleine souveraineté
au terme de la période de
quinze à vingt ans : sur ce dernier point, observons que l'Accord
de Nouméa n'est pas scrupuleusement mis en oeuvre puisque deux
consultations successives sont prévues au lieu de trois. Les partenaires
se sont toutefois accordés sur ce dispositif avant son adoption par
l'Assemblée nationale.
B. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale, qui en l'espace d'un
après-midi
et d'une soirée a adopté quelque cent quarante cinq amendements,
a introduit dans ce nouveau dispositif statutaire les principales modifications
suivantes :
- l'insertion d'un nouveau titre regroupant trois articles consacrés
à la justice tendant à généraliser la
présence d'assesseurs auprès des formations de jugement et
à limiter à cinq ans la durée d'exercice des fonctions des
magistrats en Nouvelle-Calédonie ;
- le renvoi à une loi organique ultérieure la possibilité
de transférer à la Nouvelle-Calédonie la compétence
en matière de règles relatives à l'administration des
provinces, des communes et de leurs établissements publics, au
contrôle de légalité et au régime comptable et
financier ;
- la création d'une commission d'évaluation des charges
consultée sur les modalités de compensation des transferts de
compétences ;
- des dispositions régissant la situation des fonctionnaires de l'Etat
et des fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie exerçant leurs
fonctions dans les services faisant l'objet de transferts (ouverture d'un droit
d'option) ;
- l'élection du président du congrès à la
majorité de ses membres, les autres membres du bureau restant
élus à la représentation proportionnelle ;
- la précision selon laquelle la démission d'un membre du
congrès entraîne sa démission de l'assemblée de
province, les deux mandats étant intimement liés ;
- la publication au
Journal officiel
de la Nouvelle-Calédonie du
compte-rendu intégral des séances du congrès ;
- l'instauration d'un délai d'un mois, réduit à quinze
jours en cas d'urgence, imparti au congrès pour rendre son avis sur des
projets de loi autorisant la ratification de traités ou sur des
propositions d'actes communautaires ;
- la suppression de l'obligation de consulter le congrès sur les
amendements introduisant, modifiant ou supprimant des dispositions
spécifiques à la Nouvelle-Calédonie ;
- le renforcement du cadre juridique applicable aux délégations
de service public de la Nouvelle-Calédonie ;
- la publication au
Journal officiel
de la Nouvelle-Calédonie du
règlement intérieur du congrès ;
- la substitution du Conseil d'Etat au tribunal administratif pour rendre un
avis préalable sur les projets et propositions de loi du pays ;
- l'obligation de publier un rapport écrit sur chaque projet ou
proposition de loi du pays avant leur discussion et leur vote par le
congrès ;
- la possibilité pour onze membres du congrès, au lieu de
dix-huit, de demander une nouvelle délibération d'une loi du
pays ;
- la suppression de l'obligation, pour les listes de candidats à
l'élection des membres du gouvernement, de comporter des élus
d'au moins deux provinces ;
- la possibilité, pour un membre du gouvernement ayant renoncé
à son mandat de membre du congrès ou d'une assemblée de
province pour accéder au gouvernement, de retrouver son siège
lorsqu'il démissionne ;
- l'exigence de l'accord du groupe politique dont est issu le membre du
gouvernement pour que le gouvernement puisse mettre fin à ses
fonctions ;
- l'exigence d'un vote à la majorité des trois cinquièmes
de ses membres pour que le congrès puisse autoriser le président
du gouvernement à déléguer certaines de ses attributions
aux membres du gouvernement ;
- la limitation à une durée d'un an des fonctions du
président du sénat coutumier ;
- la perception par les membres du conseil économique et social
d'indemnités de vacation dont le montant est fixé par le
congrès ;
- la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie par le
président de l'assemblée de province des actes ressortissant
à la compétence de la province ;
- la précision selon laquelle le corps électoral spécial
défini pour les élections au congrès et aux
assemblées de province n'est pas
" glissant "
;
- La substitution du Conseil d'Etat au tribunal administratif pour se prononcer
sur les demandes d'avis émanant du président du gouvernement, du
président du congrès, du président du sénat
coutumier ou du président d'une assemblée de province ;
- la publication d'un rapport annuel par la chambre territoriale des comptes de
la Nouvelle-Calédonie ;
- la succession à l'Etat de la Nouvelle-Calédonie et des
provinces dans les droits et obligations non financiers résultant du
protocole d'accord du 1er février 1998, modifié par
avenant du 4 juin 1998, dit
" accord de Bercy "
organisant l'échange de massifs miniers en vue de la création
d'une usine métallurgique en province Nord.
Dans le projet de loi simple, l'Assemblée nationale a en outre :
- prévu l'élaboration d'un schéma d'aménagement et
de développement de la Nouvelle-Calédonie ;
- supprimé l'article 22 donnant valeur législative à
un dispositif résultant aujourd'hui d'un décret du
13 juillet 1937 exigeant de toute personne n'appartenant pas à
certaines catégories (citoyens de la Nouvelle-Calédonie,
résidents en Nouvelle-Calédonie, navigateurs...) de produire un
billet retour ou une caution de rapatriement pour être admis en
Nouvelle-Calédonie.
IV. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
Sur deux
cent soixante trois amendements que vous soumet votre commission des Lois pour
les deux projets de loi, environ cent cinquante sont de nature purement
formelle (clarification de la rédaction, corrections d'erreurs
matérielles, coordination), d'autres, au nombre d'une cinquantaine,
corrigent des incohérences de fond ou comblent des lacunes du dispositif.
Une soixantaine correspondent enfin à des ajouts ou des modifications de
fond, dictés par le double souci de respecter la lettre et l'esprit de
l'Accord de Nouméa et d'assurer la cohérence du dispositif en
s'inspirant, chaque fois que cela était possible, des mécanismes
d'organisation et de fonctionnement des collectivités territoriales de
métropole tels qu'ils résultent du code général des
collectivités territoriales.
Avant de présenter les modifications de fond qu'elle vous soumet, votre
commission des Lois observe que
les dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale avec lesquelles elle est en
désaccord
sont peu nombreuses. Il s'agit pour l'essentiel :
- des dispositions insérées sous un titre Ier bis
(nouveau) traitant de la justice en Nouvelle-Calédonie
(art. 17 bis à 17 quater), qui généralisent
la présence d'assesseurs dans l'ensemble des formations de jugement en
Nouvelle-Calédonie et limitent à cinq ans la durée
d'exercice des fonctions de magistrat ;
- des dispositions, figurant dans le projet de loi organique initial,
inspirées d'un projet de loi encore en navette sur les
incompatibilités entre mandats électifs et de la loi du 19
janvier 1999 sur les conseils régionaux, abaissant à dix-huit ans
l'âge d'éligibilité au congrès et aux
assemblées de province, prévoyant la publicité des
séances de la commission permanente du congrès (article 75) et
instaurant une procédure de motion de renvoi pour le vote du budget des
assemblées de province (article 173) . Ces dispositions ne
sont en tout état de cause ni prévues par l'Accord de
Nouméa, ni nécessaires à sa mise en oeuvre ;
- de la publication d'un rapport annuel par la chambre territoriale des comptes
de la Nouvelle-Calédonie (article 198 bis) : en effet,
déjà aujourd'hui, une partie du rapport public annuel de la Cour
des comptes est établie sur la base des observations formulées
par les chambres régionales et territoriales des comptes, rapport dont
l'autorité est bien établie.
Votre commission des Lois
approuve
en revanche pleinement
d'autres modifications introduites par l'Assemblée
nationale
, en particulier toutes celles favorisant la transparence et
la rationalisation du fonctionnement des institutions calédoniennes,
mais également la substitution du Conseil d'Etat au tribunal
administratif de la Nouvelle-Calédonie dans la procédure d'avis
préalable sur les projets ou propositions de loi du pays ou la
suppression de l'exigence de détenir un billet retour pour être
admis en Nouvelle-Calédonie qui résultait de l'article 22 du
projet de loi simple.
Sur plus d'une cinquantaine d'amendements de fond qui vous sont soumis par
votre commission des Lois
sur le projet de loi organique
, les
apports que l'on peut considérer comme essentiels sont les
suivants :
- la mise en cohérence du régime juridique applicable aux
changements de statut civil : le passage au statut civil coutumier doit
être en effet entouré de garanties et une marge
d'appréciation doit être laissée au juge pour éviter
une trop grande instabilité des situations juridiques et éviter
que les intérêts des parents du demandeur ne soient
lésés (articles 11 à 15) ;
- un encadrement légal plus précis des mesures qui seront prises
par voie de lois du pays pour restreindre l'accès à l'emploi
local (article 23) ;
- le renvoi à une loi du pays pour définir, dans le cadre
légal, l'échéancier précis des transferts de
compétence (article 25) ;
- l'exigence que le comité consultatif des mines statue dans un
délai de trois mois, à défaut de quoi un droit de veto lui
serait conféré lui permettant d'empêcher un projet de
délibération ou de loi du pays sur une affaire minière de
prospérer (article 40) ;
- étendre l'obligation de déclaration patrimoniale à
l'ensemble des membres du congrès devenu, aux termes du nouveau
dispositif statutaire, un
" quasi-parlement "
(article 59) ;
- prévoir, comme c'est le cas, pour les conseillers
généraux et régionaux, qu'un membre du congrès
démissionnaire ne peut être réélu avant l'expiration
du délai d'un an (article 67) ;
- ménager des séances de questions orales au congrès
(article additionnel après l'article 69) ;
- supprimer l'exigence de publicité des séances de la commission
permanente en application de la décision n° 98-407 DC du 14 janvier
1998 du Conseil constitutionnel ;
- donner la possibilité au congrès de créer des
commissions d'enquête (article additionnel après
l'article 87) ;
- faire entrer dans le domaine des lois du pays la possibilité de
modifier le nom de la Nouvelle-Calédonie, conformément aux termes
de l'Accord de Nouméa (article 92) ;
- prévoir que les listes présentées par les groupes
d'élus pour l'élection des membres du gouvernement doivent
comporter plus de noms que de postes à pourvoir afin de limiter la
fréquence de renouvellement intégral du gouvernement due à
l'épuisement des listes au gré des défaillances
(article 102) ;
- organisation d'une procédure de contrôle a priori de
l'éligibilité des candidats au gouvernement
(article 102) ;
- exiger que le président et le vice-président du gouvernement
soient élus à la majorité des membres du gouvernement
(article 107) ;
- prévoir un communiqué portant à la connaissance du
public le relevé des décisions du gouvernement
(article 115) ;
- instaurer la saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur la loi du
pays qui définira les modalités d'élection et le
collège électoral pour l'élection des membres du
sénat coutumier à compter de 2005 (article 128) ;
- coordination des procédures de consultation du sénat coutumier
et des conseils coutumiers (article 135) ;
- prévoir un délai d'urgence pour la consultation du conseil
économique et social (article 146) ;
- transposition aux provinces du régime applicable aux
délégations de service public de la Nouvelle-Calédonie
(article additionnel après l'article 149) ;
- transposition aux membres des assemblées de province du régime
applicable à la démission des membres du congrès (article
additionnel après l'article 155) ;
- droit d'information des membres des assemblées de province sur les
affaires faisant l'objet d'une proposition de délibération
(article additionnel après l'article 155) ;
- publication au
Journal officiel
du règlement intérieur
de chaque assemblée de province (article 156) ;
- établissement d'un procès-verbal des séances des
assemblées de province (article 160) ;
- limitation de la procédure de consultation au président de
l'assemblée de province concernée en cas de dissolution
(article 161) ;
- suppression de la procédure de motion de renvoi au cours de l'examen
du projet de budget de la province (article 173) ;
- élection du candidat le plus âgé en cas de partage
égal des voix à l'élection au congrès et aux
assemblées de province (article 181) ;
- extension des cas d'élections partielles aux cas de vacances
n'étant pas causés par un décès pour éviter
qu'une assemblée de province ne soit amenée à
siéger à effectif réduit jusqu'au terme du mandat
(article 182) ;
- maintien à vingt-et-un ans de l'âge d'éligibilité
des membres du congrès et des assemblées de province
(article 183) ;
- différer jusqu'à l'expiration du délai de sept jours
imparti au haut-commissaire pour demander une seconde
délibération le caractère exécutoire des
arrêtés du gouvernement et de son président
(article 195) ;
- rétablir la compétence du Conseil d'Etat pour donner un avis
sur une question relative à la répartition des compétences
(article 197) ;
- création de deux chambres territoriales des comptes distinctes en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour tenir
compte du fait que ces deux collectivités n'appartiennent plus
désormais à la même catégorie juridique (article
additionnel avant l'article 198) ;
- intégrer dans le projet de loi organique des dispositions
insérées par l'Assemblée nationale dans le projet de loi
ordinaire pour prévoir l'élaboration d'un schéma
d'aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie
(article additionnel après l'article 201) ;
- éviter que la campagne relative à la consultation sur
l'accession à la pleine souveraineté n'interfère avec
celle concernant un renouvellement général du congrès
(article 207) ;
- prendre en considération la majorité des suffrages
exprimés et non la majorité des votants pour le résultat
de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté
(article 207) ;
- clarifier la disposition selon laquelle une absence de
Nouvelle-Calédonie pour certains motifs n'est pas interruptive du
délai pris en compte pour apprécier la condition de domicile
requise pour être admis à participer à la consultation sur
l'accession à la souveraineté (article 208) ;
- possibilité de réquisition du comptable par le président
du gouvernement qui est ordonnateur des dépenses de la
Nouvelle-Calédonie (article 214) ;
- adaptations des dispositions législatives applicables à
l'élection des députés et des sénateurs, à
l'élection du Président de la République et à la
composition du Conseil économique et social (articles additionnels
après l'article 216) pour tenir compte du fait que la
Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer.
Sur le projet de loi ordinaire
complémentaire du projet de
loi organique, votre commission des Lois vous soumet également
trente-deux amendements. Les principales modifications qu'elle vous propose sur
ce texte, dont la plupart font progresser la codification pour une meilleure
lisibilité du droit applicable en Nouvelle-Calédonie, sont les
suivantes :
- création d'un code des communes de la Nouvelle-Calédonie
à valeur législative afin de rendre enfin lisible
l'ordonnancement juridique applicable en évitant les circonvolutions
liées à la nécessité de modifier chaque fois la loi
du 8 juillet 1977 qui a étendu le code des communes métropolitain
à la Nouvelle-Calédonie ou la tentation de procéder
à des extensions par référence au code
général des collectivités territoriales qui n'a pas
été rendu applicable en Nouvelle-Calédonie (article
additionnel après l'article 4) ;
- insertion systématique dans ce code des communes de la
Nouvelle-Calédonie des dispositions susceptibles d'y trouver leur place
(articles 4, 5, 6 et additionnel après l'article 8) ;
- réécriture des dispositions fixant le régime juridique
des sociétés d'économie mixte en Nouvelle-Calédonie
moyennant les adaptations nécessaires (article 7) ainsi que celles
relatives aux syndicats mixtes (article 8) ;
- modification des lois du 19 juillet 1977 relative aux sondages d'opinion, du
15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses
électorales et du 10 juillet 1985 relative à l'élection
des députés et des sénateurs (articles additionnels
après l'article 19) pour tenir compte du fait que la
Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer.
*
* *
Sous réserve de ces observations et des modifications qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter les deux projets de loi relatifs à la Nouvelle-Calédonie.