CHAPITRE II
CORPS ÉLECTORAL ET LISTES
ÉLECTORALES
Article 177
Restriction du corps électoral pour
les élections provinciales
et au
congrès
Cet
article transcrit dans la loi organique le dispositif figurant au
point 2.2.1. du document d'orientation de l'Accord de Nouméa
prévoyant un corps électoral restreint pour les élections
aux assemblées de province et au congrès.
Il s'agit là d'un point clé de l'accord puisque la
référence au corps électoral constitue le critère
permettant de définir la citoyenneté calédonienne
(article 3) et fondant les restrictions en matière d'accès
à l'emploi. Aussi la définition du corps électoral
a-t-elle suscité d'âpres et longues négociations entre les
partenaires concernés, lesquels ne sont parvenus à un accord sur
la rédaction des dispositions correspondantes qu'à la veille de
leur examen par l'Assemblée nationale.
Fruit d'un compromis difficile, l'Accord de Nouméa stipule :
" Comme il avait été prévu dans le texte
signé des accords de Matignon, le corps électoral aux
assemblées des provinces et au Congrès sera restreint : il
sera réservé aux électeurs qui remplissaient les
conditions pour voter au scrutin de 1998, à ceux qui, inscrits au
tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la
date de l'élection, ainsi qu'aux électeurs atteignant l'âge
de la majorité pour la première fois après 1998 et qui,
soit justifieront de dix ans de domicile en 1998, soit auront eu un parent
remplissant les conditions pour être électeur au scrutin de la fin
de 1998, soit, ayant eu un parent inscrit sur un tableau annexe justifieront
d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à
la date de l'élection.
" La notion de domicile s'entendra au sens de l'article 2 de la loi
référendaire. La liste des électeurs admis à
participer aux scrutins sera arrêtée avant la fin de
l'année précédant le scrutin.
" Le corps électoral restreint s'appliquerait aux élections
communales si les communes avaient une organisation propre à la
Nouvelle-Calédonie. "
• Pour appliquer ce dispositif,
le I
de l'article 177
procède par énumération des conditions alternatives qui
doivent être satisfaites pour avoir la qualité d'électeur :
-
Le a)
accorde ainsi la qualité d'électeur aux
personnes qui remplissaient les conditions pour être inscrites sur les
listes électorales de la Nouvelle-Calédonie en vue de la
consultation du 8 novembre 1998.
En application du point 6.3. de l'Accord de Nouméa,
l'article 76 de la Constitution résultant de la révision
constitutionnelle adoptée au mois de juillet dernier a prévu que
seraient
" admises à participer au scrutin les personnes
remplissant les conditions fixées à l'article 2 de la
loi n° 88-1028 du 9 novembre 1998 "
,
c'est-à-dire
" les électeurs inscrits sur les listes
électorales du territoire à la date de cette consultation et qui
y ont leur domicile depuis la date du référendum "
approuvant le statut actuel, étant entendu que
" sont
réputées avoir leur domicile dans le territoire, alors même
qu'elles accomplissent le service national ou poursuivent un cycle
d'études ou de formation continue hors du territoire, les personnes qui
avaient antérieurement leur domicile dans le territoire.
"
Ont donc qualité d'électeur pour les élections aux
assemblées de province et au congrès à venir les personnes
inscrites sur les listes électorales calédoniennes et
résidant en Nouvelle-Calédonie depuis déjà dix ans
le 8 novembre 1998.
Le a) transcrit ainsi dans la loi organique la première catégorie
visée par l'extrait de l'Accord de Nouméa reproduit ci-dessus.
- Dans sa rédaction initiale,
le b) du I
de
l'article 177 retenait comme deuxième critère pour se
prévaloir de la qualité d'électeur l'inscription sur le
tableau annexe mentionné au I de l'article 178 assortie d'une
condition de domiciliation d'une durée de dix ans en
Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au
congrès et aux assemblées de province.
Ce b) fait écho au deuxième terme de l'énumération
dressée par l'Accord de Nouméa, accordant la qualité
d'électeur "
à ceux qui, inscrits au tableau annexe,
rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de
l'élection "
.
Faisant référence au tableau annexe "
mentionné au
I de l'article 178 "
, c'est-à-dire le
" tableau
annexe des électeurs non admis à participer au scrutin "
et pris en considération pour dresser la
" liste
électorale spéciale à l'élection du congrès
et des assemblées de province "
, ce b) pouvait être
interprété comme prévoyant une intégration
progressive dans la liste figurant sur ce tableau des personnes nouvellement
domiciliées en Nouvelle-Calédonie dans l'attente de remplir la
condition de dix ans de domiciliation pour accéder à la
qualité d'électeur. Or, selon les informations
délivrées à votre rapporteur, l'intention sous-jacente
à l'Accord de Nouméa n'est pas d'instaurer un corps
électoral "
glissant
", s'enrichissant au fil du temps
des personnes dont l'inscription serait progressivement portée au
tableau annexe et qui en sortiraient pour devenir des électeurs au
moment où elles pourraient justifier de dix ans de résidence.
Aussi l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois
et avec l'accord du Gouvernement, a-t-elle préféré
supprimer ce renvoi au I de l'article 178 afin de lever toute
ambiguïté.
Reste cependant à déterminer quel est le tableau annexe
visé par l'article 177 qui aura vocation à se vider de sa
substance au fur et à mesure que les personnes qui y sont inscrites
pourront justifier de dix années de résidence en
Nouvelle-Calédonie et accéderont ainsi à la qualité
d'électeur.
Selon le rapport de l'Assemblée nationale, il s'agit du tableau annexe
" prévu en 1988 pour le référendum de
1998 "
et arrêté à cette date, retenue comme
" date de référence ".
Le tableau annexe
visé est celui qui a été établi en application de
l'article premier du décret n° 90-1163 du
24 décembre 1990 pris pour la mise en oeuvre des
articles 2 et 3 de la loi n° 88-1028 du
9 novembre 1988, tel que mis à jour pour la consultation du
8 novembre 1998 en vertu de l'article 7 du décret
n° 98-733 du 20 août 1998 portant organisation de
cette consultation.
-
le c) du I
de l'article 177 reproduit les dispositions
définissant la dernière catégorie visée par
l'Accord de Nouméa comme ayant la qualité d'électeur. Il
s'agit des personnes remplissant une double condition :
. avoir atteint l'âge de la majorité après le
31 octobre 1998,
et
. soit, justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998,
. soit, avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être
électeur au scrutin du 8 novembre 1998,
. soit, avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une
durée de domicile de dix ans en Nouvelle Calédonie à la
date de l'élection. Cette notion de "
parents
"
s'entend comme visant le père ou la mère. Observons toutefois que
la rédaction de l'Accord de Nouméa qui utilise l'expression
" un parent "
aurait pu faire l'objet d'une
interprétation plus large pour viser des ascendants autres que le
père et la mère, les grands-parents notamment.
•
Le II de l'article 177
transcrit les stipulations de
l'Accord de Nouméa précisant que
" la notion de domicile
s'entendra au sens de l'article 2 de la loi
référendaire "
.
Sont en outre réputées avoir conservé leur domicile en
Nouvelle-Calédonie les personnes qui "
ont accompli le service
national, ont suivi des études ou une formation hors de la
Nouvelle-Calédonie ou s'en sont absentées pour des raisons
familiales, professionnelles ou médicales
".
Notons que cette dernière mention, qui paraît bien
légitime, ne figurait pas dans la lettre de l'article 2 de la loi
du 9 novembre 1988, lequel ne visait que les cas du service national,
des études ou d'une formation effectués hors de la
Nouvelle-Calédonie.
La rédaction du II étant cependant particulièrement
confuse, votre commission des Lois vous soumet
un amendement
de
réécriture pour préciser que les périodes
passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour les motifs
susvisés ne sont pas interruptives du délai relatif à la
condition de domicile.
Elle vous propose d'adopter l'article 177
ainsi
modifié
.
Article 178
Etablissement de la liste
électorale spéciale
à l'élection du
congrès et des assemblées de
province
Tirant
les conséquences de la définition d'un corps électoral
restreint résultant de l'article 177, cet article affirme la
nécessité de dresser une liste électorale spéciale
pour les élections au congrès et aux assemblées de
province, distincte de la liste électorale établie pour les
élections nationales et municipales.
•
Le I
précise que cette liste électorale
spéciale doit être dressée à partir de la liste
électorale en vigueur, c'est-à-dire la liste électorale
générale, et du tableau annexe répertoriant les
électeurs non admis à participer au scrutin
régulièrement mis à jour pour en extraire les personnes
accédant à la qualité d'électeur et y porter les
noms des nouveaux arrivants qui eux ne pourront devenir électeurs,
•
Le II
confie à une commission administrative
spéciale le soin d'établir cette liste pour chaque bureau de
vote. Cette commission est composée de cinq membres :
- un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le
président de la Cour de cassation, qui préside la commission et
à ce titre a voix prépondérante en cas de partage
égal des voix ;
- un délégué de l'administration désigné par
le haut-commissaire ;
- le maire de la commune ou son représentant ;
- deux électeurs de la commune, désignés par le
haut-commissaire après avis du gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie .
Afin de pouvoir identifier plus aisément certains électeurs, il
est prévu que la commission puisse consulter des représentants de
la coutume, désignés selon les usages reconnus, devant être
domiciliés dans la commune et jouir de leurs droits électoraux.
Elle est en outre habilitée à procéder à toutes
investigations utiles par l'intermédiaire d'un officier ou d'un agent de
police judiciaire.
Enfin, l'Institut territorial de la statistique et des études
économiques sera chargé de tenir un fichier général
des électeurs inscrits sur les listes électorales établies
dans l'ensemble des bureaux de vote.
Ce dispositif organisant la procédure d'établissement des listes
électorales est semblable à celui prévu par
l'article 3 de la loi référendaire du
9 novembre 1988.
•
Le III
de l'article 178 fixe les modalités
d'inscription sur les listes électorales.
La commission administrative spéciale est chargée d'y inscrire,
à leur demande, les personnes remplissant les conditions définies
à l'article 177 et produisant les justificatifs correspondants.
Elle doit en outre procéder à l'inscription d'office des
personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture
des listes électorales et remplissant la condition de domicile. Cette
dernière disposition transpose le mécanisme d'inscription
d'office introduit par la loi n° 97-1027 du
10 novembre 1997 et codifié à
l'article L. 11-1 du code électoral. Afin de pouvoir
procéder à ces inscriptions d'office, les commissions
administratives spéciales sont rendues destinataires des informations
mentionnées à l'article L. 17-1 de ce même code,
c'est-à-dire
" les informations nominatives portant
exclusivement sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de
naissance, adresse "
.
Sur ce paragraphe III, votre commission des Lois vous soumet
deux
amendements
de précision. La rédaction proposée ne
fait référence qu'aux conditions d'âge et de domicile
définies à l'article 177 : or, l'article 177 mentionne,
dans son paragraphe I c), d'autres conditions relatives aux père et
mère. Il convient donc de viser de façon générale
les conditions définies à l'article 177.
•
Le IV
précise qu'en cas d'élection
partielle ou d'élection consécutive à une dissolution ou
à l'annulation globale des opérations électorales, les
demandes d'inscription sur les listes en vue des nouvelles élections
peuvent être faites à compter de la date de
l'événement rendant nécessaire l'organisation de ces
nouvelles élections (dissolution, décision d'annulation) et au
plus tard vingt jours avant la date du scrutin.
Au paragraphe IV, votre commission des Lois vous propose par
un
amendement
, de substituer au délai de vingt jours un délai de
dix jours par coordination avec les dispositions du code électoral
régissant l'inscription en dehors des périodes de révision
(article L. 31).
•
Le V
prévoit la mise à jour de la liste
électorale spéciale et du tableau annexe chaque année, au
plus tard le 31 mars et, en cas de dissolution ou d'élections
partielles, au moins quinze jours avant la date du scrutin.
Sur ce paragraphe V, votre commission des Lois vous soumet
un
amendement
de précision pour indiquer que la liste électorale
spéciale et le tableau annexe sont "
mis à
jour
" annuellement.
• L'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a
complété l'article 178 par un
paragraphe VI
énonçant les dispositions du
code électoral rendues applicables à la procédure
d'établissement de la liste électorale spéciale, moyennant
quelques adaptations terminologiques.
Afin de compléter la liste des dispositions non étendues et de
corriger la liste des adaptations terminologiques proposées qui ne
paraissent par toutes nécessaires, votre commission des Lois vous soumet
un amendement
de réécriture du VI.
Elle vous propose d'adopter l'article 178
ainsi modifié.