N°
383
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mai 1999
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1), sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Bernard ANGELS sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (n° E-1105),
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir le numéro
:
Sénat
:
271
(1998-1999).
Union européenne. |
AVANT-PROPOS
Le
1
er
décembre 1997, le conseil ECOFIN a adopté
"
un ensemble de mesures pour lutter contre la concurrence fiscale
dommageable dans l'Union européenne
". Cet ensemble comprend
trois volets :
- un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des
entreprises ;
- certains éléments d'orientation visant à permettre
à la Commission européenne de rédiger une nouvelle
directive en matière de fiscalité de l'épargne ;
- un engagement des Quinze sur l'abolition des retenues à la source sur
les intérêts et redevances payés entre entreprises faisant
partie d'un groupe.
Par ailleurs, en mai 1996, les Etats membres de l'OCDE ont demandé
à cette organisation de " mettre au point des mesures pour limiter
les distorsions introduites par la compétition fiscale dommageable dans
les décisions d'investissement et de financement et leurs
conséquences pour la matière imposable au niveau national, et
soumettre un rapport en 1998 ".
Ce rapport a été publié : il définit les
critères qui permettent d'identifier les pratiques fiscales dommageables
et propose des recommandations pour lutter contre de telles pratiques.
Ces deux initiatives parallèles montrent que la concurrence fiscale
liée au développement de " niches " fiscales
destinées à attirer les activités financières
constitue une préoccupation majeure d'un nombre important de pays.
Pourtant, la recherche de solutions dans ce domaine se heurte à de
nombreux obstacles. En effet, les pays qui pratiquent cette concurrence fiscale
dommageable sont peu enclins à y renoncer :
- il s'agit d'une activité très lucrative pour leur
économie ;
- s'ils y renoncent unilatéralement, les flux de capitaux investis
jusqu'à présent chez eux se déplaceront dans un autre
" paradis fiscal " sans que soit mis fin à la concurrence
fiscale dommageable.
La proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum
d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme
d'intérêts à l'intérieur de la Communauté
tente de rendre les politiques fiscales des Etats membres plus
coopératives. Elle se heurte toutefois à une double
contrainte :
- proposer un système de taxation minimale efficace qui ne conduise
toutefois pas à une délocalisation de l'épargne en dehors
de l'Union européenne ;
- parvenir à un consensus entre tous les Etats membres en
dépit de leurs cultures fiscales très différentes.
Dans ce contexte, le mérite de la Commission européenne doit
être apprécié puisqu'elle a réussi à
élaborer une proposition de directive malgré les obstacles
énoncés précédemment.
Toutefois, cette proposition soulève également de nombreuses
interrogations dont votre commission a tenu à vous informer.
I. UNE CONCURRENCE FISCALE DOMMAGEABLE EN EUROPE QUI N'A TOUJOURS PAS TROUVÉ DE SOLUTION
Alors que l'absence de coordination des politiques en matière d'épargne entraîne des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur, aucune mesure concrète n'a pu être adoptée par les pays membres en l'absence de consensus.
A. DES DISTORSIONS DE CONCURRENCE AU SEIN DU MARCHÉ INTÉRIEUR LIÉES A L'ABSENCE DE COORDINATION DES POLITIQUES EN MATIÈRE D'ÉPARGNE
1. Les distorsions de concurrence liées à une très grande disparité des régimes de taxation de l'épargne au sein de l'Union européenne
Le
tableau ci-après montre que la fiscalité de l'épargne des
résidents varie fortement d'un Etat à l'autre, que ce soit sur le
plan quantitatif (taux appliqués) ou sur le plan qualitatif
(modalités d'imposition).
Ainsi, les intérêts des obligations font l'objet d'un
prélèvement libératoire en Italie (12,5%) sauf pour les
obligations d'Etat et les obligations des sociétés italiennes
cotées en bourse, en Belgique (15%) et en France (25%).
Ils sont soumis à une retenue à la source au Royaume-Uni (20%),
en Espagne (25%) et en Allemagne (31,65%).
Ils sont intégrés dans le revenu global en Allemagne, au
Danemark, en Espagne, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.
Toutefois, la réalité des régimes d'imposition doit
être nuancée par le fait que seuls la France et le Danemark
disposent d'un système de relevé de coupons intégral et
efficace
1(
*
)
L'Espagne dispose également d'un système de
relevé de coupons, mais en l'absence d'une administration fiscale
moderne, il est mal appliqué.
tandis qu'aux Pays-Bas, ce système n'existe que pour les
intérêts.
Cela signifie que dans les autres pays membres, seuls les placements
déclarés sont imposés.
L'efficacité de la
fiscalité de l'épargne dépend donc du civisme des
contribuables
.
Par ailleurs, tous les pays membres de la Communauté européenne
accordent des régimes de taxation de l'épargne plus favorables
aux non résidents qu'aux résidents. Ainsi, les
intérêts d'obligation sont très souvent
exonérés de toute imposition, sauf pour les obligations
participatives.
Or, la conjugaison de taux de prélèvement très
variables sur l'épargne des résidents et d'une exonération
quasi-systématique de l'épargne des non résidents conduit
à des distorsions de concurrence
. En effet, l'allocation de
l'épargne n'est plus déterminée par la qualité
intrinsèque des placements, mais par la fiscalité qui les affecte.
Prenons le cas d'un épargnant français qui souhaite investir dans
des obligations. Trois options se présentent à lui :
- soit il investit en France. Les intérêts des obligations
qu'il achète seront soumis à un prélèvement
libératoire de 25% ;
- soit il investit dans un autre pays membre de l'Union européenne
et déclare son investissement à l'administration fiscale
française. Dans ce cas, il sera exonéré d'imposition dans
le pays où il a acheté ses obligations. En revanche, les revenus
de ses obligations seront intégrés dans son revenu global par
l'administration fiscale française et feront donc l'objet d'une
imposition au taux marginal d'imposition de l'impôt sur le revenu ;
- soit il investit dans un autre pays membre de l'Union européenne
et ne déclare pas son investissement à l'administration fiscale.
Dans ce cas, il ne paie aucun impôt sur ses intérêts
d'obligations.
Dans le système actuel, un épargnant français a donc
avantage à placer son épargne dans un autre pays de la
Communauté européenne sans le déclarer à
l'administration fiscale.
Cet exemple appelle deux remarques.
D'une part, il n'est pas acceptable économiquement qu'un même
placement puisse, en fonction du lieu où il est effectué,
être dans un cas soumis à une imposition et dans l'autre
être complètement exonéré
2(
*
)
. En conséquence, il
apparaît nécessaire de développer au sein des Etats de la
Communauté une politique fiscale plus coopérative qui viserait
à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de
l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur
de la Communauté.
D'autre part, votre commission estime que la France ne pourra pas
échapper à une réflexion d'ensemble sur sa
fiscalité de l'épargne. En effet, le régime fiscal de
l'épargne se caractérise dans notre pays par un taux de
prélèvement élevé, une forte instabilité, et
une grande efficacité de l'administration fiscale et donc de
l'imposition. L'adoption de la directive présentée par la
Commission européenne sans réforme parallèle de la
fiscalité française de l'épargne risque donc d'être
insuffisante pour lutter contre les transferts d'épargne hors de France.
En outre, la création d'une Union économique et monétaire
remet en cause le système de pénalisation de l'épargne
investie hors de France. Désormais, l'épargne investie à
l'intérieur de l'Union européenne devrait être soumise au
même régime d'imposition que l'épargne investie en
France.
2. Des distorsions accentuées par l'adoption d'une monnaie unique et la mise en oeuvre de la liberté de prestation de services
Le
passage à la monnaie unique et la mise en oeuvre de la liberté de
prestation de services ouvrent des perspectives à la fois aux
épargnants européens et aux intermédiaires financiers.
La création de l'Union économique et monétaire fait
disparaître les risques de change tandis que la convergence des taux
d'intérêt est de plus en plus effective. Les épargnants
européens prêteront ainsi une attention accrue au rendement net
d'impôt de leurs placements financiers.
Par ailleurs, la liberté de prestation de services rendra plus sensible
l'impact des variations d'impôt sur les bénéfices
liées au lieu d'établissement des établissements
financiers à l'intérieur de la nouvelle zone
monétaire : il en résultera une exacerbation de la
concurrence qui ne pourra que s'exercer au détriment des
intermédiaires établis dans les Etats membres de l'Union
économique et monétaire connaissant un niveau élevé
de prélèvements obligatoires.
B. AUCUNE MESURE POUR LUTTER CONTRE CES DISTORSIONS N'A PU ENCORE ÊTRE ADOPTÉE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE, FAUTE DE CONSENSUS
1. Les tentatives passées
La
directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 a introduit la libéralisation des
mouvements de capitaux. Conscients "
des risques de distorsions,
d'évasion et de fraude fiscales liés à la diversité
des régimes nationaux concernant la fiscalité de l'épargne
et le contrôle de leur application
", la Commission
européenne avait élaboré deux propositions de
directive :
- la proposition de directive du Conseil concernant un régime
commun de retenue à la source sur les intérêts ;
- la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/99/CEE
concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des
Etats membres dans le domaine des impôts directs et de la taxe sur la
valeur ajoutée.
La première proposition de directive prévoyait l'instauration par
les Etats membres d'une retenue à la source d'au moins 15% applicable
aux intérêts versés à tous les résidents de
la Communauté.
La deuxième proposition tentait de rendre plus contraignant le
système d'échanges d'informations entre les Etats membres en
matière de politique fiscale. Jusqu'à présent, l'article 8
de la directive 77/99/CEE dispose qu'un Etat membre n'est pas obligé de
donner suite à une demande de renseignements qui lui est adressée
par un autre Etat membre lorsque sa législation ou sa pratique
administrative ne lui permettent pas de recueillir ces mêmes
renseignements pour ses propres besoins. La proposition de directive
prévoyait d'interdire à un Etat membre de se prévaloir du
fait que sa pratique administrative ne l'autorise pas à effectuer des
recherches, ni à recueillir les informations demandées pour les
besoins de l'établissement correct des impôts dus par ses propres
résidents, pour refuser de donner suite à une demande de
renseignements adressée par un autre Etat membre.
L'objectif de la Commission européenne était donc très
ambitieux puisqu'à travers ces deux directives, il s'agissait de poser
les bases d'une harmonisation de la fiscalité de l'épargne au
sein de la Communauté européenne.
2. Les causes de l'échec des deux propositions de directive
Aucune
directive n'a pu être adoptée en l'absence de consensus de la part
des 15 pays de la Communauté européenne.
Au contraire, les
discussions autour des objectifs et des modalités d'application des deux
directives ont montré la diversité des cultures fiscales au sein
des Etats membres.
Ainsi, les moyens à la disposition des administrations fiscales pour
contrôler les revenus d'épargne sont très variables.
La France dispose du système le plus sophistiqué, puisqu'elle est
le seul pays qui réunit :
- la dématérialisation des titres, qui oblige tout
investisseur à passer par un intermédiaire agréé
pour ses opérations ;
- le fichier des comptes bancaires (FICOBA) auquel l'administration
fiscale a libre accès ;
- le relevé annuel de coupons qui vise tous les revenus de
l'épargne financière (intérêts, dividendes, tous
instruments financiers) y compris ceux soumis à
prélèvement libératoire ainsi que le montant des cessions
de valeurs mobilières ;
- un droit de communication au profit de l'administration fiscale,
très large et sans formalité.
La France a donc un système de contrôle très efficace. En
outre, s'agissant des intérêts, avec un taux de
prélèvement de 25%, la France se situe dans la fourchette haute
des principaux pays européens dont les prélèvements
à la source sur intérêts revêtent, en droit ou en
fait (par l'absence de relevé de coupons) un caractère
libératoire. Dans ces conditions, elle a intérêt à
défendre le renforcement d'échanges d'informations entre les pays
membres.
A l'inverse, le secret bancaire fiscal est très développé
dans certains pays comme l'Allemagne ou le Royaume Uni. Au Luxembourg, il a
même valeur législative. En conséquence, la taxation de
l'épargne n'a pas le même sens ni la même efficacité
dans ces pays qui sont opposés à l'instauration d'un
système contraignant d'échanges d'informations entre les
administrations fiscales.
L'échec des négociations sur les deux directives était
donc prévisible dans la mesure où les différences
culturelles en matière de fiscalité sont telles qu'elles
constituent un obstacle à l'harmonisation de la fiscalité de
l'épargne difficilement surmontable.
II. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE VISANT À ASSURER UN MINIMUM D'IMPOSITION EFFECTIVE DES REVENUS DE L'EPARGNE VERSÉS SOUS FORME D'INTERÊTS À L'INTERIEUR DE LA COMMUNAUTÉ
La proposition de directive vise à garantir un minimum d'imposition effective de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté. Elle constitue une base de réflexion intéressante, même si son contenu doit être examiné avec attention
A. UNE BASE DE RÉFLEXION INTÉRESSANTE
1. Une directive guidée par le pragmatisme
L'échec des deux propositions de directive a
montré
les limites des tentatives d'harmonisation par la Commission européenne.
Par ailleurs, le traité de Maastricht, en posant le principe de
subsidiarité, a réduit les compétences de la Commission
européenne en matière de fiscalité directe. En vertu de
l'article 100, celles-ci s'exercent par voie de directives proposées et
adoptées par le Conseil à l'unanimité.
Toutefois, le débat sur l'harmonisation fiscale européenne, et
notamment en matière de fiscalité sur les revenus du capital, a
resurgi avec la perspective de l'introduction de l'euro. Il est en effet paru
urgent d'appliquer des règles communes en matière d'imposition de
paiements d'intérêts aux particuliers, afin de combattre les
distorsions économiques existant actuellement dans le marché
intérieur.
C'est dans ce contexte qu'à l'initiative de la France, le processus de
coordination des politiques fiscales a été relancé en
1997. Un groupe de travail " ad hoc " du Conseil, chargé des
questions fiscales, et auquel participaient les commissaires à la
fiscalité et à la concurrence, MM. Mario Monti et Karel van
Miert, a préparé les travaux du Conseil ECOFIN qui ont abouti
à un accord politique sur un
"ensemble de mesures pour lutter contre
la concurrence dommageable dans l'Union européenne ".
L'ensemble proposé comprend trois volets :
- un code de conduite sur la fiscalité des entreprises, par lequel
les Etats s'engagent à ne plus adopter de nouveaux régimes
préférentiels qui puissent nuire à leurs partenaires et
à progressivement démanteler les régimes existants ;
- quelques orientations visant à permettre à la Commission
de rédiger une nouvelle directive en matière de fiscalité
de l'épargne ;
- un engagement des Quinze sur l'abolition des retenues à la source
sur les intérêts et redevances payés entre entreprises
faisant partie d'un groupe.
Selon le commissaire Mario Monti, "
l'objectif de cet exercice n'est
pas d'annihiler toute concurrence fiscale entre les Etats membres, mais de
mettre fin aux pratiques de dumping fiscal, qui ont progressivement conduit
à une érosion de la base imposable
". Il ne s'agit pas
non plus d'augmenter la pression fiscale. Au contraire, l'établissement
d'un marché unique qui fonctionne sans distorsion devrait permettre une
"
réduction ordonnée
" du niveau d'imposition
globale dans l'Union et favoriser la pratique d'une concurrence saine.
Toutefois, les débats du groupe " ad hoc " sur la
fiscalité de l'épargne ont montré les obstacles qui
s'opposaient à l'obtention d'un consensus sur cette question.
Aussi, afin d'obtenir au moins un accord sur le principe d'une telle directive,
le Conseil a énuméré les éléments qui
pourraient constituer la base de la proposition de directive.
La Commission a donc dû tenir compte de ces contraintes pour
élaborer ladite proposition.
2. Une imposition minimale de l'épargne des non résidents
La
directive s'applique aux intérêts qui sont perçus par des
personnes physiques qui ont leur résidence fiscale dans l'Union
européenne, mais dans un Etat membre différent de celui où
les intérêts sont payés. En outre, la directive s'applique
aux intérêts payés sur le territoire des Etats membres,
indépendamment du lieu d'établissement du débiteur du
capital emprunté.
Pour éviter des distorsions de concurrence, l'article 5 de la
proposition de directive propose une définition très large du
terme " intérêts ". Sont ainsi visés :
- les revenus des créances de toute nature (titres et droits
représentatifs de dettes), comprenant les revenus des
dépôts d'espèces, des cautionnements en numéraire et
des obligations assorties d'un droit de participation aux
bénéfices ;
- les plus-values des obligations sans coupons et des créances
similaires ;
- les revenus distribués ou capitalisés des OPCVM au sens de
la directive de 1985 sur des titres représentatifs de créances
ayant investi plus de 50% de leur patrimoine dans des obligations et titres
similaires.
En outre, le champ d'application de la présente proposition de directive
inclut les euro-obligations, alors que la proposition de directive concernant
un régime commun de retenue à la source sur les
intérêts les excluait expressément.
La directive a pour objet de garantir un minimum d'imposition effective des
revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à
l'intérieur de la Communauté. Afin de surmonter l'opposition
entre d'une part, les Etats partisans d'un échange d'informations entre
les administrations fiscales et, d'autre part, les Etats soucieux de
préserver le secret bancaire, la proposition de directive
élaborée par la Commission européenne introduit le
principe de " coexistence ".
Ce dernier donne aux Etats
membres le choix entre deux options :
- soit ils décident d'opter pour le régime de
l'information : ils s'engagent alors à communiquer à l'Etat
membre dans lequel le bénéficiaire effectif a sa résidence
fiscale, les informations nécessaires à l'établissement
correct des impôts sur le revenu qui sont dus par celui-ci à cet
autre Etat membre ;
- soit ils décident d'opter pour le régime de la retenue
à la source : dans ce cas, ils appliquent une retenue à la
source d'un niveau minimum de 20% sur les intérêts payés
par l'agent payeur au bénéficiaire effectif.
Il est nécessaire de préciser que le régime choisi
s'applique, pour chaque Etat, à tous les intérêts
payés sur son territoire à des résidents de tout autre
Etat membre.
Par ailleurs, le Conseil, dans le cadre de ses conclusions du
1
er
décembre 1997 sur la fiscalité de
l'épargne, avait estimé que
les dispositions de la directive
devraient tenir compte de la nécessité de préserver la
compétitivité des marchés financiers européens
.
En conséquence, il avait indiqué que les principes de base
devraient être adoptés aussi largement que possible.
La Commission européenne a tenu compte de ces remarques puisque
l'article 11 de la proposition de directive dispose que "
la
Communauté engage des négociations avec ses principaux
partenaires commerciaux parmi les pays tiers, soit bilatéralement, soit
sur un plan multilatéral, en vue de permettre d'assurer la taxation
effective des revenus de l'épargne visés par la présente
directive, payés à des résidents fiscaux des Etats membres
par des agents payeurs établis dans ces pays tiers. "
B. UN CONTENU À EXAMINER AVEC ATTENTION
1. Les principes à réaffirmer
a) La lutte contre les distorsions et l'évasion fiscales ne peut fonctionner que dans un cadre étanche
Votre
commission des finances s'inquiète de ce que les choix en matière
d'épargne soient moins influencés par la qualité
intrinsèque des placements que par la fiscalité qui leur est
appliquée dans tel ou tel pays.
Par ailleurs, elle est également soucieuse de lutter contre
l'évasion et la fraude fiscales. Ainsi, elle a voté les mesures
de cette nature dans le projet de loi de finances pour 1999, ainsi que
l'alourdissement de la taxation sur les revenus de l'épargne anonyme.
Toutefois, dans ce débat, elle rappelle qu'en France, ces
phénomènes sont étroitement liés à la
lourdeur des prélèvements sur l'épargne : si les taux
d'imposition étaient plus bas, l'incitation à l'évasion et
à la fraude fiscales diminuerait.
En outre, la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales peut
s'avérer stérile s'il n'est pas tenu compte de la
libéralisation des mouvements des capitaux et de la mondialisation de
l'économie.
Ainsi, il faut éviter que l'adoption de cette
directive ne conduise à un déplacement de l'épargne en
dehors de l'Union économique et monétaire. En effet, dans ce cas,
non seulement les pays membres ne seront pas parvenus à lutter
efficacement contre l'évasion et la fraude fiscales, mais la
compétitivité des marchés de capitaux européens
serait menacée au profit des pays tiers.
La Commission européenne en est d'ailleurs consciente : d'une part, elle
s'inquiète dans l'exposé des motifs de la présente
proposition de directive de ce que "
la fixation du taux de
retenue à la source à un niveau trop élevé puisse
aboutir à un encouragement à l'investissement de l'épargne
en dehors de la Communauté ".
D'autre part, elle a délibérément exclu du champ
d'application de la directive les non résidents non communautaires qui
continuent de bénéficier d'un système de (non) taxation
favorable.
A cet égard, il est regrettable que la proposition de directive ne
soit pas accompagnée d'une véritable étude d'impact
sur ses conséquences, notamment au niveau des flux d'épargne.
Votre commission demande donc que les Etats membres veillent à ce que la
proposition de directive ne comporte aucun effet néfaste pour
l'épargne, dans la mesure où les flux de capitaux, une fois
déviés, ne peuvent être rapatriés que de
manière très limitée.
b) La fixation d'un taux minimum de retenue à la source doit éviter une délocalisation de l'épargne en dehors de l'Union européenne
Comme le
fait remarquer la Commission européenne dans l'exposé des motifs
de la proposition de directive, le taux de retenue à la source doit
être fixé en fonction de deux contraintes contradictoires :
- afin de lutter efficacement contre les distorsions fiscales, le taux ne
doit pas être trop bas car, bien que la retenue à la source n'ait
pas un caractère libératoire, elle pourrait l'acquérir en
fait si le bénéficiaire ne déclare pas le revenu
perçu dans son pays de résidence ;
- la fixation d'un taux de retenue à la source trop
élevé pourrait aboutir à encourager la
délocalisation de l'épargne en dehors de l'Union
européenne.
En conséquence, la Commission européenne a estimé qu'un
taux minimum de retenue à la source de 20 % constituerait une
solution équilibrée
.
Allant plus loin, le gouvernement français propose un taux de 25% au
minimum.
Votre commission estime qu'un tel taux présente deux
inconvénients potentiels : non seulement il compromettrait les
chances d'adoption de la présente directive, mais il pourrait en outre
conduire, en l'absence d'accord avec les autres pays de l'OCDE, à un
transfert d'épargne hors de l'Union européenne.
La commission des finances est par ailleurs consciente qu'en faisant de
l'aboutissement des négociations avec les plus grands pays de l'OCDE un
préalable à la mise en oeuvre de cette directive, elle
risquerait, de fait, " d'enterrer " cette dernière.
C'est pourquoi elle propose de se conformer à la proposition initiale
de la Commission européenne qui introduit une retenue à la source
d'un niveau minimum de 20 % sur les intérêts payés par
l'agent payeur au bénéficiaire effectif.
c) La nécessité d'engager des négociations avec les pays tiers
Votre
commission juge donc particulièrement nécessaire l'engagement de
négociations avec les principaux partenaires commerciaux des pays de la
Communauté européenne.
A cet égard, elle tient à rappeler que le comité des
affaires fiscales de l'OCDE a élaboré un rapport en 1998 sur la
concurrence fiscale dommageable dans lequel "
il reconnaît que
les dispositions fiscales dans certains pays peuvent avoir pour effet indirect
de décourager l'investissement ou de le faire
" émigrer ", quelle que soit la politique fiscale des autres
pays
".
Par ailleurs, ce rapport dispose que "
la nécessité d'une
action coordonnée au niveau international découle
également du fait que les activités auxquelles s'attache le
présent rapport sont très mobiles. A cet égard, en
l'absence de coopération internationale, un pays qui offre un
régime fiscal préférentiel dommageable n'est guère
incité à le supprimer, puisque cela pourrait simplement amener
l'activité à se déplacer dans un autre pays continuant
d'offrir un régime préférentiel ".
d) Une opposition " travail/capital " à nuancer
La
proposition de directive de la Commission européenne se veut assez
consensuelle pour obtenir l'accord de tous les Etats membres. Pourtant, un
paragraphe figurant dans l'exposé des motifs mérite d'être
nuancé :
"
La rigueur budgétaire, qui est requise des Etats membres, rend par
ailleurs de moins en moins tolérable la disparition d'assiettes fiscales
liée à l'absence de garantie d'un minimum d'imposition effective
sur l'investissement transfrontalier de l'épargne. Dans ce contexte,
l'absence de garantie d'un minimum d'imposition effective sur l'investissement
transfrontalier de l'épargne constitue aussi un obstacle à
l'effort des Etats membres visant à rééquilibrer le
fardeau de l'imposition entre les différents facteurs de production et
à parvenir par ce moyen à une réduction des
prélèvements obligatoires sur les revenus du travail, ce qui ne
pourrait qu'avoir des effets positifs pour la création d'emplois et la
résorption du chômage
".
Jusqu'à présent, tous les pays de l'Union européenne ont
tendance à accorder des régimes de taxation de l'épargne
plus favorables aux non résidents afin d'attirer des capitaux
étrangers. Il s'agit donc d'un choix délibéré de
concurrence non coopérative, qui peut se retourner contre les Etats si
les prélèvements opérés sur l'épargne des
résidents s'avèrent lourds. C'est ce système que la
Commission européenne propose de modifier en introduisant, par le biais
d'une retenue à la source minimale sur les revenus de l'épargne
sous forme d'intérêts des non résidents communautaires, un
minimum de coopération entre les Etats membres de l'Union.
Toutefois, cet effort de coopération ne doit pas être
assimilé à la volonté de rétablir un
prétendu équilibre entre l'imposition du travail et l'imposition
du capital, qui compte tenu de la lourde imposition qui pèse sur les
revenus du travail, aurait pour conséquence d'alourdir la
fiscalité de l'épargne. Comme le rapport de 1998 relatif à
la fiscalité de l'épargne du président Alain
Lambert
3(
*
)
, alors rapporteur
général de la commission des finances, l'avait montré,
" si tant est qu'un rééquilibrage de la fiscalité
du capital par rapport à la fiscalité du travail soit
souhaitable, ce rééquilibrage doit se faire en diminuant les
prélèvements sur les revenus du travail et non en augmentant ceux
supportés par le capital
. " Il ne faut pas oublier que c'est
le niveau global de taxation qui importe pour le développement
économique d'un pays, et que cette taxation porte toujours sur
l'activité.
Par ailleurs, il faut nuancer l'idée selon laquelle la mobilité
du travail serait beaucoup plus faible que celle du capital. En effet, le
travail très qualifié apparaît de plus en plus
incité à se délocaliser et ce phénomène est
particulièrement pertinent pour les jeunes travailleurs ayant un niveau
d'études élevé. Cette mobilité s'applique
également aux fonctions " nomades " des grandes
entreprises.
e) Le modèle de coexistence apparaît difficile à mettre en oeuvre
Le
modèle de coexistence constitue un compromis politique entre les
partisans de l'échange d'informations et les défenseurs de la
retenue à la source. Aux termes du projet de directive, les Etats
membres pourront opter pour l'un des deux modèles.
Pourtant, la mise en oeuvre de ce modèle apparaît difficile. En
effet, il semble peu probable que des Etats membres acceptent de fournir
à un autre Etat membre des informations sur les revenus de
l'épargne des non-résidents s'ils ne reçoivent pas en
retour le même type d'informations de la part de cet Etat membre. Les
différences de culture fiscale sont telles que les Etats membres peu
informés de la situation fiscale de leurs résidents ne pourraient
a fortiori fournir ce type d'information aux autres. En outre, on peut supposer
que les pays qui choisiraient l'échange d'informations verraient les
flux d'épargne des non résidents diminuer au profit des pays
ayant opté pour la retenue à la source.
L'introduction du régime de l'information pourrait s'avérer
très coûteux pour les banques qui auraient à créer
un système de notification pour chaque investisseur qui investirait dans
un Etat membre autre que celui de sa résidence.
En conséquence, votre commission demandera au gouvernement d'opter pour
le régime de retenue à la source afin que la France reste un pays
attractif pour les investisseurs ayant leur résidence dans les autres
pays de la Communauté.
Toutefois, cette recommandation ne doit pas être
interprétée comme un renoncement à une meilleure
coopération entre les Etats membres en matière d'échanges
d'informations.
Au contraire, votre commission est persuadée que ce
dispositif constitue le seul outil efficace de lutte contre des maux que la
proposition de directive n'évoque pas, mais qui sont au moins aussi
graves que la concurrence fiscale dommageable, à savoir le blanchiment
des capitaux ou la grande délinquance financière.
Or, le caractère peu opératoire du modèle de coexistence
contenu dans la présente proposition de directive peut conduire à
mettre un terme aux discussions au sein de l'Union européenne sur le
développement de l'échange d'informations.
2. Les points à clarifier
Si notre
commission approuve l'objectif visant à garantir un minimum d'imposition
effective de l'épargne sous forme d'intérêts à
l'intérieur de la Communauté, elle estime que ladite proposition
ne peut être adoptée en l'état. Ainsi six points doivent
être clarifiés :
- la proposition de directive ne doit pas créer de
distorsions
entre les différentes formes d'épargne ;
- les
euro-obligations
doivent être intégrées
dans le champ d'application de la directive tout en évitant une
délocalisation de ce marché ;
- le poids des contraintes à faire peser sur les
établissements payeurs doit être étudié avec
attention ;
- le choix de la preuve pour les non résidents non communautaires
ne doit pas pénaliser la compétitivité des marchés
européens ;
- les risques de détournement de la directive doivent être
analysés précisément ;
- la date de transposition doit être revue.
a) La proposition de directive ne doit pas créer de distorsions entre les différentes formes d'épargne
La
proposition de directive vise les revenus de l'épargne sous forme
d'intérêts. Ainsi, n'entrent pas dans le champ d'application du
projet de directive les plus-values ou encore les dividendes.
En outre, le considérant 9 exclut expressément les pensions et
les prestations d'assurance qui "
feront l'objet d'un examen
séparé pour donner lieu le cas échéant à des
initiatives législatives spécifiques
". Or,
l'assurance-vie constitue souvent un placement assimilable à une
créance, même si ses spécificités peuvent justifier
un traitement particulier. A cet égard, selon les informations obtenues
par votre rapporteur, la Commission européenne devrait présenter
une communication sur ce sujet dans les mois qui viennent.
La commission des finances du Sénat estime que les initiatives qui
pourraient être prises en matière d'assurance-vie devront
être coordonnées avec la présente directive de
manière à assurer des conditions de concurrence égales
pour les divers produits de l'épargne.
Par ailleurs, elle constate que dans sa rédaction actuelle, la
proposition de directive pose deux problèmes de distorsion.
La proposition de directive traite comme des intérêts les revenus
de l'épargne perçus indirectement, par le biais d'organismes de
placements collectifs, sur des titres représentatifs de créances.
Or, ne sont visés que les OPCVM au sens de la directive de 1985. On peut
se demander pourquoi les autres OPCVM (il s'agit des OPCVM de type
fermé, des OPCVM qui recueillent des capitaux sans promouvoir la vente
de leurs parts auprès du public dans la Communauté ou dans toute
partie de la Communauté, etc... ) n'entrent pas dans le champ
d'application de la proposition de directive.
En outre, la proposition de directive considère, pour les OPCVM
diversifiés (en produits de taux et en actions) que les revenus
capitalisés des OPCVM ayant investi plus de 50 % de leur patrimoine dans
des obligations ou titres similaires, sont des intérêts pour les
porteurs qui peuvent en recevoir le bénéfice lors du
remboursement de leurs parts.
Votre commission estime qu'il serait préférable d'instaurer une
transparence fiscale en distinguant, lors de la définition de l'assiette
de la retenue à la source, ce qui correspond à des
intérêts de ce qui relève des dividendes et des
plus-values. Cette distinction apparaît d'autant plus importante que,
s'agissant des dividendes réinvestis, ils ont déjà subi
une " imposition minimale " par le biais de l'impôt sur les
sociétés. Quant aux plus-values, si elles peuvent être
assimilées à des intérêts lorsqu'il s'agit d'OPCVM
de capitalisation investis en titres de taux, elles s'en distinguent
lorsqu'elles résultent d'OPCVM investis en actions.
Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la Commission
européenne serait consciente de ce problème. Toutefois, elle
n'aurait pas encore trouvé de solution technique pour distinguer, dans
les OPCVM diversifiés, la part investie en obligations et la part
investie en actions. En effet, ce système de transparence fiscale dont
la France s'est dotée n'existera pas dans tous les pays membres.
Se poserait de toute façon la question de l'application de ce dispositif
aux revenus des OPCVM déjà émis. Pour pouvoir taxer les
plus-values, les établissements ont besoin du prix d'achat des parts
d'OPCVM. Or, lorsqu'un épargnant communautaire transfère ses
parts dans un établissement en dehors de son Etat de résidence,
cet établissement ne dispose pas forcément des informations
relatives au prix d'achat initial. Dans ce cas précis,
l'établissement sera dans l'incapacité de calculer l'assiette de
la retenue à la source sur la plus-value.
Votre commission demande donc que l'article 5 de la proposition de directive
soit étudié très précisément par les Etats
membres afin de clarifier sa rédaction et d'éviter toute
distorsion de concurrence.
b) Les euro-obligations doivent être intégrées dans le champ d'application de la directive, tout en évitant une délocalisation de ce marché
Il
n'existe pas de définition harmonisée des euro-obligations.
Toutefois, est considérée comme une euro-obligation une
obligation émise par un investisseur dans une monnaie autre que la
monnaie de l'Etat dans lequel s'effectue l'émission.
Avec la création d'une union monétaire et l'instauration d'une
monnaie unique, ce type d'émission devient plus difficile à
réaliser : ainsi, un emprunt émis en francs en Allemagne
n'est plus considéré comme une euro-obligation, le franc
n'étant plus qu'une subdivision non décimale de l'euro, monnaie
commune à la France à l'Allemagne. Aujourd'hui, c'est donc la
place de Londres qui s'est spécialisée dans ce marché.
La proposition de directive inclut dans son champ d'application les
euro-obligations détenues par les personnes physiques afin de ne pas
créer de distorsion de concurrence. Votre commission approuve cette
décision même si elle reconnaît qu'elle peut perturber le
marché des euro-obligations.
En effet, celles-ci sont soumises à la clause du
" gross-up "
: si un impôt introduit
postérieurement à l'émission du titre vient affecter son
rendement, l'émetteur doit soit compenser cette perte, soit
résilier l'emprunt par remboursement anticipé. Comme
l'émetteur aurait intérêt à choisir cette
dernière solution, le marché de Londres risquerait d'être
très perturbé. C'est pourquoi la Grande-Bretagne s'oppose
à ce que les euro-obligations soient incluses dans le champ
d'application de la directive.
Les autres pays de la Communauté sont moins sensibles aux arguments de
Londres dans la mesure où seulement 10 à 20 % des investisseurs
en euro-obligations sont des personnes physiques. Les effets de l'inclusion des
euro-obligations dans le champ d'application de la directive seraient donc
limités. Le 13ème paragraphe de l'exposé des motifs de la
proposition de directive confirme ce constat puisqu'il dispose que "
ce
marché apparaît principalement alimenté par les placements
effectués par les investisseurs institutionnels et pour partie
alimenté par les placements d'investisseurs privés qui ne
résident pas dans la Communauté. "
Inversement, leur exclusion entraînerait une distorsion de concurrence au
profit de la City de Londres.
A l'heure actuelle, plusieurs pistes sont envisagées pour trouver un
compromis. Le gouvernement britannique a annoncé qu'un projet
était à l'étude pour créer un marché de gros
(dont les investisseurs personnes physiques seraient exclus) et un
marché de détail.
Si ce dispositif était adopté, il resterait à
résoudre la question des euro-obligations en cours, qui, à
défaut d'une définition homogène au sein de l'UE, peuvent
difficilement échapper au champ d'application de la directive.
Votre commission prône la recherche d'une solution
équilibrée qui éviterait toute délocalisation
notable du marché des euro-obligations sans que leur traitement fiscal
entraîne une distorsion de concurrence entre les centres
financiers.
c) Le poids des contraintes à faire peser sur les agents payeurs doit être étudié avec attention
Selon
les informations obtenues par votre rapporteur, les Etats membres doivent
trouver un accord sur les obligations à imposer aux " agents
payeurs
",
c'est-à-dire les établissements qui sont
responsables du paiement d'intérêts au profit immédiat du
bénéficiaire effectif. S'il existe en France une certaine
habitude de la part des établissements de crédit d'effectuer
gratuitement des opérations pour le compte du fisc, beaucoup d'Etats ne
connaissent pas ce système et sont très sensibles aux risques
qu'un alourdissement des obligations des établissements de crédit
vis-à-vis de l'administration fiscale entraînerait en
matière d'équilibre financier et de compétitivité
pour ces établissements.
A cet égard, on peut s'interroger sur la pertinence du 13ème
paragraphe de l'exposé des motifs qui dispose que
" l'agent
payeur peut en effet vérifier,
d'une manière simple et peu
coûteuse,
si l'intérêt est versé à une
personne physique et lui demander une preuve de sa résidence
fiscale ".
Par exemple, les agents payeurs ne pourront satisfaire aux obligations
contenues dans les propositions de la directive sans modifier en profondeur
leurs systèmes informatiques, ce qui entraînera des coûts
importants. Pour autant, les contraintes exactes auxquelles ils seront soumis
ne sont pas encore arrêtées définitivement.
Votre commission demande donc que les Etats membres limitent les obligations
incombant aux agents payeurs au strict nécessaire pour la bonne
application de la directive.
d) Le choix de la preuve pour les non résidents non communautaires ne doit pas pénaliser les économies de l'Union européenne
La
proposition de directive exclut du champ d'application la retenue à la
source portant sur l'épargne sous forme d'intérêts des non
résidents non communautaires. Se pose toutefois le problème de la
preuve de la non résidence.
Certains pays se déclarent en faveur d'un système d'attestation
sur l'honneur de la qualité de non résident, dont le principal
avantage est la simplicité de mise en oeuvre.
Il semblerait en revanche que la France souhaiterait que les non
résidents non communautaires fournissent un certificat de
résidence provenant de leur administration fiscale. Ce système
limite les possibilités de fraude sur la résidence, mais il
risquerait également de tarir les investissements des non
résidents non communautaires dans l'Union européenne.
Il convient de remarquer que, conformément au principe de
subsidiarité, le choix de la preuve de non résidence
relève de la compétence des Etats membres. La France pourrait
donc opter pour la certification par les administrations fiscales des pays de
résidence tandis que d'autres pays choisiraient l'attestation sur
l'honneur. Il est cependant clair que cette situation pénaliserait la
France qui verrait les flux d'épargne des non résidents non
communautaires s'orienter vers les pays de la Communauté ayant choisi
l'attestation sur l'honneur.
En conséquence, votre commission estime nécessaire de faire
preuve de pragmatisme en tenant compte de la libéralisation des
mouvements de capitaux et de l'absence de politique coopérative en
matière fiscale au sein des pays de l'OCDE. Il lui semble
préférable de faire reposer la preuve de la non-résidence
sur l'attestation sur l'honneur.
e) Les risques de détournement de la directive doivent être analysés précisément
L'efficacité d'un dispositif législatif varie en
fonction de la capacité de ses auteurs à limiter le plus possible
les vides ou imprécisions juridiques qui permettent de contourner
légalement le système.
A cet égard, la rédaction de la proposition de directive peut
soulever plusieurs interrogations.
Le champ d'application de ladite directive vise les revenus de l'épargne
sous forme d'intérêt des personnes physiques. Deux risques de
détournement existent, concernant d'une part les personnes physiques et
d'autre part les intérêts.
En effet, les individus peuvent essayer de s'exclure du champ d'application de
la directive en créant un trust ou une corporation qui, tout en les
concernant exclusivement, modifierait leur statut juridique.
En ce qui concerne la définition des intérêts, la
Commission européenne a proposé une rédaction qui se veut
la plus large possible. Toutefois, cette rédaction doit être
analysée au regard des techniques d'innovation financière qui
peuvent créer des produits très similaires sans qu'ils entrent
cependant dans le champ d'application de la directive.
f) La date de transposition doit être revue
L'article 12 de la proposition de directive fixe le calendrier
pour
la transposition de la directive dans le droit national des Etats membres et
pour son entrée en vigueur. Toutefois, les délais retenus (31
décembre 1999 pour la transposition et 1er janvier 2001 pour
l'application de la directive) apparaissent trop courts.
En effet, la Commission européenne estime que la proposition de
directive pourrait faire l'objet d'un accord de la part des pays membres lors
du Conseil d'Helsinki prévu au mois de décembre 1999.
Les Etats membres doivent disposer d'un délai d'au moins un an pour
transposer la directive dans le droit national. La date limite serait donc
plutôt le 1er janvier 2001.
En outre, la directive devrait être applicable dans les Etats membres au
plus tôt un an après sa transposition dans le droit national, de
manière à donner aux agents payeurs (c'est-à-dire les
banques et les établissements financiers) le temps nécessaire
afin qu'ils adaptent leurs systèmes, notamment informatiques, pour
répondre aux exigences de la directive. La date de l'application devrait
coïncider avec le début d'une nouvelle année afin de
faciliter le calcul des intérêts, soit le 1er janvier 2002.