EXAMEN EN COMMISSION
Dans sa
séance du mardi 11 mai 1999, la commission a pris acte de
l'absence
d'amendement
à ses conclusions sur la
proposition de
résolution n° 233
(1998-1999) présentée en
application de l'article 73 bis du règlement par M. Denis
Badré, sur la proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui
concerne le
taux normal
, la directive 77/388/CEE relative
au
système commun de la taxe sur la valeur ajoutée
(n° E 1193). Elle a dès lors
adopté la
résolution dans la rédaction
qui lui avait été
proposée par M. Denis Badré, rapporteur
.
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a rappelé
que le 1
er
décembre 1997, le conseil ECOFIN avait
adopté un ensemble de mesures pour lutter contre la concurrence fiscale
dommageable dans l'Union européenne. Cet ensemble comprend trois
volets : un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des
entreprises, certains éléments d'orientation visant à
permettre à la commission européenne de rédiger une
nouvelle directive en matière de fiscalité de l'épargne
et, enfin, un engagement des Quinze sur l'abolition des retenues à la
source sur les intérêts et redevances payés entre
entreprises faisant partie d'un groupe. Il a fait remarquer que la proposition
de directive du conseil, visant à garantir un minimum d'imposition
effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts
à l'intérieur de la Communauté, résulte directement
du conseil ECOFIN et vise à rendre les politiques fiscales des pays
membres plus coopératives. Toutefois, elle se heurte à une double
contrainte : d'une part, proposer un système de taxation minimale
efficace qui ne conduise pas à une délocalisation de
l'épargne en dehors de l'Union européenne et, d'autre part,
parvenir à un consensus entre tous les Etats membres en dépit de
leurs cultures fiscales très différentes.
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a ensuite
rappelé que la très grande disparité des régimes de
taxation de l'épargne au sein de l'Union européenne
entraînait des distorsions de concurrence dommageables. Toutefois, il a
constaté qu'aucune mesure pour lutter contre ces distorsions n'avait pu
être adoptée au niveau communautaire jusqu'à
présent, faute de consensus. Il a cité les deux directives du
conseil proposées en 1989 (l'une concernant un régime commun de
retenues à la source sur les intérêts, et l'autre
renforçant l'assistance mutuelle des autorités compétentes
des Etats membres dans le domaine fiscal) qui n'avaient pas pu être
adoptées faute d'accord entre les quinze pays de la Communauté
européenne. Il était alors apparu impossible de poser les bases
d'une harmonisation de la fiscalité de l'épargne en raison de la
diversité des cultures fiscales au sein des Etats membres.
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a noté que
la commission européenne avait tenu compte de ce double échec
pour élaborer la nouvelle proposition de directive sur l'imposition
minimale effective des revenus de l'épargne des non-résidents
sous forme d'intérêts, dans la mesure où elle avait
adopté une position beaucoup plus pragmatique. Puis il a défini
le champ d'application de cette directive qui s'applique aux
intérêts qui sont perçus par des personnes physiques qui
ont, certes, leur résidence fiscale dans l'Union européenne, mais
dans un Etat membre différent de celui où les
intérêts sont payés. Afin de surmonter l'opposition entre,
d'une part, les Etats partisans d'un échange d'informations entre les
administrations fiscales et, d'autre part, les Etats soucieux de
préserver le secret bancaire, la proposition de directive introduit le
principe de coexistence. Ce dernier donne aux Etats membres le choix entre deux
options. Ils peuvent opter pour le régime de l'information ; dans
ce cas, ils s'engagent à communiquer à l'Etat membre dans lequel
le bénéficiaire effectif a sa résidence fiscale, les
informations nécessaires à l'établissement correct des
impôts sur le revenu qui sont dus par celui-ci à cet autre Etat
membre. Ils peuvent aussi opter pour le régime de la retenue à la
source ; ils appliquent alors une retenue à la source d'un niveau
minimum de 20 % sur les intérêts payés par l'agent
payeur aux bénéficiaires effectifs.
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a ensuite fait
part de ses observations. Il a insisté sur le fait que la lutte contre
les distorsions et l'évasion fiscale ne peut fonctionner que dans un
cadre étanche et pourrait donc s'avérer stérile s'il n'est
pas tenu compte de la libéralisation des mouvements de capitaux et de la
mondialisation de l'économie. Il a souligné que l'adoption de
cette directive ne devrait pas conduire à un déplacement de
l'épargne en dehors de l'Union économique et monétaire. En
effet, dans ce cas, non seulement les pays membres ne seraient pas parvenus
à lutter efficacement contre l'évasion et la fraude fiscale mais
la compétitivité des marchés de capitaux européens
serait menacée au profit des pays tiers. Il a ajouté qu'au regard
de ces contraintes, le taux minimum de retenue à la source de 20 %
proposé par la Commission européenne constituait une solution
équilibrée.
Par ailleurs,
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a
jugé particulièrement nécessaire l'engagement de
négociations avec les principaux partenaires commerciaux des pays de la
Communauté européenne pour lutter efficacement contre la
concurrence fiscale dommageable. Puis, il a souhaité nuancer
l'opposition travail/capital contenue dans l'exposé des motifs de la
proposition de directive de la Commission européenne. Il a
rappelé que, si un rééquilibrage de la fiscalité du
capital par rapport à la fiscalité du travail était
souhaitable, ce rééquilibrage devait se faire en diminuant les
prélèvements sur les revenus du travail et non en augmentant ceux
supportés par le capital.
Ensuite,
M. Philippe Marini, rapporteur général
, s'est
interrogé sur la pertinence du modèle de coexistence. Il a
déclaré que ce dernier constituait un compromis politique entre
les partisans de l'échange d'informations et les défenseurs de la
retenue à la source. Il a cependant émis des réserves
sérieuses sur sa mise en oeuvre, dans la mesure où il semble peu
probable que des Etats membres acceptent de fournir à un autre Etat
membre des informations sur les revenus de l'épargne des
non-résidents s'ils ne reçoivent pas, en retour, le même
type d'informations de la part de cet Etat. En outre, il s'est demandé
si les pays qui choisiraient l'échange d'informations ne verraient pas
les flux d'épargne des non-résidents diminuer au profit des pays
ayant opté pour la retenue à la source. Il a alors
recommandé, par réalisme, que la France opte pour le
régime de retenue à la source. Il a toutefois
précisé que cette proposition ne devait pas être
interprétée comme un renoncement à une meilleure
coopération entre les Etats membres en matière d'échange
d'informations.
En outre,
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a
estimé que six points devaient être clarifiés : la
proposition de directive ne doit pas créer de distorsions entre les
différentes formes d'épargne ; les euro-obligations doivent
être intégrées dans le champ d'application de la
directive ; le poids des contraintes à faire peser sur les
établissements payeurs doit être étudié avec
attention ; le choix de la preuve pour les non-résidents non
communautaires ne doit pas pénaliser la compétitivité des
marchés européens ; les risques de détournement de la
directive doivent être analysés précisément et,
enfin, la date de transposition doit être revue.
Un large débat s'est alors ouvert.
M. Bernard Angels,
après avoir rappelé que sa proposition
de résolution avait été adoptée à
l'unanimité par la Délégation du Sénat pour l'Union
européenne, a estimé que le rapport de M. Philippe Marini ne
s'inscrivait pas dans le même cadre que celui fixé par la
proposition de directive qui limite son champ d'application à
l'épargne transfrontalière en appliquant une retenue à la
source aux personnes physiques ayant fait le choix de l'anonymat. Il a ensuite
insisté sur le fait que les raisons éthiques et morales primaient
sur les considérations économiques quant à l'aboutissement
de cette directive. Puis, il a indiqué que, concernant la
nécessité de conclure des accords avec les pays tiers pour
éviter le risque de délocalisation, il convenait d'établir
au préalable des règles à l'intérieur même de
l'Union avant de chercher à aboutir, sur ce sujet, au-delà du
périmètre actuel de cette dernière. Par ailleurs, il a
défendu un taux minimum de retenue à la source de 25 %, seul
à même de permettre un bon fonctionnement du dispositif. Enfin, il
s'est déclaré partisan du passage à la majorité
qualifiée pour l'adoption de décisions en matière fiscale
au sein de l'Union européenne. Il a conclu en soulignant les
différences d'approche entre sa proposition de résolution et
celle présentée par le rapporteur général.
M. Michel Charasse
a évoqué trois questions techniques. Il
s'est demandé si la résolution examinée par la commission
ne devait pas rappeler l'existence de la règle de l'unanimité
pour toutes les questions fiscales. Il a regretté l'absence
d'harmonisation en matière de définition du non résident
fiscal. Enfin, il a souligné que conformément au principe de
subsidiarité, les Etats membres restent seuls compétents en ce
qui concerne le choix de la preuve de la non résidence fiscale.
En réponse,
M. Philippe Marini, rapporteur général
,
a mis en garde contre le risque potentiel d'augmentation des
prélèvements obligatoires dans l'Union européenne contenu
dans la proposition de directive. Il a donc estimé qu'une plus grande
coopération en matière fiscale devait inciter chaque Etat membre
à réformer son système de prélèvements
obligatoires dans le sens d'une diminution du taux global d'imposition. Il a
ajouté que la création d'une monnaie unique renforçait la
nécessité d'une plus grande convergence des taux de
prélèvements. Il a ensuite déclaré qu'il tiendrait
compte des remarques techniques de M. Michel Charasse.
En conclusion,
M. Philippe Marini, rapporteur général
, a
souligné que la proposition de directive ne traitait pas uniquement de
l'épargne anonyme. En outre, si cette proposition tente de supprimer les
paradis fiscaux au sein de l'Union européenne, elle ne résout pas
la question des paradis fiscaux en dehors de cette zone. Au contraire, le choix
d'un taux élevé de retenue à la source risquerait de les
renforcer en entraînant une délocalisation de l'épargne
vers leurs territoires. Enfin, il a constaté que l'unanimité
nécessaire pour l'adoption de cette directive serait plus facile
à atteindre si le taux minimum de retenue à la source choisi
était de 20 % plutôt que 25 %.
La commission a alors décidé
de réserver son vote sur
la proposition de résolution
jusqu'à une prochaine
séance.
Dans sa séance du mercredi 26 mai 1999, la commission a entendu
M.
Philippe Marini, rapporteur général,
sur la
proposition de
résolution n° 271
(1998-1999), présentée par M.
Bernard Angels, en application de l'article 73 bis du règlement sur la
proposition de directive du Conseil visant à garantir un
minimum
d'imposition effective des revenus de l'épargne.
M. Philippe Marini, rapporteur général,
a exposé les
modifications intervenues dans la rédaction de la proposition de
résolution par rapport à la réunion
précédente, telle qu'il la soumettait à nouveau à
la Commission.
Il a rappelé que le texte de la directive ne propose des règles
communes que pour l'épargne des non-résidents. Il a
insisté sur les effets pervers de la coexistence des systèmes de
la retenue à la source et de l'échange d'informations, et
souhaité en avertir le Gouvernement afin qu'il prenne les mesures pour
minimiser ces effets.
M. Bernard Angels
a noté que la proposition de résolution
se rapproche de celle votée par la délégation à
l'Union européenne mais a regretté qu'elle diverge sur le taux
minimum de retenue à la source, dont le plancher, et non le plafond,
avait été fixé à 20 % par la
délégation.
M. Denis Badré
a apprécié la levée de
l'ambiguïté sur la question de la coexistence et a approuvé
la fixation d'un taux de retenue à la source de 20 %.
M. Jacques Oudin
a fait part de ses inquiétudes sur les risques
de fuite des capitaux hors de l'Union européenne, en soulignant leur
grande volatilité. Il s'est interrogé sur la
nécessité de fixer un chiffre précis pour la retenue
à la source qui risque de créer un effet de seuil.
En réponse,
M. Philippe Marini, rapporteur général,
a déclaré partager les craintes exprimées sur les risques
de fuite des capitaux. Il a ensuite rappelé l'objectif de la proposition
de directive de lutter contre les capitaux aux origines incertaines, en
soulignant le double impératif de compétitivité et
d'abaissement des prélèvements obligatoires. Il a enfin
remercié ses collègues pour leur collaboration dans la
rédaction de cette proposition de résolution.
La commission a alors
adopté la proposition de résolution
,
les commissaires des groupes socialiste et communiste républicain et
citoyen déclarant s'abstenir.
Elle a fixé le
délai-limite pour le dépôt des
amendements
à la proposition qu'elle a adoptée au
mercredi
2 juin 1999 à 17 heures.