ANNEXE
OBSERVATIONS DE M. BERNARD ANGELS
La
proposition de directive E 1105 vise à garantir un minimum d'imposition
effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts,
à l'intérieur de la Communauté européenne. Cette
disposition a fait l'objet d'une proposition de résolution que j'ai
présentée à la Délégation du Sénat
pour l'Union européenne, qui l'a adoptée à
l'unanimité, le 17 mars dernier.
Renvoyée à la Commission des Finances, cette proposition a fait
l'objet, d'un examen du Rapporteur général. Les
considérations contenues dans son rapport appellent, de ma part, un
certain nombre de réflexions.
En premier lieu, il est important de souligner que le rapport de M. Marini
ne s'inscrit pas exactement dans le même cadre que celui fixé par
la proposition de directive. En effet, celle-ci a choisi de limiter son champ
d'application à l'épargne transfrontalière, en appliquant
une retenue à la source aux personnes physiques non-résidentes
ayant fait le choix de l'anonymat. Cette approche raisonnable me paraît
des plus opportunes compte tenu du destin qu'ont connu d'autres propositions de
directive, certes plus ambitieuses, mais jamais adoptées.
M. Marini souhaite, en revanche, conjuguer le contenu de cette proposition de
directive avec la problématique beaucoup plus large et chère
à notre collègue de la lourdeur des prélèvements,
constatée selon lui, au niveau de l'épargne en France.
Je ne peux, bien entendu, pas m'inscrire dans la démarche suivie par le
rapporteur Général, au demeurant sans lien réel avec la
proposition qui lui était soumise et qui impliquerait une baisse des
impôts en France. En effet, et sans développer plus avant les
considérations liées au niveau relatif des
prélèvements, une telle analyse conduirait à un transfert
pur et simple de souveraineté fiscale :
la compétence de
détermination du niveau maximum de nos prélèvements
relève de l'état national et non de la Commission
européenne.
En deuxième lieu, M. Marini, pour justifier l'adoption de cette
directive, invoque principalement la relation économique entre les
disparités des régimes de taxation de l'épargne et les
distorsions dommageables de concurrence en Europe. Ce lien existe, c'est
certain, mais il ne doit pas constituer la motivation essentielle pour laquelle
cette directive s'avère nécessaire.
En effet, je reprendrai, à ce titre, les arguments de M. Monti lors de
sa récente intervention dans le cadre du colloque intitulé
"
L'épargne dans l'ère de l'euro "
, le 19
janvier dernier, à l'Assemblée Nationale. Le commissaire
européen chargé des questions fiscales avait alors, à
plusieurs reprises, insisté sur la nécessité, dans le
cadre du rapprochement des fiscalités dans l'Union, de faire en sorte
que le marché unique ne soit pas un marché pour les fraudeurs. Il
est donc évident que
les raisons éthiques et morales priment
sur les considérations économiques
quant à
l'aboutissement de cette directive.
En troisième lieu, M. Marini, sans en faire un préalable, met en
avant la nécessité de conclure des accords avec les pays tiers en
insistant sur le risque de délocalisations, à leur profit, des
capitaux. Sans écarter cette problématique sur laquelle il nous
faudra naturellement travailler, il m'apparaît que la première
priorité réside dans l'adoption rapide de cette propostion de
directive et ce pour deux raisons principales. Tout d'abord, pour rattraper le
retard accumulé ces dix dernières années, il convient que
les états membres tranchent cette question. De plus, l'Union
européenne sera plus à même de négocier avec ses
principaux partenaires de l'OCDE renforcée dans sa cohésion par
la conclusion d'une telle directive.
Il convient d'établir au préalable des règles à
l'intérieur même de l'Union avant de chercher à aboutir
par-delà son périmètre actuel.
Dans le cas contraire,
nous risquerions de laisser la situation en l'état et de repousser
encore une fois à une échéance incertaine le statut de
cette question.
En quatrième lieu, le Rapporteur général juge le taux de
25 % de retenue à la source que j'ai proposé trop
élevé. Il oublie, en cela, me semble-t-il, qu'un taux
inférieur ne constituerait pas véritablement une alternative
crédible pour des pays à secret bancaire et que, dans le
même temps, un " taux zéro " est prévu dans le
cas de fourniture d'information sour la forme de certificat. Je m'étonne
donc de cette remarque qui ne me semble tenir compte ni de la
réalité fiscale internationale ni des modalités
prévues par le texte.
Enfin, il me paraît fondamental que l'on puisse réfléchir,
par delà l'adoption de cette directive et de la volonté politique
des états membres d'avancer sur cette question, à une
réforme plus profonde.
Dans le cadre des questions fiscales, les
décisions devraient, à l'avenir, être prises en suivant la
règle de la majorité qualifiée.
Ainsi, l'action des
institutions européennes en la matière gagnerait en
cohérence, en transparence et en rapidité.