E. UNE INQUIÉTUDE : LES MOYENS DE LA RÉFORME
La
disposition la plus visible du projet de loi est incontestablement la
création d'un juge de la détention provisoire, dont le garde des
sceaux a souhaité qu'il ait rang de président, de premier
vice-président ou de vice-président.
Votre commission a accepté le principe de cette séparation entre
l'instruction et la mise en détention provisoire, tout en constatant
qu'elle intervient alors que les effets de la loi du 30 décembre
1996, qui a modifié le régime de la détention provisoire,
ne sont pas connus.
Votre commission souhaite faire part de son inquiétude quant à la
mise en oeuvre de la réforme, compte tenu du
caractère peu
précis des évaluations relatives aux moyens
nécessaires.
• L'étude d'impact transmise au Parlement (voir annexe) indique
que "
Le projet de loi prévoit dans tous les tribunaux de
grande instance l'institution d'un ou plusieurs juges de la détention
provisoire
". Cette étude d'impact note que la création
du juge de la détention provisoire ne permettra aucun gain d'emploi
à l'instruction, compte tenu des nouvelles formalités par
ailleurs imposées au juge d'instruction. Enfin,
cette étude
d'impact évalue à 170 le nombre de créations de postes
nécessaires pour le fonctionnement de cette réforme.
Lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme le Garde
des Sceaux a indiqué avoir "
écarté un premier
scénario qui aurait consisté à nommer des magistrats et
à créer un emploi de juge de la détention dans les
187 tribunaux de grande instance
".
Une évolution
importante semble donc s'être produite entre le dépôt du
projet de loi et sa discussion par l'Assemblée nationale
.
De ce
fait, la Chancellerie évalue désormais à
110 seulement le nombre des créations de postes
nécessaires
. D'après les informations transmises à
votre rapporteur, 68 postes ont été créés au
titre du budget de 1999 en vue de cette réforme et 42 devraient
l'être au titre du budget de l'an 2000.
• Pratiquement, le système devrait s'organiser de la
manière suivante :
- dans les tribunaux les plus importants, un ou plusieurs
vice-présidents ou premiers vice-présidents pourraient assurer le
contentieux de la détention provisoire ;
- dans les plus petits tribunaux, cette charge serait exercée par le
président du tribunal lui-même. En cas d'absence, il pourrait
être recouru à des vice-présidents placés
auprès du premier président de la cour d'appel ou à un
vice-président d'un tribunal voisin. Il n'est donc pas exclu qu'à
des périodes particulières, des difficultés puissent se
poser dans les plus petites juridictions ;
- par ailleurs, l'intervention d'un juge de la détention provisoire
distinct du juge d'instruction rendra naturellement plus difficile la
composition des juridictions correctionnelles, le juge de la détention
provisoire ne pouvant participer au jugement des affaires dont il a connu.
Pour remédier à cette difficulté, il serait fait appel
à des juges placés, éventuellement à des avocats,
qui peuvent compléter une formation correctionnelle. Enfin, le premier
président de la cour d'appel pourrait utiliser la disposition
récemment adoptée dans le projet de loi renforçant
l'efficacité de la procédure pénale, qui lui permet de
renvoyer une affaire d'un tribunal à un autre. Le Sénat a
demandé et obtenu que le choix du tribunal de renvoi ne soit pas
discrétionnaire, mais déterminé au début de chaque
année.
Il apparaît donc que le fonctionnement de cette réforme sera
différencié sur le territoire et qu'il posera des
difficultés dans certains cas
. Il paraît essentiel que tout
soit entrepris pendant la durée de la navette parlementaire pour que les
modalités pratiques de la réforme soient précisées.
Le Parlement devrait être informé de manière très
précise de la manière dont sera appliquée la
réforme. A ce stade, votre commission souhaite simplement manifester son
inquiétude face aux imprécisions qui entourent cet aspect de la
réforme, d'autant plus que d'autres mesures inscrites dans le projet de
loi, telles que celles destinées à réduire les
délais d'audiencement ou celles renforçant l'efficacité
des demandes de clôture de l'information au bout d'un délai d'un
an pourraient également nécessiter des moyens
supplémentaires.
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Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous présentera, votre commission vous propose d'adopter l'ensemble du projet de loi.