II. LES PROPOSITION DE RÉSOLUTIONS SUR LA PRÉPARATION DE LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'OMC À SEATTLE
A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 46 SUR LE VOLET AGRICOLE ET AGRO-ALIMENTAIRE DES NÉGOCIATIONS
Votre
rapporteur approuve sans réserve les termes de la proposition de
résolution signée par l'ensemble des membres de la
majorité sénatoriale composant le groupe de travail sur l'avenir
du secteur agro-alimentaire.
Il se félicite que la proposition de résolution n° 46
prenne en compte les préoccupations du secteur agro-alimentaire dans les
négociations du cycle du millénaire.
Après les nombreux visas qui s'avèrent utiles afin de suivre
l'évolution des négociations entre les différents
partenaires après le cycle d'Uruguay, les signatures de la proposition
de résolution développent dix alinéas.
Le premier souligne que la politique agricole commune, réformée
lors du Conseil de Berlin de mars 1999, constitue le " socle
indéformable " des prochaines négociations internationales
dans le domaine agricole. Trois objectifs essentiels doivent permettre de
guider l'action de la Commission : il s'agit du maintien de la
préférence communautaire, souvent mise à mal, de la
garantie du revenu des agriculteurs et enfin l'affirmation de la
capacité exportatrice de l'agriculture européenne.
Le deuxième alinéa rappelle l'unité de vues des quinze
Etats membres en mars 99 lors du Conseil de Berlin sur la Politique
agricole commune ainsi que sur la notion de développement rural.
Le troisième alinéa demande expressément à l'Union
européenne d'adopter une attitude offensive dans les négociations
agricoles.
Les signataires souhaitent, d'une part, que l'Union européenne puisse
promouvoir le modèle agricole et alimentaire européen basé
sur la qualité et la diversité des produits, la
sécurité sanitaire des consommateurs et le respect de
l'environnement.
D'autre part, la proposition de résolution souligne l'importance d'une
prise en compte des facteurs de compétitivité du secteur
agro-alimentaire, qui doivent être améliorés afin de
maintenir l'Europe au premier rang mondial.
Le quatrième alinéa précise que l'Europe se doit, lors du
cycle du Millénaire, de définir, de préciser et de
promouvoir le principe de multifonctionnalité de l'agriculture
consacré à la fois à Berlin en mars 1999 et, en
France, à travers la loi d'orientation agricole de juillet dernier.
Le cinquième alinéa insiste sur la nécessaire protection
des indications géographiques, face aux insuffisances de l'Accord sur
" les aspects du droit de propriété intellectuelle touchant
au commerce " (ADPIC) dues à l'existence de nombreuses
dérogations.
Le sixième alinéa traite du renforcement des normes
internationales notamment dans le cadre de l'OMC et de la FAO. Il fait
référence au rôle croissant du Codex Alimentarius,
longuement analysé dans le récent rapport d'information de la
Commission des Affaires économiques sur l'avenir du secteur
agro-alimentaire
6(
*
)
, ainsi
qu'à la nécessaire définition du principe de
précaution.
Le septième alinéa souligne l'intérêt de distinguer,
au sein des pays émergents, les pays les moins avancés, qui ont
impérativement besoin d'un statut dérogatoire au sein de l'OMC.
Le huitième alinéa concerne l'accès au
marché : si les signataires acceptent le principe d'une ouverture
plus grande des marchés communautaires, ils souhaitent néanmoins
que celle-ci ait pour contrepartie une ouverture similaire des marchés
de nos partenaires commerciaux.
Le neuvième alinéa demande à l'Union européenne de
ne pas hésiter à " mettre au grand jour ", lors des
négociations internationales, l'ensemble des pratiques mises en oeuvre
par les différents Etats dans le domaine agricole telles que les aides
à l'exportation et à la consommation aux Etats-Unis et le
mécanisme des boards pour les pays du groupe de CAIRNS.
Le dixième et dernier alinéa souligne la nécessité
de prévoir des règles " équitables et
transparentes " pour les échanges commerciaux agricoles et
agro-alimentaires.
B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 47 DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE DU SÉNAT SUR LE VOLET NON-AGRICOLE DES NÉGOCIATIONS
La proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne successivement les questions relatives à la définition de l'ordre du jour et des modalités du nouveau cycle de négociations multilatérales puis aux sujets sectoriels.
1. L'ordre du jour et les modalités du nouveau cycle de négociations
En
préalable à l'exposé de ses souhaits concernant la
préparation de la conférence de Seattle, la
Délégation pour l'Union européenne a souhaité
rappeler "
l'attachement que la France porte à l'Organisation
Mondiale du Commerce
, en raison de la place qu'elle offre à
l'ensemble des pays, quel que soit leur état de développement, de
son rôle éminent dans le règlement des conflits, et de sa
contribution au développement des échanges, facteur de
stabilité et de progrès
"
Votre Commission tient, à ce propos, à rappeler combien le
système d'échange multilatéral a été, depuis
sa création et son approfondissement avec la création de l'OMC,
un élément majeur du maintien de la croissance mondiale.
La Délégation a, ensuite, estimé indispensable que soient
discutées, lors du nouveau cycle de négociation "
des
questions nouvelles rendues nécessaires pour permettre une meilleure
gestion du phénomène de la mondialisation
". Elle
souhaite en conséquence que "
les membres de l'OMC puissent
parvenir à s'accorder sur
un ordre du jour
élargi
".
La Délégation souligne ensuite la nécessité
d'un
cycle global de négociations
au terme duquel aucun accord sectoriel
ne serait possible avant la conclusion d'un accord global.
Elle se prononce, enfin, en faveur de
la priorité accordée,
lors de ce cycle, à l'intégration des pays en voie de
développement dans le commerce international.
Il est ainsi
souhaité que soient pris en compte
" leurs particularismes et
leurs fragilités " .
Ces positions sont en tous points conformes à celles adoptées par
la Commission dans sa communication du 8 juillet et par les quinze membres
de l'Union le 26 octobre dernier.
Votre Commission estime qu'il est dans l'intérêt de l'Union
européenne que le champ des négociations porte sur un nombre de
secteurs suffisamment important pour que l'on puisse aboutir à une
répartition équilibrée des avantages entre tous les
membres de l'OMC.
2. Les thèmes à aborder
La proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne aborde successivement les principaux thèmes qui devraient faire l'objet de négociations de la conférence lors du cycle du millénaire.
a) Le respect de l'exception culturelle
Soulignant l'importance de la promotion de la
diversité
culturelle, la proposition de résolution engage le Gouvernement à
veiller au respect de l'exception culturelle "
notamment lorsque sera
abordé le principe d'un accord multilatéral relatif aux
investissements
".
Il convient de rappeler que les services culturels entrent, au même titre
que l'ensemble des activités de services, dans le champ de l'accord
général sur le commerce de services (GATS). Un des enjeux du
précédent cycle de négociations comme du prochain cycle
est en conséquence de déterminer s'ils seront soumis aux
mêmes règles et principes de l'OMC que les autres services,
à savoir la clause de la nation la plus favorisée et celle du
traitement national.
Comme le souligne le rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles sur les crédits du cinéma et du théâtre
dramatique
7(
*
)
, ces principes
interdiraient la mise en oeuvre de politiques culturelles, dans le secteur
audiovisuel et cinématographique, reposant sur des accords de
coproduction avec certains pays, l'instauration de quotas de diffusion
d'oeuvres selon leur origine, ou l'octroi de subventions sélectives.
Lors de la conclusion du précédent cycle, l'Union
européenne avait, à l'initiative de la France, veillé
à préserver sa liberté actuelle et future en
matière de politique audiovisuelle et sa capacité à
définir librement les instruments pour la mettre en oeuvre. Cette
" exception culturelle " recouvrait juridiquement deux aspects :
- une absence d'offre de libéralisation de la Communauté et
de ses Etats membres, qui permet notamment de ne pas respecter le principe du
traitement national dans ce secteur ;
- des dérogations à la clause de la nation la plus
favorisée, qui autorisent à ne pas accorder le même
traitement à tous les membres de l'OMC.
Ces acquis sont cependant susceptibles d'être remis en cause sous l'effet
de plusieurs facteurs :
- les évolutions technologiques intervenues depuis 1994, en
particulier la progression des technologies numériques, et le
développement d'Internet, qui ont permis de nouvelles formes de
diffusion des contenus audiovisuels ;
- l'inclusion dans le champ des futures négociations à
l'OMC, des règles sur les subventions accordées aux
activités de services, et la définition éventuelle de
disciplines sur l'investissement du type de celles que prévoyait le
projet d'Accord Multilatéral sur l'Investissement discuté dans le
cadre de l'OCDE.
Dans ce contexte, votre Commission se félicite de ce qu'une position
commune entre les membres de l'Union sur ce thème ait pu être
dégagée lors du Conseil du 26 octobre. Les conclusions de ce
conseil indiquent, en effet, que "
l'Union veillera, pendant les
prochaines négociations de l'OMC, à garantir, comme dans le cycle
de l'Uruguay, la possibilité pour la Communauté et ses Etats
membres de préserver et de développer leur capacité
à définir et mettre en oeuvre leurs politiques culturelles et
audiovisuelles pour la préservation de leur diversité
culturelle
". Elle regrette néanmoins que l'Union
européenne n'ait pas reprise la notion d'exception culturelle.
C'est pourquoi votre Commission approuve la position de la
Délégation en faveur de l'exception culturelle. Elle a
néanmoins souhaité compléter la proposition de
résolution en demandant "
à ce que soit confirmé
le principe de neutralité technologique selon lequel les oeuvres
culturelles quel que soit leur mode de diffusion, y compris
électronique, relèvent du régime des
services ".
Dans la perspective d'éventuelles négociations sur le commerce
électronique, certains Etats -au premier rang desquels les Etats-Unis-
seraient, sans nul doute, tentés d'exclure les services offerts via
Internet du régime des services, en soutenant qu'il s'agit de
marchandises immatérielles. Les transactions relèveraient alors
du GATT, qui prévoit un régime beaucoup plus libéral que
le GATS. Il importe de souligner que le mode de transmission d'un service ne
modifie en rien la nature de ce dernier. Ce principe de neutralité
technologique permet de s'assurer que l'ensemble des services audiovisuels,
quel que soit leur mode de diffusion, sont couverts par les accords de
Marrakech. Il est donc nécessaire que ce principe soit confirmé
afin de ménager toutes les marges de manoeuvre nécessaires
à nos politiques en faveur des contenus audiovisuels quelques en soient
les supports.
b) L'introduction dans le cadre de l'OMC de règles multilatérales sur l'investissement
La
proposition de résolution plaide par la mise en place d'un cadre
juridique multilatéral sur les investissements internationaux.
Votre Commission souligne que l'Europe et la France ont intérêt
à un accord multilatéral sur l'investissement
. L'Union est,
en effet, le premier investisseur direct à l'étranger au monde,
avec 386 milliards de dollars de flux d'investissements directs
étrangers en 1998, ce qui représente trois fois le flux
d'investissements directs étrangers sortant des Etats-Unis.
Les entreprises européennes souhaitent, en outre, que les garanties
offertes à leurs investissements par les accords bilatéraux de
protection des investissements que la France a conclus avec des pays en
développement soient améliorées. Si les investissements
français sont localisés à 80 % dans les pays
développés, les pays en développement constituent un
enjeu important, compte tenu de leurs perspectives de croissance et de la
moindre sécurité juridique qu'ils offrent aux investisseurs.
C'est pourquoi la tenue de négociations sur les investissements dans un
forum aussi large que l'OMC est nécessaire.
Votre rapporteur, souscrivant à la position de la
Délégation, a souhaité préciser sur ce point la
nécessité de préserver la faculté des pays
hôtes de réglementer l'activité des investisseurs sur leur
territoire, conformément aux principes de base de l'OMC
. La remise
en cause de cette faculté a, en effet, été à
l'origine de la contestation puis de l'abandon de l'accord multilatéral
sur l'investissement (AMI), qui était en cours de négociation
dans le cadre de l'OCDE.
c) La détermination de normes sociales minimales dans les règles du commerce internationale
La
Délégation pour l'Union européenne a estimé qu'il
fallait, lors du débat qui devrait être consacré à
la détermination de règles sociales minimales, que
"
toutes assurances soient données aux pays en voie de
développement pour que ces normes ne puissent être
invoquées dans un seul but de protectionnisme, mais qu'elles
répondent au souci de protéger les droits des
travailleurs
".
Il convient de rappeler que la question des normes sociales minimales avait
fait l'objet d'affrontements entre les pays industrialisés et les pays
en développement lors de la conférence ministérielle de
l'OMC à Singapour. La déclaration adoptée à l'issue
de ces débats a reconnu que l'Organisation internationale du travail
était l'organisation compétente, mais que les secrétariats
de l'OIT et de l'OMC devaient collaborer.
Depuis Singapour, l'OIT a adopté à l'issue de sa
conférence ministérielle de l'année dernière, le
17 juin 1998, une Déclaration garantissant les droits
fondamentaux des travailleurs et a adopté cette année une
Convention interdisant les formes les plus intolérables du travail des
enfants, lors de l'assemblée de l'organisation en juin dernier.
L'une des questions posées à l'OMC est celle de la
légitimité de mesures commerciales incitatives,
réservées aux pays respectant leurs engagements à l'OIT.
Sur ce sujet, l'Union européenne a longtemps été
divisée entre les Etats membres tels que la France, l'Allemagne et
l'Autriche, qui demandent l'établissement d'un groupe de travail, et
ceux qui, tels le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Espagne ou l'Irlande
considèrent que l'Union européenne met en péril le cycle
de négociations en recherchant l'inclusion du sujet à l'OMC.
Votre Commission a approuvé, sous réserve de modifications
rédactionnelles la proposition de résolution qui reflète
assez fidèlement l'état d'un débat où il convient
de concilier des exigences contradictoires : faire progresser le respect
des droits fondamentaux du travail et lutter contre les formes les plus
intolérables de " dumping social ", tout en évitant que
l'Union européenne se trouve isolée dans un conflit avec les pays
en voie de développement pour lesquels le faible niveau des salaires et
de protection sociale constitue un élément essentiel de la
compétitivité de leurs produits.
d) Approfondir les accords relatifs aux services
La
proposition de résolution demande au Gouvernement de
" veiller
à ce que l'Union européenne obtienne de ses partenaires
commerciaux la réciprocité des avantages qu'elle leur consentira
en matière de libéralisation dans le secteur des services, sans
préjudice du traitement particulier consenti aux pays en voie de
développement
".
Votre Commission partage cette position et souhaite qu'en matière de
services, secteur dans lequel l'Union européenne et la France disposent
d'avantages comparatifs certains, soit négociée une ouverture des
marchés des pays tiers aussi large que celle existant actuellement pour
le marché communautaire.
Elle souligne également la nécessité d'un renforcement des
disciplines de l'accord général sur le commerce des services afin
de garantir dans ces secteurs un environnement réglementaire transparent
et prévisible.
e) Renforcer les protections internationales de la propriété intellectuelle
La
proposition de résolution souligne l'inquiétude de la
Délégation pour l'Union européenne devant le
"
manque de prévision des objectifs retenus en matière de
défense de la propriété intellectuelle
", et
demande au Gouvernement de soutenir toute initiative permettant d'assurer, sur
le plan international, le respect de la propriété intellectuelle,
notamment en matière d'appellation d'origine. La
Délégation pour l'Union européenne souhaite, en outre, une
harmonisation des conditions et des procédures de brevetabilité.
Rappelons que l'Accord de Marrakech avait permis la conclusion de l'accord sur
les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent
au commerce (accord ADPIC). Cet accord a constitué une novation majeure,
en soumettant à l'Organe de règlement des différends de
l'OMC les règles définies à l'Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI) figurant dans les conventions
internationales de brevets, marques et droits d'auteur.
Tous les Etats membres de l'OMC n'ont pas encore transposé cet accord.
Les pays développés ont, en effet, disposé pour ce faire,
d'un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de
l'accord, c'est-à-dire jusqu'au 1
er
janvier 1996.
Les pays en développement membres de l'OMC ont disposé d'un
délai supplémentaire de quatre ans, soit jusqu'au
1
er
janvier 2000, et les pays les moins avancés ont
obtenu un délai de onze ans pour mettre en oeuvre la transposition
définitive de l'ADPIC.
L'accord ADPIC établit des normes de protection minimales, qui doivent
figurer dans la législation de chaque pays. Il précise les
procédures juridiques et les mesures correctives auxquelles les
détenteurs de droits doivent avoir accès dans le cadre des
procédures judiciaires et/ou administratives pour protéger leurs
intérêts. Cet accord permet ainsi de suspendre l'importation de
produits contrefaits ; à cette fin, il dispose que "
les
membres de l'OMC prévoiront des procédures pénales et des
peines applicables pour les actes délibérés de
contrefaçon de marque de fabrique ou de commerce ou de
piratage
".
Dans ce domaine, l'objectif de l'Union est donc d'abord d'obtenir la mise en
oeuvre complète et réelle de l'accord ADPIC pour tous les membres
de l'OMC et ensuite de le compléter, en particulier en
élargissant la couverture de l'accord aux brevets et indications
géographiques
. A l'inverse, nombre de pays en voie de
développement qui n'ont jamais bien admis la multilatéralisation
des règles de propriété intellectuelle -dont ils craignent
qu'elle ne freine les transferts de technologie- sont hostiles à la
réouverture d'une négociation sur l'ADPIC.
Dans ce contexte, la Commission, dans sa communication du 8 juillet plaide
pour une position prudente, observant que certains pays en développement
s'opposeront à toute modification de l'ADPIC. La proposition de
résolution regrette cette prudence et souligne la
nécessité d'assurer pleinement la protection des droits de
propriété intellectuelle.
Il convient d'observer que la déclaration du Conseil du
26 octobre 1999 va sur ce point plus loin que la communication de la
Commission et rencontre ainsi les préoccupations de la
Délégation pour l'Union européenne. Le Conseil
prévoit, en effet, qu'
" il faudra prendre des décisions
sur le suivi des ADPIC, notamment en ce qui concerne l'extension de la
protection au titre des indications géographiques (registre
multilatéral des vins, spiritueux et autres produits)
". Il
ajoute, en outre, que
" les questions laissées de
côté à la fin de l'Uruguay Round devront être
examinées plus à fond, par exemple le dépôt des
brevets
".
f) Clarifier les relations entre les règles de l'OMC et les accords environnementaux multilatéraux
La
proposition de résolution n° 47 plaide pour "
un
renforcement des synergies entre la libéralisation du commerce et la
protection de l'environnement
"
et demande que soit
formellement imposé le respect des accords environnementaux
multilatéraux (AME). La Délégation pour l'Union
européenne souhaite également
la confirmation du droit
à se prévaloir de l'usage du principe de précaution par
des mesures commerciales restrictives
.
Rappelons que dès la conclusion des accords de Marrakech, l'OMC s'est
dotée d'un programme de travail sur les relations entre le commerce et
l'environnement qui traite des liens entre les règles commerciales et
les règles environnementales.
Depuis 1995, une attention croissante s'est également portée sur
les questions de santé publique et de protection des consommateurs. Les
crises (vache folle, dioxine...) et les contentieux commerciaux récents
(amiante, boeuf aux hormones...) ont démontré l'imbrication
grandissante des problématiques commerciales et environnementales. Dans
ce contexte, les préoccupations des opinions publiques se sont
cristallisées sur la revendication d'une approche fondée sur le
principe de précaution.
Dans ce contexte, l'Union européenne s'est prononcé, en
particulier lors du Conseil du 26 octobre, en faveur d'un renforcement des
synergies entre la libéralisation commerciale, la protection de
l'environnement et le développement durable. Elle a, dans cette
perspective, défini quatre objectifs de négociation :
- la reconnaissance par l'OMC des AME, y compris en tant qu'ils autorisent
des mesures restrictives au commerce, dans des conditions qui restent à
définir ;
- la reconnaissance des démarches d'éco-étiquetage
dans des limites qui restent à définir ;
- la clarification des relations entre les accords de l'OMC et les
principes environnementaux fondamentaux, en particulier le principe de
précaution, ce dernier étant présent de façon
implicite dans certains accords du cycle d'Uruguay, mais n'ayant pas de valeur
générale ;
- la coopération entre l'OMC et les institutions internationales
qui traitent d'environnement, notamment le PNUE, la Banque Mondiale, la CNUCED
et les secrétariats des AME.
La Délégation pour l'Union européenne appuie donc cette
position, que votre rapporteur partage en espérant qu'il sera possible
de trouver un terrain d'entente avec les autres parties à la
négociation
.
g) Assurer un suivi des négociations
Après avoir observé que le Conseil avait
affirmé l'importance de maintenir des contacts étroits avec les
Parlements tant lors de la préparation de la réunion de Seattle
que pendant les négociations ultérieures, la proposition de
résolution demande au Gouvernement "
d'assurer l'information
complète et régulière du Parlement sur le contenu et les
développements de la négociation, permettant ainsi la
sensibilisation des citoyens aux enjeux et avancées de
celle-ci
".
Votre rapporteur ne peut que s'associer à ce souhait. Il
considère que l
es Français ne comprendraient pas que la
représentation nationale ne soit pas associée à des
négociations sur des domaines aussi importants.
C. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 55 PRESENTEE PAR MME HÉLÈNE LUC, MM. GÉRARD LE CAM, JACK RALITE ET LES MEMBRES DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN
La
proposition de résolution n°55 aborde successivement des
recommandations relatives aux "
conditions de la
négociation
", aux sujets agricoles, à
"
l'exception culturelle
", à l'industrie et aux
services, et aux "
autre sujets
".
En préalable à l'exposé des souhaits concernant la
préparation de la conférence de Seattle, la proposition de
résolution n°55 rappelle dans une série de
considérants les positions du groupe communiste, républicain et
citoyen sur les échanges commerciaux internationaux et l'OMC.
D'emblée, ces considérants situent cette proposition de
résolution dans une position beaucoup plus critique à
l'égard de la mondialisation et de l'ouverture d'un nouveau cycle de
négociations que ne le sont les deux premières propositions de
résolution étudiées.
Il est ainsi considéré que "
la mondialisation de type
capitaliste et la domination de puissantes firmes multinationales qui
l'accompagnent ont pour conséquence le pillage irraisonné des
ressources de la planète, la dégradation de l'environnement,
l'insécurité croissante des produits destinés à la
consommation animale et humaine et l'uniformisation des cultures locales,
régionales et nationales
". La proposition de résolution
n°55 souligne également "
qu'au sein de chacun de ces pays,
des pans entiers de leurs économies sont mis à mal par
l'ouverture à la concurrence et la soumission aux règles du
libéralisme avec la disparition d'activités essentielles, la
destruction de leurs industries, la délocalisation des capitaux et la
suppression d'emplois ".
1. Les conditions de la négociation
En
dépit de cette différence d'approche, une partie des positions
relatives à l'ordre du jour et aux modalités des
négociations rejoignent celles formulées dans la proposition de
résolution n°47 auxquelles votre Commission souscrit
. Il s'agit
notamment de l'approbation "
de l'ouverture d'un cycle complet de
négociations qui ne se limite pas à l'agriculture et aux services
et intègre les normes sociales et environnementales
" ou du
souhait "
qu'au cours des prochaines négociations les pays en
voie de développement et les pays les moins avancés soient en
mesure de faire valoir leurs spécificités et être parties
prenantes du système commercial international
".
D'autres recommandations se situent en contradiction avec les positions
généralement défendues par votre Commission
. C'est par
exemple le cas lorsque la proposition de résolution "
demande
à la Commission européenne de s'opposer catégoriquement
à toutes propositions qui auraient pour conséquence d'aggraver
les conditions de la concurrence, de poursuivre l'ouverture des
marchés
". Cette demande apparaît, en effet, en
contradiction même avec l'objectif des négociations qui est de
poursuivre l'ouverture de certains marchés grâce à la
définition de règles communes.
Certaines recommandations relatives aux conditions de la négociation
introduisent, enfin, de nouveaux éléments dans le débat,
qui peuvent utilement compléter la proposition de résolution
n° 47
sous réserve de quelques modifications. Il s'agit de
la demande d'un bilan sur l'accord de Marrakech, du souhait que
l'administration américaine obtienne du Congrès un mandat de
négociation et de l'exigence d'une démocratisation de la
procédure de règlement des conflits.
Votre Commission partage ainsi le souhait que soient poursuivies les
négociations sur la réforme de la procédure des
différends de l'OMC afin de la rendre plus transparente et plus
impartiale
. Cette transparence peut passer par un dialogue accru avec les
Organisation non gouvernementales (ONG), même si on peut s'interroger sur
la portée pratique et juridique d'une reconnaissance du droit pour les
organisations non gouvernementales, les organisations syndicales et tout
représentant de la société civile de se constituer partie
civile.
Les affaires relatives aux boeufs aux hormones ou aux conflits sur le
régime des exportations de banane ont, par ailleurs,
démontré qu'il fallait renforcer l'impartialité de la
procédure. Les modalités de désignation des membres de
l'organe d'appel ne semblent, en effet, pas offrir toutes les garanties
d'indépendance que l'on pourrait attendre d'une instance arbitrale ou
juridictionnelle. De même, il conviendrait de préciser les
règles actuelles relatives à la mise en application des
décisions de l'organe de règlement des différends, en
particulier, en cas de divergence des deux parties sur l'interprétation
d'une décision.
En ce qui concerne le mandat de négociation de l'administration
américaine, votre Commission partage également les
inquiétudes des auteurs de cette proposition de résolution.
Il est, en effet, à craindre que l'exécutif américain ne
soit pas en mesure de signer un accord avant janvier 2002. Il ne disposera pas,
en effet, d'un mandat de négociation du Congrès et, ce dernier ne
votera vraisemblablement pas un " fast track " avant les élections
présidentielles et législatives de 2000. C'est pourquoi, sans
conditionner la reprise des négociations à l'adoption par le
congres d'un mandat de négociation, il convient d'attirer l'attention
sur le fait que ce mandat devra être adopté en cours de
négociation.
2. Le volet agricole
De
nombreux alinéas figurant dans la proposition de
résolution n° 55 s'avèrent identiques à
ceux présents dans la proposition de résolution
n° 46.
Il s'agit notamment :
- de la préservation des objectifs de la PAC que sont la
préférence communautaire, la garantie du revenu agricole et la
capacité exportatrice de l'agriculture européenne ;
- du souhait de voir l'Union européenne faire prévaloir,
dans les négociations internationales, la qualité et la
diversité des produits agricoles, la sécurité alimentaire
et la richesse culturelle de l'alimentation européenne ;
- de la reconnaissance du principe de multifonctionnalité de
l'agriculture ;
- de la prise en compte des exigences des consommateurs ;
- du renforcement des normes internationales de sécurité
sanitaires et alimentaires, définies dans le cadre de l'OMS et de la FAO
ainsi que de l'affirmation du principe de précaution ;
- de la demande faite à l'Union européenne de distinguer
très nettement le cas des pays les moins avancés lors des
négociations internationales afin de préserver l'économie
de ces Etats ;
- de la nécessité pour l'Union européenne d'avoir une
attitude offensive en mettant au grand jour l'ensemble des pratiques des
Etats-Unis et du pays du groupe de CAIRNS en matière d'aide à
l'agriculture.
Sur certains points, la proposition de résolution du groupe
communiste républicain et citoyen est néanmoins distincte de la
proposition de résolution n° 46. Ainsi, la proposition de
résolution n° 55 :
- souhaite que la Commission européenne s'oppose à toute
mesure qui aurait pour conséquence d'accroître la
libéralisation des échanges ;
- précise de manière détaillée la notion de
multifonctionnalité de l'agriculture ;
- demande la reconnaissance d'un droit pour chaque consommateur de
bénéficier d'une alimentation accessible à tous ;
- spécifie que le principe de précaution doit être
fondé sur l'inversion de la charge de la preuve pour les produits
susceptibles de menacer la santé des consommateurs ;
- souhaite que l'Union européenne défende "
une
conception de l'agriculture non productiviste et non intensive capable
d'éliminer la faim dans le monde, de garantir l'indépendance
alimentaire, la sécurité d'approvisionnement et
l'équilibre des relations internationales
".
Votre rapporteur, sans être en désaccord avec l'esprit de ces
différents points, ne souhaite pas tous les retenir.
S'il
considère que la précision apportée au principe de
multifonctionnalité de l'agriculture s'avère très utile,
il estime néanmoins que :
- l'application systématique du mécanisme du renversement de
la charge de la preuve lors de la mise en place du principe de
précaution peut s'avérer, en réalité, beaucoup trop
complexe et conduire à terme à transformer le principe de
précaution en principe de suspicion voire en principe d'inaction ;
- la prise en compte des besoins alimentaires de la planète figure
implicitement dans la reconnaissance de la spécificité des pays
les moins avancés ;
- l'ouverture croissante de la libéralisation des échanges
n'est pas un mal en soi, surtout dans un environnement multilatéral
régulé. Ainsi, il s'avère plus important et plus efficace
de structurer l'environnement des échanges par la prise en compte des
normes sociales, environnementales.. plutôt que de se replier sur
soi ;
- enfin, il peut paraître trop facile et quelque peu paradoxal
d'opposer systématiquement le développement de l'agriculture
intensive et l'insuffisance alimentaire mondiale. Le dernier alinéa de
la proposition du groupe communiste est pour le moins surprenant.
3. Le volet culturel
Dans le
domaine culturel, la proposition de résolution n°55 demande
à ce que "
l'Union européenne s'appuie sur les acquis des
accords de Marrakech pour exiger le maintien de l'exception
culturelle
" et invite l'Union européenne "
à
proposer que l'UNESCO soit l'enceinte dans laquelle se discutent les
règles spécifiques concernant l'audiovisuel et les autres
services culturels, quel qu'en soit le support physique
".
Votre Commission souscrit la volonté de préserver le principe
de l'exception culturelle mais s'interroge sur la vocation de l'UNESCO à
être l'enceinte privilégiée de négociation des
règles commerciales relatives à l'audiovisuel et aux autres
services culturels.
4. L'industrie et les services
Dans les
secteurs de l'industrie et des services, la proposition de résolution
demande que :
- "
L'Union européenne s'oppose à toute nouvelle
déréglementation et libéralisation de secteurs sensibles
comme l'énergie, les transports, la santé, l'éducation,
les services postaux ainsi que tout autre service public ou relevant de
l'intérêt général
" ;
- "
La situation des secteurs à forte intensité de
main-d'oeuvre comme le textile ou l'habillement soit mieux
considérée au regard de la situation de l'emploi et de
l'aménagement du territoire " ;
- "
Souhaite également une meilleure prise en compte du
phénomène de dumping social pour autoriser le cas
échéant certains pays à renforcer leur niveau de
protection des secteurs menacés par des prix excessivement
bas
".
Bien que réservée sur leur formulation, votre Commission partage
pleinement le souci qui anime ces recommandations sur l'aménagement du
territoire, sur l'emploi et sur la défense des entreprises et sur les
services publics qui y contribuent.
5. Les autres sujets
La
proposition de résolution n°55 rassemble enfin, dans un chapitre
consacré aux " autres sujets ", des considérations sur
les relations entre les règles du commerce internationale et les normes
fondamentales du travail, la protection de l'environnement, les règles
de concurrence, le régime des investissements internationaux et les
transactions financières.
Certaines des recommandations rejoignent celles formulées par la
proposition de résolution n°47 auxquelles votre Commission
souscrit
. Il s'agit, en particulier, de la volonté d'établir
un lien entre les questions commerciales et les normes fondamentales du travail
ou du souhait que soient prises en compte les normes environnementales.
Votre Commission partage par ailleurs le souci de la proposition de
résolution d'éviter tout "
retour au projet d'accord
multilatéral sur l'investissement (AMI)
". Elle est, en
revanche, favorable à la mise en place d'un cadre multilatéral
sur les investissements directs dans la mesure où il préserverait
la faculté des pays hôtes de réglementer l'activité
des investisseurs sur leur territoire, conformément aux principes de
base de l'OMC.
D'autres recommandations n'ont pas recueilli l'approbation de votre
Commission
. Le souhait "
d'un cadre réglementaire permettant
d'enrayer les phénomènes de concentrations, de fusions,
d'acquisitions à caractère oligopolistique ou
monopolistique
" apparaît, en effet, peu réaliste. Il est
apparu préférable de promouvoir la poursuite des
négociations relatives au lien entre les règles du commerce
international et les droits nationaux de la concurrence. De même, la
création d'une taxe sur les transactions financières au niveau
mondial semble pas pouvoir être négocié au sein de l'OMC.