PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la communication de la Commission européenne au Conseil et au
Parlement européen n° E-1285 du 8 juillet 1999 relative à
l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de
l'Organisation Mondiale du Commerce,
Vu l'avis 1/94 du 15 novembre 1994 de la Cour de justice des Communautés
européennes, qui établit un partage de compétences entre
l'Union européenne et ses Etats membres pour conclure des accords
internationaux en matière de commerce de marchandises et de services et
de protection de la propriété intellectuelle,
Vu l'accord de Marrakech instituant l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC),
auquel sont annexés les différents accords concluant les
négociations commerciales du cycle d'Uruguay, signé le 15 avril
1994, dont la ratification a été autorisée par la loi
n° 94-1137 du 27 décembre1994, et entré en vigueur le 1er
janvier 1995,
Vu les déclarations ministérielles de l'OMC adoptées par
la Conférence ministérielle de Singapour le 13 décembre
1996 et par la Conférence ministérielle de Genève le 20
mai 1998,
Vu les conclusions des Conseils européens de Berlin des 24 et
25 mars 1999 sur l'Agenda 2000 et de Cologne des 3 et
4 juin 1999 sur l'OMC,
Considérant que l'article 20 de l'accord sur l'agriculture et l'article
XIX de l'accord général sur le commerce des services de l'Accord
de Marrakech, disposent que devront commencer en janvier 2000 de nouvelles
négociations commerciales sur l'agriculture et sur les services,
Considérant que la Conférence ministérielle de l'OMC, qui
se réunira à Seattle aux Etats-Unis d'Amérique du 30
novembre au 3 décembre 1999, devra décider de l'ouverture d'un
nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales et
arrêter l'ordre du jour et les modalités de ces
négociations,
Se félicite de ce qu'une position commune aux Quinze membres de l'Union
européenne ait pu être définie afin de confier à la
Commission la conduite des négociations lors de cette Conférence
sur les thèmes de travail définis par les Conseils des 11 et 26
octobre 1999 ;
Rappelle l'attachement de la France au rôle que joue l'OMC, à la
place qu'elle offre à l'ensemble des pays, quel que soit leur
état de développement, ainsi qu'à sa contribution aux
règlements des conflits commerciaux, et au développement des
échanges, facteur de stabilité et de progrès ;
Souhaite qu'à l'occasion de la Conférence de Seattle un bilan du
précédent cycle de négociations soit établi ;
Estime indispensable qu'il y soit discuté, non seulement des questions
relatives à l'agriculture et aux services constitutives de " l'agenda
incorporé " de Marrakech, mais également des droits de douanes
sur les produits industriels, de la protection de la propriété
intellectuelle, des marchés publics, des obstacles techniques aux
échanges ainsi que des " nouveaux sujets " qu'il est
nécessaire de lier au commerce international, comme les normes
fondamentales du travail, l'environnement, la sécurité
alimentaire, l'investissement et le droit de la concurrence ; souhaite en
conséquence que les membres de l'OMC parviennent à s'accorder sur
un ordre du jour élargi ;
Soutient la position défendue par la Commission et le Conseil en faveur
d'un cycle global de négociations, supposant l'obtention d'un accord sur
l'ensemble à l'issue des négociations, et non la recherche
d'accords sectoriels, de façon à aboutir à un accord
équilibré et profitable à tous les membres de l'OMC ;
Souhaite que l'Union européenne insiste pour que l'administration
américaine dispose rapidement d'un mandat de négociation du
Congrès américain ;
Approuve la volonté d'accorder une priorité, lors des prochaines
négociations, à l'intégration des pays en voie de
développement dans les échanges commerciaux internationaux et
soutient le souhait exprimé par l'Union de tenir compte de leurs
particularismes en leur accordant un traitement
différencié ; demande que le traitement des pays en voie de
développement distingue les pays émergents des pays les moins
avancés ;
Demande que la politique agricole commune réformée constitue pour
la Commission européenne un socle intangible, ayant pour objectif le
maintien de la préférence communautaire, du revenu agricole et de
la capacité exportatrice de l'agriculture et de l'industrie
agro-alimentaire européenne ;
Estime nécessaire, à cette fin, que les quinze Etats membres de
l'Union européenne maintiennent l'unité de vues dont ils ont su
faire preuve lors du Conseil européen de Berlin sur
l'Agenda 2000 ;
Invite l'Union européenne à avoir une attitude offensive afin de
promouvoir son modèle agricole et alimentaire garantissant la
qualité et la diversité des produits, la sécurité
sanitaire des consommateurs et le respect de l'environnement, tout en
permettant aux entreprises agro-alimentaires européennes
d'améliorer leur compétitivité dans les échanges
internationaux ;
Juge indispensable que l'Union européenne fasse reconnaître le
principe de multifonctionnalité d'une agriculture fondée sur des
techniques de production prenant en compte les aspects économiques,
sociaux, territoriaux et environnementaux de celle-ci ;
Préconise que l'Union européenne obtienne le renforcement des
normes internationales de sécurité sanitaire et alimentaire,
définies dans le cadre de l'OMS et de la FAO, notamment au sein du Codex
Alimentarius ;
Souligne la nécessité pour l'Union européenne de faire
prendre en compte, dans le champ des négociations, les pratiques
restrictives ou à visées commerciales de nos partenaires, en
particulier des Etats-Unis, tels que les modalités contestables de
certaines formes d'aide alimentaire, le recours abusif aux crédits
à l'exportation des produits agricoles, ou l'attribution de droits
exclusifs à l'exportation à des sociétés
commerciales d'Etat ;
Juge indispensable que l'Union européenne cherche, dans le cadre de
l'OMC, à établir des règles équitables et
transparentes pour le commerce des produits agricoles de base et
transformés ;
Souhaite qu'en matière de services, secteur dans lequel l'Union
européenne et la France disposent d'avantages comparatifs certains, soit
négociée une ouverture des marchés des pays tiers aussi
large que celle existant actuellement pour le marché communautaire, sous
réserve de dispositions spécifiques pour les pays les moins
avancés ; préconise un renforcement des disciplines de
l'accord général sur le commerce des services, en vue de garantir
un environnement réglementaire transparent et prévisible ;
demande au Gouvernement de veiller à ce que l'Union européenne
obtienne de ses partenaires commerciaux la réciprocité des
avantages qu'elle pourrait leur consentir ;
Souligne l'importance qu'il attache au maintien et à la promotion de la
diversité culturelle ; engage le Gouvernement à veiller, avec la
plus grande vigilance, au respect de l'exception culturelle dans tous les
aspects de la négociation qui pourraient la remettre en cause, notamment
lorsque sera abordé le principe d'un accord multilatéral relatif
aux investissements ; demande à ce que soit confirmé le principe
de neutralité technologique selon lequel les oeuvres culturelles, quel
que soit leur mode de diffusion y compris électronique, relèvent
du régime des services ;
Approuve l'ouverture de négociations en vue d'établir un accord
multilatéral garantissant un cadre stable et prévisible pour les
investissements directs étrangers dans tous les pays et souhaite que cet
accord préserve la faculté des pays hôtes de
réglementer l'activité des investisseurs sur leur territoire,
conformément aux principes de base de l'OMC ;
Souligne la nécessité de déterminer en matière de
commerce international des règles sociales minimales ; souhaite que
l'Union européenne parvienne à convaincre les pays membres de
l'OMC de l'opportunité d'établir un lien entre les règles
commerciales multilatérales et ces normes sociales minimales ;
demande que toutes assurances soient données aux pays en voie de
développement pour que ces normes ne puissent être
invoquées dans un but de protectionnisme ;
S'inquiète, par ailleurs, du manque de précision des objectifs
retenus en matière de défense de la propriété
intellectuelle ; demande au Gouvernement de soutenir toute initiative
permettant d'assurer, sur le plan international, le respect de la
propriété intellectuelle, notamment en matière de droits
d'auteurs et d'appellations d'origine qui demeurent insuffisamment
protégés ; souhaite, en outre, l'harmonisation des conditions de
brevetabilité et des procédures de délivrance des brevets ;
Estime nécessaire la poursuite des négociations relatives au lien
entre la libéralisation du commerce et la protection de l'environnement
ainsi que la prise en compte des exigences d'un développement durable;
souhaite que soient clarifiées les relations entre les règles de
l'OMC et les mesures commerciales prises conformément aux dispositions
des accords environnementaux multilatéraux et demande que soit
assuré le respect de ces accords ;
Demande également la confirmation du droit de recourir à des
mesures commerciales restrictives fondées sur le principe de
précaution, lorsque la santé des citoyens, la protection des
consommateurs ou la préservation de l'environnement le justifient ;
Approuve la poursuite de négociations relatives aux liens entre commerce
et droit de la concurrence, afin de définir un cadre
général fondé sur les principes de transparence et de
non-discrimination qui s'appliquerait aux politiques et aux droits nationaux de
la concurrence ;
Juge indispensable que l'Union européenne obtienne une réduction
des obstacles non tarifaires aux échanges commerciaux internationaux,
notamment en renforçant les dispositions actuelles de l'accord sur les
obstacles techniques au commerce ;
Souhaite que soient poursuivies les négociations sur la réforme
de la procédure de règlement des différends de l'OMC afin
de la rendre plus transparente et plus impartiale ;
Observe que le Conseil a affirmé l'importance de maintenir des contacts
étroits avec les Parlements, tant lors de la préparation de la
réunion de Seattle que pendant les négociations
ultérieures ; demande au Gouvernement d'assurer l'information
complète et régulière du Parlement sur le contenu et les
développements de la négociation.