Dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail
SOUVET (Louis)
RAPPORT 70 (1999-2000) - Commission mixte paritaire
N° 1921
|
|
N° 70
|
Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
|
|
Annexe au
procès-verbal de la séance
|
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à la réduction négociée du temps de travail ,
PAR
M. GAËTAN GORCE, PAR M. LOUIS SOUVET,
Député Sénateur
(
1)
Cette commission est composée de
: M. Jean
Delaneau,
sénateur, président ;
M. Jean Le
Garrec,
député, vice-président ;
MM. Louis
Souvet
, sénateur,
Gaëtan Gorce,
député,
rapporteurs.
Membres titulaires :
MM. Jacques Bimbenet, Philippe Nogrix, Jacques
Machet, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Nicole Borvo,
sénateurs ;
M. Gérard Terrier, Mme Roselyne
Bachelot-Narquin, M. Hervé Morin, Mme Muguette Jacquaint, M. Pierre
Carassus,
députés.
Membres suppléants :
MM. Jean Chérioux, Claude
Domeizel, Guy Fischer, Serge Franchis, Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain, Mme
Nelly Olin,
sénateurs
; M. Yves Rome, Mme Catherine
Génisson,
MM. Jean-Louis Fousseret, Thierry Mariani, Bernard Accoyer,
Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. François Goulard,
députés.
Voir les
numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ
.)
: Première lecture :
1786
rect
,
1826
et T.A.
366
.
Deuxième lecture :
1889
.
Sénat
: Première lecture :
22
,
30
et T.A.
15
(1999-2000).
Travail. |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la
Constitution et à la demande de M. le Premier Ministre, une commission
mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions
restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail, s'est réunie le lundi 15
novembre 1999 au Sénat.
La commission a d'abord procédé à la désignation de
son bureau. Elle a élu :
- M. Jean Delaneau, sénateur, président ;
- M. Jean Le Garrec, député, vice-président ;
- M. Louis Souvet, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Gaëtan Gorce, député, rapporteur pour
l'Assemblée nationale.
*
* *
La
commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du
texte.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat,
a souhaité
revenir brièvement sur les modifications apportées par le
Sénat au texte adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture ; il a observé que le terme
" modifications " pouvait d'ailleurs paraître faible vue
l'étendue des désaccords.
Il a rappelé que le Sénat était favorable à la
réduction du temps de travail, comme l'avait montré l'adoption de
la loi de Robien du 11 juin 1996. Il a souligné que les
désaccords reposaient avant tout sur le rôle qui devait être
dévolu à la réduction du temps de travail dans le cadre de
la politique de l'emploi et de la politique économique.
Il a observé que le Gouvernement, comme la majorité des membres
de l'Assemblée nationale, semblait convaincu que la
généralisation de la réduction du temps de travail,
à travers l'abaissement de la durée légale du travail,
devait permettre d'obtenir des résultats en termes de créations
d'emplois supérieurs à ceux résultant de la simple
croissance économique.
Il a déclaré que la majorité des membres du Sénat
était convaincue, quant à elle, que la loi et la
réglementation ne pouvaient constituer une source de créations
d'emplois.
Il a considéré que la réduction du temps de travail
pouvait être une chance supplémentaire pour l'emploi à
condition de reposer sur la négociation volontaire entre les partenaires
sociaux, l'Etat se bornant à un rôle d'accompagnement et
d'incitation.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat,
a estimé, ce
faisant, que le présent projet de loi était inacceptable pour le
Sénat, au moins pour tout ce qui relevait de l'abaissement de la
durée légale du travail.
Il a observé que la majorité des membres de la Haute
Assemblée n'avait fait que traduire leurs convictions en supprimant
plusieurs articles qui leur semblaient incompatibles avec sa vision de
l'entreprise, de l'activité économique et de la réduction
du temps de travail.
Il a rappelé que le Sénat avait supprimé le principe de
l'abaissement de la durée légale à 35 heures (article
premier), ainsi que notamment les articles 2 (régime
extrêmement complexe des heures supplémentaires), 11
(allégement de cotisations sociales pour les entreprises ayant conclu un
accord de réduction du temps de travail), 12 (définition d'un
nouveau régime d'allégements de cotisations sociales), 16
(" double SMIC ") et 17 (application des 35 heures aux professions
agricoles).
Il a souligné que la suppression de l'ensemble de ces articles ne
signifiait nullement, comme on avait pu l'entendre, que le Sénat
était opposé à la réduction du temps de travail ou
qu'il refusait d'accorder des garanties aux salariés à l'occasion
de la réduction de la durée légale.
Il a observé qu'ayant supprimé le principe de l'abaissement de la
durée légale, le Sénat devait logiquement supprimer
l'ensemble des articles qui n'en constituaient que la déclinaison.
Il a déclaré que le Sénat avait également
supprimé de nombreux articles additionnels adoptés par
l'Assemblée nationale et notamment les articles premier bis
(contreparties à l'aménagement du temps de travail), 2 bis
(durée maximale hebdomadaire du travail), 6 bis (suppression de
l'allégement de cotisations sociales pour les salariés à
temps partiel).
Il a observé qu'il avait modifié substantiellement certains
articles importants sans rapport avec l'abaissement de la durée
légale, évoquant par exemple les articles 3 (régime unique
de modulation) et 6 (travail à temps partiel), ces modifications ayant,
chaque fois que cela était possible, eu pour objet de favoriser la
négociation entre les partenaires sociaux.
Au-delà de ce " nettoyage " juridique,
M. Louis Souvet,
rapporteur pour le Sénat,
a estimé que la Haute
Assemblée avait souhaité insister sur quatre points essentiels
qui avaient pris la forme d'articles additionnels. Il a observé que ces
quatre articles constituaient un geste fort en faveur d'une autre vision des
relations qui devaient exister entre les partenaires sociaux et l'Etat.
Il a rappelé que le premier de ces articles additionnels appelait
à la tenue d'une conférence nationale sur le développement
de la négociation collective, ayant pour objet d'étendre le champ
de la négociation collective, de promouvoir la négociation
collective dans les petites et moyennes entreprises et d'améliorer la
représentation des salariés.
Il a observé que le deuxième de ces articles validait pour cinq
ans les clauses des accords collectifs conclus en application de la loi du 13
juin 1998, sous réserve qu'elles ne comportent pas de dispositions
contraires à l'ordre public social absolu.
Il a souligné que le troisième de ces articles donnait une
portée législative à l'accord signé le 8 avril
1999 par les partenaires sociaux reconduisant pour trois ans le mandatement tel
qu'il avait été défini par l'accord interprofessionnel de
1995.
Il a rappelé que le dernier de ces articles additionnels
prévoyait que les établissements du secteur sanitaire, social et
médico-social soumis à la procédure d'agrément
pourraient bénéficier de l'aide prévue par la
première loi Aubry jusqu'au 1
er
juin 2000 afin de tenir
compte de la situation particulièrement dommageable qui serait celle de
ces établissements du fait des délais consécutifs à
la procédure d'agrément.
Au-delà des désaccords profonds entre l'Assemblée
nationale et le Sénat,
M. Louis Souvet, rapporteur pour le
Sénat,
a souhaité attirer l'attention des
députés sur deux points qui méritaient, à son sens,
un accord en nouvelle lecture : la prise en compte de la durée
d'habillage et de déshabillage dans la durée du travail effectif
et la validation législative des rémunérations
versées au titre des permanences nocturnes en chambre de veille dans le
secteur social et médico-social.
Il a rappelé que le premier alinéa de l'article L. 212-4 tel
qu'il résulte de la loi du 13 juin 1998 était le fruit d'une
synthèse de la position de l'Assemblée nationale qui avait
souhaité actualiser la définition du travail effectif au regard
de l'évolution de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de
cassation et de la position du Sénat qui entendait transcrire
fidèlement dans le code du travail l'article 2 de la directive
européenne du 23 novembre 1993.
Il a observé que le second paragraphe toujours en vigueur excluait du
décompte de la durée du travail effectif le temps
nécessaire à l'habillage, au " casse-croûte " et
les périodes d'inaction en prévoyant toutefois une
possibilité de rémunération.
Il a souligné l'anachronisme de la rédaction de ce second
alinéa, rappelant qu'il avait été envisagé de le
supprimer purement et simplement en 1998.
Il a considéré que cette suppression aurait permis
d'éviter de rouvrir un débat délicat compte tenu du fait
que le premier alinéa de l'article L. 212-4 se suffisait
probablement à lui-même notamment pour ce qui était du
décompte et de la rémunération des temps de pause et de
restauration.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat,
a rappelé que
la Haute Assemblée avait souhaité faire un pas dans le sens de la
simplification en n'abordant, dans sa nouvelle rédaction du
deuxième alinéa de l'article L. 212-4, que la question des
temps d'habillage et de déshabillage.
Il a observé que l'article premier ter tel qu'il avait été
adopté par l'Assemblée nationale posait un problème
redoutable à nombre d'entreprises.
Il a considéré que l'assimilation du temps d'habillage et de
déshabillage à du temps de travail effectif lorsque celui-ci
était la conséquence d'une obligation pourrait réduire de
manière considérable le temps de travail effectif productif.
Il a considéré que ces temps pourraient représenter au
minimum 3 heures 15 par semaine pour les entreprises de la filière
de l'abattage et de la transformation des viandes. Il a observé que les
entreprises de ce secteur avaient conclu des accords de réduction du
temps de travail sur la base de 35 heures payées 39 heures hors
temps d'habillage et de déshabillage et que cette nouvelle
rédaction pourrait menacer, outre l'équilibre des accords,
l'avenir des entreprises elles-mêmes.
Il a souligné que toutes les entreprises qui rencontraient des
contraintes semblables du fait de précautions liées à
l'hygiène ou à la sécurité étaient
également inquiètes notamment dans la filière
nucléaire.
Il a observé que les entreprises du secteur des parcs d'attraction
rencontraient des problème similaires.
Afin de résoudre ce problème,
M. Louis Souvet, rapporteur pour
le Sénat,
a rappelé que les modifications adoptées par
la Haute Assemblée prévoyaient que "
le temps
nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le
port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions
législatives ou réglementaires ou par le règlement
intérieur, est rémunéré selon des modalités
fixées par convention ou accord collectif de travail lorsque cet
habillage ou ce déshabillage doivent s'effectuer sur le lieu de travail
en vertu des textes précités
".
Il a considéré que cette rédaction constituait une rupture
avec le droit en vigueur puisqu'elle prévoyait le principe d'une
rémunération des temps d'habillage et de déshabillage sans
toutefois les inclure dans le temps de travail effectif.
Il a rappelé que, lors du débat au Sénat, Mme Martine
Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, avait reconnu la
nécessité de modifier le second alinéa de l'article L.
212-4, estimant par ailleurs qu'il convenait de retravailler la
rédaction adoptée à l'Assemblée nationale.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat,
a souhaité que
la nouvelle lecture soit l'occasion d'aboutir à un accord sur cet
article essentiel.
Il a évoqué également l'article additionnel 14 bis
adopté par le Sénat à l'initiative de MM. Jean
Chérioux et Alain Gournac, ayant pour objet de procéder à
la validation législative des rémunérations versées
au titre des permanences nocturnes en chambre de veille dans le secteur social
et médico-social.
Il a rappelé que les conventions collectives nationales du secteur
sanitaire, social et médico-social privé sans but lucratif
avaient prévu des régimes d'équivalence qui se trouvaient
aujourd'hui confrontés à un revirement de jurisprudence de la
Cour de cassation. Il a évoqué un arrêt du 29 juin 1999 qui
excluait de telles clauses au motif que cette faculté dérogatoire
était limitée aux conventions ou accords collectifs
étendus ou aux accords d'entreprise ou d'établissement.
Il a observé que la situation semblait réglée pour
l'avenir par l'article premier quater du projet de loi, mais que le coût
des contentieux à venir concernant le passé pourrait avoisiner
les 4 milliards de francs. Afin de conjurer ce risque
d'insécurité juridique, il a rappelé qu'il était
nécessaire de procéder à une validation législative
des décisions, notamment salariales, prises sur la base des clauses des
conventions collectives aujourd'hui contestées. Il a observé que
le Conseil constitutionnel avait admis la procédure de validation pour
"
éviter que ne se développent des contestations dont
l'aboutissement pourrait entraîner soit pour l'Etat, soit pour les
collectivités territoriales, des conséquences
dommageables
".
Il a observé que Mme Martine Aubry avait considéré, lors
du débat au Sénat, qu'une telle validation lui semblait
nécessaire et conforme aux critères posés par le juge
constitutionnel car elle reposait sur un motif d'intérêt
général et ne portait pas atteinte aux décisions de
justice devenues définitives et qu'elle avait donné un avis
favorable à cet amendement.
M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat,
a souhaité que
cet article, adopté à l'unanimité par le Sénat,
soit voté de la même manière par l'Assemblée
nationale.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale,
a
rappelé que le Gouvernement s'était engagé dans une
démarche négociée de réduction du temps de travail
accompagnée d'une phase de transition, d'incitations financières
et d'un effort supplémentaire pour les entreprises de moins de vingt
salariés. Il a déclaré que le projet de loi, tel qu'il
avait été adopté par l'Assemblée nationale, tenait
compte des accords signés par les partenaires sociaux sur la base de la
loi du 13 juin 1998. Les clauses qui s'avéreraient contraires à
la deuxième loi, une fois votée, devront être
renégociées dans un délai d'un an.
Evoquant les modifications adoptées par le Sénat, il a
observé que le recours à la modulation pourrait se faire sans
accord collectif, de façon unilatérale à l'initiative du
seul employeur et sans justification de la part du chef d'entreprise. Il a
également souligné que le régime des cadres pourrait
être défini par accord collectif, directement sans aucune
protection d'ordre législatif.
Il a considéré qu'il n'était pas souhaitable de s'en
remettre uniquement aux partenaires sociaux et sans aucun encadrement
législatif pour définir les règles du droit du travail.
Evoquant plus particulièrement les articles premier ter et 14 bis,
M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour l'Assemblée nationale,
s'est déclaré sensible aux arguments soulevés par le
Sénat. Il a estimé que le débat était ouvert
s'agissant de la possibilité de prévoir des contreparties, sous
forme financière et sous forme de repos, pour les temps d'habillage et
de déshabillage faisant l'objet d'une prescription obligatoire.
Il a considéré que l'article 14 bis, tel qu'adopté par le
Sénat, devrait recueillir un large accord. Il a observé en
revanche que les modifications apportées à l'article premier
quater n'allaient pas dans le sens des dispositions retenues par
l'Assemblée nationale. Il a également relevé l'antagonisme
des conceptions du droit du travail que traduisaient les différences de
rédaction entre les deux assemblées.
M. Jean Delaneau, président,
a regretté que le
Gouvernement ait prononcé l'urgence sur un projet de loi aussi
important, réduisant de ce fait la possibilité d'accord partiel
entre les deux assemblées durant la navette.
M. Jean Le Garrec, vice-président,
a estimé que les
résultats observés aujourd'hui en termes de signatures d'accords
et d'engagements de créations d'emplois étaient la
conséquence du recours à la loi pour promouvoir la
réduction du temps de travail. Il a déclaré que
l'Assemblée nationale tiendrait compte du travail et des
réflexions du Sénat, notamment sur les deux points
soulevés par son rapporteur M. Louis Souvet.
M. Jean Chérioux, sénateur,
a salué l'accord de
principe entre les deux assemblées sur l'article 14 bis relatif à
la validation législative des rémunérations versées
au titre des permanences nocturnes en chambre de veille dans le secteur social
et médico-social. Il a estimé néanmoins que les
réserves soulevées par M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour
l'Assemblée nationale quant aux modifications apportées par le
Sénat à l'article premier quater pourraient constituer une source
de difficultés pour les établissements du secteur social et
médico-social.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, député,
a
déclaré partager la conception du Sénat sur la
réduction du temps de travail. Observant que cette dernière
devait constituer avant tout un progrès social, elle a
considéré que la réduction du temps de travail devait
résulter de la négociation collective. Elle a souligné que
le texte voté par le Sénat assurait le respect complet des
accords signés sur le fondement de la loi du 13 juin 1998 et levait
de nombreuses zones d'ombre. Elle a rappelé que le dispositif
adopté par l'Assemblée nationale n'était toujours pas
bouclé financièrement.
M. François Goulard, député,
a
considéré que le travail du Sénat avait permis
d'améliorer substantiellement le projet de loi et qu'il conviendrait
d'en tenir compte lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée
nationale.
Mme Nicole Borvo, sénateur,
a souhaité que la
rédaction de l'Assemblée nationale, qui inclut le temps
d'habillage et de déshabillage dans la définition du temps de
travail effectif, lorsque celui-ci est la conséquence d'une obligation,
soit maintenue.
Abordant l'examen des articles restant en discussion, la commission mixte
paritaire n'a pas adopté, par six voix contre six, l'article premier A
du projet de loi adopté par le Sénat.
M. Jean Delaneau, président,
a alors constaté que la
commission mixte paritaire n'était pas en mesure d'adopter un texte
commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif
à la réduction négociée du temps de
travail.