LE PROJET DU BUDGET
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES POUR
2000
Le
projet de budget des Communautés européennes tel qu'il a
été adopté le 16 juillet 1999 par le Conseil voit les
crédits communautaires s'accroître de 2,8 %. Cette
augmentation est excessive et la décrue des crédits pour
engagements qui sont réduits de 4,7 % par rapport à l'an
dernier ne conduit pas à modifier le jugement selon lequel les
dépenses du budget européen sont insuffisamment
maîtrisées.
Le Parlement européen a aggravé cette situation en votant
3,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, offrant
ainsi une image désastreuse des conditions de gestion des finances
publiques européennes.
Paradoxalement, cette situation tient pour beaucoup à un
mécanisme budgétaire inventé pourtant pour
" discipliner " la gestion financière des Communautés
européennes, les perspectives financières qui constituent la
programmation pluriannuelle des finances publiques européennes.
L'an dernier, votre rapporteur appelait à garder à l'esprit ce
diagnostic décevant alors que se déroulait la négociation
des futures "perspectives financières 2000-2006 " de l'Union
européenne. Il rappelait également l'importance capitale de cette
négociation et soulignait qu'elle devrait faire l'objet d'une vigilance
sans faille.
Le Sénat n'a pas manqué à cette exigence. Ses instances
ont activement participé au débat. Quant à elle, la
commission des finances a élaboré une résolution devenue
résolution du Sénat sur les nouvelles perspectives
financières. Force est de regretter que peu des exigences alors
formulées aient été suivies d'effet.
Un peu
d'histoire
L'encadrement du budget européen par les accords interinstitutionnels
Deux
accords interinstitutionnels conclus entre le Parlement européen, le
Conseil et la Commission les 29 juin 1988 et 29 octobre 1993 sont
venus fixer des règles de "discipline financière"
supposées "encadrer" l'exercice budgétaire.
Un plafonnement des ressources propres
a été
instauré une première fois pour les années 1988 à
1992, puis pour les années 1993 à 1999.
Plafond des ressources propres
des Communautés
européennes entre 1988 et 1992
(en % du PNB de la Communauté)
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1,15 |
1,17 |
1,18 |
1,19 |
1,20 |
Plafond des ressources propres
des Communautés
européennes entre 1988 et 1992
(en % du PNB de la Communauté)
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
1,20 |
1,20 |
1,21 |
1,22 |
1,24 |
1,25 |
1,27 |
Le
plafonnement des " ressources propres " qui constituent la
quasi-totalité des ressources budgétaires de l'Union avait pour
vocation d'éviter les surenchères et les tentations d'une
autorité budgétaire sans vraie responsabilité politique.
Il est cependant significatif qu'ait été retenu le principe d'une
élévation progressive du plafond de ces ressources. Ainsi, fut
instauré un mécanisme permettant au budget européen non
seulement de profiter de la dynamique propre des économies
européennes mais encore de disposer d'une part toujours plus importante
de la richesse des Etats-membres.
Tout s'est passé comme si le " prélèvement
obligatoire européen " devait légitimement s'alourdir quelle
que soit la situation des économies et des budgets des Etats ou encore
celle des besoins de dépenses du budget européen.
L'encadrement des dépenses
a, quant à lui, trouvé
sa traduction dans une programmation année après année des
dépenses du budget par rubrique.
Six rubriques ont été définies : la politique
agricole commune (rubrique 1), les actions structurelles
(rubrique 2), les politiques internes (rubrique 3), les politiques
extérieures (rubrique 4), l'administration (rubrique 5) et les
réserves (rubriques 6). Un plafond de crédits d'engagement
est fixé pour chacune de ces rubriques et pour chaque année. Ces
plafonds constituent les limites supérieures au niveau ou en
deçà desquelles doit s'inscrire le budget européen. Ces
plafonds sont actualisés en fonction des conditions réelles de
croissance du PIB et des conditions d'exécution des crédits. Ils
peuvent être révisés dans certaines limites
détaillées dans un précédent rapport
1(
*
)
.
Les perspectives financières
(En millions d'écus 1992)
|
Europe des 12 |
Europe des 15 |
|||||
|
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Ligne directrice agricole |
35.230 |
35.095 |
35.354 |
37.245 |
37.922 |
38.616 |
39.327 |
Actions
structurelles
|
21.277
|
21.885
|
24.477
|
26.026
|
27.588
|
29.268
|
30.245
|
Politiques internes |
3.940 |
4.084 |
4.702 |
4.914 |
5.117 |
5.331 |
5.534 |
Actions extérieures |
3.950 |
4.000 |
4.549 |
4.847 |
5.134 |
5.507 |
5.953 |
Dépenses administratives |
3.280 |
3.380 |
3.738 |
3.859 |
3.974 |
4.033 |
4.093 |
Réserves
|
1.500
|
1.500
|
1.100
|
1.100
|
1.100
|
1.100
|
1.100
|
Compensations |
|
|
1.547 |
701 |
212 |
99 |
|
Total des crédits d'engagements |
69.177 |
69.944 |
75.467 |
78.692 |
81.047 |
83.954 |
86.952 |
Total des crédits de paiements |
65.908 |
67.036 |
72.020 |
74.605 |
77.372 |
80.037 |
82.778 |
Paiements en % du PNB |
1,20 |
1,19 |
1,21 |
1,21 |
1,22 |
1,22 |
1,24 |
Le
tableau ci-dessus présente la programmation financière de 1993
à 1999 popularisée sous le nom de "Paquet Delors II".
Son analyse permettait de faire ressortir les ressorts d'un accord ouvrant la
perspective d'une progression continue des interventions communautaires dont
les moyens en écus constants devaient augmenter de 3,9 % l'an.
Cette évolution devait déboucher sur un accroissement des
dépenses communautaires rapportées au produit intérieur
brut européen, sans doute modéré en termes relatifs
(+ 0,07 point) mais pas en termes nominaux et significatif d'une
volonté d'amplifier le poids de la dépense européenne.
En outre,
la programmation d'Edimbourg devait se traduire par une
évolution différenciée des crédits des
différentes rubriques retraçant l'action communautaire
. Les
dépenses de la PAC devaient ainsi passer d'un plus de la moitié
à quelques 45 % des engagements, un mouvement inverse se produisant
pour les "dépenses non-obligatoires". Parmi celles-ci, les actions
structurelles destinées à assurer la cohésion
européenne devaient progresser, passant de 30,8 % à
34,8 % du total. Ces dernières dépenses étaient donc
privilégiées au regard des évolutions programmées,
mais aussi parce qu'au terme d'un engagement des différentes
institutions, leur programmation faisait l'objet d'un engagement d'inscrire les
crédits à la hauteur des plafonds retenus, les autres
dépenses ne bénéficiant pas d'un tel engagement.
Au total, l'encadrement du budget européen, par ailleurs susceptible
d'adaptations et de révisions, pouvait apparaître dès
l'abord moins comme porteur de disciplines que comme annonciateur de
facilités.
Il s'est traduit en outre par une déformation de l'équilibre
institutionnel de départ puisque la montée en charge des
dépenses non obligatoires sur lesquelles le Parlement européen
dispose du dernier mot s'est traduite par l'octroi d'un supplément de
pouvoir effectif consenti au Parlement au détriment des pouvoirs du
Conseil.