EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 16 novembre 1999 sous la
présidence de M. Alain Lambert, président, puis de
M. Roland du Luart, vice-président, la commission a
procédé, sur le rapport de M. Denis Badré, à
l'examen de l'article 35 du projet de loi de finances pour 2000 fixant le
montant de la contribution française au budget européen.
M. Denis Badré, rapporteur spécial, a indiqué que le
projet de loi de finances évaluait le prélèvement au
profit du budget européen à 98,5 milliards de francs, soit
environ 1,1 point de produit intérieur brut (PIB) et 6 % des recettes
fiscales nettes de l'Etat, et qu'il progressait ainsi de 3,7 % par rapport aux
prévisions de 1999, et de 5,3 % par rapport au prélèvement
effectif attendu (93,5 milliards de francs).
Il a rappelé que ce prélèvement servait à financer
un peu plus de 17 % d'un budget européen dont il a alors
exposé les principaux traits : une masse de crédits de 88
milliards d'euros, soit 581 milliards de francs, une progression de 2,8 % des
crédits de paiement, une diminution des crédits d'engagement de
4,6 %, une réduction des crédits agricoles fixés à
un niveau très inférieur au plafond des dépenses
autorisées, et un accroissement des autres crédits de 5 %.
Il a alors observé que le sort réservé à la
dépense agricole était inspiré d'un certain optimisme
quant à l'évolution comparée des prix européens et
mondiaux, rappelant que les crises en cours et l'évolution du dollar
pourraient bien distendre, au-delà des prévisions initiales, les
prix européens et de marché, et précisant qu'une baisse du
dollar de 10 % équivalait à 450 millions d'euros de
dépenses agricoles supplémentaires.
Il a ensuite relativisé la signification des variations portant sur les
crédits d'actions structurelles (35,3 % du budget) en faisant valoir que
la diminution de 10,4 % des crédits d'engagement prévue en 2000
devait être mise en rapport avec leur augmentation de plus de 16 %, l'an
dernier, destinée à solder la programmation d'Edimbourg.
Ayant évoqué la progression des crédits de la rubrique 3
consacrée aux politiques internes et les modifications de la rubrique 4,
relative aux actions extérieures, il a mentionné la croissance de
3,6 % des dépenses administratives, soulignant un certain défaut
de lisibilité de ses dépenses résultant de
l'éclatement des dépenses de gestion dans les différentes
rubriques du budget européen.
Il a alors évoqué l'effritement continu des ressources propres
traditionnelles (prélèvements agricoles et droits de douane), qui
ne représentent plus que 16 % du total des recettes du budget
européen. Il a précisé que, si la France apportait, avec
98,5 milliards de francs, 17,1 % des recettes du budget européen, notre
contribution s'élèverait à 120 milliards en 2006,
progressant ainsi beaucoup plus que ce qui serait compatible avec une
stabilisation en francs constants, ajoutant qu'en contrepartie de sa
contribution, notre pays recevait des versements européens qui, en 1997,
dernière année connue, avaient couvert 91 % de cette
dernière.
M. Denis Badré, rapporteur spécial, a alors exposé ses
observations en remarquant d'abord que le projet de budget européen,
base de calcul de la contribution inscrite dans le projet de loi de finances,
n'était pas le budget définitif, mais le projet
élaboré par le Conseil qui, soumis à l'examen du
Parlement, risquait d'être augmenté par lui de 3 milliards
d'euros. Il a souligné que si tel devait être le cas, le budget
augmenterait de 5,4 % et la contribution française dépasserait
101 milliards de francs.
Evoquant la nouvelle programmation financière adoptée à
Berlin pour la période 2000-2006, il a observé que le budget pour
2000 n'en portait pas entièrement la marque et que cette situation en
faisait un budget de transition. Il a souligné qu'il en résultait
un traitement contestable réservé aux crédits de paiement
des actions structurelles, puisque la modération relative de leur
augmentation relevait, pour une grande part, d'une volonté d'afficher
une progression contenue des crédits budgétaires. Il a
précisé qu'en effet, les dotations en crédits de paiement
des actions structurelles couvraient moins de 30 % des crédits
d'engagement inscrits en 2000 à ce titre, la très grande
majorité des crédits de paiement inscrits étant
destinée à apurer les restes à liquider de la
programmation d'Edimbourg.
Il a alors déploré qu'à peine entamée une nouvelle
période de programmation, l'on répète les erreurs du
passé qui avaient conduit à une accumulation de restes à
liquider. Il en a conclu que plus d'un quart des ressources mobilisées
pour financer le budget 2000 étant destiné à honorer les
engagements antérieurs, ce budget était donc largement un budget
" à crédit ".
Il a alors mis en évidence une ambiguïté fondamentale dans
la politique de cohésion communautaire soutenue par les crédits
d'actions structurelles, censée être une politique de
cohésion entre les Etats membres. Il a alors observé qu'elle
était devenue une politique européenne d'aménagement du
territoire non prévue par les traités et au terme de laquelle les
pays " riches " se trouvaient destinataires de la moitié des
crédits destinés à la cohésion entre Etats membres.
Il a indiqué que cette interrogation lui paraissait d'autant plus
légitime que les crédits d'actions structurelles ne comportaient
aucune réserve mobilisable pour amortir les chocs économiques
asymétriques entre Etats qui pourraient se révéler, en
régime de monnaie unique, difficiles à gérer.
M. Denis Badré, rapporteur spécial, a enfin
développé quelques questions posées par la programmation
budgétaire 2000-2006 adoptée à Berlin.
Il a d'abord regretté la teneur anti-européenne du compromis de
Berlin qui, s'étant centré sur la question des soldes
budgétaires, avait privilégié une approche fondée
sur des données comptables fausses, sur une méconnaissance totale
de la dimension économique du budget européen et sur une posture
politique entièrement contraire à la logique même d'un
budget européen.
Il a estimé que cette polarisation du débat avait produit deux
effets pervers : l'absence de vraie réflexion sur le sens et donc la
structure des interventions d'un budget pour l'Europe et une réforme
à contresens du financement du budget.
Evoquant le problème du financement du budget européen, il a
rappelé que le système en vigueur correspondait globalement aux
exigences d'équité horizontale, la seule vraie difficulté
qui subsistait venant de la correction britannique. Il a alors
déploré que le compromis de Berlin n'ait pas résolu cette
difficulté et en ait, au contraire, accentué les effets pervers
en prévoyant qu'un certain nombre d'Etats qui s'étaient plaints
de trop contribuer au budget bénéficieraient d'une exemption de
contribution au financement de la correction britannique au détriment
des autres.
Il a alors regretté que deux très grosses impasses aient
été faites à Berlin : la première sur le
consentement au prélèvement européen ; la seconde sur la
nature du financement du budget européen.
Ayant souligné que le consentement au prélèvement
européen était fortement dilué, il a observé qu'il
obéissait, de fait, à une fiction selon laquelle les
décideurs ne sont pas responsables, les responsables pas
décideurs et les contribuables dénués de toute vraie
représentation.
Il a ensuite souligné les inconvénients d'une alimentation du
budget à travers les contributions des Etats, faisant valoir qu'elle
nourrissait des contestations permanentes.
Evoquant les dépenses, il a jugé que la programmation de Berlin
avait tout simplement visé à constituer des marges de manoeuvre
dans la perspective de l'élargissement en préservant les moyens
des dépenses non obligatoires, mais au détriment de la politique
agricole commune.
Il a déploré qu'on ne trouve pas trace, dans la programmation
financière, de réels projets nouveaux comme ceux concernant la
défense européenne. Puis il a jugé que les moyens
consacrés à l'élargissement apparaissaient
sous-dimensionnés, de telle sorte que l'ouverture de l'Europe à
de nouveaux membres poserait inévitablement le problème de leur
augmentation.
Il a conclu sa présentation en indiquant à la commission que,
sauf à provoquer une crise majeure, l'adoption de l'article 35 du projet
de loi de finances fixant le montant du versement au budget européen
était une figure imposée.
M. Roland du Luart, vice-président, s'est inquiété des
suites données aux observations de la Cour des Comptes
européenne, mentionnant un niveau de fraude portant sur 5 % des
crédits européens.
En réponse, M. Denis Badré, rapporteur spécial, a
rappelé qu'il convenait, pour apprécier la fraude aux
intérêts financiers de l'Union européenne, de faire la
distinction entre les fraudes imputables à des carences de la Commission
et celles résultant de la gestion des finances européennes dans
les différents Etats membres.
Ayant rappelé les initiatives prises pour améliorer le
contrôle de la gestion du budget européen, il a souhaité
que l'effort réalisé dans ce domaine ne se relâche pas.
La commission a alors décidé de proposer au Sénat
d'adopter l'article 35 du projet de loi de finances.