II. LE RENOUVEAU DE L'INSPECTION GÉNÉRALE DES SERVICES JUDICIAIRES
A. UNE VOLONTÉ POLITIQUE FORTE
Alors
que les services de l'inspection générale se réduisaient
à trois personnes il y a douze ans, ils compteront 20 inspecteurs au
1
er
janvier 2000. Le renforcement des effectifs de l'inspection
constitue particulièrement une priorité depuis deux ans puisque
5 postes ont été créés en 1999 et 4 nouveaux
postes sont prévus dans le budget 2000.
En outre, une attention particulière a été portée
sur le recrutement des inspecteurs afin d'éviter toute contestation.
Ainsi, le Garde des Sceaux s'est attaché à choisir des magistrats
expérimentés et dont le professionnalisme et
l'impartialité sont reconnus par leurs pairs, comme en témoigne
la nomination de l'ancien procureur général d'Aix-en-Provence, M.
Jean-Louis Nadal, en tant qu'inspecteur général des services
judiciaires.
Cette volonté politique forte de renforcer l'action de l'inspection
générale est liée à une réflexion sur la
nécessité d'un contrôle plus marqué de l'institution
judiciaire.
B. UN CONTEXTE FAVORABLE
Longtemps éludée par le principe
d'indépendance
de la justice
3(
*
)
, la question
du contrôle de l'activité judiciaire et de la
responsabilité des juges apparaît aujourd'hui comme une
préoccupation croissante non seulement des décideurs politiques,
mais également des justiciables.
En effet, les missions et la place du juge dans la société ont
fortement évolué. Ainsi, en raison de l'élargissement de
leur champ d'intervention, les décisions judiciaires peuvent avoir des
conséquences non négligeables, notamment en matière
sociale ou économique. Il est donc indispensable de s'assurer non
seulement de l'impartialité des magistrats, mais également de
l'absence de retards disproportionnés dans le traitement des affaires.
Par ailleurs, depuis l'adoption de la loi de programme sur la justice en 1995,
un effort financier conséquent a été consacré
à l'institution judiciaire. Toutefois, ces crédits
supplémentaires seront insuffisants si le ministère n'entreprend
pas parallèlement une réflexion sur l'organisation de ses
services, leurs coût de fonctionnement et leur efficacité. Or,
jusqu'à présent, l'évaluation de l'activité des
juridictions et de leurs personnels est peu développée.
En outre, la déconcentration des moyens de fonctionnement au niveau de
chaque cour d'appel a conduit à une plus grande responsabilité de
l'échelon local en matière de gestion. Pour autant, aucune
enquête exhaustive n'a été menée sur les pratiques
des différents services d'administration régionaux afin de les
comparer, de mettre en évidence les éventuels dysfonctionnements
et d'étendre à d'autres juridictions les innovations introduites
dans certaines juridictions et visant à améliorer la
qualité et l'efficacité de leur administration.
Il apparaît donc que les contrôles exercés sur le
fonctionnement des juridictions sont insuffisants, tandis que les outils
à la disposition des premiers présidents et des procureurs
généraux pour inspecter les juridictions de leur ressort ne sont
pas assez utilisés.
En effet, l'article R 213-29 du code de l'organisation judiciaire dispose que
"
le premier président et le procureur général
procèdent à l'inspection des juridictions de leur ressort. Ils
s'assurent chacun en ce qui le concerne, de la bonne administration des
services judiciaires et de l'expédition normale des affaires. Ils
rendent compte chaque année au garde des sceaux, ministre de la justice,
des constatations qu'ils ont faites.
"
Or, ces dispositions sont imparfaitement suivies.
Ainsi, le rapport d'activité de l'inspection générale des
services judiciaires de 1998 révèle qu'aucune inspection n'a
été conduite dans 13 cours d'appel durant les deux
dernières années et dans 9 cours d'appel durant les quatre
dernières années.
Enfin, il convient de rappeler que si le projet de loi sur la réforme de
l'organisation du parquet était adopté, la question de la
responsabilité des juges et de leur contrôle se posera avec encore
plus d'acuité dans la mesure où l'indépendance des
magistrats du parquet sera accrue et l'influence du Garde des Sceaux
limitée.
La responsabilité des magistrats pourra cependant être
engagée à partir des informations transmises par l'inspection
générale des services judiciaires suite à certains
dysfonctionnements observés sur le terrain lors des missions de
contrôle.
Le renforcement des moyens de l'inspection générale des services
judiciaires apparaît donc indispensable afin de permettre à cette
dernière d'accomplir ses missions et de faire face à un recours
accru à ses compétences.
Pour autant, certaines améliorations pourraient intervenir afin
d'accroître son utilité.