INTERVENTION DE M. CLAUDE HANOTEAU
DEVANT LE PRÉSIDENT DE LA
RÉPUBLIQUE
(Vendredi 1 er octobre à 17 heures)
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Président de la
République, de vous dire combien l'Ecole nationale de la Magistrature se
sent honorée par votre présence, au moment où elle
commémore les quarante ans de sa fondation. Que vous ayez choisi de
venir à Bordeaux, à cette occasion, ne pouvait témoigner
de manière plus solennelle de l'intérêt que vous portez
à notre institution, creuset de la magistrature française. Soyez
assuré, Monsieur le Président de la République, de notre
très profonde gratitude.
Madame la ministre de la justice, votre présence fréquente au
sein de notre Ecole constitue, vous le savez, pour celles et ceux qui l'ont en
charge, un précieux encouragement. Aujourd'hui encore vous ne manquez
pas de suivre avec intérêt notre initiative que vous avez bien
voulu soutenir : soyez-en remerciée.
Monsieur le Préfet de région,
Monsieur le député maire, l'Ecole nationale de la Magistrature a
connu beaucoup d'épisodes heureux. Puis-je dire que l'un d'eux fut
d'avoir été installée à Bordeaux, cité
accueillante où il fait bon vivre, et dans laquelle nos étudiants
peuvent se référer à de très grands anciens qui
n'écrivirent pas moins que " les Essais " et la défense
de " l'Esprit des lois ". Souffrez que je dise publiquement combien
nous sommes sensibles au regard favorable que vous portez sur notre
école, à l'accueil que vous avez réservé au projet
que nous réalisons aujourd'hui ainsi qu'au soutien que vos services ont
apporté à la réalisation de ces journées.
Messieurs les députés et sénateurs,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil général,
Nous sommes très sensibles à votre présence aujourd'hui au
sein de notre établissement,
Monsieur le Président, que vous ayez accepté de faire le rapport
général de nos travaux de cet après-midi, nous honore
tous, croyez le bien.
Monsieur le Premier Président de la Cour de cassation, Monsieur le
Procureur général,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de la
Magistrature,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'administration, l'attention
vigilante que vous portez à tout ce que réalise l'Ecole guide de
manière indispensable notre action. Nous vous sommes reconnaissants
d'être parmi nous aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les hauts magistrats,
Mesdames et Messieurs
Créée par ordonnance du 22 décembre 1958,
organisée par un décret du 7 janvier 1959, l'Ecole nationale
de la Magistrature dénommée tout d'abord Centre national d'Etudes
judiciaires, vécut quelques mois à Paris, puis fut
installée à Bordeaux, d'abord très à
l'étroit dans un hôtel particulier du Cours Xavier Arnozan, puis
à partir de 1972, dans cet édifice, réellement à la
dimension de sa mission, et auquel tant de générations de
magistrats sont aujourd'hui attachées.
Elle est entrée dans sa quarantième année et elle a choisi
de célébrer avec un éclat certain, son anniversaire.
Pouvons-nous en chercher les raisons ?
Sans doute parce que quarante ans, c'est le bel âge, l'âge auquel
l'adulte se plaît souvent à jauger le chemin qu'il a parcouru,
à constater la plénitude de ses forces, à mesurer le champ
de ses ambitions, à regarder la route qui s'ouvre devant lui, avec
confiance, sérénité, exigence, toujours, du moins
l'espère-t-il, avec lucidité.
Sans doute l'Ecole ressent elle de manière plus ou moins diffuse tout
cela, mais elle a pensé qu'elle devait saisir aussi cette occasion pour
rappeler que depuis sa création,
- elle avait formé aux métiers de juge et de procureur
5.900 auditeurs de justice,
- qu'elle a organisé depuis 1993, la scolarité et les stages
probatoires de 234 de nos concitoyens, entrés dans la magistrature par
la voie du recrutement latéral,
- qu'elle a assuré aussi l'encadrement pédagogique de
quelques 351 magistrats issus des concours exceptionnels.
Elle a estimé aussi qu'elle devait rappeler que dans son
département de la formation continue à Paris, elle accueille
chaque année, environ quatre mille cinq cents magistrats en exercice
à l'occasion de colloques et séminaires et qu'elle contribue
à développer dans chaque Cour d'appel une formation permanente
régionale, au plus près des magistrats qui travaillent sur le
terrain.
Que vous soyez si nombreux, mes chers collègues, aujourd'hui à
Bordeaux, donne sans doute un réel aperçu de l'attachement que
notre corps porte à notre Ecole.
Elle se devait aussi de souligner le rôle qu'elle joue sur le plan
international, en accueillant des magistrats étrangers, et en mettant en
oeuvre dans beaucoup de pays du monde entier des actions de coopération
avec des centres de formation à même vocation que le nôtre.
Qu'il me soit permis de remercier Monsieur le Ministre des affaires
étrangères qui a bien voulu apporter son appui à la
réalisation des invitations que nous avons lancées.
Je salue avec plaisir aujourd'hui la présence des directeurs des centres
de formations d'Europe, d'Afrique, du Canada, de l'Amérique centrale et
de l'Amérique du sud, du Proche et du Moyen orient, de l'Asie qui sont
venus témoigner de la force et de la qualité des liens qui nous
unissent les uns aux autres.
Alors, à ce moment précis où se dessinent les contours
d'un bilan rapide, j'aurais, en votre nom à tous une pensée
reconnaissante à l'égard de celles et de ceux, qui, membres de la
direction, maîtres de conférences, directeurs de centres de
stages, magistrats chargés de la formation, membres du conseil
d'administration et de la commission pédagogique, fonctionnaires,
intervenants de quelque horizon qu'ils fussent, sont venus à un moment
ou à un autre, au cours de leur vie professionnelle, pendant ces
quarante années, contribuer à la formation de la magistrature de
notre pays.
" Magistrat, hier, aujourd'hui et demain " est le thème
central des travaux qui réunirent cet après-midi en ateliers
plusieurs centaines de magistrats et d'auditeurs de justice.
Demain nous connaîtrons les conclusions de leurs réflexions qui se
sont orientées tout naturellement sur des axes, aujourd'hui très
débattus au sein de l'institution judiciaire, et devenus de
véritable sujets de société. Ce furent " le juge et
le procureur de la République ", " l'éthique et la
responsabilité des magistrats ", " l'évolution des
missions qui lui incombent ", " `Eurojuge ", " la femme
magistrate dans l'institution ", " les aspirations du juge
d'aujourd'hui ", " quelle sorte d'école faut-il pour la
magistrature " ?
Nul doute que tous ceux qui travaillent au sein de notre établissement
furent extrêmement attentifs à c qui s'est dit au cours des
débats : ils le seront aussi au moment où il sera fait
rapport de ces travaux, tant il est vrai que toute pédagogie, tout
programme de formation doivent être sans cesse repensés à
l'aune des évolutions de notre temps, et à celle des besoins,
exprimés par l'institution judiciaire, et l'ensemble du corps social, et
imposés par la construction de l'Europe tout comme par le
développement des liens entre les nations.
Mais en dépit des évolutions, il existe des constantes qui
forment ce socle fondamental sur lequel repose l'Ecole Nationale de la
Magistrature. C'est en son sein que le futur magistrat doit cultiver le sens de
l'application du droit ; acquérir une éthique judiciaire
irréprochable ; développer ce goût du travail en
commun, garant de la prise de décision éclairée.
L'Ecole Nationale de la Magistrature est en effet le lieu d'excellence
où le candidat à la magistrature trouvera, outre les
possibilités de compléter ses connaissances juridiques, les
moyens :
- de cerner au plus près la réalité des champs si
divers dans lesquels il interviendra ;
- d'acquérir cette faculté d'écoute intelligente et
attentive à l'égard de tous ceux qui s'adressent à la
justice ;
- de choisir au mieux des intérêts de l'individu et de la
collectivité les mesures les plus adaptées à l'apaisement
des conflits.
Ecole où se forge le sens de la responsabilité qui repose sur une
éthique judiciaire forte, laquelle se décline en exigence de
travail assidu et de compétence ; en exigence d'impartialité
et neutralité ; en exigence de lucidité sur ceux qui vous
entourent et peut-être d'abord et surtout sur soi-même.
Ecole enfin où le futur juge apprend que toute prise de décision
nécessite un travail préparatoire dans lequel interviennent de
nombreux partenaires, sans qui le magistrat ne saurait accomplir ses missions.
Je me réjouis particulièrement qu'aujourd'hui les Ecoles
Nationales des Greffes, de la Pénitentiaire, de la Protection judiciaire
de la Jeunesse, les Ecoles de formation des cadres supérieurs de la
police et de la gendarmerie nationale, ainsi que les instances
représentant les ordres des avocats, soient animées de la
même volonté que la nôtre de faire se rencontrer et
travailler ensemble au cours de leur formation ceux qui, demain, concourront
à l'oeuvre de justice.
Monsieur le Président de la République, je disais en début
de mon propos, qu'à quarante ans, on était dans la force de
l'âge, qu'on regardait la route devant soi avec confiance,
sérénité, exigence et lucidité. Sachez en tout cas
que l'Ecole Nationale de la Magistrature voit toujours sur sa route se
renforcer encore cette très grande ambition qui l'anime : former
des magistrats déterminés à rendre une justice à la
hauteur des espérances de nos concitoyens.