C. AGENCE FRANCE PRESSE : UN PARI NÉCESSAIRE SUR L'AVENIR

En mars 1999, M. Eric Giuily, ancien directeur général d'Antenne 2, qui occupait précédemment le poste de directeur général du groupe de publicité BDDP Worldwide, a été désigné par le conseil d'administration de l'AFP pour succéder à M. Jean Miot. Le choix d'Eric Giuily était, à l'évidence, celui de l'État qui, sans être représenté au conseil d'administration, assure toujours l'essentiel des ressources de l'AFP.

Ce choix de personne, qui emporte un changement radical de style de gestion, a suscité un certain nombre de remous, eu égard à son importance pour le rayonnement de la culture française.

Nombreux sont ceux qui, comme votre rapporteur spécial, sont attachés à l'organisme au nom de la présence culturelle française dans le monde : l'AFP est un peu comme la voix et le regard de la France sur le monde, le porte-drapeau de l'exception française dans un monde de l'information sous influence anglophone .

1. Un statut hybride inadapté

Depuis sa création en 1944, l'AFP a toujours été considérée par le pouvoir comme un vecteur privilégié de l'influence sur la scène internationale. Dès le départ, son statut, adopté en 1957, lui assigne explicitement une mission d'intérêt général qui consiste à fournir une information " exacte " et " impartiale ", tout en lui conférant un " rayonnement mondial " .

Troisième agence derrière l'anglais Reuters et l'américain Associated Press (AP), l'AFP qui était d'une taille comparable à celle de ses concurrents au début des années 60, est aujourd'hui largement distancée par eux car elle a manqué le " coche " de la diversification dans l'information économique : l'agence Reuters pèse maintenant vingt fois plus lourd que sa concurrente française .

Aujourd'hui, à ceux pour qui l'Agence France-Presse doit devenir une " entreprise comme les autres " , soumise aux lois du marché s'opposent ceux qui dans une perspective souverainiste, dénoncent la " marchandisation de l'information " , en appellent à " l'exception culturelle " ou insistent sur son role comme "un des éléments de diffusion de la pensée française" .

En dépit de multiples plans de redressement, l'AFP s'est progressivement enfoncée dans ce que beaucoup considèrent comme une véritable crise morale et financière.

L'AFP fonctionne à la manière d'une coopérative où la presse française est à la fois cliente et administrateur. La dépendance financière à l'égard de l'État se double d'une lourdeur de fonctionnement liée à l'ambiguïté du statut de l'agence, soulignée par un rapport de l'inspection des finances remis en juin 1998.

Ce rapport, extrêmement critique, mettrait en évidence, selon des informations de presse, à la fois l'absence de politique commerciale, les erreurs d'acquisition de certaines filiales, l'organisation centralisée de l'entreprise, l'absence de contrôle de gestion.

Ni véritable service public ni société à but commercial, l'agence, qui emploie 2000 personnes ( 1200 journalistes dont 200 photographes), doit se satisfaire d'un statut législatif hybride qui date de 1957.

La particularité de ce statut, c'est qu'il fait de l'agence une société de droit privé, soumise aux règles du droit commercial, mais sans capital social, donc sans actionnaires . Elle compte ses clients parmi ses administrateurs mais, curieusement, pas l'État. Or celui-ci contribue, par le biais d'abonnements à couvrir 46 % du chiffre d'affaires de l'agence (1,2 milliard de francs).

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