2. L'application différée dans le temps des textes communautaires : un effet déresponsabilisant ?
Un deuxième aspect, propre aux directives, doit être relié au précédent pour expliquer la mauvaise appréhension des projets soumis au Conseil et au Parlement : le délai de transposition.
En effet, contrairement au règlement qui est directement applicable dans tous ses effets, la directive nécessite une transposition par l'Etat membre, et un délai est donc accordé afin de lui permettre « d'adapter » ou de transposer la directive dans son droit national.
Si ce délai est bien évidemment nécessaire, il peut également se révéler déresponsabilisant à certains égards : le ministre qui donne son accord au Conseil est rarement celui qui est chargé de superviser la mise en oeuvre concrète de la directive... Les personnes auditionnées par votre rapporteur spécial ont indiqué que ceci, lié également à l'absence, jusqu'au traité de Maastricht, de pouvoirs dissuasifs de sanctions de la part de la Cour de justice des communautés européennes, avait pu expliquer par le passé la moindre attention aux effets réels des projets de directive ou de règlements, et par là même aux études d'impact.
Cet élément semble être particulièrement important dans le domaine de l'environnement, cause noble mais qui se heurte à davantage de difficultés lors des arbitrages internes au sein du gouvernement français.
3. Un déficit d'approche politique des projets de législation
Le troisième élément important à prendre en compte, et qui peut expliquer certaines difficultés rencontrées lors de l'application concrète des règlements ou directives, tient à ce que l'on pourrait qualifier de déficit d'approche politique des projets de législation communautaire .
a) Une approche gouvernementale trop administrative ?
Il convient tout de rappeler le rôle essentiel joué par le Secrétariat général des affaires européennes 6 ( * ) (SGAE) dans le processus d'élaboration des positions françaises sur les projets de directives ou de règlements communautaires.
Cette instance, placée sous l'autorité directe du Premier ministre, a pour missions principales l'élaboration des positions de la France sur les questions communautaires et la coordination des liaisons entre les autorités administratives et gouvernementales françaises et les institutions européennes.
Les missions du SGAE définies par l'article 2 du décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes 1° Sous réserve de la responsabilité du ministre des affaires étrangères au titre de la politique étrangère et de sécurité commune : a) Il instruit et prépare les positions qui seront exprimées par la France au sein des institutions de l'Union européenne ainsi que de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il assure la coordination interministérielle nécessaire à cet effet. Il transmet les instructions du Gouvernement aux agents chargés de l'expression des positions françaises auprès de ces institutions ; b) Il veille à la mise en oeuvre, par l'ensemble des départements ministériels, des engagements souscrits par le Gouvernement dans le cadre des institutions européennes ; c) Il assure, avec le secrétariat général du Gouvernement, la mise en oeuvre des procédures qui incombent au Gouvernement pour l'application de l'article 88-4 de la Constitution ; d) Il assure le secrétariat du comité interministériel sur l'Europe ; 2° Il assure, en liaison avec le secrétariat général du Gouvernement, le suivi interministériel de la transposition des directives et des décisions-cadres ; 3° Il coordonne, avec le ministre chargé des affaires européennes, le dispositif interministériel permettant l'information du Parlement européen sur les positions de négociations du Gouvernement ; 4° Il coordonne le dispositif interministériel de suivi de la présence française au sein des institutions européennes. |
Toutes les personnes auditionnées au cours de cette mission de contrôle ont salué l'action menée par le SGAE pour définir une position interministérielle sur les projets de législation communautaire. En revanche, les anciens ministres MM. Michel Barnier et Serge Lepeltier ont souligné la trop faible approche politique des projets de législation dans la chaîne française d'élaboration des textes communautaires . D'autres Etats membres se distinguent de la France sur ce point, comme la Finlande : Mme Satu Hassi, vice-présidente de la commission de l'environnement, de la santé et la sécurité alimentaire au Parlement européen et ancienne ministre de l'environnement de son pays a ainsi indiqué à votre rapporteur spécial que les ministres se rencontraient régulièrement pour arbitrer les points de désaccord.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial observe que le SGAE rencontre certaines difficultés dans la mise en oeuvre du dispositif interministériel de suivi de la présence française au sein des institutions européennes, et relève en particulier que les membres du gouvernement et les représentants de l'administration sont moins présents au sein du Parlement européen que leurs homologues d'autres Etats membres. Ce problème est toutefois plus politique et culturel que purement administratif.
* 6 Le SGAE a succédé en octobre 2005 au secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI).