B. L'ARRÊT DIT DES « POISSONS SOUS TAILLE » : UN CHOC SALUTAIRE ?
A la suite des deux premiers arrêts rendus sur le fondement de l'article 228 du traité CE précédemment mentionnés, l'année 2005 a été marquée par un arrêt fondamental de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), en date du 12 juillet 2005 2 ( * ) , qui a entraîné la condamnation de la France à des sanctions pécuniaires et un choc salutaire au sein de l'administration française.
L'affaire en cause, qui ne concernait pas le secteur de l'environnement mais celui de la pêche, présente un grand intérêt dans la mesure où elle souligne l'obligation de résultat qui incombe aux Etats membres.
1. L'objet du litige : la mise en oeuvre concrète des mesures communautaires
En l'espèce, il s'agissait d'appliquer des dispositions de deux règlements anciens :
- le règlement (CEE) n° 2057/82 du Conseil, du 29 juin 1982, établissant certaines mesures de contrôle à l'égard des activités de pêche exercées par les bateaux des Etats membres ;
- le règlement (CEE) n° 2241/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, établissant certaines mesures de contrôle à l'égard des activités de pêche.
Cet élément présente par lui-même un intérêt, dans la mesure où le règlement , en application de l'article 249 du traité instituant la Communauté européenne, a une portée générale, est obligatoire dans tous ses éléments et, surtout, est directement applicable dans tout Etat membre , contrairement à la directive, qui nécessite une transposition dans chaque Etat membre. Le fond de l'affaire concernait donc la mise en oeuvre concrète des dispositions de ces deux règlements et le respect des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes.
Or, comme le soulignait l'avocat général Geelhoed dans ses premières conclusions précitées (point 29), « l'ordre juridique communautaire, bien qu'il soit autonome, est un ordre juridique dépendant en ce sens que dans la plupart des matières, il dépend des efforts des Etats membres pour assurer un respect intégral des obligations imposées aux opérateurs économiques ».
Il poursuivait en détaillant les obligations pesant sur les Etats membres : « Les Etats membres ont, en application de l'article 10 CE, l'obligation générale d'adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir que le droit communautaire est appliqué et mis en oeuvre de manière effective et que son « effet utile » soit réalisé. Plus particulièrement, les Etats membres sont tenus d'assurer qu'un cadre réglementaire approprié soit mis en place pour l'application et l'exécution des mesures communautaires, que les autorités compétentes soient mises en place, que suffisamment de moyens soient disponibles et que des poursuites appropriées soient prises contre les contrevenants. Lorsque les mesures d'exécution dans les Etats membres sont inadéquates, il est impossible d'atteindre les objectifs des dispositions communautaires pertinentes d'une manière suffisamment uniforme dans la Communauté ».
Or, la Cour de justice a jugé à plusieurs reprises que, « en permettant aux Etats membres de profiter des avantages de la Communauté, le traité leur fait aussi l'obligation de respecter les règles ; [...] le fait, pour un Etat membre, de rompre unilatéralement, selon la conception qu'il se fait de l'intérêt national, l'équilibre entre les avantages et les charges découlant de son appartenance à la Communauté, met en cause l'égalité des Etats membres devant le droit communautaire et crée des discriminations à la charge de leurs ressortissants ; [et] ce manquement aux devoirs de solidarité acceptés par les Etats membres du fait de leur adhésion à la Communauté affecte jusqu'aux bases essentielles de l'ordre juridique communautaire » 3 ( * ) .
* 2 Affaire C-304/02, Commission des Communautés européennes contre République française ; premières conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed présentées le 29 avril 2004 ; secondes conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed présentées le 18 novembre 2004 ; arrêt de la Cour (grande chambre) du 12 juillet 2005 (2005/C 217/06).
* 3 Arrêts du 7 février 1973, Commission/Italie (39/72, Rec. P. 101, points 24 et 25), et du 7 février 1979, Commission/Royaume-Uni (128/78, Rec. P. 419, point 12).