2. Une affaire ancienne : un cas grave de « manquement sur manquement »
Saisie une première fois par la Commission, la Cour de justice des communautés européennes avait déjà condamné la France pour manquement à ses obligations communautaires, le 11 juin 1991, soit quatorze ans avant le nouvel arrêt de 2005 .
Après un long dialogue avec la République française, la Commission a finalement décidé de saisir à nouveau la Cour de justice, sur le fondement de l'article 228 du traité instituant la Communauté européenne, estimant que la France n'avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer au premier arrêt de la Cour de justice.
3. Les conclusions de l'avocat général : une interprétation extensive de l'article 228 du traité instituant la Communauté européenne
a) La réaffirmation du pouvoir de pleine juridiction de la Cour en matière de fixation des sanctions pécuniaires
Dans ses conclusions, l'avocat général a rappelé la position définie par la Cour dans le cadre de ses deux premiers arrêts rendus en application de l'article 228 CE : « elle n'est pas liée par les propositions de la Commission relatives aux conséquences pécuniaires d'un jugement constatant qu'un Etat membre ne s'est pas conformé à un arrêt antérieur . Ces suggestions ne constituent qu'une base de référence utile pour la Cour lorsqu'elle utilise son pouvoir discrétionnaire en application de cet article. En d'autres mots, l'application de cette disposition relève des pouvoirs de pleine juridiction de la Cour ».
b) La finalité des sanctions pécuniaires
L'avocat général Geelhoed a porté une attention particulière à l'effet recherché des sanctions pécuniaires.
Il relevait dans ses premières conclusions (point 87) que « compte tenu de l'éventuel effet dommageable lié à la persistance d'un manquement aux obligations résultant du traité dans le cadre de la réalisation des objectifs des actes adoptés par les institutions communautaires, nous considérons que l'article 228, paragraphe 2, CE doit être appliqué de telle manière que dans certaines circonstances, les mesures pécuniaires ne se limitent pas à mettre fin au manquement mais développent également un effet préventif ».
Il précisait ainsi son analyse dans ses secondes conclusions (points 40 et 41), plus explicites encore : « bien qu'il soit tout à fait évident que l'article 228, paragraphe 2, CE vise à assurer qu'en fin de compte un Etat membre se conforme à un arrêt de la Cour par rapport auquel il n'a pas réagi de manière appropriée, si l'on examine cette disposition dans la perspective plus large des raisons sous-jacentes à l'inexécution d'un arrêt de la Cour, on peut voir que sa finalité est également d'assurer le respect par un Etat membre de ses obligations communautaires dans un sens plus général. Cela signifie que les instruments fournis par cette disposition peuvent également s'appliquer dans un but dissuasif ou, en d'autres mots, avec l'objectif de prévenir les manquements des Etats membres aux obligations qui résultent du droit communautaire . Par leur nature, la somme forfaitaire et l'astreinte ont deux finalités différentes. [...] la somme forfaitaire a un effet dissuasif alors que l'astreinte a un effet persuasif ».
Si la Cour n'a pas elle-même retenu cette notion d'« effet dissuasif » de la somme forfaitaire dans son arrêt du 12 juillet 2005, l'administration française l'a bel et bien perçu comme tel.