2. Le rôle des comités d'entreprise : l'intérêt du modèle néerlandais
a) Le pouvoir consultatif du works council facteur parfois déterminant
L'influence exercée par les salariés sur l'évolution des entreprises passe aussi par les institutions représentatives du personnel. M. Jean-Cyril Spinetta a évoqué l'intervention des works councils néerlandais dans la procédure qui précède les prises de participation et fusions : « leur rôle [des salariés] est reconnu dans l'ensemble des droits nationaux européens. Aux Pays-Bas, il passe par les works councils, qui doivent rendre un avis en cas d'évolution de l'organisation, du contrôle, de l'actionnariat ou de la stratégie de l'entreprise . Les Néerlandais sont très libéraux, mais possèdent également un sens aigu de la préservation de leurs intérêts nationaux. Ils sont très français de ce point de vue. Ils considèrent qu'ils ont un message à transmettre au monde en termes de valeurs, et partagent avec nous une certaine bonne conscience. Leur discours est totalement ouvert, ce qui reflète la réalité pratique, mais ils manifestent une grande volonté de protéger les intérêts nationaux. Ils le font au travers des parties prenantes, mais également, et là réside la véritable « poison pill », au travers d'un droit de veto absolu des works councils sur tout projet de fusion. Dans le cadre d'une opération de réorganisation ou de fusion, lorsqu'un works council rend un avis négatif, seul le juge néerlandais peut passer outre ce dernier. »
M. Jean-Cyril Spinetta a précisé que les works councils « sont soumis à des règles très spécifiques en termes de confidentialité des informations privilégiées. Le works council propose au conseil d'administration un certain nombre de personnes, qui ne sont pas élues par les salariés mais choisies par les syndicats , en tant qu'administrateurs. Ainsi, l'ancien premier ministre Wim Kok est un des représentants du works council au sein du conseil d'administration de KLM. Le works council propose des administrateurs indépendants, dont la nomination est ratifiée par l'assemblée générale. Le works council n'a pas à proprement parler un droit de veto, mais seul le juge peut passer outre son avis négatif. Lors des négociations avec KLM, je savais donc qu'il ne suffisait d'aboutir à un accord avec les dirigeants : il était également nécessaire d'obtenir l'aval du works council . »
De fait, le works council néerlandais détient un influent pouvoir consultatif sur des décisions stratégiques telles que l'investissement, les fusions et acquisitions, les délocalisations, les réorganisations, l'endettement, l'introduction de nouvelles technologies, la nomination et la révocation du personnel de direction.
Depuis 1979, il dispose d'un droit d'appel contre les décisions stratégiques, y compris celles qui intéressent les fusions et acquisitions, les réorganisations, les modifications des stratégies d'investissement à l'intérieur du pays et à l'étranger, les cessations d'activités, les délocalisations. Dans ces domaines, l'entreprise doit solliciter l'avis du works council avant la prise de décision, dont les raisons, les conséquences pour les salariés et les mesures prises pour faire face à ces conséquences doivent être explicitées. L'avis rendu par le works council est suivi obligatoirement d'au moins une consultation avec les organes compétents de l'entreprise. Si un accord n'est pas obtenu et si l'employeur maintient alors son projet de décision, celui-ci doit reporter d'un mois la mise en oeuvre de son projet, et le works council dispose de la possibilité, au cours de cette période, de faire appel de la décision devant la chambre des entreprises de la cour d'appel d'Amsterdam. Celle-ci évalue le caractère raisonnable de la décision et peut forcer l'employeur à renoncer à son projet, à abandonner sa mise en oeuvre et à réparer ses conséquences.
On constate que l'influence du works council sur des aspects majeurs de la gestion des entreprises est potentiellement considérable.