b) En droit français, une implication moins décisive bien que récemment enrichie
La situation est assez différente dans notre pays. On sait qu'en France le comité d'entreprise est obligatoirement consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle des salariés. La consultation doit impérativement précéder la prise de décision.
Des règles particulières introduites par la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 sur les offres publiques d'acquisition (OPA) et codifiées à l'article L. 432-1 du code du travail, sont prévues en cas de dépôt d'une OPA :
- le chef de l'entreprise cible et le chef de l'entreprise auteur de l'offre doivent réunir immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour les informer du dépôt de l'offre ;
- le comité d'entreprise de l'entreprise cible décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de celle-ci. Le chef de l'entreprise auteur de l'offre adresse au comité d'entreprise de l'entreprise cible, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information préalable visée par l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui contient les orientations retenues en matière d'emploi par la personne auteur de l'offre publique d'achat.
Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information visée par l'AMF et avant la date de convocation de l'assemblée générale réunie en application de l'article L. 233-32 du code de commerce, le comité d'entreprise de l'entreprise cible doit être réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre présente au comité d'entreprise sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société cible et les répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de ladite société. Il prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise, lequel peut se faire assister d'un expert de son choix.
La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues ci-dessus ne peut exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre qu'elle détient ou viendrait à détenir . Cette interdiction s'étend aux sociétés qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce. Une sanction identique s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues ci-dessus.
La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les 15 jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué.
Le comité d'entreprise ne dispose pas d'autre pouvoir ou moyen de pression. Est-il envisageable , pour renforcer la protection des entreprises contre les OPA non sollicitées mais aussi bien entendu dans la perspective de l'évolution globale souhaitable des relations sociales en France, de transposer le système néerlandais dans notre pays ? La mission d'information le croit, mais encore faudrait-il que la culture des organisations syndicales ne les conduise pas à privilégier les considérations idéologiques sur l'intérêt de l'entreprise...
A cet égard, auditionnés par votre rapporteur, les représentants des syndicats de salariés ont manifesté leur intérêt à l'égard de l'idée de renforcer le droit de regard des salariés sur la gestion de l'entreprise . Mme Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT a estimé que la participation des salariés à la gestion des entreprises était une question fondamentale, seulement effleurée lors de l'examen de la loi du 30 décembre 2006. Pour M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT, la consultation des salariés n'a d'intérêt que si elle permet d'influencer les décisions, comme le prévoit la directive directive 2002/14/EC instaurant un cadre général pour l'information et la consultation des salariés dans la Communauté européenne, et il faut donner aux salariés un droit de veto suspensif sur les grandes décisions stratégiques.
De son côté, M. Christian Ramajo, représentant de la CFE-CGC, a constaté le caractère purement formel de la consultation du comité d'entreprise dans la grande majorité des cas, tout en estimant cependant que les syndicats ont une chance de se faire entendre quand ils élaborent un véritable contre-projet. Rejoignant cette analyse nuancée des perspectives d'une association plus étroite des salariés à la gestion des entreprises, M. Jean-Cyril Spinetta a, de son côté jugé le système néerlandais difficilement applicable en France, compte tenu de la nature des relations sociales dans notre pays .
Au demeurant, le droit du travail néerlandais semble impuissant à enrayer les velléités de rachat et de fragmentation du groupe ABN-AMRO, dont l'une des composantes est la plus ancienne société cotée à Amsterdam... S'il n'y a donc sans doute pas de panacée à chercher de ce côté-là, la mission d'information n'en souhaite pas moins que soient explorées de façon dynamique les possibilités de mieux affirmer le droit à la consultation des salariés, en s'inspirant notamment du modèle néerlandais .