b) Un principe que plusieurs grands groupes appellent de leurs voeux
Plusieurs chefs d'entreprise auditionnés par la mission commune d'information ont également défendu ce principe de réciprocité. M. Franck Riboud, président-directeur général du groupe Danone , a ainsi affirmé le 31 janvier 2007, en faisant référence aux rumeurs d'OPA sur sa société qui, durant l'été 2005, avaient impliqué la société PepsiCo : « L'entreprise PepsiCo est protégée . Elle a la possibilité de rappeler un certain nombre d'actionnaires et de transformer leur droit de vote ou leur nombre d'actions en les multipliant par deux ou par trois, dans un contexte donné, dispositif totalement interdit en France. PepsiCo se trouvait donc, historiquement, dans un contexte beaucoup plus protecteur que celui dans lequel se trouvait Danone. »
« [...] Nous avons vu des entreprises menacées aux Etats-Unis qui ont subitement été protégées en ayant recours à certains procédés. Une analyse de fond devrait porter sur la notion de réciprocité pour vérifier si ce concept est réellement un dispositif viable et transparent. Il me semble que c'est un minimum. Vous avez fait référence, à juste titre, à l'amendement Danone 169 ( * ) . Il faut savoir que la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés de mai à juillet était totalement insupportable. On nous a soupçonnés d'être à l'origine des rumeurs et nous sommes passés de la position d'agressé à celle d'agresseur en un éclair. Nous avons dû démontrer que la réalité était autre. Les managers de Danone ont très mal vécu cette période, notamment parce qu'ils n'avaient officiellement rien à commenter. Je considère qu'une obligation de déclaration sur ses intentions après une période donnée est une disposition très saine. »
M. Ernest-Antoine Seillière, président du conseil de surveillance de Wendel Investissement , a entendu établir une distinction entre protectionnisme strict et réciprocité , tout en soulignant la faiblesse et une relative naïveté de l'Union européenne dans ce domaine 170 ( * ) :
« Quand il est indiqué aux Etats-Unis que les ports ne peuvent être vendus à une société de Dubaï pour des raisons de sécurité, nous entrons dans le domaine du protectionnisme, du fait de l'implication d'intérêts nationaux. Cela n'est pas interdit, mais il faut alors savoir s'exposer à des réciprocités, ce qui constitue la grande faiblesse européenne : ses membres semblent incapables de définir au niveau européen des attitudes protectionnistes à la mesure de celles qui lui sont opposées par d'autres pays.
« L'Union Européenne n'apparaît pas entièrement désarmée, mais elle rencontre des difficultés extrêmes pour s'accorder sur le plan intergouvernemental ou en fonction des procédures du Conseil. Dans les faits, la politique européenne a tendance à se contredire sur ce point. Elle n'a donc pas de véritable efficacité diplomatique. Je pense cependant que le protectionnisme n'est pas interdit. Ainsi, dans des comportements de réciprocité avec des grands acteurs économiques, il est parfaitement normal d'afficher des comportements de défense quand nos homologues se défendent également. Ainsi, s'il est impossible d'acheter une entreprise américaine d'un domaine particulier, il serait anormal qu'ils puissent librement procéder à l'acquisition d'une entreprise de ce domaine chez nous. »
* 169 « L'amendement Danone », introduit par le gouvernement lors de l'examen en première lecture du projet de loi sur les offres publiques d'acquisition, désigne la procédure de déclaration d'intention à l'AMF, précisée à l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, de toute personne « dont il y a des motifs raisonnables de penser qu'elle prépare une offre publique ».
* 170 Audition du 17 janvier 2007 par la mission d'information.