INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'état civil enregistre et consigne les attributs de la personne (prénoms, nom, filiation, sexe) et fait quotidiennement la preuve de son statut civil (mariage, divorce, pacte civil de solidarité...) ainsi que de sa capacité juridique à l'occasion de démarches administratives, sociales, commerciales ou de relations privées. Sa fiabilité et son accessibilité s'avèrent donc essentielles.

Les services qui en ont la charge sont confrontés à une double exigence : prévenir la fraude, dont plusieurs rapports sénatoriaux ont récemment souligné l'importance grandissante 1 ( * ) , tout en délivrant rapidement aux usagers les documents dont ils ont besoin.

Afin de répondre à cette double exigence, une organisation et des règles particulières ont été définies pour les Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger. Les actes de l'état civil concernant des événements survenus à l'étranger peuvent ainsi être établis tant par les agents diplomatiques ou consulaires français que par les autorités locales étrangères. La conservation, la mise à jour et l'exploitation des actes français sont assurées non seulement par les consulats et ambassades mais également par un service central d'état civil, installé à Nantes et placé sous l'autorité du ministre des affaires étrangères. Le contrôle de la régularité de ces actes est exercé par le tribunal de grande instance de Nantes.

Cette organisation et ces règles ont néanmoins fait l'objet de critiques, portant tant sur les délais de délivrance des copies et extraits d'actes de l'état civil que sur le développement de la fraude documentaire, et ont connu plusieurs réformes importantes au cours des dernières années.

Le Sénat, représentant constitutionnel des Français établis hors de France, se devait d'y prêter attention.

Votre commission des lois a donc décidé, au mois de février 2007, de constituer en son sein une mission d'information afin d'évaluer la mise en oeuvre des règles relatives à l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger. Fidèle à une habitude désormais bien ancrée, elle a désigné trois rapporteurs issus des principaux groupes politiques composant le Sénat.

Pour mener à bien leur mission, vos rapporteurs se sont déplacés à Nantes pour y visiter le service central d'état civil et le tribunal de grande instance. Ils se sont également rendus au service de la nationalité du tribunal d'instance du 1 er arrondissement de Paris compétent pour délivrer des certificats de nationalité aux Français nés et résidant à l'étranger. S'il ne constitue pas un acte de l'état civil, le certificat de nationalité est en effet fréquemment demandé lors des démarches administratives des Français de l'étranger. Or les délais de délivrance de ces documents s'avèrent bien trop longs.

Pour compléter leur information, vos rapporteurs ont procédé à l'audition de MM. François Barry Delongchamps, alors directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, et Marc Guillaume, alors directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice.

Ayant constaté que l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger était bien tenu et rigoureusement contrôlé mais que les conditions de délivrance des certificats de nationalité française n'étaient pas satisfaisantes, ils formulent 23 recommandations pour simplifier les demandes des usagers tout en améliorant la lutte contre la fraude documentaire.

I. UN ÉTAT CIVIL ÉTABLI SELON DES RÈGLES PARTICULIÈRES : LA COMPÉTENCE DES AGENTS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES FRANÇAIS ET DES AUTORITÉS ÉTRANGÈRES

Depuis 1792, les actes de l'état civil intéressant des événements survenus en France , qu'ils concernent des ressortissants français ou étrangers, sont en principe établis, conservés, mis à jour et exploités, au nom de l'Etat et sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, par les officiers de l'état civil des communes : le maire, ses adjoints, ainsi que les conseillers et fonctionnaires municipaux ayant reçu une délégation du maire ( articles L. 2122-32, L. 2122-18 et R. 2122-10 du code général des collectivités territoriales ).

Les actes de l'état civil des quelque deux millions deux cent mille Français résidant à l'étranger sont quant à eux établis soit par les agents diplomatiques ou consulaires français ( article 48 du code civil ), soit par les autorités locales étrangères ( article 47 du code civil ).

A. LE RÔLE DES AGENTS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

La compétence des agents diplomatiques ou consulaires français est subordonnée à l'accord de l'Etat étranger où est situé leur poste, cet accord pouvant résulter de la loi locale, de conventions consulaires ou simplement de l'usage.

Ils n'exercent en principe les fonctions d'officier de l'état civil qu' à l'égard des ressortissants français , conformément aux lois françaises et sous le contrôle du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes . Une loi du 29 novembre 1901 leur a toutefois permis de célébrer un mariage dit « mixte », c'est-à-dire entre un ressortissant français et un ressortissant étranger, dans des pays dont la liste est fixée par décret du président de la République 2 ( * ) . Ils sont en outre invités à faire preuve de prudence à l'égard des binationaux, dans la mesure où les autorités locales sont en droit de les considérer comme relevant uniquement d'elles.

A l'instar des registres communaux, les registres de l'état civil consulaires doivent être tenus en double exemplaire, mis à jour et exploités . Il appartient ainsi aux agents diplomatiques ou consulaires d'établir des livrets de famille, à l'occasion d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant, et de délivrer des copies et des extraits des actes qu'ils détiennent. Alors que le second exemplaire des registres communaux est déposé en fin d'année au greffe du tribunal de grande instance, celui des registres consulaires est déposé au service central d'état civil du ministère des affaires étrangères , qui peut également en délivrer des extraits ou des copies. L'exigence de sécurité se double, en l'espèce, d'une exigence d'accessibilité : il peut s'avérer plus facile, pour des Français ayant quitté un pays étranger, d'obtenir l'un de ces documents en contactant le service central plutôt que le consulat qui l'a établi.

* 1 Rapport n° 439 (Sénat, 2004-2005) de M. Jean-René Lecerf au nom de la mission d'information de la commission des lois sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire présidée par M. Charles Guené. Rapport n° 492 (Sénat, 2005-2006) de M. Jean-René Lecerf au nom de la commission des lois, sur le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages. Rapport d'information n° 353 (Sénat, 2006-2007) de M. Adrien Gouteyron, au nom de la commission des finances, sur les services des visas.

* 2 Décret du 26 octobre 1939 modifié par le décret du 15 décembre 1958 : Afghanistan, Arabie Saoudite, Chine, Égypte, Irak, Iran, Japon, Maroc -dans la zone de Tanger-, sultanat d'Oman, Thaïlande, Yémen, Cambodge, Laos. A l'époque, il s'agissait d'Etats dans lesquels seuls des mariages religieux étaient célébrés, ce qui explique la compétence donnée aux agents diplomatiques ou consulaires français. Cette liste n'a toutefois pas été mise à jour.

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