2. Les composantes de l'amélioration du solde : une interprétation des déclarations du Gouvernement
Le tableau ci-après indique, de manière plus précise, les différentes composantes de l'amélioration du solde prévue par le Gouvernement. La décomposition, réalisée par la commission des finances, est purement indicative.
a) Un effort de 110 milliards d'euros au total, par rapport à une situation où la dépense publique continuerait d'augmenter de 2,4 % par an
Les chiffres de la colonne « programme de stabilité » ne diffèrent qu'en apparence de ceux du tableau précédent. En effet, celui-ci, défini en termes d'effort structurel (notion semble-t-il implicitement utilisée par le Premier ministre), ne mesure les économies à réaliser pour les dépenses que par rapport à une situation où les dépenses augmenteraient à la même vitesse que le PIB potentiel, soit environ 2 % par an en volume. Les dépenses publiques ayant augmenté de 2,4 % par an en moyenne depuis le début des années 2000, cela conduit à sous-estimer les économies à réaliser sur les dépenses d'environ 10 milliards d'euros.
L'amélioration du solde prévue par le Gouvernement : décomposition par la commission des finances
(en milliards d'euros constants)
Programme de stabilité |
Actualisation en fonction des dernières déclarations du Gouvernement |
||
A |
AJUSTEMENT A REALISER D'ICI 2013 |
115 |
110 |
B |
Ecart entre le déficit 2010 et 3 points de PIB |
104 |
100 |
C |
Augmentation du déficit de 2010 à 2013 si les dépenses continuaient d'augmenter de 2,4 % par an en volume |
10 |
10 |
D |
FACTEURS D'AMELIORATION DU SOLDE [E+L] |
115 |
115 |
E |
AMELIORATION DU SOLDE A DROIT CONSTANT, dont : |
55 |
55 |
F |
Amélioration du solde hors mesures nouvelles |
40 |
40 |
G |
Evolution spontanée des recettes (dont rattrapage des pertes de recettes conjoncturelles) |
25 |
25 |
H |
Diminution conjoncturelle de la part des dépenses dans le PIB découlant du supplément de croissance par rapport à la croissance potentielle |
15 |
15 |
I |
Mesures nouvelles résultant du droit actuel |
15 |
15 |
J |
Fin du volet « dépenses » du plan de relance |
5 |
5 |
K |
Mesures nouvelles sur les recettes (dont fin de l'effet de trésorerie de la réforme de la taxe professionnelle) |
10 |
10 |
L |
MESURES PREVUES PAR LE GOUVERNEMENT, dont : |
60 |
60 |
M |
Réduction de niches fiscales et sociales (y compris réforme des retraites) |
6 |
8,5 |
N |
Compensation de la censure de la taxe carbone |
1,5 |
|
O |
Mesures sur les dépenses |
50 |
50 |
P |
Dépenses de l'Etat |
15 |
15 |
Q |
Dépenses d'assurance maladie |
10 |
10 |
R |
Dépenses de retraite |
5 |
5 |
S |
Dépenses des collectivités territoriales |
12,5 |
12,5 |
T |
Dépenses des administrations de sécurité sociale hors assurance maladie et retraites |
7,5 |
7,5 |
U |
AMELIORATION DU SOLDE PAR RAPPORT A 2010 [D-C] |
105 |
105 |
V |
dont moindres dépenses par rapport à la tendance [J+O] |
55 |
55 |
W |
POUR MEMOIRE : EFFORT STRUCTUREL |
65 |
65 |
X |
dont effort structurel sur la dépense [J+O-C] |
45 |
45 |
Y |
dont effort structurel sur les recettes [K+M+N] |
20 |
20 |
Source : calculs de la commission des finances
Le graphique ci-après permet de visualiser les principales composantes du tableau de la page précédente.
La répartition de l'effort nécessaire pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013, selon le Gouvernement : décomposition par la commission des finances
(en milliards d'euros constants)
* L'Insee a notifié le 1er avril 2010 un déficit de 7,5 points de PIB en 2009 (contre une prévision de 7,9 points de PIB par le programme de stabilité 2010-2013). En conséquence de ce déficit moins élevé que prévu, la France a notifié début avril à la Commission une prévision de déficit pour 2010 de 8,0 points de PIB (contre 8,2 points de PIB selon le programme de stabilité 2010-2013).
Source : calculs de la commission des finances
On observe que si l'on corrige le programme de stabilité en fonction du déficit effectivement constaté en 2010 (8 points de PIB, et non 8,2 points de PIB), les mesures prévues deviennent supérieures d'environ 5 milliards d'euros à ce qui serait nécessaire pour ramener le déficit à 3 points de PIB en 2013. La révision à la hausse du montant des réductions de niches (de 6 à plus de 8,5 milliards d'euros) est en revanche en partie compensée par le fait que le programme de stabilité prévoyait explicitement d'instaurer une nouvelle taxe carbone, à la suite de la censure du Conseil constitutionnel. Le produit de la taxe carbone ayant été évalué à 1,5 milliard d'euros, l'augmentation nette des mesures nouvelles sur les recettes par rapport au programme de stabilité doit être réduite de ce montant.
b) Une amélioration spontanée du solde de 55 milliards d'euros
Selon le Gouvernement, le solde s'améliorerait spontanément de 55 milliards d'euros d'ici 2013, sans qu'il ait à prendre de nouvelle mesure.
(1) La croissance du PIB : 40 milliards d'euros
Tout d'abord, une croissance du PIB de 2,5 % par an permettrait de réduire le déficit de 40 milliards d'euros.
En effet, il ressort du programme de stabilité que les recettes rapportées au PIB augmenteraient spontanément d'environ 1,25 point de PIB, soit 25 milliards d'euros (ce qui s'explique non seulement par l'hypothèse de croissance du PIB, mais aussi par celle d'élasticité des recettes au PIB).
Par ailleurs, une croissance de 2,5 % au lieu de 2 % pendant trois ans réduit mécaniquement les dépenses rapportées au PIB d'environ 0,75 point de PIB, soit 15 milliards d'euros.
(2) Le droit actuel : 15 milliards d'euros
Ensuite, le droit actuel comprend d'ores et déjà de puissants facteurs d'amélioration du solde.
Tout d'abord, la fin des mesures du plan de relance subsistant en 2010 améliorerait le solde d'environ 5 milliards d'euros. En effet, selon le programme de stabilité 2010-2013, dans le cas de la mission « Plan de relance de l'économie », « aux crédits ouverts lors de la LFI (4,1 Md€) s'ajoutent en 2010 le report de crédits ouverts au titre du plan de relance et non consommés en 2009 (1,3 Md€) ».
Ensuite, le droit actuel devrait conduire à des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires alourdissant ceux-ci d'environ 10 milliards d'euros en 2011. Dans le rapport relatif aux prélèvements obligatoires annexé au projet de loi de finances pour 2010, ce montant comprenait 8,5 milliards d'euros pour la réforme de la taxe professionnelle (qui après avoir coûté 11,7 milliards d'euros en 2011 n'aurait plus coûté que 3,2 milliards en 2011). Selon les informations actualisées transmises à la commission des finances, le coût de la réforme de la taxe professionnelle, de 12,9 milliards en 2010, diminuerait de 8,7 milliards en 2011, son coût n'étant plus alors que de 4,2 milliards d'euros. L'ordre de grandeur des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires entre 2010 et 2011, à droit inchangé, reste donc d'environ 10 milliards d'euros.
c) Une réduction du déficit de plus de 8,5 milliards d'euros grâce à l'action sur les niches fiscales et sociales
Le Gouvernement s'est fixé un objectif de réduction des niches fiscales et sociales relativement modeste. Ce montant a été constamment revu à la hausse, passant de 6 milliards d'euros plus de 8,5 milliards d'euros.
(1) Le programme de stabilité : 6 milliards d'euros
Pour l'ensemble des niches, le programme de stabilité 2010-2013 prévoit une réduction de 2 milliards d'euros par an de 2011 à 2013, soit au total 6 milliards d'euros.
On rappelle que le programme de stabilité prévoyait en outre explicitement d'instaurer une nouvelle taxe carbone , à la suite de la censure du Conseil constitutionnel. Le produit de la taxe carbone avait alors été évalué à 1,5 milliard d'euros.
Selon le relevé de conclusions de la 2 ème conférence sur le déficit (20 mai 2010), « dans le cadre de ce plan d'économie, plusieurs niches fiscales et sociales seront supprimées dès cette année en projet de loi de finances et en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour dégager 5 milliards d'euros d'économies en deux ans ».
(2) La conférence de presse du 25 juin 2010 : jusqu'à 8,5 milliards d'euros
A l'occasion d'une conférence de presse tenue le 25 juin 2010, le Premier ministre a confirmé qu'un effort d'au moins 5 milliards d'euros serait fait sur les niches fiscales et sociales, précisant qu' « en fonction de la situation, cet effort pourra être porté jusqu'à 8,5 milliards d'euros , de 2011 à 2013 ».
(3) Le rapport en vue du présent débat d'orientation des finances publiques : au moins 8,5 milliards d'euros
Le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques évoque désormais un montant global de réductions de niches d' « au moins 8,5 milliards d'euros », indiquant explicitement qu'y sont inclus 3 milliards d'euros de réductions de niches dans le cadre de la réforme des retraites. En effet, il est prévu de prendre dans ce cadre des mesures tendant à accroître les recettes de 3,7 milliards d'euros en 2011, dont 3 milliards d'euros correspondent à des réductions de niches, la principale étant l'annualisation des allégements généraux de charges sociales (2 milliards d'euros) .
Les mesures de recettes prévues dans le cadre de la réforme des retraites
(en euros constants 2010)
Total des mesures |
Dont réductions de niches* |
|||
2011 |
2020 |
2011 |
2020 |
|
Contributions des hauts revenus |
410 |
630 |
||
Augmentation de 40% à 41% du taux marginal de l'impôt sur le revenu |
230 |
290 |
||
Retraites-chapeaux : suppression de l'abattement de 1 000 € pour l'imposition des rentes et instauration d'une contribution salariale spécifique de 14% |
110 |
140 |
110 |
140 |
Stock-options : passage de la contribution patronale spécifique sur la valeur des options de 10% à 14% et de la contribution salariale sur le gain de levée d'option de 2,5% à 8% |
70 |
200 |
70 |
200 |
Contributions des revenus du capital |
1 090 |
1 340 |
||
Hausses d'1 point des prélèvements proportionnels : |
||||
Plus-values de cessions mobilières (18% à 19%) |
90 |
110 |
||
Plus-values de cessions immobilières (16% à 17%) |
45 |
50 |
||
Prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts (18% à 19%) |
130 |
160 |
||
Suppression du crédit d'impôt dividendes |
645 |
800 |
645 |
800 |
Imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières au 1 er euro |
180 |
220 |
180 |
220 |
Total taxes sur les ménages |
1 500 |
1 970 |
||
Annualisation des allègements généraux |
2 000 |
2 400 |
2000 |
2400 |
Suppression du plafonnement de la quote-part pour frais et charges sur les dividendes reçus par une société mère de ses filiales |
200 |
250 |
||
Total taxes sur les entreprises |
2 200 |
2 650 |
||
TOTAL |
3 700 |
4 620 |
3005 |
3760 |
* Reconstitution par la commission des finances de la typologie implicite du Gouvernement, en fonction du montant global de 3 milliards d'euros indiqué dans son rapport préparatoire au débat d'orientation des finances publiques.
Source : d'après ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, dossier de presse relatif à la réforme des retraites, 16 juin 2010
On peut s'interroger sur l'opportunité de comptabiliser l'annualisation des allégements généraux de charges sociales comme une suppression de niche. En effet, au sens strict, une niche est une mesure qui a été instaurée pour atteindre un objectif de politique publique. Dans le cas présent, les pouvoirs publics n'ont jamais souhaité un tel allégement, qui résulte d'une pure politique d'optimisation de la part des entreprises.
On rappelle que l'annualisation du calcul des allègements généraux a fait l'objet d'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, adopté par la commission des finances à l'initiative de son rapporteur spécial, notre collègue Jean-Jacques Jégou. Cet amendement n'a malheureusement pas été adopté par le Sénat, après avoir reçu un avis défavorable du Gouvernement.
Par ailleurs, celui-ci prévoit de supprimer des niches sociales ou fiscales afin d'alimenter la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) à hauteur de 3,2 milliards d'euros.
Ainsi, les réductions de niches prévues, d'au moins 8,5 milliards d'euros, comprendraient :
- 3 milliards d'euros de recettes dans le cadre de la réforme des retraites ;
- 3,2 milliards d'euros pour alimenter la CADES ;
- au moins 2,3 milliards d'euros d'autres mesures.
d) Une réduction du déficit d'environ 50 milliards d'euros grâce à une meilleure maîtrise des dépenses
Les suppressions et réductions de niches ne représenteraient toutefois qu'une part modeste de l'effort de diminution du déficit. En effet, celui-ci consisterait très majoritairement en une meilleure maîtrise de la dépense, qui réduirait celui-ci d'environ 50 milliards d'euros ( 55 milliards d'euros en prenant en compte les 5 milliards d'euros correspondant à la fin du plan de relance et déjà indiqués ci-avant) par rapport à une situation où les dépenses publiques continueraient d'augmenter de 2,4 % par an en volume.
Les économies permises en 2013 selon la programmation du Gouvernement
(augmentation des dépenses ou contribution à l'augmentation des dépenses d'ici 2013, en milliards d'euros constants)
Economies : 55 Mds €
* Hypothèses reconstituées à titre indicatif, le programme de stabilité 2010-2013 n'indiquant pas les hypothèses de croissance des dépenses des différentes catégories d'administrations publiques en 20 11 -2013 (mais seulement en 20 10 -2013). Le taux de croissance global de 0,6 % en 2011-2013 est en revanche explicitement indiqué.
Source : calculs de la commission des finances
Les hypothèses du Gouvernement en matière d'évolution des dépenses sont explicitées ci-après.