DES DISPOSITIONS DANS LE PROLONGEMENT DE LA LOGIQUE EUROPÉENNE QUI POURRAIENT INSPIRER DES ÉVOLUTIONS FUTURES

Plusieurs dispositions du projet de loi s'inscrivent dans le prolongement de textes européens que la France a transposés mais vont au-delà de ces textes et en prolongent la logique par des dispositions qui pourraient nourrir des évolutions futures du cadre européen.

UN GUICHET UNIQUE ÉLECTRONIQUE POUR L'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITÉS LIÉES À LA CRÉATION ET À LA VIE DES ENTREPRISES

L'article 1er du projet de loi prévoit la création d'un guichet unique électronique pour l'accomplissement des formalités liées à la création et à la vie des entreprises qui se substituera aux différents réseaux de centres de formalités des entreprises à compter du 1er janvier 2021.

Cette démarche s'inscrit dans la logique de la directive « Services» de 2006 69 ( * ) , qui impose aux États membre, afin de faciliter l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires et la libre circulation des services, de veiller à ce que les prestataires de services 70 ( * ) puissent accomplir, par l'intermédiaire de guichets uniques, l'ensemble des procédures et formalités requises pour l'accès à ses activités de services et les demandes d'autorisation nécessaires à l'exercice de celles-ci. La France a transposé cette directive en mettant en place le guichet unique en ligne guichet-entreprises.fr, qui fait partie du réseau européen EUGO.

Le projet de loi constitue une nouvelle étape de simplification, pour l'ensemble des entreprises françaises ou européennes exerçant une activité en France, qui, tout en s'inscrivant dans la logique de la directive, va au-delà des exigences de son article 6 en fusionnant les guichets existants. Cette démarche est de nature à simplifier l'établissement en France de prestataires qui souhaitent y offrir leurs biens et services.

Sur le plan européen, une proposition de directive visant à faciliter l'utilisation d'outils numériques pour l'enregistrement des sociétés et la gestion de leurs informations en ligne a été présentée par la Commission européenne le 25 avril 2018 71 ( * ) . Le Conseil ayant arrêté sa position le 5 décembre, les négociations interinstitutionnelles avec le Parlement européen, qui a adopté sa position le 20 novembre, devraient prochainement commencer.

LE REGISTRE GÉNÉRAL DÉMATÉRIALISÉ DES ENTREPRISES

L'article 2 prévoit la création, par voie d'ordonnance, d'un registre général dématérialisé des entreprises qui centralisera et diffusera les informations concernant les entreprises et qui se substituera aux nombreux registres existants (SIRENE, RCS, répertoire des métiers ...).

Ce registre permettra notamment de répondre aux exigences de la directive 2017/1132/UE relative à certains aspects du droit des sociétés qui impose la mise en place d'un registre central dans chaque État membre et l'attribution à chaque entreprise d'un identifiant unique permettant de faire fonctionner le système d'interconnexion des registres centraux du commerce et des sociétés prévu à l'article 22. Son caractère centralisé et entièrement dématérialisé pourrait être la prochaine étape du dispositif européen.

LA « RAISON D'ÊTRE » DES ENTREPRISES DANS LE PROLONGEMENT DE LEUR RÔLE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

L'article 61 du projet de loi entend aller au-delà des directives 2017/828/UE du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l'engament à long terme des actionnaires et 2014/95/UE du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations relatives à la diversité de certaines grandes entreprises et de certains groupes. Ces directives dénonçaient déjà le court-termisme des gestionnaires d'actifs et des investisseurs institutionnels et considéraient que « la communication d'informations non financière est essentielle pour mener à bien la transition vers une économie mondiale durable, en associant la rentabilité à long terme à la justice sociale et à la protection de l'environnement » 72 ( * ) .

Le Parlement européen est allé dans le même sens dans deux résolutions sur la responsabilité sociale des entreprises adoptées le 6 février 2013, concernant, respectivement, la nécessité d'un comportement responsable et transparent des entreprises pour une croissance durable et la promotions des intérêts de la société tout en ouvrant la voie à une reprise durable et inclusive.

L'ordonnance 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprises a procédé à la transposition de la directive de 2017. Le projet de loi entend aller un peu plus loin en introduisant dans la loi des concepts clé : l'intérêt social, qu'il définit à l'article 1833 du code civil en reprenant la jurisprudence, la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de l'activité de la société dans sa gestion , -obligation de moyens dont les modalités ne sont pas précisément définies-, enfin la « raison d'être de l'entreprise », distincte de l'intérêt social, qui est composante facultative définissant les ambitions que l'entreprise se propose de poursuivre.

L'Assemblée nationale a en outre introduit des dispositions favorisant la promotion de référentiels sectoriels et territoriaux pour attester la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux par les PME (art. 61 quater ), créant un label pour les entreprises qui mettent en place une politique d'accessibilité et d'inclusion des personnes handicapées (art. 61 ter ), promouvant la mise en place de critères de performance extra-financiers dans la détermination de la part variable de la rémunération dans les sociétés cotées (art. 61 sexies ) et créant la société à mission dotée d'une « raison d'être » dont les statuts lui assignent la poursuite d'objectifs sociaux et environnementaux conformes à sa raison d'être (article 61 septies ).

Ces dispositions sont sans impact sur la conformité du droit français au droit européen mais pourraient utilement appuyer la position française dans le cadre des négociations européennes.


* 69 Directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

* 70 Les services dont s'agit sont définis par la directives Services 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Il s'agit principalement des services financiers, services et réseaux de communications électroniques, transports, soins de santé, services audiovisuels, activités de jeux d'argent, services sociaux , et services de sécurité privée.

* 71 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil COM(2018) 239 final modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne l'utilisation d'outils et de processus numériques en droit des sociétés.

* 72 Considérant n°3 de la directive 2014/95/UE.

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