C. SOBRIÉTÉ ET VÉGÉTALISATION SONT DES SOLUTIONS DURABLES, MAIS AUSSI CULTURELLEMENT ACCEPTABLES
Si la sobriété et la végétalisation de notre alimentation sont souhaitables pour des raisons sanitaires et écologiques, constituent-elles pour autant un programme appétissant ? Ne risquent-elles pas de heurter nos goûts et nos habitudes ? La réponse à ces questions n'est pas anecdotique, car un régime alimentaire a peu de chances de s'imposer s'il n'est pas également culturellement acceptable, autrement dit s'il ne permet pas de concilier les diverses dimensions du bienmanger : santé et environnement, mais aussi plaisir et cultures culinaires.
Pour répondre à cette question de l'acceptabilité culturelle de régimes sobres et végétalisés, plusieurs études scientifiques ont été réalisées au cours des dernières années. Les résultats obtenus sont remarquables et plutôt rassurants :
- une de ces études 100 ( * ) a analysé les consommations alimentaires des Français à partir de l'enquête Inca 2 101 ( * ) en cherchant à mesurer leur adéquation aux recommandations alimentaires officielles et en calculant leur empreinte carbone. Cette étude met en évidence qu'il existe dans la population un ensemble de mangeurs minoritaires mais exemplaires, qualifiés de « déviants positifs », qui représentent environ 20 % de la population totale : leur régime présente à la fois une plus haute valeur nutritionnelle et un plus faible impact carbone que les autres sous-populations. Il émet près de 20 % de GES de moins que celui de la moyenne de la population. Cela tient à la fois au fait qu'il se caractérise par une plus grande sobriété (ces mangeurs absorbent 200 kilocalories par jour de moins que la moyenne des mangeurs), par une moindre consommation de viande, de desserts et de snacks sucrés et salés et par une consommation plus importante de fruits et légumes, ainsi que de féculents. Ce régime alimentaire à la fois plus sobre et moins carné, plus sain et moins polluant, n'a rien d'ascétique ni de « bizarre », comme l'illustre le schéma suivant.
- une autre étude 102 ( * ) a procédé par modélisation des diètes alimentaires. Elle a cherché à identifier celles qui permettent à la fois de minimiser les émissions de GES et de minimiser l'écart par rapport à la diète moyenne actuelle, tout en respectant les apports nutritionnels. Il apparaît que les émissions de GES pourraient être réduites de 30 % sans qu'il soit nécessaire de modifier notre régime alimentaire au-delà de ce que prévoient déjà les recommandations des autorités publiques 103 ( * ) . En pratique, on peut en effet concilier santé, environnement et habitudes alimentaires en consommant un peu plus de fruits et de légumes 104 ( * ) et un peu moins de viande, de poisson et d'oeufs 105 ( * ) . C'est uniquement pour atteindre des baisses d'émissions plus importantes qu'il faudrait opérer des changements drastiques par rapport à notre régime alimentaire actuel.
Ces différents travaux apportent des éléments essentiels à la réflexion, puisqu'ils démontrent qu'on peut significativement améliorer l'impact sanitaire et écologique de l'alimentation sans bouleverser les habitudes alimentaires : inutile d'éliminer des catégories entières d'aliments ni d'introduire des aliments radicalement nouveaux dont l'acceptabilité culturelle est vraisemblablement faible (du type insectes ou viande de culture). La transition alimentaire du XXI e siècle n'implique pas une rupture avec notre culture et notre histoire culinaire et gastronomique, mais plutôt une inflexion de nos pratiques et de nos goûts.
* 100 Masset G, Vieux F, Verger E, Soler L, Touazi D, Darmon N, Reducing energy intake and energy density for a sustainable diet: a study based on self-selected diets in French adults; Am J Clin Nutr. 2014 Jun; 99(6).
* 101 Voir annexe 1 pour une présentation sommaire des études Inca.
* 102 Perignon Marlene, Masset Gabriel, Ferrari Gaël, Barré Tangui, Vieux Florent, Maillot Matthieu, Amio, Marie Josèphe, Darmon Nicole, « How low can dietary greenhouse gas emissions be reduced without impairing nutritional adequacy, affordability and acceptability of the diet? A modelling study to guide sustainable food choices », Public Health Nutrition -1-14 April 2016
* 103 Les diètes sont caractérisées à partir de sept grandes familles d'aliments.
* 104 En passant de 350 g par jour à 500 g par jour.
* 105 En passant de 140 g par jour à 90 g par jour.