B. DES DÉPENSES IMPRÉVUES À ENVELOPPE CONSTANTE
Le gouvernement a choisi de ne pas procéder à une actualisation de la LPM par la loi, malgré les ajustements nécessaires.
ü En premier lieu, malgré les termes de la LPM, et nos demandes réitérées, le gouvernement continue à financer une partie du surcoût des opérations extérieures (OPEX) et missions intérieures (MISSINT) par des annulations sur la mission défense et en particulier sur le programme 146.
Il est pour le moins paradoxal de financer ainsi l'engagement croissant de nos forces armées par des économies sur leur équipement.
En 2019 et 2020, les surcoûts OPEX-MISSINT couverts par des redéploiements internes à la mission défense se sont élevés respectivement à 406 M€ puis à 215 M€. En 2021, ces surcoûts seraient de l'ordre d'environ 180 M€, ce qui porterait le préjudice, pour la mission défense, à environ 800 M€ sur les trois premières années de la LPM.
Le surcoût OPEX-MISSINT 2021 intègrera les dépenses résultant de la prolongation des renforts pour l'opération Barkhane jusqu'à l'été, celles induites par la ré-articulation du dispositif, la montée en puissance de Takuba et l'engagement du groupe aéronaval pendant 50 jours (Chammal). Ce surcoût 2021 est évalué à 1,56 Md€, supérieur à celui de l'an dernier (1,44 Md€). Pour mémoire, une provision d'1,2 Md€ est inscrite en loi de finances initiale à ce titre, à laquelle il faut ajouter des remboursements d'organismes internationaux dont l'ONU. Le surcoût non provisionné pour 2021 est, par conséquent, estimé à environ 330 M€, dont 180 M€ seraient pris en charge par la mission défense, en dépit de l'article 4 de la LPM qui dispose que le financement de ces surcoûts doit être interministériel. L'an dernier, ce sont ainsi 124 M€ qui ont été annulés sur le P 146.
ü En second lieu, depuis 2019, des ajustements d'un montant de 3,1 Md€ sont constatés.
§ 2,1 Md€ ont été redéployés respectivement au profit de l'espace et du numérique (1,1 Md€), des études sur le PANG (0,8 Md€) et du plan Famille (0,2 Md€) ;
§ 1 Md€ a été redéployé pour répondre aux besoins identifiés par l'actualisation de la Revue stratégique, pour « mieux détecter et contrer » et « mieux se protéger » (0,5 Md€), pour mettre en oeuvre le plan de soutien aéronautique (0,3) et pérenniser le char Leclerc (0,2 Md€).
ü D'autres surcoûts : l'export Rafale
L'export d'appareils Rafale d'occasion, prélevés sur la dotation de l'armée de l'air et de l'espace, représente un autre ajustement budgétaire important. Les appareils neufs pourront être partiellement financés grâce à un retour sur le produit de la cession des appareils d'occasion. Le gouvernement n'a pas communiqué le montant du reste à charge. Une opération similaire est en cours de contractualisation avec la Croatie, non encore compensée par une commande d'avions neufs.
ü Des ajustements résultant de la crise sanitaire
Enfin, la crise sanitaire s'est traduite par des dépenses supplémentaires d'un montant de 1,065 Md€. Il s'agit, à hauteur de 755 M€, de mesures de rebond et de relance en faveur du P 146, dont
§ 600 M€ au titre des mesures de rebond concernant principalement les programmes Rafale (150 M€), Scorpion (125 M€), A400M (58 M€), M51 et environnement missile balistique stratégique (45 M€), rénovation à mi-vie de frégates légères furtives (33 M€) et autres programmes (189 M€) ;
§ 155 M€ de crédits de paiement, au titre de la relance, pour le plan de soutien aéronautique (MRTT).
Ces mesures sont financées par un montant équivalent de moindres dépenses du fait de décalages liés à la pandémie de covid-19.
D'après la Cour des comptes : « Le risque existe toutefois que ces commandes anticipées au regard de la LPM entraînent un effet d'éviction sur des programmes d'armement concernant d'autres secteurs et des déséquilibres entre filières industrielles de l'armement, comme entre les dotations des armées en équipement ».
ü Un financement peu transparent
Le gouvernement a beaucoup communiqué sur l'accélération de certains programmes (renseignement, cyber, spatial, protection NRBC, santé, lutte anti-drone...), sans expliquer comment ces mesures seraient financées dans le cadre de la LPM, c'est-à-dire à enveloppe constante, grâce à des économies nécessairement réalisées sur d'autres postes budgétaires.
La commission a eu le plus grand mal à obtenir, de la part du gouvernement, des données précises sur le financement de ces ajustements, qui n'est pas totalement élucidé. Il apparaît néanmoins que les ajustements ont notamment été permis :
§ par le redéploiement de crédits sous-consommés de masse salariale du ministère ;
§ par des décalages de programmes qui ne remettraient pas en cause l'Ambition 2030.
Les programmes dont le jalon 2025 est affecté par les travaux d'ajustement réalisés en 2021
Programme |
Objet |
SCORPION |
Actualisation de la cible LPM à 45 % au lieu de 50 % de la cible totale à fin 2025 |
SLAM-F |
Décalage d'un an des livraisons de l'étape 2. |
CHOF |
Décalage d'un an de la phase de réalisation (qui sera lancée en 2025) |
FTLT |
Décalage de deux ans, commande en 2024, premières livraisons en 2027 |
SDT |
Décalage de l'étape 2 de 2024 à 2025 |
PATMAR |
Décalage d'un an de la commande précédemment prévue en 2025 |
MMP |
Étalement des livraisons prévues en 2024-2025 sur 2024-2026 |
CAESAR |
Décalage d'un an de la commande et de la livraison des 32 derniers CAESAR et de la rénovation de 77 CAESAR |
ALSR |
Dépassement du jalon (3 ALSR en 2025 au lieu de 2) |
Source : Ministère des armées
Autres mesures sans impact sur le jalon 2025
Programme |
Objet |
ALSR |
Réduction de la cible patrimoniale à 6 au lieu de 8 |
SAMPT-NG |
Décalage de deux ans de la livraison des 10 premières munitions |
RMV FDA |
Décalage d'un an de 2024 à 2025 |
MIDE RMV |
Décalage d'un an de la phase de levée de risque et des suivantes, de 2022 à 2023 |
Évolution frégates |
Décalage de deux ans |
Rafale |
Aménagement du calendrier des retrofits F4 |
Syracuse IV |
Adaptation livraisons segments sol en cohérence avec décalages Scorpion |
HM-NG |
Prise en compte du plan de soutien aéronautique |
Source : Ministère des armées
ü Des décalages sur les autres opérations d'armement (AOA)
Les autres opérations d'armement (AOA) sont moins visibles car de montants plus faibles que les programmes à effets majeurs (PEM) mais leur rôle est essentiel. Ces opérations participent en effet à la dimension « à hauteur d'homme » qui est au coeur de la LPM.
Tout comme les PEM, les AOA sont nécessaires à la cohérence d'ensemble. Or elles ont été ajustées à la baisse : cette baisse, par rapport aux prévisions initiales, est de 5 % par an entre 2022 et 2025, ce qui représente une diminution de 335 M€ sur quatre ans.