Programme

Ouverture du colloque par Gérard Larcher,
président du Sénat

Madame la Présidente de la délégation aux droits des femmes,

Mes chers collègues sénatrices et sénateurs,

Mesdames et Messieurs les rapporteurs,

Chers élus, nombreux en visioconférence, je le sais,

Je vous souhaite la bienvenue dans la salle Médicis du Sénat, y compris par l'image. La présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Christiane Lambert, doit également nous rejoindre.

Je suis ravi d'être parmi vous ce matin pour ouvrir ce colloque sur les femmes et la ruralité. Je suis également heureux d'avoir échangé avec des élues des Ardennes ce matin. Nous poursuivrons nos discussions tout à l'heure. Il me tient à coeur, chers collègues, de vous accueillir dans notre assemblée dont la vocation est d'être la caisse de résonance des préoccupations de terrain et, en l'occurrence, de vos préoccupations de terrain.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer hier, à l'initiative de la présidente de la délégation, devant onze femmes ministres du Gouvernement. En ce lendemain du 8 mars, j'ai eu à coeur de rendre hommage aux femmes élues qui, par leur engagement, contribuent de façon exemplaire à l'accomplissement de l'égalité et à un regard qui me semble important.

Il se trouve qu'à la mairie de Rambouillet, c'est une femme a pris ma suite. J'ai moi-même succédé à un monument de l'histoire politique, Jacqueline Thome-Patenôtre, une des premières femmes élues conseiller de la République, secrétaire d'État, juste après la guerre.

Je tenais également à remercier les huit rapporteurs de la délégation qui ont porté la réflexion sur les femmes et la ruralité : Bruno Belin, Nadège Havet, Raymonde Poncet Monge, Jean-Michel Arnaud, Guylène Pantel, Pierre Médevielle, Marie-Claude Varaillas et Marie-Pierre Monier.

Ce rapport a, me semble-t-il, obtenu une vraie réussite, celle de l'inscription à l'agenda politique d'un impensé des politiques publiques pour les femmes en milieu rural. La politique d'égalité entre les femmes et les hommes est bien souvent traitée comme un sujet macro ou comme un sujet national. La politique en faveur de la ruralité est rarement conçue sous l'angle de la parité. Toute la force du rapport de la délégation me paraît résider dans la conjugaison de ces deux prismes que sont la parité et la ruralité.

Grâce à ce rapport, de nombreux responsables politiques, au premier rang desquels le ministre de la cohésion des territoires, me paraissent avoir eu la conviction qu'il fallait articuler les politiques publiques en faveur de l'égalité femmes-hommes et celles en faveur des territoires ruraux, afin de les inscrire dans un processus d'égalité territoriale. Les questions d'égalité doivent toujours être partie prenante des politiques d'aménagement du territoire, dès leur définition et lors de leur mise en oeuvre. L'aménagement du territoire ne peut se penser sans la dimension égalité femmes-hommes. Inversement, les politiques d'égalité doivent systématiquement intégrer, me semble-t-il, une réflexion territoriale.

La ruralité est le creuset d'inégalités plus marquées pour les femmes. Ce constat ressort de ce rapport, mais aussi de témoignages. Nous observons un déficit de mobilité individuelle comme collective, des services publics éloignés, ainsi qu'un manque de solutions de garde d'enfant à proximité. Il a également été relevé des choix d'orientation scolaire plus restreints, notamment pour les jeunes filles, un manque de mixité dans certaines branches professionnelles, un accès aux soins et à la santé plus difficile.

Dans une vie antérieure, j'étais président de la Fédération hospitalière. Permettez-moi, à ce titre, d'évoquer la question des départements fort dépourvus dans le domaine de la gynécologie médicale. De plus, pour des raisons scientifiques ou techniques, le nombre de maternités a été divisé par trois en quarante ans. Des femmes ont plus difficilement accès aux centres de santé et aux médecins spécialistes éloignés. Ce sujet doit nous toucher particulièrement. Treize départements sont totalement dépourvus de gynécologues médicaux. S'agissant de l'autre bout de la vie, vingt-six départements ne comptent toujours pas de services de soins palliatifs. Cette réalité doit être exprimée. Souvent, les femmes sont aussi des aidantes. Ce sujet sera débattu dans les jours qui viennent dans le cadre des discussions sur l'assurance vieillesse des aidants familiaux. Il pourra nous diviser. Je l'ai moi-même évoqué, en aparté, lorsque j'étais interrogé sur une radio nationale. Je me suis rendu compte que personne ne prenait la mesure de cette réalité. Le rapport l'a touchée du doigt.

Madame la Présidente de la FNSEA, les femmes du secteur d'activité que vous représentez se trouvent dans une situation particulière.

J'ai pu mesurer que ces difficultés d'accès aux soins conduisaient parfois au renoncement à un suivi, pourtant primordial en matière de prévention, et à un faible taux de dépistage de cancer. Ce constat doit réellement nous interpeller. Il nous oblige à renforcer les moyens, à accompagner les efforts, à être vigilants. En termes de législation, nous devons peut-être également nous interroger, dès que nous légiférons. C'est tout l'intérêt des délégations, d'ailleurs, d'ouvrir la voie, de nous tenir éveillés.

Je crois que les rapporteurs ont fait oeuvre utile, pas simplement lors du rendu de leur rapport, mais aussi en soulignant la préoccupation nécessaire que nous devons adopter au moment où nous légiférons, où nous contrôlons, où nous évaluons.

La ruralité est aussi un lieu de créativité, d'engagement, et de l'engagement hors norme de milliers de femmes. Je l'ai mesuré dans mon département natal, où je suis retourné il y a quelques jours. Combien de femmes sont des marqueurs dans mon département de l'Orne, qui n'est pas parmi les plus favorisés ? Elles jouent un rôle absolument exceptionnel.

Malgré les difficultés liées à l'enclavement et à l'isolement, il me semble que les femmes en milieu rural font souvent preuve d'un dynamisme et d'un esprit d'initiative, avec une dimension qui, parfois, peu nous manquer : la solidarité. Quelque part, je pense qu'elles sont des ciments de solidarité.

J'espère que cette matinée vous permettra de vous faire l'écho de bonnes pratiques innovantes et de solutions originales.

Je salue celles et ceux qui sont connectés en visioconférence. Je veux qu'ils aient le sentiment d'être associés à notre matinée au Sénat. Celle-ci n'est d'ailleurs pas qu'une matinée d'étape, elle doit être une référence, démontrant que notre assemblée représente, conformément à la Constitution, les territoires, qui sont aussi façonnés par des hommes et des femmes, par des citoyens. Au travers de la représentation territoriale, notamment, ceux-ci sont des acteurs de progrès.

Je remercie encore une fois les rapporteurs, représentants d'une variété très diverse de territoires, venant des quatre coins de l'horizon, de nous avoir livré ce rapport. Je vous souhaite une très bonne matinée.