VI. AMÉLIORER L'ACCÈS À LA FORMATION TOUT AU LONG DU MANDAT

A. LA RÉFORME DE LA FORMATION DES ÉLUS LOCAUX DE 2021 N'A PAS ENCORE PRODUIT TOUS SES EFFETS

Les propositions de votre délégation en 2018 sur le volet formation ont largement trouvé leur écho dans les années qui ont suivies et notamment dans le cadre de la réforme de la formation des élus de 202121(*).

Les recommandations n°1 et n°6 ont été réalisées22(*). En effet, un guide complet achevé en 2022 explicite l'ensemble du dispositif de formation des élus et a été diffusé aux associations d'élus. L'article 107 de la loi « engagement et proximité » a supprimé la référence aux communes de 3 500 habitants et plus concernant l'obligation d'organisation d'une formation durant la première année de mandat à destination des élus ayant reçu une délégation. Enfin, l'ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 a ouvert la possibilité pour les communes de confier la gestion de la formation à leur EPCI-FP.

La formation tout au long du mandat des élus locaux peut tout de même faire l'objet d'axes d'amélioration.

La réforme de la formation des élus en 2021

L'ordonnance du 20 janvier 2021, portant réforme de la formation des élus locaux, est prise en application de l'article 105 de la loi « engagement et proximité ».

Elle prévoit notamment la création d'un espace dédié aux élus dans la plateforme numérique, le compte « DIF », pour leur permettre d'accéder à une offre de formation de qualité et adaptée à leurs besoins. Les élus bénéficient, avec cette réforme, de droits libellés en euros et non plus en heures. Par ailleurs, et afin de conforter le financement de la formation par la collectivité, les communes et leurs EPCI à fiscalité propre peuvent désormais mutualiser l'organisation et le financement de la formation de leurs élus, en tout ou en partie. Les compétences du Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) sont renforcées et l'agrément que les organismes de formations doivent obtenir pour former des élus à l'exercice de leur mandat peut être suspendu ou retiré en cas de manquement à leurs obligations.

L'ordonnance a été ratifiée par une loi du 17 juin 2021, qui l'a complétée afin de notamment prévoir la possibilité de cumul du DIFE sur toute la durée du mandat des élus dans la limite d'un plafond.

B. ENCOURAGER LES ÉLUS LOCAUX À SE FORMER ET FLUIDIFIER LE SYSTÈME DE GESTION

Le rapport de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des affaires sociales de janvier 2020 sur « la formation des élus locaux » estime à 3 % le nombre d'élus locaux se formant chaque année.

La réforme de la formation des élus est encore récente et il est encore trop tôt pour tirer des enseignements réellement conclusifs. Il convient de souligner que des ajustements sont en cours, comme le récent rehaussement du plafond de cumul qui vient de passer de 700 à 800 €23(*).

Dans l'intervalle, vos rapporteurs formulent plusieurs recommandations.

Recommandation n° 7 : inciter les élus locaux à faire usage de leurs droits à la formation et fluidifier le système de gestion.

Premièrement, la mission incite les élus à se former. Il est aussi recommandé que les collectivités de rattachement de l'élu s'impliquent plus avant dans la formation de ce dernier, en abondant son compte DIFE. Il s'agit d'une bonne pratique à développer.

Deuxièmement, il convient, sur le modèle du Congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale (CFESES), d'ouvrir aussi à tout salarié des formations à l'exercice d'un mandat local. Le CFESES, détaillé à l'article L. 2145-1 du code du travail, permet à un salarié appelé à exercer des fonctions syndicales de se former (voir ci-dessous). En pratique, il est ouvert à tout salarié intéressé. Un dispositif équivalent pourrait être mis en place pour un salarié appelé à exercer des fonctions d'élu local. Cette mesure vise à donner de la visibilité à la fonction d'élu avant de s'engager.

Le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale (CFESES)

L'article L. 2145-1 du code du travail dispose que « les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale prévu à l'article L. 2145-5. La durée totale des congés pris à ce titre dans l'année par un salarié ne peut excéder dix-huit jours ».

Ce congé permet d'acquérir des connaissances économiques, sociales, environnementales ou syndicales dans le but d'exercer des responsabilités électives, notamment syndicales. Il est ouvert à l'ensemble des salariés et aucune condition d'ancienneté n'est nécessaire pour en bénéficier. Le salarié doit à ce titre adresser une demande écrite d'autorisation d'absence à son employeur par lettre recommandée avec avis de réception, au moins 30 jours avant le début de la formation. Pendant ce congé, le salarié bénéficie du maintien total de sa rémunération par l'employeur.

Troisièmement, il convient d'étendre les possibilités de report des crédits formation non consommés au budget formation de l'exercice suivant en cas de création d'une commune nouvelle.

Quatrièmement, les nombreux témoignages recueillis plaident pour une simplification de l'accès et le fonctionnement de la plateforme numérique du DIFE. Il pourrait être mis en place un groupe d'élus volontaires « usagers testeurs » pour formuler des améliorations. S'il convient de sécuriser le DIFE, « le recours à une procédure dématérialisée (« Mon Compte élu ») avait déjà, dès janvier 2022, rebuté plus d'un élu » comme le signale l'AMF dans sa contribution écrite. « Ceux qui ont fait l'effort de s'adapter à ce dispositif ont rencontré depuis octobre 2022 de nouvelles difficultés liées à l'obligation de créer une identité numérique La Poste avant de procéder à l'achat d'une formation en ligne. Nombre d'entre eux ont abandonné, avec le sentiment que tout était fait pour les dissuader d'utiliser le DIFE et de se former ». D'ailleurs, selon les chiffres fournis à la mission par la Caisse des Dépôts et Consignations, qui gère le dispositif DIF, le nombre de dossier a baissé depuis 2021 :

2017

623

2018

4 565

2019

14 557

2020

19 328

2021

46 39024(*)

2022

20 980

2023 (mi-novembre)

11 338

Le service « Mon compte élu » via l'utilisation de FranceConnect+

L'ordonnance du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux a instauré la création d'un service dématérialisé, gratuit, et dédié aux élus, « Mon compte élu » (dit compte « DIF »). Géré par la Caisse des Dépôts pour le compte du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, il est intégré au sein de la plateforme Mon Compte Formation.

Le gouvernement, en octobre 2022, a basculé l'achat par les élus d'une formation liée à leur mandat par « Franceconnect + », pour des motifs tenant aux fraudes dont fait l'objet la plateforme « Mon compte formation », indissociable de celle de « Mon compte élu ». Cette décision implique que les élus acquièrent donc au préalable une nouvelle identité numérique, en l'occurrence celle proposée par La Poste. Ces modalités de fonctionnement du compte ont été décriées comme complexes par de nombreux élus, qui ont dénoncé une nouvelle contrainte pouvant conduire « à un recul de la demande de formations et s'ajoute à l'obligation de passer par une plateforme en ligne pour accéder à une formation, qui a déjà exclu beaucoup d'élus du bénéfice des formations » selon l'AMF.

Les élus ont donc bénéficié d'un accompagnement pour créer leur identité numérique mis en place par la Caisse des dépôts et des consignations et par La Poste. Une large campagne de communication a été réalisée, comprenant des informations pratiques et des tutoriels. Elle est disponible sur https://lidentitenumerique.laposte.fr/.

Si, en dépit de ces outils, des usagers rencontrent des difficultés pour générer leur identité numérique, ils peuvent se rendre dans les bureaux de poste : les chargés de clientèle ont reçu une formation spécifique à cet effet. Une autre option consiste à prendre rendez-vous avec un facteur qui se déplace à domicile pour accompagner l'utilisateur dans l'installation de son identité numérique. Les réseaux des France Services et des conseillers numériques France Services ont également été mobilisés pour accompagner les usagers dans la création d'une identité numérique. Enfin, une assistance téléphonique dédiée aux élus locaux a été mise en place : un numéro spécifique (09 70 81 00 50) leur permet de contacter un interlocuteur pour répondre à leurs questions liées au nouveau parcours de connexion à MCE.

Cinquièmement, vos rapporteurs demandent le relèvement du niveau de compensation financière dont bénéficient les élus qui perdent du revenu en se formant. Actuellement fixé à 1,5 SMIC, le plafond pourrait être relevé à 2 SMIC.

Les échanges tenus lors de la table ronde du 7 décembre 2023, organisée par la Délégation, ont souligné qu'il était nécessaire que l'offre de formation s'adapte pour proposer des parcours aux nouveaux élus : compréhension du rôle de maire, fondamentaux sur l'organisation des collectivités locales et l'univers de la fonction publique territoriale, appréhension de la dimension intercommunale, développement de la capacité à coopérer et animer des collectifs, etc.

De plus, le CNFPT signale une piste pour inciter les élus à se former et à le faire sur les aspects essentiels de son mandat. Il s'agit de favoriser les conditions d'un dialogue de confiance entre les fonctionnaires locaux et leurs élus de nature à partager les sujets de compétences à acquérir qui permettent à un élu de remplir efficacement sa mission. « C'est pourquoi le CNFPT encourage désormais, tant à l'INET que sur le territoire, à des prises de parole des élus dans l'offre des services à destination des fonctionnaires territoriaux, et dans les évènementiels dédiés (information, formation, partage d'expériences). À titre d'exemple, ce dialogue renforcé élu/ fonctionnaire est aujourd'hui engagé sur deux sujets de préoccupation majeure : l'attractivité des emplois et la transition écologique dans les territoires ».

Enfin, vos rapporteurs se sont aussi interrogés sur le rôle du CNFPT en matière de formation des élus sans pour autant envisager une évolution sur ce point.

Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CFPT)

Le CNFPT, en tant qu'établissement public, est tenu par le principe de spécialité. La formation des élus ne figure pas parmi les missions statutaires du CNFPT. Si le juge admet qu'un établissement public puisse gérer des activités étrangères à celle qui fait l'objet principal de sa spécialité, à condition que ces activités constituent le complément normal de sa mission principale, et si elles sont à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement. C'est pourquoi, il est possible d'admettre des élus locaux dans un groupe de formation, dès lors que ce public reste minoritaire, que la formation n'est pas été organisée spécialement pour eux, et que la présence de ces élus n'entraîne pas de coûts supplémentaires.

Cependant, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2021-45 du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux, la DGCL considère que seuls les organismes agréés peuvent délivrer des formations aux élus locaux, et que l'absence d'agrément interdit la prise en charge financière par la collectivité de la formation concernée.

Donner une compétence de formation des élus au CNFPT se heurte à une double difficulté : une position négative de sa gouvernance et une réelle réticence des élus des collectivités de restreindre leur liberté de choix des organismes de formation.

Source : contribution écrite du CNFPT


* 21 Initiée par la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019, la réforme de la formation des élus locaux procède de deux ordonnances et d'une loi. L'ordonnance du 20 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux et l'ordonnance du 27 janvier 2021 adaptant le dispositif à la Nouvelle-Calédonie ont été ratifiées par la loi n° 2021-771 du 17 juin 2021, parue au Journal officiel le lendemain. Cette loi ratifie les ordonnances et ajoute au texte initial, en revenant même sur certains points, à l'initiative des sénateurs. Le texte de loi a été adopté par l'Assemblée nationale dans la version modifiée par le Sénat.

* 22 Recommandation n° 1 : Encourager l'administration et les associations d'élus à se coordonner pour améliorer l'information des élus locaux sur le droit à la formation, par exemple par la rédaction d'un vade-mecum.

Recommandation n° 6 : Sécuriser juridiquement le recours aux plans de formation mutualisés à l'échelle intercommunale, en précisant dans la loi les modalités et les modes de calcul de cette mutualisation des budgets formation dans le cadre d'un EPCI.

* 23 Le plafond des droits susceptibles d'être détenus par un élu sur son compte a été relevé de 700 € à 800 € par arrêté du 27 mars 2023.

* 24 L'année 2021 est marquée par le renouvellement des mandats, le passage de la comptabilisation du DIFE des heures en euros et la transition entre l'ancien et le nouveau dispositif de gestion du DIFE par la CDC. Depuis le 7 janvier année 2022, le service d'inscription en formation est dématérialisé via Mon Compte Élu adossé à la plateforme Mon Compte Formation.

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