EXAMEN EN DÉLÉGATION
Lors de leur réunion conjointe du 14 décembre 2023, la délégation aux collectivités territoriales a autorisé la publication du présent rapport.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Sans transitionN, nous allons aborder le second rapport sur la question intéressant la facilitation de l'exercice du mandat local. Nous vous prions d'excuser l'absence de Nadine Bellurot, qui a travaillé avec nous sur cette thématique, mais est indisponible aujourd'hui.
Madame la Présidente, vous le dites souvent, il n'est point d'avenir pour nos territoires si les élus n'en ont plus. Je voudrais commencer notre présentation en évoquant les témoignages des élus entendus la semaine dernière en séance plénière. Ces témoignages étaient édifiants. Des maires, des élus de toutes tendances politiques, de plusieurs territoires et de divers profils socio-professionnels ont témoigné à coeur ouvert. Ils ont dit avec force les difficultés de leur quotidien et ont mis en évidence que leur engagement rimait avec beaucoup de sacrifices, de doutes, d'interrogations sur leur vie professionnelle, personnelle et familiale. Nous voudrions leur rendre hommage aux élus de France : sans eux, il n'y a pas de démocratie locale.
Je vous propose de vous présenter les six thèmes sur lesquels nous avons travaillé pour améliorer et sécuriser l'exercice des mandats locaux.
Premier thème, première recommandation La première recommandation est la suivante : il convient de donner aux élus le temps d'exercer leur mandat. L'engagement demandé aux élus en termes de temps consacré à leurs misions n'a jamais été aussi exigeant que ces dernières années : multiplication des dossiers, attentes des citoyens notamment sur les réseaux sociaux qui fonctionnent en continu, complexité intercommunale, inflation des dispositifs, accroissement des appels à projets.
La loi dite « engagement et proximité » de 2019 a augmenté le crédit d'heures à la disposition des élus locaux et étendu aux conseillers des communautés de communes les autorisations d'absence dont bénéficient les conseillers municipaux pour exercer leur mandat. Malgré ce rehaussement nécessaire du volume d'absences légales, il est souvent délicat pour des salariés élus locaux de recourir à ces dispositifs : le salarié subit généralement une perte de salaire pour ses absences, puisque l'employeur n'est pas tenu de les rémunérer ; l'absence du salarié peut poser des difficultés à l'employeur dans l'organisation du travail et le volume de travail qui pèse sur le salarié n'est généralement pas modulé. Bien qu'indispensables, les dispositifs d'absences légales semblent trouver leurs limites pratiques. La mission recommande donc de faciliter l'utilisation des autorisations d'absence pour les maires, à l'aide de trois mesures pratiques.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Il s'agit d'abord d'autoriser les maires à déroger au régime déclaratif préalable des autorisations d'absence en cas de situation de crise. Nous voyons de plus en plus les maires mobilisés en cas de catastrophe naturelle, par exemple lors des récentes inondations ayant touché le Nord de la France ou en Polynésie française. Mais cela pourrait aussi concerner des attentats, des accidents majeurs où toute autre situation de crise.
Il s'agit ensuite d'élargir le champ des autorisations d'absence aux cérémonies publiques et aux réunions décisionnelles organisées au niveau intercommunal. Sur ce second point, nous avons tous constaté l'inflation des réunions intercommunales sur des sujets aussi variés que le SCOT, le PLUI, le ZAN, la démographie médicale, la programmation de futurs équipements qui sont souvent des réunions on l'on se concerte en vue de converger vers une décision, et où il faut être présent pour être entendu.
Il s'agit enfin d'assimiler tous les temps d'absence légale de tous les élus locaux à du « temps de travail effectif » pour tous les avantages sociaux qui sont ouverts par la loi, les conventions ou toute décision propre à l'employeur. Sans rentrer trop dans les détails, deux sujets figurent derrière ce point. Le premier est d'ordre technique et informatique. Si la loi dit bien que les temps d'absence sont assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, des droits découlant de l'ancienneté et pour la détermination des prestations sociales, cela n'est pas le cas en pratique pour des raisons techniques. La Direction de la Sécurité Sociale (DSS) est en train de corriger cela et nous, rapporteurs, serons attentifs à la résolution de cette difficulté.
Le deuxième sujet concerne le périmètre. Les avantages sociaux accordés par l'employeur à un salarié peuvent être calculés selon le temps de présence/temps de travail effectif. Aussi des élus sont privés de treizième mois ou de tickets restaurant par exemple, à hauteur de leur absence. Il convient aussi de corriger ce point.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Le deuxième thème est le suivant : il faut sécuriser l'action des élus locaux en matière de prévention des conflits d'intérêts et d'engagement de leur responsabilité pénale personnelle. S'il est normal qu'un standard élevé d'exigences en matière de probité et d'intégrité encadre l'action des élus locaux, la mise en oeuvre pratique de certaines de ces dispositions est particulièrement complexe ou insécurisante.
Premièrement, en matière de conflit d'intérêts, nous recommandons d'allonger les délais de dépôt des déclarations d'intérêts auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV) de deux à cinq mois. Pour les élus locaux, l'essentiel des conflits d'intérêts potentiels découle des désignations dans divers organismes où ils représentent la collectivité. Par exemple, une région nomme jusqu'à une dizaine d'élus dans environ 1 500 organismes extérieurs, créant des milliers de conflits d'intérêts potentiels au moment de ces nominations. Allonger les délais permettrait aux exécutifs de mieux combiner intérêts préalables à l'élection, responsabilités exercées au sein de l'exécutif, impératifs de désignations extérieures, et prise de conseils auprès du référent déontologue. Cet allongement permettrait aussi de réduire les déclarations correctives liées à ces mouvements de début de mandat.
Nous recommandons aussi de faire pré remplir par l'administration la déclaration de patrimoine des élus locaux, sur le modèle de la déclaration de revenus pré-remplie par l'administration fiscale pour tous les contribuables.
Il nous est également apparu utile de donner une base légale obligatoire à la mention du déport sur les procès-verbaux des assemblées. Aujourd'hui, un élu qui se déporte est considéré comme « ne se prononce pas », ce qui fragilise la délibération en cas de recours contentieux.
Le rapport met aussi en évidence d'autres difficultés pratiques, que je ne fais que citer, car la commission des lois et le groupe de travail du Sénat sur les Institutions vont formuler sur ce sujet travaillent sur le sujet et formuleront, à n'en pas douter, des solutions adaptées tout en protégeant les élus locaux.
Pour éviter deux fois travail
La première difficulté porte sur le principe selon lequel le seul fait qu'un élu soit désigné, en application de la loi, pour représenter la collectivité ou le groupement de collectivités au sein de l'organe décisionnel d'une autre personne morale conduit à le considérer comme intéressé à l'affaire lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire relative à cette personne morale. Les exceptions à ce principe, plus nombreuses dans la pratique que le principe lui-même, conduisent souvent l'élu le plus qualifié pour parler de ladite personne morale à se déporter. Les débats n'en sont pas meilleurs. Nous avons même eu vent de la pratique qui consiste à désigner les élus d'opposition dans les organismes extérieurs, car cette règle contraint ces élus à se déporter lorsque le conseil débat du sujet. Ce n'est pas satisfaisant d'un point de vue démocratique.
La deuxième difficulté concerne le re-calcul de la base du quorum à chaque déport et la troisième a trait à la sortie de salle en cas de déport.
Ces règles visent à protéger les élus et il faut les réviser avec prudence pour bien en mesurer toutes les conséquences.
Deuxièmement, nous pensons qu'il faut s'interroger sur le recentrage de la responsabilité pénale personnelle du maire sur les situations d'infraction intentionnelle. Nous avons défriché trois sujets, qui, là encore, seront examinés par la commission des lois et le groupe de travail du Sénat sur les Institutions.
Tout d'abord, il convient de questionner les conditions d'application de la responsabilité pénale personnelle des élus en matière de délit d'octroi d'avantages injustifiés. Il est aujourd'hui question d'un « acte contraire » qui peut résulter d'une simple erreur. La notion de « manquement délibéré » semblerait mieux refléter une intentionnalité.
Ensuite, il convient d'être attentif à la mise en application de la modification du champ d'application du délit de prise illégale d'intérêts prévue par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Cette loi a substitué à la notion « d'intérêt quelconque » la notion plus précise « d'intérêt de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ». Cependant, la Cour de cassation, dans un arrêt du 5 avril 2023, a estimé que cette formulation n'était pas plus favorable que l'ancienne et ne s'appliquait dès lors pas aux situations antérieures à son entrée en vigueur, ou n'impliquait pas de changement des critères d'appréciation souveraine des juges.
Enfin, il convient de questionner le champ d'application de la responsabilité pénale personnelle des élus pour homicide ou blessure involontaire posé par la loi dite « Fauchon » du 10 juillet 2000. Cette loi a grandement amélioré la situation des élus par rapport à la situation antérieure et si elle doit être modifiée, il faut le faire avec la plus grande prudence. La mise en cause de la responsabilité pénale personnelle des élus ne souffre pas de débat lorsqu'ils ont « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Il est peut-être possible d'examiner les situations lorsqu'un élu a commis une « faute caractérisée » pour laquelle il n'existe pas de définition précise et qui ne relève pas de l'intentionnalité.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - S'agissant du troisième thème, nous recommandons de valoriser l'engagement des élus locaux. Les élus ont besoin d'être reconnus et des éléments de reconnaissance non financiers peuvent être symboliquement très forts. Nous recommandons ainsi de lancer, avant les municipales de 2026, une campagne nationale de communication de grande ampleur, pour présenter les missions des élus locaux et leur travail au service de l'intérêt général, qui clarifierait la réalité du mandat et serait de nature à susciter des vocations.
Nous recommandons également de créer un label « employeur partenaire de la démocratie locale » ou « entreprise citoyenne » pour les structures comptant des élus locaux dans leur effectif, à l'instar de ce qui existe pour les sapeurs-pompiers volontaires. Il pourrait être envisagé des avantages fiscaux ou l'octroi d'un crédit d'impôt spécifique de l'État ainsi que la reconnaissance au titre de la responsabilité sociale des entreprises ;
Nous recommandons ensuite de réduire à douze ans la durée requise pour bénéficier de l'honorariat municipal. Actuellement cette durée est de quinze à dix-huit ans selon les niveaux de collectivités.
Nous recommandons enfin de modifier la dénomination sous laquelle apparaissent les heures d'absence d'un élu sur son bulletin de salaire en passant d'« absence non rémunérée » à « absence fonction d'élu local de la République ». Symboliquement, cela nous semble juste.
S'agissant du quatrième thème, si nous voulons assurer une meilleure représentativité de la société et lever les obstacles aux candidatures des catégories de genre, d'âge ou socio-économiques sous-représentées, il convient de faciliter l'exercice du mandat pour tous les élus, quelle que soit leur situation. Nous proposons ainsi six mesures concrètes.
La première vise à permettre la poursuite de l'exercice du mandat pendant le congé maternité/paternité des élus, sauf avis du contraire du praticien en cas de congés maternité, et reconnaître donc la légalité du cumul des indemnités de fonction avec les indemnités journalières versées aux femmes enceintes élues.
La deuxième a pour objet d'élargir la possibilité de prise en charge des frais de garde d'enfants à l'ensemble des activités de l'élu nécessaires à l'exercice du mandat local. En effet, ces frais de garde sont principalement engagés le soir ou le week-end (réunions publiques, séminaire de l'exécutif, réunions de préparation).
La troisième consiste à étendre la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus pour la participation aux réunions liées au mandat jusqu'aux communes de 10 000 habitants.
La quatrième vise à réactiver les négociations bilatérales avec les États voisins de la France afin de conclure des conventions limitant les conséquences négatives de l'absence d'harmonisation entre statuts pour les élus transfrontaliers.
La cinquième consiste à prendre en compte le fait d'exercer un mandat électif dans les entretiens professionnels à l'instar de ce qui est fait pour les salariés élus du personnel ou délégués syndicaux. Il faut que l'employeur tienne compte de cette fonction, par exemple en favorisant le télétravail ou en adaptant l'organisation interne dans la mesure du possible.
Enfin, la sixième a pour objet d'autoriser, sous certaines conditions à définir, la visioconférence pour les réunions et les commissions au niveau du bloc communal.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Notre cinquième thème vise à faciliter l'entrée dans le mandat. Le contexte des élections de 2020, avec les contraintes fortes sur les réunions en présentiel compte tenu de la crise sanitaire, a mis en évidence l'importance de ce moment. Nous recommandons de faciliter et solenniser l'entrée dans le mandat en accompagnant les élus locaux, notamment les nouveaux élus.
Nous avançons cinq mesures concrètes :
- instaurer une cérémonie officielle de prestation de serment de chaque maire devant le conseil municipal ;
- suggérer aux associations d'élus d'adresser un courrier pour informer les élus sur leurs droits. Ce courrier mettrait en avant la contribution indispensable des élus locaux au service de la collectivité et la chance pour une entreprise ou une administration de compter des élus dans leurs équipes ;
- créer un droit à l'information des élus locaux en début de mandat, qui se traduirait par la mise en place d'une ou deux journées d'information mobilisant les associations d'élus et les services de l'État quelques semaines après le scrutin. Ces journées auraient pour objectif de poser les fondamentaux de la fonction de maire et seraient une porte d'entrée du dispositif de formation en expliquant aux élus comment mobiliser leurs droits à formation encore trop méconnus et particulièrement complexes à mettre en oeuvre ;
- élaborer un memento ou un guide du statut des élus locaux qui traduise le droit en langage courant, afin de faciliter la compréhension et l'appropriation des dispositifs légaux par les élus. Ce memento serait remis lors des journées d'information de début de mandat que je viens de mentionner. Il permettrait ainsi de regrouper les points ayant trait aux conditions d'exercice du mandat local pour être diffusé aux employeurs et aux gestionnaires de ces dispositifs (DRH notamment). Il serait réalisé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) ;
- mettre en place un système de parrainage, sur la base du volontariat entre les nouveaux maires élus et d'anciens maires du département (hors de la commune concernée), organisé par les associations locales d'élus.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Enfin, notre sixième et dernière recommandation a trait à la formation des élus tout au long du mandat.
La réforme de la formation des élus locaux de 2021 n'a pas encore produit tous ses effets. S'il semble encore un peu tôt pour tirer un bilan, quelques rappels et améliorations peuvent être faits.
Tout d'abord, il faut inciter les élus locaux à faire usage de leurs droits à la formation. Les collectivités de rattachement de l'élu pourraient aussi être incitées à s'impliquer plus en avant dans la formation de leurs élus en abondant leurs comptes DIFE.
Nous proposons d'étendre le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale (CFESES), aux formations à l'exercice d'un mandat local et pas seulement syndical. Ce congé, rappelons-le, ouvert à tous les salariés, leur permet de s'informer et de se préparer à l'exercice d'un tel mandat. Il faudrait offrir la même possibilité pour des fonctions d'élu local.
Nous recommandons aussi d'étendre les possibilités de report des crédits formation non consommés au budget formation de l'exercice suivant en cas de création d'une commune nouvelle.
Nous demandons de simplifier l'accès et le fonctionnement de la plateforme numérique du DIFE. S'il convient de sécuriser le DIFE, le recours à une procédure dématérialisée « Mon Compte élu » a, depuis janvier 2022, rebuté plus d'un élu. Ceux qui ont fait l'effort de s'adapter à ce dispositif ont rencontré de nouvelles difficultés liées à l'obligation de créer une identité numérique La Poste avant de procéder à l'achat d'une formation en ligne. Nombre d'entre eux ont abandonné, avec le sentiment que tout était fait pour les dissuader d'utiliser le DIFE et de se former.
Enfin, nous pensons qu'il faut relever le niveau de compensation financière dont bénéficient les élus qui perdent du revenu en se formant, de 1,5 SMIC à 2 SMIC.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je précise que la question relative à la déclaration de patrimoine pré-remplie a été posée par Monsieur Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), lorsque nous l'avons auditionné au sein de la commission des lois.
S'agissant de la formation, le dispositif est aujourd'hui géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), mais il est entaché par de très nombreux problèmes. Cette situation ne peut pas durer : certains élus n'arrivent même pas à s'inscrire. J'ai écrit au directeur de la Caisse il y a plusieurs mois, mais il m'a été répondu que de telles difficultés n'existaient pas, à leurs yeux. Je pense que la délégation devra s'occuper de ce sujet, pour demander des comptes.
Vos préconisations sur le temps de formation en début de mandat constituent une excellente idée. Dans certains départements, il existe des « universités des maires », c'est-à-dire des séquences de sensibilisation organisées par des associations départementales de maires, parfois en lien avec les services de la préfecture. Je vous remercie enfin pour le travail conséquent que vous avez mené sur les prises illégales d'intérêts et la menace qui pèse sur tous les élus.
Mme Agnès Canayer. - Les élus nous font souvent part des difficultés qu'ils éprouvent pour concilier leur vie politique avec leur vie professionnelle et personnelle. J'observe que la demande d'un guide d'information est transversale et je me demande s'il ne faudrait pas disposer d'une plateforme dédiée où les élus pourraient obtenir des informations et disposer de liens les renvoyant vers le DIFE ou l'ensemble des outils.
Ensuite, je rappelle que Didier Migaud lui-même nous avait suggéré d'introduire un amendement sur la prise illégale d'intérêts dans la loi sur la confiance dans l'institution judiciaire. Malheureusement, nous constatons que cela n'a pas suffi. Au-delà de ces sujets, se pose la question de la considération du rôle et de la place des élus par la justice, dans la mesure où les magistrats témoignent fréquemment d'une grande défiance naturelle à leur encontre. J'ai en tête le témoignage récent d'une maire qui a été particulièrement maltraitée au tribunal.
M. Daniel Gueret. - Je m'associe à mon tour aux remerciements adressés à nos collègues rapporteurs. Ce sujet est particulièrement important et conditionne en partie l'engagement, notamment des plus jeunes, à prendre des responsabilités dans les collectivités.
Lorsqu'un élu prend une disponibilité professionnelle, ce que la loi prévoit pour un certain nombre de collectivités, il se retrouve en marge de son entreprise pour un mandat, mais doit ensuite se positionner. Il s'agit notamment d'élus qui sont assez jeunes à ce moment-là et doivent réaliser des investissements immobiliers. Or si l'administration fiscale ne s'embarrasse pas de considérations pour reconnaître depuis 1992 les indemnités perçues par les élus comme des revenus, il n'en va pas de même pour les organismes bancaires. Il faudrait, d'une manière ou d'une autre, imposer à ces organismes bancaires d'adopter le même point de vue, pour améliorer l'accès à l'emprunt.
Ensuite, de nombreux élus éprouvent une gêne à aborder ces questions, dans la mesure où ils redoutent le regard des autres et craignent que l'opinion n'y voit là qu'une manière pour eux d'obtenir un régime spécial. Je vous remercie pour votre travail, qui apparaît essentiel à l'heure où nous allons éprouver de plus en plus de difficultés pour trouver des hommes et des femmes qui s'engagent dans la vie publique, notamment à l'approche des élections municipales de 2026.
M. Bernard Delcros. - Je remercie l'ensemble de nos rapporteurs pour leurs propositions particulièrement concrètes. Par ailleurs, je m'inquiète au sujet des indemnités auxquelles élus des petites communes de moins de 500 ou de 1 000 habitants ont droit, qui nécessiteraient une prise en charge par l'État. Nous devons intervenir dans ce domaine.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Il est exact que l'interprétation juridique de l'esprit de la loi modifiée sur la définition du délit de la prise illégale d'intérêts, notamment par les juges de la Cour de cassation, interroge. Nous avions imaginé que la nouvelle définition était plus souple, moins contraignante et qu'elle pouvait s'appliquer aux situations antérieures, mais telle n'est pas la lecture qu'en fait l'institution judiciaire. La Cour de cassation considère ainsi que la nouvelle définition, centrée sur l'impartialité plutôt que sur « l'intérêt quelconque » ne fait pas avancer le sujet.
Ensuite, je partage les commentaires de Daniel Guéret concernant les organismes bancaires, qui ne prennent pas en compte les indemnités pour délivrer des crédits bancaires, alors que celles-ci sont bien considérées par l'administration fiscale ou la justice, par exemple dans le calcul des pensions alimentaires.
Enfin, la question des indemnités des élus dans les petites communes est effectivement patente.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Cette situation compliquée n'incite pas les plus jeunes à se présenter aux élections.
M. Thierry Cozic. - Je félicite nos collègues pour la qualité de leur rapport, que je trouve aussi très pragmatique. Par ailleurs, votre proposition de cérémonie de prestation de serment du maire me paraît particulièrement intéressante. Pouvons-nous envisager d'élargir cette cérémonie à d'autres fonctions exécutives, par exemple dans les intercommunalités ou au conseil régional ? Depuis 2020, la Charte des élus doit être lue en début de mandat, mais elle est assez vite oubliée. L'idée d'une prestation de serment plus solennelle me semble donc sans doute plus pertinente.
Ensuite, le DIFE peut être reporté une année après la fin du mandat. Ne serait-il pas pertinent d'allonger cette période pour laisser du temps aux élus, après cette phase de « deuil » ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Je précise que cette prestation de serment interviendrait dans le cadre du conseil municipal et n'entraînerait aucune obligation juridique.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous avons uniquement envisagé cette cérémonie à l'échelle de la commune, dans la mesure où les présidents d'intercommunalités ou d'exécutifs départementaux ou régionaux sont déjà généralement plus expérimentés en matière de responsabilité publique. Ensuite, nous n'avons pas envisagé un allongement de la durée du DIFE.
M. Cédric Chevalier. - La question des avantages sociaux comme le treizième mois ou les tickets restaurant a été mentionnée, mais je pense qu'il est également pertinent de réfléchir à l'intéressement et à la participation.
Ensuite, pourquoi avez-vous limité l'extension de la compensation par l'État des frais de garde engagés par les élus aux communes de moins de 10 000 habitants ? J'imagine en effet que la problématique se pose quelle que soit la taille de la commune.
Je suis particulièrement intéressé par la notion d'information ou même de formation en amont des élections et le congé d'absence associé. Ce dispositif permettrait non seulement de sensibiliser nos concitoyens au rôle de l'élu, mais aussi les entreprises au-delà des a priori. Donnons la possibilité aux salariés des entreprises de s'inscrire dans la démarche d'élu local, s'ils sont intéressés. En résumé, cette formation ne peut-elle pas avoir lieu également en amont du mandat ?
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Nous englobons tous les avantages sociaux et financiers dans notre dispositif. La formation a pour but de donner aux jeunes élus conscience des responsabilités dans lesquelles ils s'engagent, mais aussi de redorer le blason des élus auprès des entreprises. Parfois, les salariés n'osent même plus dire au sein de leurs entreprises qu'ils sont élus.
M. Pascal Martin, rapporteur. - S'agissant des frais de garde, la loi n'autorise aujourd'hui que les élus des communes de moins de 3 500 habitants à pouvoir bénéficier d'un remboursement par l'État. Nous proposons d'étendre le seuil à 10 000 habitants, en sachant que le coût supplémentaire pour l'État est de 500 000 euros par an environ. Ensuite, l'idée d'une préformation est séduisante, mais pas nécessairement aisée à mettre en place.
Mme Françoise Gatel, présidente. - La campagne de promotion et de communication de type « Engagezengagez-vous » est intéressante. Le sujet de la formation en amont pose la question du financement. Aujourd'hui, une association propose des formations à de futures candidates, qui peuvent utiliser leur DIF à cette fin.
S'agissant de la prise en charge des indemnités par l'État, nous proposons que la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) soit élargie aux communes comptant jusqu'à 3 500 habitants. Je rappelle également que nous avons manifesté notre souhait que l'État contribue à hauteur de 10 %, pour toutes les communes, quelle que soit leur taille.
La proposition d'une prestation de serment est extrêmement pertinente, parce qu'elle offre une certaine solennité, sans que lui soit attribuée une valeur juridique particulière. L'association des maires ruraux proposait d'ailleurs que celle-ci se tienne en préfecture, mais il semble plus pratique de l'organiser dans le cadre du conseil municipal.
Ensuite, vous avez proposé à juste titre d'élargir la possibilité de visioconférence. Je au bloc communal. Je vous propose de préciser que cet élargissement s'adresse aux communes et intercommunalités. l'élargir au bloc local, pour les intercommunalités.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous souscrivons à cette précisionvotre proposition.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Elle est effectivement particulièrement justifiée dans les départements ruraux.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail. Il faut trouver le moyen d'associer les employeurs régulièrement, par exemple en les invitant à un événement à la fois solennel, mais aussi convivial au niveau des intercommunalités, autorités compétentes en matière de développement économique. Ce genre d'événements doit permettre de les valoriser, en tant qu'entreprises citoyennes.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous allons engager un travail avec la délégation aux entreprises sur l'élu employé, autour des notions d'engagement citoyen et de reconnaissance.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous avons également réfléchi à un dispositif s'inspirant des conventions existantes entre les employeurs publics et privés et les services départementaux d'incendie et de secours. Jean-Marie Vanlerenberghe propose le niveau intercommunal. Nous n'avons pas creusé cet aspect dans le cadre de la mission flash, puisque cela allait au-delà des missions que nous nous étions assignées. Chacune des recommandations devra être approfondie, pour cerner les limites juridiques et évaluer les conséquences budgétaires. Mais je partage l'idée consistant à mieux associer les employeurs d'élus.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Nous aurions aimé auditionner des employeurs, des DRH, des entreprises publiques ou privées, ce que le temps court de la mission flash ne nous a pas permis de réaliser.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous allons travailler à ce sujet en compagnie de la délégation aux entreprises, y compris avec des organisations patronales. Ce dialogue nourri avec les entreprises est essentiel, notamment pour lever les freins qui peuvent subsister concernant les absences des salariés élus.
L'étude de la situation des pompiers volontaires est à ce titre judicieuse, y compris pour communiquer auprès du grand public, lequel pense parfois que les élus bénéficient de nombreux avantages. Tout comme le pompier volontaire, l'élu agit dans le cadre d'un engagement citoyen. Un rappel de ce discours permet de faire évoluer favorablement le regard des gens sur les élus.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Quand un employeur décide de signer une convention de disponibilité avec le SDIS pour un sapeur-pompier volontaire, la difficulté concerne les absences dues aux interventions, car elles ne sont pas prévisibles. De notre côté, nous insistons sur les absences en cas de crise sur les territoires des élus. La libération des élus lors de telles périodes devrait être intégrée dans les crédits d'heures ou les autorisations d'absence.
Mme Françoise Gatel, présidente. - Je remercie les neuf rapporteurs pour leur travail d'importance. Il y a urgence à agir aujourd'hui. Il faut qu'à un moment, la République ose affirmer que l'engagement des citoyens au service de tous est une nécessité, qui doit être respectée et reconnue par tous. Il est l'heure de le faire.
Chers collègues, je vous soumets l'adoption des recommandations de ce rapport.
Le rapport est adopté à l'unanimité des sénateurs présents.